Auteur : Isa ()

Note : envie soudaine d'écrire du Kawai réaliste et pour changer des animes/mangas.

Genre : romance, lycée, shonen-ai

Illusions

Chapitre 1

Je ne suis pas du genre très bavarde. Peut-être est-ce pour cela que les autres m'évitent et me taquinent sans arrêt. Cette histoire est celle de ma première année de lycée. Et je vais tenter de vous la retranscrire le plus véridiquement possible.

Il faut savoir qu'au Japon, il existe plusieurs moyens pour entrer au lycée. L'un d'entre eux est de choisir un collège qui permet d'entrer directement au stade supérieur, on ne fait que 'changer' d'étage. Un autre est de passer un concours d'admission qui est très souvent difficile et demande énormément de travail. Je suis dans le deuxième cas. Mon collège ne possédait pas de lycée et j'ai donc du étudier pour en choisir un. Celui que j'ai sélectionné à un niveau excellent et j'ai du travailler d'arrache pied pour être à même de passer leur admission. Si je réussis, je ferais partie des externes ceux qui ne viennent pas 'd'en bas', mais je m'en fiche, je suis là pour bosser et réussir. Ces jours-ci j'attends la lettre de confirmation avec impatience. J'espère de tout coeur avoir été acceptée.

En ce moment, je suis chez moi, près de Mito dans la préfecture d'Ibaraki au Nord Est de Tokyo. Notre maison est l'une des plus grandes du quartier.

Mais je ne l'aime pas, à quoi cela sert-il d'avoir une grande maison quand nos parents ne sont jamais là?

Mon père travaille sans arrêt et ma mère passe son temps chez ses amies à boire le thé ou à coudre. Je ne me plains pas, cela m'a permis d'apprendre à me débrouiller toute seule et a été un bon argument quand j'ai émis le choix de partir à Tokyo pour la suite de mes études. Ma mère n'a rien dit, se contentant d'hocher de la tête. Mon père m'a félicité de cette initiative et m'a encouragé à persévérer dans cette voix, me disant que ce lycée était un bon moyen de trouver une université après coup. Moi tout ce que je veux, c'est avoir mon indépendance et vivre ma vie. Et c'est le seul moyen que j'ai trouvé pour cela.

Je pose mon livre de physique et soupire. Les vacances de Printemps touchent à leur fin et je n'ai toujours aucune idée de ce que je vais faire. Cette lettre n'arrive pas et je commence à m'en faire. Si je n'ai pas été acceptée, je vais devoir continuer dans l'un des nombreux lycées de Mito et cela ne m'enchante guère. Mais je devine que la sélection est rude, et que les dirigeants font très attention aux demandes.

Je me lève et m'approche de mon miroir. L'image qu'il me renvoie et celle d'une jeune fille de seize ans, avec de courts cheveux bruns et des yeux noisette. Je suis quelconque, ressemblant à la majorité des autres filles de mon âge et ne cherchant aucunement à sortir du lot. Et pourtant, malgré mon envie de rester tranquille dans mon coin, je n'ai pas eu une scolarité très joyeuse. Les autres ne faisaient que m'embêter car je ne répliquais jamais et que j'avais l'air trop sérieuse. Cette ambiance dans laquelle j'ai vécu mes précédentes années, je veux l'oublier et, changer complètement d'environnement me le permettra. Je fais une mimique de sourire en ressassant mes souvenirs puis sursaute en entendant du bruit.

Le téléphone sonne. Je me dépêche de descendre pour décrocher et ne suis pas surprise d'entendre la voix de mon père me disant qu'il va rentrer tard ce soir et qu'il ne fallait pas l'attendre. Je lui souhaite une bonne soirée et me dirige vers la cuisine. Ma mère est partie en 'vacances' chez ses parents et je serais donc toute seule. Je décide de me faire des onigiris et d'aller manger sur la plage qui se trouve à une dizaine de minutes à pied. Je prends mon carnet de note et mon sac et sors de cette grande maison vide.

Arrivée près de la barrière, une voix s'élève et je me tourne pour rencontrer les yeux noirs de ma voisine.

« Oh, mais c'est la petite Aimy comment vas-tu ma chérie? ».

La voisine a toujours eu un faible pour moi. N'ayant pas d'enfants et voyant ma solitude, elle s'est occupée de moi quand j'étais plus jeune. Je l'aime beaucoup, elle est chaleureuse et n'hésite jamais à offrir son aide quand on en a besoin.

« Bonjour, Satoshi-san. Je vais bien et vous? Ce coup de froid? ».

« Ce n'était rien, c'est passé! Et où vas-tu? ».

« A la plage. Je souhaite continuer mon histoire ».

Elle me fait un grand sourire et acquiesce vivement. Elle est la seule personne à connaître mon envie de devenir écrivain. C'est une passion que j'ai développée depuis toute petite, sans doute même depuis le jour ou j'ai pu tenir un crayon et aligner deux kanji. Je n'ai jamais parlé de ce secret à mes parents. De toute façon, ils n'en auraient pas fait le cas. Alors à quoi bon leur dire?

Nous nous saluons et je me dirige tranquillement vers la plage.

C'est à ce moment que j'ai rencontré mon destin. Je ne suis pas superstitieuse pourtant, mais en y réfléchissant après coup, je me suis dit que si je n'étais pas venue, tout aurait été différent?

La plage est quasiment vide à cette heure avancée de l'après midi. Vers six heures les gens la désertent, préférant aller rapidement trouver un coin pour se restaurer. Je m'installe sur ma couverture et sors mes notes. Je relis mes dernières phrases et m'immerge dans mon monde fantastique, grignotant par moment ma boulette de riz. Je dois écrire depuis une trentaine de minutes quand une voix me fait lever la tête. Habituellement, je ne suis pas du genre à m'intéresser aux garçons. Je les trouve stupides et immatures. Pourtant cette fois mon regard en accroche un. Il doit avoir environ mon âge, peut-être plus âgé. Des cheveux de couleur légèrement teinte tirant sur le marron clair avec reflet blond, il porte un caleçon, laissant apparaître ses muscles finement dessinés et montrant de ce fait qu'il prend soin de lui. Il est plutôt grand, et il est beau. Je rougis à cette pensée et replonge mon nez dans ma page. Je relève les yeux tout de même pour voir ce qu'il fait. Il avance doucement dans l'eau qui lui arrive maintenant aux cuisses. Puis tout d'un coup il se retourne et fait des grands signes en criant:

« Tooooruuuu, allez, viens! Elle est bonne! ».

Je tourne légèrement la tête pour voir où se trouve 'Tooooruuuu' et aperçoit un autre garçon près de l'entrée de la plage. Il est complètement différent de l'autre. Il a de courts cheveux noirs, une taille normale et il porte un tee-shirt et un jean. Il n'a pas enlevé ses chaussures et semble ne pas vouloir marcher sur le sable. Je le vois secouer la tête en un signe négatif puis il m'aperçoit. D'ici, je ne peux voir la couleur de ses yeux, son visage est aussi très beau. Je me rends compte avec effarement que je le décortique du regard et qu'il a du s'en apercevoir. Je retourne alors dans mes papiers et reprends mon écriture sans me préoccuper plus d'eux. Plusieurs minutes passent et une voix grave aux intonations qui ne sont pas de la région s'élève près de moi.

« Que fais-tu? ».

Je lève la tête pour croiser des noisettes comme les miennes. Toru est agenouillé devant moi et fixe avec une curiosité évidente le cahier que je tiens maintenant contre mon coeur. Je rougis vivement et secoue la tête:

« Ce n'est rien, juste des devoirs! ».

Une mèche tombe sur ses yeux et il la remet en place en souriant. Mes yeux suivent le mouvement, il a de longs doigts parfaitement manucurés et je demande bien qui il peut être.

« Ah, tu fais tes devoirs à la plage? ».

Sa voix est amusée et son sourire toujours présent. Je baisse la tête et murmure:

« Et pourquoi pas?"

« Hum ».

Je la relève et le vois installé près de moi, assis sur le sable sans serviette. Il fixe l'océan et l'autre garçon qui nage maintenant parmi les vagues du Pacifique.

Le silence s'installe, je n'ai jamais été très douée pour amorcer une conversation. Je tourne légèrement la tête vers lui et le vois qui me regarde. Je replace mon regard vers le devant puis sursaute quand il se met à parler.

« Comment t'appelles-tu? ».

« Aimy ».

« Et tu habites ici? ».

J'acquiesce simplement puis prends mon courage à deux mains.

« Et toi? ».

Il élargit son sourire puis tend le doigt vers l'eau.

« Je suppose que tu l'as entendu. C'est Toru. Et je viens de Osaka ».

J'hoche de la tête. Oui, l'accent est le même que celui de ma tante qui vit à Kyoto, voila pourquoi il me semblait familier.

« Il est joli ».

« Hein? ».

Je le regarde avec surprise.

« Ton sourire. Tu as l'air trop sérieuse pour ton âge ».

J'ouvre de grands yeux puis me lève en faisant tomber mes feuilles. Sous une impulsion, je me mets à crier. J'aperçois ses yeux emplis de surprise.

« De quoi est-ce que tu te mêles?! Tu ne me connais pas ! ».

Je ramasse vivement mes affaires puis m'éloigne de lui en courant. Il s'est levé mais j'ai le temps de m'enfuir avant qu'il ne me rattrape. Il n'a pas l'habitude de marcher dans le sable apparemment, contrairement à moi.

« Aimy! Attends! Je ne... ».

Le reste se perd dans le vent. Des larmes viennent perler à mes yeux. Et je laisse éclater ma peine une fois enfermée dans ma chambre. Pourquoi de tous les mots qu'il pouvait me dire a-t-il choisi ceux-la? Je n'y suis pour rien si j'ai l'air sérieuse. C'est le seul moyen que j'ai trouvé pour obtenir un peu d'attention de la part de mes parents, en leur ramenant de bonnes notes et la première place du classement. Et ce n'est pas en m'amusant, en souriant, en sortant avec les autres que j'y serais parvenue. Habituellement, ce genre de commentaire me laisse indifférente, mais cette fois, pour une raison qui m'échappe ces quelques mots m'ont fait très mal. Je revois le regard surpris de Toru et j'entends son appel et mon cœur se met à battre plus vite. J'ai été stupide, il ne pensait pas à mal en disant cela.

Je décide d'aller m'excuser quand la sonnette tinte. Je fronce les sourcils et descends rapidement pour ouvrir la porte. Ma voisine se tient face à moi avec sérieux. Elle me tend une lettre sans mot et me fixe du regard. Je la prends, la main tremblante et l'ouvre avec lenteur. Mon cœur bat à nouveau la chamade mais pour une raison différente, parce j'ai peur de ce que je vais lire. Je respire un bon coup et parcours rapidement la missive surmontée des armoiries du lycée que je désire rejoindre. Mes larmes commencent à couler et je tends la lettre à ma voisine pour qu'elle puisse la lire elle-même, moi aucun mot ne pourrait sortir.

XXXXXXX

Toru fixa le ciel étoilé puis soupira. Les vacances de Printemps étaient quasiment achevées et dans trois jours, il serait à nouveau à Tokyo, prêt à endosser l'uniforme et à subir une nouvelle année de lycée. Il n'était pas particulièrement ravi de cette reprise. Il allait retrouver l'atmosphère si tendue de Y, l'un des plus prestigieux lycées de la région. Mais surtout il allait retrouver cette horde de fille qui l'avait classé second garçon le plus populaire.

Depuis le collège, il avait toujours été adulé et aimé, mais en grandissant il trouvait énervant d'avoir toutes ces filles la bouche en coeur derrière lui. Et il ne voulait pas qu'elles l'aiment pour son physique, mais pour lui. Bon, il est vrai que son visage était bien dessiné: des yeux noisettes surmontés de cils fins et assez longs pour un garçon. Il avait arrêté de porter ses lentilles afin de 'se cacher' derrière ses lunettes. Il avait coupé ses cheveux courts et avait stoppé de les teindre depuis deux ans, ils étaient redevenus aussi sombres que cette nuit d'Avril.

Bref, il détestait les rentrées de vacances, la Saint Valentin et son anniversaire. Quoique celui-ci ait lieu pendant les vacances d'hiver et il était le plus souvent épargné mais son casier était toujours plein lors de ces circonstances. Afin de se débarrasser de la plupart des filles, il se montrait ordinairement froid et pas très aimable. Sa réputation de garçon peu commode lui permettait de souffler, mais certaines d'entre elles étaient coriaces et le courraient depuis longtemps, comme Akemi, la présidente des élèves. Elle avait insisté pour qu'il devienne son trésorier, mais il avait catégoriquement refusé. Il ne voulait pas devenir membre de ce genre d'institution. Il préférait se consacrer à ses études, sans responsabilités. Personne ne comprenait pourquoi il repoussait la jeune fille. On lui avait demandé s'il n'avait pas un problème. Mais non, simplement Akemi n'était pas son genre de fille. Non, il préférait les filles plus timides, secrètes et sincères.

Il soupira à nouveau et un bras entoura ses épaules.

« Et bien, on dirait que tu es enchanté de reprendre les cours, je me trompe? ».

Il tourna la tête vers le numéro un du lycée puis acquiesça.

« Pas du tout, je suis ravi de retrouver cette horde de filles en furie, de voir mes vêtements déchirés et cette tonne de lettres qui tombera de mon casier quand je l'ouvrirai chaque matin ».

Yuto éclata de rire et s'installa près de lui. Ils étaient installés sur la berge surplombant la plage. Le bruit des vagues rendait l'atmosphère agréable et Toru ferma les yeux en inspirant profondément.

« Je n'ai pas envie de partir ».

« On pourra revenir, c'est qu'à deux heures de train ».

« Hum, on pourrait...Ce serait notre petit coin de paradis ».

Toru sourit puis examina Yuto. Celui-ci fixait l'océan, ses yeux noir brillant. Ses longs cheveux blonds lui arrivaient jusqu'aux épaules et il devrait sans doute les couper pour ne pas avoir de problème avec le directeur. Déjà que la teinture blonde avait été accordée de justesse, parce qu'il était un 'bon élément'. Toru comprenait pourquoi il était le top du lycée, contrairement à lui, Yuto avait toujours le visage souriant, le mot pour rire et il ne refusait jamais d'écouter une déclaration. Son tableau de chasse était florissant et il se faisait un honneur de toujours bien traiter ses petites amies quoiqu'il en changeât assez fréquemment. Toru ne l'avait jamais vu plus de trois mois avec la même. Et tout comme lui, il restait célibataire de longs moments.

Ils s'étaient tous deux réfugiés dans ce coin perdu après un concours de natation qui avait eu lieu deux jours auparavant. Ils s'appréciaient et passaient de longs moments ensembles à discuter de tout et de rien. Ils se connaissaient depuis le primaire et étaient devenus très bons amis. Toru appréciait la gentillesse et l'insouciance de Yuto. Et il savait que Yuto appréciait en lui sa présence et son attention.

Yuto se releva et s'installa cette fois derrière lui. Ses mains massèrent ses épaules et il apprécia. Yuto avait pris des cours de massage après être devenu permanent de l'équipe de natation. A la fin d'un entraînement, tous les membres s'entraidaient et le massage des muscles utilisés était l'une des premières leçons. Toru avait accepté de devenir membre l'année dernière, mais il n'avait pas décidé s'il y restait ou pas. Il n'avait pas la passion de Yuto pour les longueurs, même s'il lui accordait que nager était vivifiant. Les mains s'attardaient sur les points sensibles et Toru ronronna pratiquement son bien-être. Un souffle chaud à son oreille le fit frissonner.

« On dirait que tu apprécies un peu trop mon cher ».

« Tu n'as qu'à arrêter d'être aussi doué ! ».

Yuto émit un petit rire puis posa le menton sur l'épaule du brun.

« Cette année, j'ai décidé d'être sérieux ».

Toru tourna la tête. Leurs visages étaient proches l'un de l'autre et il pouvait lire dans les yeux de son ami, une volonté qu'il n'y avait jamais vu briller. Le cœur battant légèrement plus rapidement, il murmura :

« Sérieux ? ».

Yuto le fixa et acquiesça :

« Oui…Cette année, je veux une relation stable ».

Toru fit un sourire qui n'échappa pas à Yuto.

« Tu ne me crois pas capable ? ».

Toru s'empressa de hocher de la tête en un signe positif.

« Si, si. Ce serait bien. Tu as déjà quelqu'un en vu ? ».

Le brun ne bougea pas, pétrifié par la lueur qui traversa les onyx de Yuto, un désir perçant. Il ne sait pas vraiment ce qui se serait produit si une voix essoufflée ne s'était élevée à cet instant, mais c'est le cœur battant qu'il sentit Yuto se reculer et se lever.

« Vous êtes là ! ».

Il se leva à son tour, tentant d'endiguer le flot d'émotions et de questions qui le parcourait. Yuto allait-il réellement l'embrasser ? Etait-ce son imagination ? Ou bien l'une des nombreuses blagues du blond ?

Il regarda vers la route et aperçut finalement son 'sauveur'. Aimy toute essoufflée les fixait les yeux ronds et les joues rougissantes à la lueur du réverbère non loin. Il la trouva jolie, son air sérieux totalement évincé par cette teinte rose. Elle recula et bafouilla :

« Je…Je suis…Désolée, je ne…Voulais pas vous déranger ! ».

Elle allait repartir aussi vite qu'elle était venue quand il la rappela :

« Aimy ! Attends ! Ce n'est pas ce que tu crois ! ».

'Ce que tu crois' ? Mais qu'est-ce qu'elle pouvait croire ? Deux garçons, l'un derrière l'autre, leurs visages si proches, il n'y avait pas cent cinquante explications.

Yuto prit les devants et répondit avec sa nonchalance habituelle :

« Je lui massais les épaules, Toru a des problèmes avec son dos ».

Toru se mordit les lèvres. Il est vrai qu'il avait un petit problème dû a un coup reçu durant la compétition, mais si elle croyait ce gros mensonge il aurait de la chance.

Aimy ne perdit pas de ses couleurs mais son visage exprima son soulagement. Elle avait sans doute vraiment cru les déranger en pleine scène. Toru s'approcha d'elle en souriant puis présenta Yuto :

« Voici, Yuto. Yuto, Aimy, la jeune fille que j'ai fait fuir tout à l'heure ».

Le visage d'Aimy qui avait repris une teinte plus normale redevint rose foudroyant et Toru crut un instant qu'elle allait encore s'enfuir. Yuto la fixa avec un sourire enjôleur.

« Bonsoir ! Je suis ravie de rencontrer une personne capable de laisser Toru en plan ».

« Yuto ! ».

La brune baissa la tête puis murmura :

« Je suis venue m'excuser, j'ai agi comme une idiote, en fait, c'est… ».

Toru sentant la gêne dans ses paroles intervint :

« Tu n'as pas à te justifier ! C'est moi qui aurait du montrer un peu plus de tact ».

Il vit le sourire en coin de Yuto puis elle secoua vivement la tête.

« Non, je suis toujours comme ça, je ne sais pas vraiment comment agir avec les autres. Je…J'aurais du me montrer plus patiente ».

Yuto la fixa un instant puis s'approcha d'elle. Il lui releva le menton sans aucune honte apparente puis dit :

« Tu habites ici alors. Tu ne pourrais pas nous emmener dans un endroit pour jeune ? Une boite de nuit ou un truc dans le genre ? ».

Aimy ouvrit de grands yeux puis bégaya :

« Eh, bien…Je… ».

Puis elle se rappela car elle s'écria :

« Oui ! D'accord ! ».

Toru regarda vers Yuto qui prit la main de la jeune fille :

« Allons y alors ! ».

Le blond lui lança un coup d'œil puis ils s'avancèrent dans la nuit. Toru les suivit plus lentement, perdu dans ses pensées. Il était arrivé à se calmer mais il ne parvenait toujours pas à faire la part entre la réalité et le jeu de Yuto. Il n'avait jamais été question d'une quelconque relation entre eux. Ils s'entendaient bien c'était un fait, mais de la à devenir plus qu'ami ? C'était la première fois qu'il se posait ce genre de question. Yuto n'était pas désagréable, loin de là, mais…Bon sang c'était un garçon ! Et Toru savait qu'il aimait les filles. Mais cette raison n'était pas valable. On pouvait aimer à la fois les filles et les garçons. Il fit une grimace en sentant poindre un mal de crâne et décida de mettre de côté ses interrogations pour la soirée.

XXXXXXX

Yuto combattait la désagréable impression d'avoir fait une gaffe et il remerciait intérieurement que cette fille soit arrivée avant qu'il n'ait fait une bêtise. Quel idiot, il avait faillit tout gâcher. Mais pourtant, Toru n'avait pas eu l'air de le repousser, simplement attendre ce qui allait se produire. Cela faisait maintenant plus de trois ans qu'il cachait ses sentiments envers le brun, en sortant avec de nombreuses filles en évitant d'être trop longtemps seul avec lui, en jouant avec les mots. Ils avaient pratiquement grandi ensemble et c'était petit à petit qu'il s'était rendu compte des sentiments qu'il éprouvait pour son ami. En fait en dernière année de collège, quand Toru était sorti pour la première fois avec une fille. Il avait ressenti une telle jalousie que cela lui avait fait peur. Une fois, le couple séparé, un soulagement palpable l'avait traversé. Mais depuis, il avait peur de ces sentiments, les refoulant au fond de lui, se disant qu'aimer un garçon était ridicule et insensé. Mais voila, il ne parvenait pas à oublier, au contraire, plus il restait près de lui, plus il l'appréciait. Et finalement, il avait décidé d'être sérieux, il allait lui avouer, quitte à le perdre définitivement. Ce serait dur mais il fallait qu'il sache, Toru représentait tout son monde et il voulait le voir plus souvent, il voulait pouvoir le toucher comme il avait fait plus tôt, le voir rire et perdre cet air sérieux et froid. Mais il savait qu'il n'aurait peut être pas encore assez de courage, alors il patienterait et ferait de cet instant une blague qui lui permettrait de continuer à voir Toru comme avant.

Il lui lança un regard à la dérobée. Le brun était perdu dans ses pensées et il retint un soupir. Il fallait qu'il trouve un moyen de diversion et ce club était le bon endroit. Rempli de jeunes et de musique, le lieu idéal pour oublier ses soucis, pour oublier qu'il était tombé amoureux d'un garçon. Il se leva de la table ou ils s'étaient installés et cria pour surmonter le bruit :

« Je vais danser, si vous voulez venir ? ».

Aimy s'empressa de refuser et Toru secoua aussi la tête. Il leur fit un signe puis partit à la chasse d'un groupe pour s'amuser. Au fond de lui, il regrettait d'avoir proposé cette discothèque, il savait que Toru n'appréciait pas ce genre d'endroit trop bruyant et empli de filles. Mais lui aimait justement pour cela : l'oubli d'une soirée avec des gens inconnus. Il regarda vers la table et aperçut les deux jeunes en pleine discussion. Ce simple fait le mit en colère. Aimy était une fille et elle avait toutes ses chances avec Toru. Le brun aimait ce genre discrète et timide.

Il respira pour se ressaisir puis se laissa aller par la musique et l'ambiance.

XXXXXXX

Je ne sais pas quoi dire. C'est la première fois pour moi d'être en un tel lieu. Je vois les gens rire et danser, s'amuser. Je les contemple un moment puis regarde vers Toru. Il semble comme choqué. Je repense à la scène de tout à l'heure. Même si Yuto m'a dit qu'il ne faisait que masser le dos de Toru, j'avais plutôt l'impression qu'il l'embrassait. D'ailleurs, Toru avait paru si embarrassé. Je me demande quelle est leur relation. Ils sont apparemment très proches l'un de l'autre. Cela me fait penser aux mangas shonen-ai qu'il m'arrive de lire de temps en temps. Et la très forte envie de demander si oui ou non, ils s'embrassaient me traverse l'esprit.

Je cherche ensuite Yuto du regard, il a trouvé un groupe et se balance avec eux. Je tourne la tête vers Toru puis décide de parler, ce qu'il, bien entendu, fait au même moment.

« Tu… ».

Nous stoppons puis éclatons de rire. Il me fait signe de commencer, le reste de son rire présent sur son visage. Je l'admire encore. Il est différent de Yuto, moins direct, plus discret.

« Je me demandais si vous vous connaissiez depuis longtemps ? ».

« Depuis le collège, on a fait les quatre cent coups ensemble ».

Il semble réfléchir puis ajoute :

« Et encore maintenant ».

« C'est génial d'avoir une personne près de soi si longtemps ».

Il me fixe avec surprise puis demande avec douceur :

« Tu n'as pas d'amis ? ».

Je fais non de la tête et décide de me confier. Après tout, Ce n'est pas comme si nous allions nous revoir.

« Je…Ta remarque à la plage, elle est vraie. Et j'en suis parfaitement consciente. Depuis que je suis toute petite, je fais tout pour recevoir de l'attention de mes parents, et avoir de bonnes notes et le seul moyen que j'ai trouvé. Je n'ai donc jamais pris le temps de sympathiser avec les autres ».

« Cela doit être dur ».

« Oui, parfois, je me sens très seule, mais cette année sera différente ! Je vais quitter la maison et aller dans un lycée de Tokyo ! ».

Je sens que j'ai un énorme sourire aux lèvres. Je suis si heureuse de pouvoir enfin partir loin de cet endroit, d'avoir ma liberté.

« Ainsi tu es en première année ? ».

« Oui ! ».

« Je suis en troisième année, et après cela l'université ! ».

Je me rends compte alors qu'il est plus âgé que moi. Ce qui explique aussi qu'il est l'air si mature.

« Connais-tu Tokyo ? ».

« Oui, une de mes cousines y habite. Elle est aussi en troisième année, et je vais aller au même lycée. Elle sera mon guide ».

« Cela te fait drôlement plaisir, dis-moi ».

« Oui. Je ne voulais pas continuer à étudier ici. C'est trop petit et tout le monde connaît tout le monde. A Tokyo, je me sentirai plus…libre ».

Comme il ne répond pas, je tourne la tête vers lui et le vois plongé dans ses pensées. Il secoue son verre dans tous les sens et semble loin, très loin d'ici. Comme il m'arrive de l'être en famille ou dans un cercle de fausses amies.

A cette réflexion, je me mord l'intérieur de la bouche puis décide de m'amuser. Il faut que je change, que je devienne moins renfermé.

« Je vais danser ! ».

Il me fait un sourire et un signe. Apparemment, il n'a pas l'intention de venir. Alors je me lance, le cœur battant, dans la foule et essaie de retrouver Yuto. Je le vois très bientôt entouré de cinq ou six filles. Son charme ne laisse pas indifférent et il est devenu le centre de l'attraction. Je n'ose pas m'approcher et je me mets à dodeliner en rythme avec les personnes près de moi. Au fond de moi, je me sens mal à l'aise et ridicule. Mais je sais aussi que personne ne se soucie de moi ce qui m'aide à rester sur place.

Soudain le rythme change, une mélodie plus lente se fait entendre et des couples se forment. Je rougis doucement en comprenant qu'il s'agit des slows et décide de retourner à la table quand une main se pose sur mon épaule et une voix aux intonations de l'ouest me murmure :

« M'accorderez-vous cette danse, mademoiselle ».

Yuto se tient derrière moi et me tend sa main droite. J'ouvre des yeux surpris et regarde autour de nous. Il me fait un sourire et m'entraîne alors au milieu de la piste ou il m'enlace sans complexe. Je ne bouge pas au début puis me laisse guider par lui. C'est un excellent danseur comparé aux pas hésitants que je fais. Sa main dans mon dos me semble brûlante et je dois être rouge pivoine. Pour cacher mon embarras je pose la tête sur son torse et ne relève plus les yeux.

« Hé, ne soit pas si tendu ! On dirait que c'est la première fois que tu danses avec quelqu'un ! ».

Je n'ose pas répondre. C'est en effet ma première expérience dans les bras d'un garçon, être aussi près de lui me procure des sensations inconnues et je sens que si je parle je vais éclater. Mes joues en plus de mon dos sont enflammées. Apres une dizaine de minutes, cette douce torture prend fin et je me recule de lui. Nous nous fixons et je baisse la tête. Il me prend la main et me guide alors vers notre table, tentant d'éviter tant bien que mal les danseurs qui sont revenus en nombre.

« Tiens, Toru a disparu ».

Je ne réponds rien, toujours trop troublée parce qu'il vient de se passer.

« Alors ? C'était bien la première fois ? ».

J'acquiesce sans répondre. Un petit rire s'élève et je lève finalement les yeux sur Yuto qui sourit.

« Tu t'es très bien débrouillée ! ».

Je le fixe avec surprise puis secoue la tête.

« Non, c'est toi qui a tout fait. Je me suis contentée de te suivre ».

« Et bien, cela suffit ».

« Hum ».

« Je me demande où est Toru. J'espère qu'il ne s'est pas fait enlevé ».

« Hein ? ».

Je vois de l'amusement dans ses onyx et son sourire s'élargit.

« Les filles ont tendance à se jeter sur lui et le prendre de force ».

Je fais un timide sourire puis vois apparaître Toru. A mon grand étonnement, il porte des lunettes, loin de l'enlaidir, elles lui procurent un air sérieux et patient.

Yuto tourne la tête vers lui et lui fait signe de s'asseoir.

« Je croyais que tu t'étais fait enlever ».

« Non, pas encore ».

Yuto fronce les sourcils et lui pose une question muette. Je vois Toru secouer la tête et s'installer. J'envie en silence cette complicité. Ils sont réellement très proches l'un de l'autre si un simple échange de regard suffit à la communication.

« Alors ? Qu'est-ce que ça fait de s'amuser ? ».

Je sens deux regards sur moi et mes lèvres s'incurvent légèrement.

« Ca détend. Pourquoi n'es-tu pas venu ? ».

« Je n'aime pas ça. D'ailleurs, si vous voulez rester vous pouvez mais moi je vais rentrer à l'hôtel ».

« Oui, je suppose que moi aussi, notre train est de bonne heure demain ».

Nous nous levons et sortons de l'endroit bruyant. Yuto se tourne vers moi, avec un sourire enjôleur.

« Nous allons te ramener chez toi. Il est tard ».

Je me rends compte avec stupéfaction que minuit est très proche. C'est aussi la première fois pour moi d'être encore dehors si tard. Les garçons doivent s'en rendre compte car Toru se penche vers moi :

« Tout va bien ? Tu n'avais pas prévenu tes parents ? ».

« Non, ce n'est pas le problème. De toute façon ils ne sont pas à la maison. Mon père ne rentre que vers une heure habituellement. C'est juste qu'aujourd'hui, c'est la première fois que je fais ce genre de chose. Merci ».

« Hé ! Tu n'as pas à nous remercier ! C'est nous qui te remercions de nous avoir emmené dans cette disco. Et puis, tu dois apprendre à être moins renfermée ».

J'hoche de la tête et sourit à Yuto.

« Oui, je vais faire tout mon possible ».

« Bien, petite demoiselle ».

Il éclate de rire et me prend à nouveau la main. Je sens ensuite la main plus timide de Toru et nous commençons à marcher tranquillement. Le bruit des vagues en musique de fond rend l'ambiance un peu romantique et je soupire. J'avoue avoir beaucoup apprécié la soirée. Yuto et Toru sont vraiment très gentils et attachants et j'espère de tout cœur que je pourrais rencontrer de telles personnes au lycée.

A suivre ?

Note : recherche un(e) betalecteur(trice) si jamis je continuais cette fiction.