NDA:Ce chapitre est spécialement dédicacé à Monsieur Noé P. mon prof de philo, qui pour la première fois m'a fait aimer… Un prof ;p (Ben quoi m'sieur? Vous avez des fesses sexy, j'y peux rien)
Ah, il s'en est passé du temps entre le début et la fin de ce chapitre! Entre temps, j'ai fini ma terminale, j'ai eu mon bac S avec mention Très Bien, j'ai rompu avec mon mec pour une meuf qui m'a largué et je me suis remise avec Momo…
Alors, les RAR… (pas très développées, désolée ):
Naera (tu permets que je t'appelle comme ça?): Merci Voilou la suite! J'espère de tout cœur que tu la liras
Milii Je veux dire que souvent je m'inspire de près ou de loin de ma propre vie ou de mon caractère pour ceux des persos, et que ce qui arrive à Antoine ne m'est heureusement jamais arrivé. Mais comme le reste de la fic s'inspire grandement de ma vie, mes amies de tous les jours peuvent se poser des questions qui ne seraient pas fondées. Sinon, j'espère bien que c'est dérangeant, c'est un peu mon but
Deedlot: Tu me fais rougir… Merci pour tout, et comme je l'expliquais à Milii, c'est que je ne m'inspire pas de ma vie pour ce qui arrive à Antoine avec son père, contrairement à d'habitude… Par connaître, je désigne ceux qui me voient plus ou moins tous les jours de visu, et ont reconnu plus ou moins de personnages et d'évènements XD. Bref, j'espère que tu continues à lire! Bisous à toi
Lucief23: Si tu ne comprends pas, c'est forcément moi qui ne suis pas claire, c'est un de mes défauts d'écriture, et même sans ça, le lecteur ne peut avoir tort, c'est l'auteur qui est en faute… J'espère que ça ira pour ce chapitre, mais comme d'habitude, j'ai fait de mon mieux Bonne lecture si tu es là!
Cerbere:Effectivement, tu devrais comprendre un peu mieux l'attitude d'Antoine dans ce chapitre-ci. Merci pour ta review
deedeehasbeen: Alors toi aussi tu lis ma fic, c'est impressionnant… Et t'en fait pas, t'es pas plus nul que moi pour écrire des review, tout comme t'es plus doué pour les RAR XD
Pivoine Marfi boucoup, chuis contente d'avoir réussi à rendre l'effet voulu J'ai fait de mon mieux pour cette suite
Uadle: Comme je te l'ai expliqué, ce genre de choses (mariage forcé, non-avortement…) existent toujours de nos jours, et si tu regardes l'âge d'Antoine, c'est encore plus plausible il y a 18 ans T'as bien analysé les sentiments présents et absents de mes persos principaux à ce que je vois J'espère que tu liras la suite, tes comms sont toujours bons à prendre!
L'ange GardienEh bah! J'ai les commentaires de certains de mes auteurs préférés, dont toi Merci pour ton message! Et j'ai eu besoin de courage pour ce chapitre dur dur! Peut-être pareil que pour toi sur FA J'attends la suite d'ailleurs :p
Mahazaël:Mon histoire est comme l'ondée… Toi tu sais faire les compliments! J'suis toute rouge maintenant! J'espère que cette suite te plaira, chais pas quoi te dire d'autre tellement chuis gênée, même si j'ai toujours su que j'étais géniale :D (wais, chuis une fausse modeste, mais j'ai aussi faussement confiance en moi ')
presKunange: Héhé… Je gagne rien sur cette histoire, donc pour tes droits d'auteure c'est foutu Enfin, tu pourras lire cette suite quand tu seras rentrée de vacances, et à ce moment là, j'attends ton commentaire: (chacun son tour :p)
Fanderpg: J'espère que tu continues à lire! Voilà la suite, et merci pour ton commentaire! J'espère que ça te plaira!
Chapitre deuxième
Du temps passa. Quelques semaines… Deux mois…
Glenn Aadia et Mark Chaint s'entendaient toujours aussi bien, et la présence de Charles avait ramené Antoine dans le petit groupe. De temps à autres s'y ajoutait Jeanne Simon, une petite maghrébine pas très belle, un peu trop ronde, aux beaux cheveux teints au henné et aux magnifiques yeux bleus. Elle était selon les moments l'ex ou la petite copine de Charles. Ils se remettaient ensemble à l'occasion, et personne sauf eux n'y comprenait rien. De toute façon, c'était leur problème…
Ceux qui avaient un réel problème, en revanche, c'étaient Antoine et Charles-Henri. De gros, très gros problèmes même, d'ordre relationnel. Leurs rapports, loin d'être sexuels, étaient en grande partie à l'image de leur première rencontre: Agacement et attendrissement ressentis par Antoine, admiration et autodérision du côté de Charles-Henri. Cela dépendait aussi en grande partie de l'état d'esprit des protagonistes. Si Antoine était de bonne humeur, il supportait bien l'humour trop proche des pieds et de la ceinture de celui qu'il croyait s'appeler Henri – sans doute à cause de l'overdose de textes qu'il avait faite à force de lire les histoires dudit Henri, histoire de mieux le connaître. Dans ces cas là, le second auteur était capable de sortir des propos à peu près intelligents, ce qui tenait parfois du miracle.
Tout se dégradait lorsque, d'un côté ou de l'autre, le soleil n'était pas au beau fixe. Insidieusement, les plaisanteries de Charles devenaient des attaques, toujours dissimulées derrière un sourire trop grand, trop sincère. L'attitude d'Antoine pouvait passer de légèrement moqueuse à très indifférente, voire franchement méprisante. Et dans le pire des cas…
Autant à certains moments, on aurait dit l'amour fou entre ces deux-là, quand la tendresse du plus âgé encourageait la docilité béate du plus jeune, autant, quand ils étaient tous deux vraiment mal, il arrivait que Charles débite ses conneries particulièrement perfides à la seconde pendant qu'Antoine secouait la tête, son nez fin légèrement retroussé de dégoût, en un murmure blessant, presque une litanie: "Qu'est-ce qu'il est con, mais qu'est-ce qu'il est con!".
Dans ces cas là, les autres, aveuglés par la tranquillité de leurs propres routines, riaient, un peu gênés mais beaucoup amusés. Ils ne voyaient ni les jointures des doigts de Charles, trop blanches d'être sollicitées par ses doigts repliés sur eux-même, ni les eux d'Antoine, trop brillants, mais pas de joie…
Seule Jeanne, qui connaissait si bien son cher "Charry" – à prononcer comme le mot anglais désignant une cerise, ou un alcool – surprenait parfois ces signes extérieurs de détresse, mais la petite Jeannette ne pouvait pas faire grand chose du haut de son mètre soixante, si ce n'est fixer les yeux noirs du châtain à la peau blanche, jusqu'à ce qu'il les baisse, lorsqu'il allait trop loin. Juste malgré tout, et comme elle appréciait aussi Antoine, bien qu'elle soit très amoureuse de "Charry" et voie en le blond un rival, elle agissait de même envers son petit ami lorsque, lui aussi, il dépassait la limite.
Heureusement, entre tous les extrêmes précédemment cités, il existait de justes milieux, et ceux-là étaient les plus fréquents.
Ce jour là commença comme un jour normal. Deux heures de physique avaient permis aux quatre garçons de finir leurs nuits, et ils eurent, après les quinze minutes de pause réglementaires – plus une ou deux, en raison de l'horriiiiiiiiiiiible longueur des couloirs – de quoi se réjouir: leurs notes d'Anglais. Quinze et demi – habituel pour Mark, douze vingt-cinq – vous progressez Aadia, avait dit la professeur, quinze soixante-quinze pour Charles et seize pour Antoine – "A charge de revanche" "Ah euh… Ouais, ouais…".
A onze heures vingt-six – à bas l'horloge du lycée qui retardait – les jeunes avaient quitté le lycée en compagnie de Jeanne, descendu quatre-cents mètres sur la route menant au centre-ville, et s'étaient arrêtés pour déjeuner dans un petit kebab, parce que une semaine après cette rentrée de janvier, ils avaient encore au palais – et dans les bourrelets, pour Jeanne – le souvenir des savoureux et gras à souhait festins de Noël et du Jour de l'An. Du coup, ils n'avaient aucune envie de retrouver une cinquième fois en cinq jours le goût toujours aussi gras mais, euphémiquement, bien moins ragoûtant des repas du self. Ils avaient pris place à côté d'une fenêtre fermée sur le paysage extérieur de neige fondue, et surtout s'étaient serrés autour du radiateur. Ils avaient commencé à discuter de tout et de rien en attendant leurs repas, puis finalement abordé un problème typique et quasi inéluctable dans une conversation entre adolescents: les parents.
- Il boit, il gueule et il conduit quand même ce con! Fait chier mon paternel, pas étonnant qu'avec un abruti pareil je me sois retrouvée à la DDASS… dit Jeanne, plissant un peu son visage pas très beau, cachant malheureusement ses magnifiques et gros yeux bleus sous ses boucles teintes au henné.
- Moi, mes parents ne m'aiment pas. Entre Richard, l'aîné sportif au physique de mannequin qui fait tomber les filles et Mounir, le petit dernier, lapin de bibliothèque abonné aux dix-huit, il n'y a pas de place pour moi dans la famille Aadia. Il n'ont pas l'air de se rendre compte que je fais des efforts, avait ajouté Glenn, un peu triste.
- Bah, personnellement, j'ai pas de problèmes particuliers avec eux, vous vous en doutez bien. Je m'entends bien avec Gunhild, ma petite sœur, un peu comme toi avec tes frères Jeanne. D'ailleurs, c'est dommage qu'ils soient tous les deux dans l'armée, ils auraient pu s'occuper de toi sinon…
- Oui mais je préfère ne pas m'imposer, déjà qu'il y en a un qui a du rompre avec sa copine à cause de l'éloignement, je me vois mal débarquer chez celui qui est marié, c'est mieux que ce soit la famille de Charles qui m'ait prise en charge. Sa mère m'aime bien, et comme ça il est tout le temps près de moi… Et toi, 'toine, c'est comme Mark? Il doivent rien pouvoir dire vu tes notes, si?
- Ouais, exact. Ils me foutent une paix royale, enfin mon père, même s'il est quand même pas mal exigeant. Mais vu qu'ils ont divorcé récemment, il me laisse un peu tranquille. Ma mère s'est remariée illico et depuis, ciao bella, plus de nouvelles. Tant mieux remarque… Et toi Henri, ils n'ont pas trop de mal à supporter ta connerie au quotidien?
- Mais euh! J'ai d'aussi bonnes notes que toi, c'est tranquille. Ma mère s'en fout de moi, elle voulait une fille. Et vu que mon père… Bah, en bref c'est cool.
- Ton père quoi? demanda Antoine, curieux.
- Ben il est en tôle.
- Qu'est-ce qu'il a fait? fit le blond, dubitatif. Il est kleptomane?
- Viol aggravé sur mineur. Il en a pris pour dix ans à cause de chais pas quelles circonstances atténuantes.
"Auch" fit le lecteur. (Moi c'est ce que j'aurais fait en lisant en tout cas.) Rien que ça. Eh oui, rien que ça. Parce que ça arrive que ces gens là aussi aient des enfants, et que ces enfants le sachent. Mais quand même, ça choque.
Le silence s'était fait autour de la table. Glenn et Mark étaient abasourdis. Évidemment, grâce aux médias, tout le monde savait que ce genre d'histoire existait, mais là, en face d'eux, c'est tout de suite autre chose…
Glenn se dit, évidemment, que ça ne changerait rien à sa relation avec le roux, il l'aimait trop pour ça, et il y veillerait. Il ferait en sorte de ne plus le mettre mal à l'aise en abordant le sujet, même si devoir faire attention à ce genre de chose était déjà un petit changement, avant il n'avait pas besoin de se surveiller en discutant avec son pote depuis les cinq ans qu'ils se connaissaient.
Dans son coin, Mark se dit à peu de choses près la même chose, mais il était déjà moins proche du basketteur aux taches de rousseur et quelque part, de savoir que son père était un de ces détraqués qui s'en prennent aux enfants le troublait. Il pensait bien que Charles n'était pas pareil, mais quand même, ça changeait quelque chose. De toute façon, il verrait bien quoi.
Jeanne, elle, savait déjà, bien sûr, on ne vit pas chez les Beaumont sans savoir ce genre de choses, et la petite maghrébine s'inquiétait de la suite des évènements, en particulier la réaction du petit groupe d'amis face à son pauvre Charry. Surtout Antoine, qu'elle voyait plongé dans ses pensées et qu'elle savait plutôt instable.
Et Antoine, le bel, l'imprévisible Antoine, lui, réfléchissait. A quoi? A un scénario de fic, peut-être, inspiré par l'histoire de Charles-Henri. Mais il lui manquait un élément de taille, ce qui le mena à sa question suivante.
- C'était qui?
Dans un même mouvement, le brun et le garçon aux cheveux blancs s'étouffèrent à moitié avec leur salive. Jeanne, elle, s'étant attendue au pire – avec raison – se mordilla la lèvre inférieure avec nervosité en regardant son ami d'un air inquiet. Cependant, avant que ses jolis yeux ne s'attardent un moment sur son aimé, ils lancèrent un regard flash au blond du groupe, lui montrant ainsi l'étendue infinie des atrocités qu'elles lui ferait subir quand il n'y aurait plus entre eux la diagonale d'une table pour six personne.
Sans s'en préoccuper plus que ça, Antoine regardait Charles, curieux, forcément. Et Charles, forcément aussi, souriait. Il aurait dû s'y attendre, l'imprévisible Antoine était un mythe quand on le connaissait aussi bien que lui le connaissait, à force d'observation. Malheureusement, la réponse à apporter était, elle, bien réelle, et tomba comme un couteau dans un flan alors que le roux basculait sur les deux pieds arrières de sa chaise, les mains croisées derrière sa tête, en le regardant bien profondément dans les yeux, narquois.
- Son seul et extraordinaire fils unique.
Un coup d'œil à Jeanne suffit à Antoine pour confirmer que, comme il le pensait, dans l'ensemble des nombres réels positifs, la racine carrée du carré de deux est bel et bien égale à… deux. C'était vrai quoi.
En totale opposition avec sa chevelure noire, le visage de Mark se rapprocha soudainement en coloration de celle de Glenn, et du même coup de celle du visage encadré de cheveux trop décolorés, qui était aussi pâle qu'il était possible de l'être. Ils étaient choqués, incroyablement choqués, au-delà de ce qu'ils auraient cru humainement possible, parce qu'il est possible de choquer un quartz encore plus, mais faut avoir une météorite sous la main et pour le moment je n'en ai pas. Déjà, la question… Mais plus encore, la réponse… Et quelle réponse…
Charles-Henri s'était fait violer par son père et l'avait envoyé en prison.
Quelle horreur.
Mark s'effondra sur la table, son visage entre ses bras croisés, dans une merveilleuse imitation d'élève somnolant en cours, et Glenn, immobile et glacé comme un enfant juste avant une collision avec une voiture lancée à cent-trente à l'heure sur une départementale, ouvrait de grands yeux ahuris.
Le benjamin du groupe, revenu dans une position correcte car on leur avait entre temps apporté leurs repas, senti se poser sur sa main gauche – il était gaucher – l'homologue droite de son actuelle ex petite amie, mais il se dégagea, refusant son soutien, au moins cette fois-ci.
Et le cri fusa.
- Bon sang mais c'est bien sur! Quel con aussi… Un autre je dirais pas, mais toi… Il a eu tort, vraiment tort.
- Hein? Qui? Ne comprit pas Charles, et pour cause, on ne la lui avait jamais faite celle-là.
- Ton père! Ben oui, continua-t-il devant la mine d'incompréhension que faisait Charles-Henri, t'as vu comme t'es moche? M'enfin ça explique pas mal de choses, avec pour père un taré pareil, le rejeton ne pouvait qu'être taré, lui aussi.
Charles, au fin fond de son esprit, pour une fois, sourit. Et aussi sur son visage. Il supposait que c'était sa manière bien à lui – heureusement que les autres ne réagissaient pas de la même façon quand même – de compatir à ses souffrances passées et présentes, et de lui dire que la vie continuait.
Charles supposait beaucoup de choses…
- Mais pourquoi tu dis que je suis raté, fit le roux, des pseudos-larmes aux yeux.
- Purin mais tu t'es vu? T'as une tête pas croyable, dans le mauvais sens bien sûr, et je ne parle même pas de ton mental…
- Ben ouais, je suis beau, et intelligent, et superbe, et beau, et dynamique, et sympathique, et remarquable… J'ai déjà dit que je suis beau?
- Non mais t'es grave là! Tu te rends comptes, au moins, que mentalement et socialement parlant t'es le mec, mais le plus con que je connaisse?
Charles-Henri sourit, désabusé. Antoine avait passé sa phase maniaque, et était en pleine transition vers la dépressive, selon les propres dires du blond. Il était souvent méchant dans ces cas là…
- Bien sûr que je le sais, murmura le roux d'une voix douce. Mais comme ça, au moins, je suis le premier dans ton cœur pour quelque-chose.
Ils échangèrent un long, très long regard. Leurs prunelles noires se fixaient deux à deux, s'envoyant des messages d'une intensité peu commune. Deux yeux brûlants rencontraient leurs homologues de glace, et de cette rencontre naissait une foule hétéroclite de sentiments, de sensations diverses et variées telles que la compassion, la douleur, l'envie, la peur, l'amour, la tristesse, l'amour toujours… Certaines parmi ces sensations allaient dans les deux sens, d'autres dans un courant sans réciproque et d'autres, enfin, naissaient et restaient enfermées dans les cœurs du blond ou du roux.
Finalement, Antoine battit de ses longs cils châtains et se leva, allégeant considérablement l'atmosphère ; il avait fini de manger, aussi il prit son livre (Harry Potter tome 6, pour être toujours à la pointe de l'évolution), quitta la table et retourna au lycée, parcourant seul la distance l'en séparant, afin de s'installer dans un coin reculé. Seul.
Suite à ce départ, Charles-Henri se leva à son tour et, plus prévenant, dit au-revoir à ses amis avant de quitter le restaurant, son casque sous le bras, les clefs de sa 125 à la main. Tous les quatre, ce dernier compris, avaient besoin que le basketteur s'en aille, afin de relâcher encore plus les tensions et de faire le point.
Arrivé au lycée, il passa devant Antoine, mais ils s'ignorèrent, l'aîné plongé dans son bouquin et le cadet dans des pensées bien trop inextricables pour qu'il se préoccupât de quoi que ce soit qui leur fut étranger.
Il se dirigea directement vers le garage trop rempli réservé aux deux roues des élèves du lycée, déverrouilla l'antivol de sa moto et quitta l'établissement, définitivement pour cette journée. Dommage, car il loupait à nouveau le cours de philo qui avait lieu en deuxième heure de l'après-midi, alors qu'il appréciait beaucoup le professeur, ce cher Noël Perret, effectivement très « space » et plutôt attirant dans le genre grand barbu tout maigre de trente deux ans ; une rumeur courrait d'ailleurs sur cette barbe, disant qu'elle cacherait des cicatrices de morsures ou des suçons… En somme rien de bien réaliste. Il était simplement très moche sans. Il avait surtout, ce cher professeur, une méthode de cours aléatoire dispensée dans un langage attractif et compréhensible pour – un jeune de l'âge de Charles, c'est à dire à la fois plus qu'argotique et soutenu – et des muscles fessiers ma foi fort agréables…
D'ailleurs, cette paire de fesses bien reconnaissables s'avançait moulée dans un jean informe, en direction du portail qu'en cet instant exact notre jeune héros s'apprêtait à franchir tout en enfilant sur sa grosse tête un casque d'une couleur absolument horrible. Charles suspendit son geste, salua son professeur, lui demanda une cigarette que le barbu lui offrit gentiment, et ils fumèrent ensemble, à l'entrée du lycée, discutant philosophiquement des choses les plus perverses de la vie – évidemment, chers lecteurs, dans le sens qui nous intéresse – durant de longues minutes.
Très exactement un quart d'heure plus tard – et quatre, cinq, six secondes – comme la sonnerie retentissait et que Glenn, Mark et Jeanne arrivaient, il attacha son casque, fit rugir crâneusement le moteur de sa moto et parti, dépassant en trombe ses trois amis étonnés, les effleurant d'un dérapage de justesse contrôlé.
Si Jeanne Simon, Mark Chain et Glenn Aadia avaient mis autant de temps – presque trente minutes – à finir de manger et revenir au lycée, c'est qu'ils avaient discuté, évidemment, des révélations de Charles. Celle qu'il appelait Jeannette avait confirmé aux deux autres qu'effectivement, elle savait, ayant commencé à sortir avec Charles à peu près à cette période. S'expliquer sans donner trop de détails ne l'avait pas empêchée d'engloutir deux kebab-frites-ketchup-mayonnaise, le sien et celui laissé par son cher Charles…
Quelques minutes plus tard, Charles-Henri était dans son sous-sol. Il avait garé sa 125 dans le couloir et était entré dans la pièce de la maison où il passait le plus clair de son temps.
Là, il laissa éclater sa rage.
Chaude en hiver à cause de la chaudière et fraîche en été grâce à sa situation souterraine, à peine éclairée par un petit soupirail à la vitre propre, la pièce abritait surtout son meilleur ami.
D'autres, profitant de l'isolement et de la tranquillité du lieu, se seraient arraché les ongles sur les cordes mal accordées d'une guitare électrique branchée à un ampli au volume maximal, mais lui déversa sa rage sur le clavier de PDM², Putain De Merde puissance deux, « l'ordinateur le plus relou de la planète ». Il improvisa un texte dont on parlerait longtemps, tout en se cassant la voix sur Rock, Haines, Rôles de Patrick Bruel. Il faisait ainsi un pied de nez à ce cher Antoine qui lui avait affirmé, dans un de ses bons jours, qu'il doutait que les capacités intellectuelles du roux lui permettent de faire en même temps deux choses aussi simples que manger et respirer.
Alors que, une heure plus tard, Charles tentait toujours de se calmer en décrivant à la troisième personne l'enfer qu'il vivait dans sa vie de lycéen, Jeanne, Antoine et les camarades de classe préférés de celui-ci discutaient en attendant le professeur de philo des garçons – mais où est-il encore passé ? Pour décrire un peu plus précisément la situation, il est utile de préciser que c'étaient surtout Jeanne et Antoine qui se disputaient, parce qu'il lui avait demandé pourquoi Henri avait quitté le lycée…
Finalement, fatiguée de lui expliquer en gueulant que c'était de sa faute à lui, la brunette lui recommanda, lasse, de passer voir un des textes du jeune auteur dans la partie « fiction originale » du fameux site Elle précisa que, ses textes y étant plus sérieux, il y officiait sous un autre alias que celui qu'il utilisait pour ses célèbres textes pornographiques. D'ailleurs, dans ses textes les plus littéraires, il parlait souvent de lui, dans une dédicace ou un personnage lui étant étrangement ressemblant …
- Tu comprendras mieux, conclut-elle.
- Ah… Si tu le d…. attends, ajouta-t-il en blêmissant brusquement, son teint déjà pâle virant à une couleur de plâtre. Son pseudo c'est pas, par hasard, Henri de Laideplaine?
- Comme quoi t'es pas aussi con que tu le laisses paraître… Tu commences à piger?
- Oh merde! S'exclama-t-il à mi-voix, plus pour lui-même que pour Jeanne. Comment j'ai fait pour pas… Mais comment j'ai pu… Pourtant c'était tellement évident… La date de création du compte, ce style pas inconnu, cet esprit… Et ces correspondances! Laideplaine - Beaumont, Petit - Legrand… L'autre héros, c'est moi alors? Mais comment j'ai pu être aussi con?! Oh merde… Quel con, non mais quel con! Oh putain de merde...
Il m'aime...
De sa démarche légèrement chaloupée, Antoine s'éloigna d'abord doucement, avant de se mettre à courir, croisant son professeur de philosophie dans les escaliers, et ce dernier continua d'avancer tranquillement en direction d'une mauvaise salle de classe, comme s'il était normal de voir un des élèves auxquels il était censé donner cours s'éloigner vers la sortie alors que lui-même était en retard.
Toujours devant la salle de classe, Mark et Glenn fixaient d'un air ébahi la direction qu'avait prise Antoine. C'était quand même inattendu de le voir sécher de façon aussi évidente un cours qu'il aimait pourtant beaucoup. Il ne séchait jamais d'habitude, enfin jamais volontairement… Parce qu'étourdi comme il l'était, il en avait raté des heures, perdu dans ses pensées…
D'un même mouvement, ils se retournèrent vers Jeanne, en quête d'une explication. Elle leur sourit de son plus bel air énigmatique, semblant leur dire que ce n'était absolument pas leur business.
- Tiens, lâcha-t-elle, faut que j'aille en éco moi…
Elle partit à son tour dans le sens opposé à celui qu'avait pris Antoine – elle ne séchait pas, elle – trottinant d'un air joyeux.
Heureusement, ni le petit brun, ni le grand jeune homme aux dreadlocks blancs n'avaient internet. Il fallait laisser Antoine et Charles s'expliquer. Leur histoire ne regardait qu'eux après tout. Si histoire il y avait.
Comme Charles avant lui, à peine arrivé dans sa maison, Antoine se précipita sur son ordinateur et se connecta à Comme il s'y attendait, un nouveau texte de l'auteur Henri de Laideplaine venait d'être posté, et ce texte confirma ses déductions somme toute un peu tardives.
Il avait enfin compris que derrière les allusions de Charles, derrière son air intéressé quand le blond lui avait avoué être plutôt attiré pare les mecs, et son air de jouissance extrême quand il lui accordait une caresse se cachait un sentiment bien plus fort qu'une simple envie d'amitié.
Il inspira à fond et commença à taper sur son clavier pourri le plus long commentaire qu'il ait jamais écrit.
Tu peux pas imaginer ma réaction quand j'ai lu ton texte, quand j'ai compris… Je ne sais pas quoi dire. Je ne sais même pas quoi penser. Franchement, avouer ça sur du Bruel, ça pue. Ça va, c'est pas encore "Je sais que j'te l'ai trop dit, mais j'te l'dis quand même, etc." mais ça pue quand même. C'est pas encore dégoulinant de guimauve rose mais… C'est drôle quand même, j'avais jamais envisagé Bruel comme ça… Un truc aussi rebellitude avec un sens aussi… ben celui que tu lui donnes quoi, c'est inattendu. Alors comme ça tu me hais aussi? T'as raison, c'est bizarre, t'es bizarres. Et j'en reviens pas de comprendre que tu fais ça pour moi J'ai honte que tu puisses penser que je mérite ça, c'est pas vrai, c'est pas vrai, tu m'aurais envoyé une merde en pleine figure que ça aurait été plus juste, mais un texte d'aussi bonne qualité…
Tiens, une autre de Bruel. "Alors regarde, regarde un peu, je vais pas me taire parce que t'as mal aux yeux." Regarde! Je mérite pas tout ce que tu dis sur moi, quand je lis ce que t'écris, j'ai honte. Honte de moi, honte de ce que je suis… Même à deux, avec moi, on n'irait pas loin tu sais?
Antoine s'arrêta un instant, torturé. Il écrivait des inepties, il en était conscient, merde, il citait du Bruel! Mais il n'avait plus de mots, plus de mots du tout… Il…
Il n'en pouvait plus.
Il commençait à craquer, et il le savait.
Espérant calmer sa nervosité, il fixa quelques instants le curseur clignotant au début d'une nouvelle ligne en inspirant profondément, avant de reprendre l'écriture de sa réponse.
C'est pas parce que t'es un mec, t'aurait été une fille que ça n'aurait rien changé, ou si peu… Après tout, chuis pas hétéro, mais pas homo non plus, et pas vraiment bi. Chuis plutôt du genre asexué tu vois? Je suis pas prêt à assumer une relation, c'est tout. C'est moi le problème, pas toi…
Quel ramassis de clichés… Mais bon, il se devait de terminer, et plus dur encore, de cliquer sur le petit bouton jaune, "Envoyer". Il soupira, et sa main trembla un peu.
J'ose même pas signer, tu sais bien qui je suis de toute façon… Et ça me paraît si faux tout à coup, ce pseudo… Mais mon prénom est celui d'un saint, alors ce n'est pas tellement mieux…
Bon... À demain je suppose…
Angel.
Demain… il ferait semblant de rien, sans doute, et ça serait dur… Bah, ça irait, et après tout, ce soir, son père le consolerait à sa manière… Il s'étaient beaucoup rapprochés depuis le départ de sa très chère mère…
En réalité, ça ne le dérangeait pas tellement, Antoine tant que ça n'empiétait pas sur ses cours et ses devoirs – pas qu'il travaille beaucoup de toute façon. Il n'oubliait pas qu'il aimait son père de tout son cœur, réellement, c'était un peu bizarre, mais évident, il ne se cherchait pas de fausses excuses, non, il l'aimait vraiment, vraiment beaucoup.
Quelque part, ce n'était pas si étonnant, Patrick Legrand était sa seule famille, la seule qui compte du moins. Ok, leurs rapports n'étaient pas vraiment naturels, plutôt sexuels, mais naturel, normal, tout ça ne voulait rien dire du tout. Dans la norme, comme tout le monde… Antoine ne rentrait plus depuis longtemps dans la définition de ces expressions.
Et puis… C'était pas si désagréable au fond. Il y en avait qui aimaient ça, donc…
De toute façon, certaines personnes rêvaient d'une telle proximité avec leur famille – pas forcément à ce point là, mais bon…
Et puis, il était très heureux comme ça, juste un peu fatigué.
Bon d'accord, il avait envie de pleurer.
De joie, hein?