Poisson Rouge
NDA: Je ne sais pas comment, ni pourquoi j'ai écris ce truc affreux. C'est pas ma faute, mais celle de Antsua, ton univers impitoyable. (Clin d'œil à Tyll) Je n'avais aucune idée, et j'ai écris ça en une heure. Au moins, pour une fois, je finis une fic… C'est parti
Je laisse traîner mon regard sur ce miroir. Mon reflet me plait. Il me parle mais ne me ment pas. Aux autres peut-être, mais à moi jamais. Des cheveux d'un jaune fluorescent tombent sur mes épaules tandis que deux yeux vairons – un rouge-sang coagulé et un bleu électrique – me fixent attentivement. Une bouche fine, des traits androgynes, voilà le portrait de celui qui fait retourner les filles sur son passage, du haut de son petit mètre soixante-dix.
J'ai quinze ans et pourtant ma vie est déjà foutue.
Je suis intelligent pourtant. Malgré un an d'avance dans mes études, je n'ai aucun mal à l'école, en cours comme en dehors. J'ai pas mal d'amis, je plais aux filles, aux femmes même – aucune ne me plait – j'ai une famille normale, n père pasteur, une mère médecin, une petite sœur, une tortue et un poisson rouge. J'ai tout pour être heureux, comme on dit.
Ce soir je déprime.
C'est la Saint-valentin.
Je suis invité à plusieurs fêtes, chez des gens que je connais plus ou moins bien, mais je sais que je n'irai pas. Je ne resterai pas non plus dans ma chambre. Je vais aller me terrer dans une boîte peu connue et essayer d'oublier un peu.
Oublier que, comme chaque année, j'ai déçu ma mère, en lui répondant " pas cette année m'man " quand elle m'a demandé si je lui présenterai une fille.
Ok, ça ne risque pas d'arriver.
Je suis gay.
Même pas bi. Gay. Homo. Pédé. Une sale tapette quoi.
Ça se soigne?
Oui, je suis gay et j'en ai honte. Je suis pas prêt à faire face à tout ça. C'est vrai quoi, j'ai que quinze ans, j'ai pas demandé à être anormal.
Croyez-moi, ça m'a fait un choc quand j'ai réalisé que je regardais mon meilleur pote comme je devrais pas, quand j'ai compris que je matais pas les filles mais les mecs – les hommes! – dans la rue. Quand j'ai trouvé ce mec mignon.
Le jour où je lui ai dit, à ce dealer, que je le trouvais beau, il m'a donné l'adresse de ce club, le "joyeux – gai? – luron", au nom débile. C'est là que je bosse tous les soirs pour payer ma dope. C'est là que, cette nuit encore, je vais assouvir les fantasmes de ces pauvres types qui me dégoûtent autant que moi-même.
Un gay homophobe. On aura tout vu.
Finalement ce job me convient. Mon apparence insolite attire les clients, mes penchants leurs conviennent parfaitement, je jouie au moins trois fois par nuit…
Je suis cru, non? Dégueulasse… M'enfin, c'est pas comme si vous me connaissiez, hein? Vous n'allez pas casser le mythe.
Normal, je m'en suis chargé tout seul.
Vous ne m'en auriez pas pensé capable, si?
Après le "pas cette année m'man", il y a eut un "et probablement jamais. De toute façon je préfère les mecs".
J'ai pas eu droit au fameux "mais qu'est-ce que j'ai raté dans ton éducation?". Elle m'a même pas dit que je la dégoûtais. Elle m'a simplement pas cru.
Elle a dit.. Elle a dit qu'il y a suffisamment de mecs qui en souffrent sur la planète pour que je me moque d'eux. Et moi, lâchement, avec mon "c'est vrai m'man. Excuse-moi", j'ai pas démenti. À ce moment, mon dealer-amant-pote de galère – on vit comme on peut – est arrivé pour me déposer au club. Je me suis levé, lui ai roulé une pelle et ai claqué la porte sans un regard pour ma mère.
Elle a dû être choquée. Tant mieux. Elle aura moins de peine après mon suicide.
L'avantage d'être le pote d'un dealer, c'est que je sais exactement comment provoquer une overdose.
Finalement je suis pas mort, mais c'est pas passé loin. Une graduation sur la seringue et c'était bon. Je crois que Fab' se doutait de quelque chose. Il me dit que maintenant qu'il m'a sauvé la vie, il a moins de remords de me l'avoir gâchée. Je lui répond que s'il veut se racheter, il vaut mieux m'achever. Il sourit en disant que je suis trop loin dans mon trip pour réaliser. Que je lui aurais manqué. Qu'il m'aime bien après tout. Qu'il m'aime tout court et qu'il en profite vu que demain je ne me souviendrai plus de rien, et que je reprendrai ma vie pépère, sans faire le trottoir vu qu'il ne veut plus me voir. C'est lui qu'on aurait dû retrouver une seringue dans le bras à ce qu'il raconte, parce qu'il est raide dingue d'un putain de gosse de riches qui se croit malheureux parce qu'il est gay alors qu'il y a des putains de gens qui l'aiment et qui sont prêts à l'accepter, un putain de dealer par exemple.
Je met un certain temps à réaliser qu'il parle de moi.
"Je suis un putain de gosse de riche de merde", je fais.
"C'est vrai," il répond, "mais c'est comme ça que tu me plais gamin."
Ah, je vous ai pas dit? Il a trente-sept ans. Il pourrait être mon père en cherchant bien. Loin, très loin, parce que Fab' et moi, on a pas vraiment des rapports père-fils. Sexuels qu'ils sont plutôt, les rapports.
Il m'embrasse d'ailleurs. Faudrait peut-être que je réponde. Patientez un peu…
Pour un camé, je me sens bizarrement lucide. Bon, étonnamment joyeux, je lui demande s'il veut vraiment mon cœur, ou seulement mon corps. Sa réponse me coupe le sifflet.
"Je me contente de ce que t'as à m'offrir", qu'il dit.
Faisons tous ensemble le bruit du vent: Ffuuuuuuuuuuuu.
Je retrouve tout de même vite ma verve habituelle, et sort de ma grande gueule: "Tu dis ça à tous les mecs qui passent dans ce lit où seulement à ceux qui sont aussi cons et camés que moi?"
Tiens? Pourquoi il me laisse en plan comme ça? Qu'est-ce qu'il a ce flacon? J'ai juste essayé de me le vider dans le bras, c'est tout. Ah, d'accord, c'est que de l'eau… Ça aurait pu me tuer mais c'est pas assez fort pour me shooter…
Je peux lui dire que je l'aime alors, il me croira?
Ah, non, il me croit pas. C'est vrai pourtant. M'enfin, c'est qu'un détail. Ce qui compte pour le moment c'est qu'il me laisse pas comme un con et que je soies obligé de m'arrêter de bander avec ma main droite.
Ah, sa bouche, c'est vrai que c'est mieux. Aaaaaaaaaah, ça fait du bien.
Mais pourquoi il a l'air triste? Il a fumé ou quoi? Les larmes ça va pas avec mon sperme qui dégouline de sa bouche. Eh! Je veux pas avaler un truc aussi dégueulasse moi! J'ai beau me débattre, il me tiens bien. Il va me violer? Je tomberai pas plus bas de toute façon. Mais… il devient plus doux… Et…
Oh là là! Il dort. Il est mignon comme ça. Il a l'air d'un ado. Je pourrai en profiter pour me lever et en finir, mais ça se fait pas de le laisser trouver ça de bon matin. Et puis je suis bien là. Finalement je crois que je vais vivre. Encore un peu. À ses côtés, tant qu'à faire. On aura une maison, un jardin, et un chat.
Parce que j'aime pas mon poisson rouge. Il me ressemble trop, toute la journée à bailler dans son bocal. Hey, Anatole, plutôt que de te lamenter en tournant en rond, lors que t'es logé-nourri-chéri, dis-toi qu'un jour t'aura peut-être comme cadeau une jolie anémone. Ou un piranha.
Comment ça que je m'occupe de mon propre aquarium?
Ça sonne bien, "un poisson nommé Krys"?