Auteur : Cédric, aussi appelé Kit.

Disclaimer : Tous les personnages n'appartiennent qu'à lui ! Du moins jusqu'à ce qu'il les perde dans un coin, doué comme il est…

Cédric : x regard noir x

L'ange gardien : XD

Genre : Yaoi

Note : Cette histoire est celle qui lui a fait gagner avec moi le premier concours de nouvelles de notre lycée. J'ai réussi à le convaincre de me laisser la publier, alors j'espère qu'elle vous plaira autant que je l'ai aimée ! Si vous avez des commentaires, n'hésitez pas je lui transmettrai !

Une vie parmi tant d'autres…

Une jeune femme d'une trentaine d'années sortit d'une belle maison aux rideaux à demi-tirés. L'air était frais et le vent faisait légèrement onduler sa longue chevelure brune sur ses frêles épaules, recouvertes d'un gilet gris légèrement usé et de deux tailles trop grandes.

Les bras croisés sur la poitrine, elle descendit la courte allée et s'arrêta devant la boîte aux lettres. Ouvrant celle-ci en soulevant doucement la planchette de bois, elle y découvrit plusieurs feuilles de publicités diverses, une lettre de facture et une enveloppe bleutée…

Refermant la boîte, elle fit lentement volte-face et reprit le chemin vers la chaleureuse maison tout en examinant son courrier, les oreilles quelque peu rougies par le froid de décembre.

Une fois la porte passée, elle la claqua et se frictionna légèrement les avant-bras en passant un regard rapide à travers la fenêtre de la cuisine. Regardant l'extérieur, elle s'exclama soudain :

- Mon Dieu qu'il fait frais… Tu penses qu'il va neiger cette année papa ?

Au loin, dans le salon, près de la cheminée décorée de multiples bibelots en formes de diverses chouettes, un vieil homme de soixante dix ans environs se trouvait assis dans un fauteuil de cuir, fixant d'un regard fatigué par la vieillesse les bûches recouvertes de flammes.

Traversant la cuisine, la jeune femme aux yeux marron longea un large couloir et pénétra finalement après quelques instants dans le salon, faisant au passage une tendre et affectueuse caresse au chien de son père, alors âgé de treize ans et portant le nom de : « P'tit filou. »

Elle s'approcha de la cheminée en déposant lourdement le courrier sur une petite table. Prenant une tige de fer, elle s'abaissa et remua alors les bûches avant de se retourner pour regarder son père, souriante. Le vieillard lui dit alors d'une petite voix :

- Il neige toujours ici ma petite Cécile. Même aux moments les plus imprévisibles, les flocons tombent un jour ou l'autre, couvrant d'une fine pellicule les toits et les pelouses…

- C'est vrai. Mais tu connais mieux ce village que moi, cela fait combien d'années déjà ?

- Depuis mon mariage avec ta mère, paix à son âme, il y a quarante-deux ans.

La jeune femme acquiesça doucement. Tournant la tête en fixant ainsi le courrier, celle-ci se redressa et le prit. Elle découvrit alors avec une légère grimace la facture du loyer et survola quelques publicités. Sans plus tarder, l'enveloppe bleutée arrivée sous ses yeux.

- Et bien, cette lettre vient de loin ! Tiens… elle est pour toi papa, dit-elle doucement.

A la demande du vieillard, la jeune femme ouvrit l'enveloppe à l'aide d'un petit couteau et en sortit une courte lettre qu'elle s'empressa de déplier pour la lire à voix haute :

Monsieur Florent Zéquiel,

Je suis la jeune Laurine que vous connaissiez jadis, la sœur de Philippe, votre ancien ami. C'est à mon plus grand désespoir que je dois vous apprendre son récent décès. Sa mort fut douce, il nous quitta dans la nuit du 20 au 21 décembre.

Les obsèques auront lieu le 24 décembre… Je tenais à vous dire qu'il m'a parlé de tout, c'est pourquoi je tenais à vous écrire. Deux jours avant sa mort, il me parla longuement en me révélant votre touchante histoire qu'il avait cachée durant toute sa vie.

Il tenait un journal que vous ne tarderez guère à recevoir, portant l'inscription : « Tout est pour le mieux, dans le meilleur des mondes possibles. » (1)

Il avait toujours espéré votre retour. Si seulement les règles de ce monde et de la vie avaient été moins pénibles… Les mots me manquent.

Je vous laisse et vous embrasse.

La jeune femme releva lentement le visage et fixa son père. Ce dernier avait les poings fermés sur ses genoux, les yeux hagards et terriblement bouleversé par la triste nouvelle.

Cécile approcha alors de son père et lui tendit la lettre d'un regard peiné. Le vieil homme tourna la tête sans dire un mot et prit le papier, relisant les lignes de cette chère Laurine qu'il n'avait pas revue depuis janvier 1956, lors de son mariage avec sa défunte femme Catherine.

Le vieil homme regarda alors la signature de la jeune femme dont seul ses longs et beaux cheveux, étant à l'époque frisés et blonds comme les blés ainsi que ses yeux d'enfants qui l'avaient fixés avec admiration à ses mémorables noces, lui revinrent en mémoire.

Cécile prit alors doucement les poings de son père dans ses douces mains et dit :

- Cet ami, Philippe, tu ne m'en as jamais parlé… Quand l'as-tu connu ?

- Cela… Ce… Cela remonte à bien des années maintenant… dit Florent.

La jeune femme fixa son père dont la voix était devenue aussi fragile que le cristal. Elle s'assit alors auprès du vieil homme et essuya une larme de ses doigts, coulant le long de sa peau ridée.

Cécile caressa les mains vieillies, blotties au creux des siennes et lui demanda s'il pouvait lui raconter leur histoire. Le vieil homme regarda sa fille légèrement gêné et surpris, et plongea à nouveau son regard au cœur des flammes de la cheminée, restant muet.

Après plusieurs instants de silence, la jeune femme comprit que la douleur de cette perte était encore trop forte pour qu'il révèle quoi que ce soit de ces moments passés.

Cécile baissa lentement les yeux et se releva. Elle remonta alors légèrement la couverture, posée sur les genoux de son père et lui passa tendrement la main dans ses cheveux grisés.

Florent resta alors ainsi toute cette fin de journée, à fixer la cheminée d'un regard persistant et songeur. Parfois, quelques larmes longeaient son visage pour une raison encore inconnue.

Le soir même, le téléphone sonna. Cécile revint brusquement dans la cuisine après avoir sorti le chien de son père et accourut dans la salle à manger en décrochant le combiné.

C'était Eric, son frère, le second et dernier enfant de Florent. Cécile, retirant son écharpe et ses bottines salua le jeune homme, encore à Paris. Il lui annonça alors qu'il arriverait avec sa femme et leur jeune enfant de quatre ans bientôt dans deux petits jours, vers les 15 h 00.

Alors qu'elle discutait, Cécile croisa le regard de son père quand son frère lui demanda de ses nouvelles. La jeune femme lui annonça alors avec enthousiasme qu'ils attendaient tous deux son arrivée prochaine avec grande impatience ! Du salon, Florent annonça à voix haute :

- Dis-lui que j'ai hâte de revoir la petite Lucille… J'ai acheté pleins de bonbons pour elle…

Cécile sourit et transmit le message. Après quelques instants de discussion, les « au-revoir et gros bisous » s'échangèrent et les combinés se reposèrent lentement après quelques instants.

Cécile fixa l'extérieur avec un certain sourire et dit alors doucement à son père :

- J'espère qu'il neigera le soir de Noël, ça serait bien pour la petite. La neige, ils aiment toujours bien ça les enfants… On pourra faire un bonhomme de neige qui sait ?

- Oui, ça serait bien. Mais elle est déjà passée il y a deux ans… Tu n'étais pas là, dit Florent.

- C'est quand je divorçais avec ce cher Benoît… Je doute que Lucille s'en souvienne, elle était encore toute petite. Depuis, le temps a passé mine de rien.

Après quelques heures, ils dînèrent ensemble devant la télévision, et finirent par se coucher.

Le lendemain la température atteignit finalement les 0°C, le taux d'humidité dans l'air grimpa au fil du temps… Tout annonçait donc la venue imminente de flocons blancs.

Vers les midi, Cécile sortit pour ainsi promener P'tit filou, le labrador de son père. A son retour à la maison, elle retira bottes, écharpes, gants et manteau et monta à l'étage pour rejoindre Florent. Longeant le couloir, elle entra bientôt dans sa chambre et poussa doucement la porte entrouverte. A sa vue, le vieil homme allongé dans son lit la fixa longuement, songeur.

Cécile s'assit alors à ses côtés, lui caressa les cheveux et lui demanda s'il avait bien pris ses médicaments. Florent fit une légère grimace et acquiesça, repensant constamment à la lettre.

Cécile posa alors tendrement sa tête sur la poitrine de son père qui sourit et murmura :

- Papa… Tu sais dans ces moments, parler soulage. Tu avais l'air très attaché à cet ami…

- Oui… Mais… Ce n'est pas bien de réveiller les vieux souvenirs… répondit Florent.

- Tu sais bien que tu peux tout me dire… Je t'aime papa, je t'aime très très fort, d'accord ?

Le vieil homme eut alors les yeux brillants et acquiesça en enchaînant, jurant que son amour qu'il avait pour sa fille était encore plus fort que tout, il n'avait sans doute pas de limite.

Cécile embrassa son père sur le front et lui dit alors que le repas était prêt et lui demanda s'il désirait qu'elle le lui apporte. Mais Florent répondit négativement et répliqua en ricanant :

- Ma fille, j'ai peut-être un pied dans la tombe mais je peux encore marcher !

Cécile émit alors un léger sourire, en lui interdisant en même temps de lui redire cela. La jeune femme aida alors son père à se lever et, bras dessus, bras dessous, ils descendirent l'escalier tous deux. Entrant bientôt dans la cuisine, ils réveillèrent à leur passage le chien somnolent…

Florent rit alors révélant alors que ce dernier avait perdu son tonus d'antan, jurant qu'il faisait autrefois un chien de garde hors pair ! Au même instant, Cécile qui s'était approché du four sortit un poulet rôti qu'elle avait soigneusement préparée et le déposa sur la table ainsi que les frites et les petits pois. Une fois la table finalement prête, ils s'assirent l'un en face de l'autre et commencèrent à manger souriants, derrière un fond de vieille musique des années 1960-1970.

Vers la fin du repas, une ancienne et nostalgique mélodie des années 1950 se fit entendre. Cécile qui avait finit de manger releva lentement la tête à l'écoute des premières notes, fermat les yeux en souriant, les bras croisés sur la poitrine, émit un léger murmure et demanda :

- Hmm… Quelle belle chanson je me demande qui en es l'auteur… Tu la connais papa ?

Le vieillard s'essuya la bouche, repoussa doucement son assiette et demanda à sa fille de répéter sa question, qu'il n'avait pas entendue. La jeune femme, gardant les yeux fermés répéta sa phrase. Après quelques secondes, le vieil homme eut à nouveau les yeux brillants et dit :

- Oui… C'est ''Ne dis jamais adieu, mais au-revoir…'' joué par un anonyme…

Cécile, trouvant que ce titre était de toute beauté rouvrit les yeux et vit alors quelques nouvelles larmes longer les joues de son père. De suite, elle quitta son siège et accourut vers lui pour le consoler. Le prenant dans ses bras, elle lui demanda inquiète, la raison de cette attitude.

Si c'était toujours à cause de cet ami décédé dont ni elle et ni personne, n'avaient entendu parler ?

Le vieillard hésita et décida finalement de faire s'écrouler toutes barrières qu'il avait dressé avec tant de mal depuis maintes et maintes années, entre son passé et sa vie présente…

Le vieillard expliqua alors qu'à l'époque, il était un jeune garçon très sensible et s'imaginait souvent que toutes les personnes qu'il rencontrait et côtoyait étaient bonnes, généreuses et aimantes. Lui et son meilleur ami Paul allaient partout et nulle part, multipliant les conquêtes amoureuses au village. Ils ne se lâchaient jamais et se considéraient même comme des ''frères de sang''.

Malgré tout, Florent avait toujours ressenti une grande et profonde différence, ancrée à l'intérieur de lui. Craignant d'être sans nul doute rejeté par ses propres amis, il ne cessait de dissimuler, même si cela devait lui retirer tout bonheur dans les années à venir, sa véritable personnalité.

Pour lui, il fallait à tout prix qu'il soit comme les autres pour ainsi être accepté dans ce monde.

Dans les années 1947 alors qu'il avait atteint ses dix-sept ans, il partit avec une bande d'amis très proches en vacances vers le sud de la France, aux environs de Montpellier.

Paul, deux autres garçons et une jeune fille du nom de Louisa partageaient également ses vacances, à l'écart de la famille et de toutes diverses et éventuelles contraintes…

Là-bas, Florent commença très vite à s'évader seul vers les plages quand le soir tombait, se promenant tranquillement, paisible, pieds nus, bercés par les vagues alors que pendant ce temps le reste de son petit groupe d'amis ne cessait de passer toutes leurs soirées en boîte.

Il les avait suivis les premières fois mais s'était très vite lassé. Danser n'était pas trop ce qu'il aimait et il commençait à être fatigué de rester près du bar, vidant les verres attendant que son ami Paul ne décide finalement de rentrer. Car quand ce dernier prenait généralement une décision, tout le monde le suivait… Quand il avait décidé de rentrer, soit parce qu'il était trop saoul ou trop fatigué d'avoir danser, il passait ensuite le reste de ses nuits avec Louisa qu'il avait séduite.

Epuisé de ces nuits agitées et trop répétées, Florent avait finalement fait comprendre à tous qu'il ne désirait pas continuer à ce rythme et qu'il n'aimait guère ces boîtes aux sons trop assourdissants à son goût, et qu'il préférait mieux s'évader sur ces plages qu'il ne put bientôt plus quitter.

Ainsi, les nuits suivantes passèrent et Florent quitta toujours ses amis vers les vingt-deux heures pour errer, le cœur libre, où bon lui semblait et où son cœur le menait.

Il se promenait dans les rues, longeant cette ancienne et belle citée romaine, observant les vitrines des divers et multiples magasins, s'arrêtant à une splendide fontaine pour se rafraîchir quelque peu, se reposant parfois dans un petit café où il voyait alors passer quantité de gens.

Or un soir, alors qu'il s'était allongé sur la plage, le regard rivé vers le ciel, il entendit au loin un son qu'il n'avait encore jamais entendu. Bercé par cette étrange et douce mélodie, Florent se releva, retirant le peu de sable resté dans ses chaussures et, les yeux fermés, marcha en direction des notes, guidé par ces divins sons comme venus du ciel, résonnant au plus profond de son âme.

Il ne se passa alors guère longtemps avant qu'il ne découvrît la source de cette mélodie et s'y arrêta juste devant. Tout près, il ouvrit les yeux et aperçut à une dizaine de pas de lui un jeune violoniste… Florent s'approcha un peu plus, se mêlant alors à la petite dizaine de passants arrêtés pour l'entendre jouer, jetant parfois quelques sous dans la casquette reposée sur le sol.

Le jeune homme resta debout, observant avec quelle attention les doigts du musicien menaient l'archer sur les cordes du violon. Les notes qui s'y échappaient à chaque frôlement étaient une véritable merveille et d'une infinie douceur ! Florent ne pouvait dès lors détacher les yeux de l'instrument, remuant d'un léger balancement sur les épaules de cet artiste.

Emerveillé, il ne bougea plus de la nuit. Tous ses soucis s'étaient alors brusquement envolés, son âme était d'une tranquillité spectaculaire. L'artiste qui jouait ces morceaux gardaient les yeux fermés, bercé et totalement enfermé dans sa propre musique. Il ne réfléchissait plus, et, aussi étrange que cela se fut, il semblait être dans un autre monde, très lointain de celui-ci.

Les heures passèrent d'une affolante rapidité au goût de Florent, qui ne se lassait plus de ces sons mélodieux. Puis, quand les premiers rayons de soleil inondèrent le ciel, les notes s'arrêtèrent, l'instrument cessa ses balancements, les musiques auparavant jouées, moururent.

Florent fut alors brutalement sorti d'un rêve et rouvrit les yeux en découvrant le jeune musicien ranger son violon, en reprenant en même temps sa casquette remplie de pièces.

Florent le fixa, semblant alors encore entendre la mélodie résonner à ses oreilles. Puis, leurs regards se croisèrent… Le jeune violoniste le fixa de ses yeux bleus et dit :

- Tu es resté à m'entendre toute la nuit. J'espère que je n'ai pas été trop mauvais…

- Tu veux rire, tu joues vraiment très bien ! C'était… spectaculaire, avoua Florent.

Le jeune artiste sourit et le remercia. Les yeux du musicien étaient d'une couleur unique, d'un bleu si clair ! Se parlant très rapidement, ils se quittèrent bientôt rentrant chacun de leur côté.

Et ce fut exactement pareil durant de longues et multiples nuits durant. Florent errait sur le sable des plages et au moindre son d'une note de violon, le jeune homme se mettait brusquement à courir pour finalement s'arrêter devant le musicien, écoutant ses impeccables morceaux.

Les passants ne restaient que le temps d'une mélodie, jetaient parfois quelques pièces dans la casquette et quittaient les lieux, laissant place à d'autres passants, etc. Seul Florent restait jusqu'au bout, attendant en rêvant, apaisé par ces musiques dont il ne se lassait toujours pas.

Parfois, ils s'échangeaient quelques sourires mais ne se parlaient néanmoins que très rarement.

Un jour, vers les vingt-deux heures, son ami Paul le questionna d'un air curieux :

- Dis-moi, où donc peux-tu rester pendant autant de temps le soir ?

- Moi ? Nulle part, je me promène… sourit discrètement Florent, lui cachant la vérité.

Puis, il passa la porte et se promena une nouvelle fois dans la ville, longeant les rues. Il arriva bientôt près de la plage et erra, les pieds dans le sable fin, régulièrement bercés par une furtive vague. Bientôt, il aperçut son musicien au loin, allongé sur le sable observant les étoiles.

Le cœur de Florent battit plus vite, son regard pétilla et sans même le vouloir, un large sourire s'afficha sur son visage sans qu'il ne commande le moindre de ces gestes…

Mais enfin que lui arrivait-il ? Les jambes du jeune homme s'arrêtèrent dans le sable, Florent resta immobile pendant quelques secondes, le regard rivé au violoniste rêveur.

Tout à coup, le jeune musicien tourna la tête se sentant observé et aperçut Florent au loin. Ce dernier ne sut alors plus quoi faire, il avait été découvert ! Devait-il rester ou s'enfuir ?

Mais à son plus grand soulagement, le jeune artiste sourit à son tour à sa vue et lui fit signe.

Florent ne perdit pas une seconde et avança dans sa direction le pas pressé. Après quelques instants, le jeune homme de dix-sept ans passé, s'arrêta à côté du garçon et sourit.

- Que fais-tu là ? Tu ne joues donc pas… demanda Florent.

- Non, c'est dimanche. Et ces jours, je me repose et regarde les étoiles, répondit-il.

Florent observa l'horizon et finit par s'asseoir aux côtés du violoniste. Son cœur battait à tout rompre, ses mains tremblaient légèrement mais pour ne pas que cela se remarque, il les reposait le poing fermé contre le sable. Ils regardèrent donc tous deux dans la même direction.

Brusquement, un chien émit de brusques aboiements qui les sortirent aussitôt de leur songe.

Le musicien se retourna pour voir ce qu'il se passait et vit un jeune couple se promener enlacé, promenant leur labrador qui s'amusait à courir partout, surexcité.

Le violoniste eut un léger rire et se rallongea sur le sol mais frôla au passage le bras de Florent qui frémit brusquement tout en restant parfaitement figé… Soudain, le musicien dit :

- Au fait, je m'appelle Philippe. J'habite ici, à quelques pas… Et toi t'es d'où ?

- Je suis de passage. J'habite vers Brest en réalité, en Bretagne et je me nomme Florent.

- De passage… Dommage. Tu… Tu pars quand, Florent ? Je peux t'appeler « Florent » ?

Le jeune homme répondit alors qu'il était en vacances et enchaîna presque immédiatement en révélant qu'il était prévu qu'il reste encore quelques temps et qu'il ne partirait pas immédiatement. Soudain, il laissa échapper sans le faire exprès, en murmurant d'une petite voix :

- Pour ce qui est de mon nom, tu peux m'appeler comme tu veux tu sais…

De suite, le jeune homme s'entendit presque parler et fut brusquement extrêmement gêné ! Mais Philippe ne dit rien, fixa le ciel d'un regard songeur, les yeux dans le vague comme à son habitude. Après quelques instants, Florent rompit finalement le silence malgré lui et dit :

- C'est vrai que tu joues bien… Tu l'as depuis combien de temps ce violon ?

- Oh… Depuis tout petit en réalité. C'est mon grand-père qui m'a apprit, révéla t-il.

Florent s'allongea à son tour dans le sable, fixant le ciel. Il ferma bientôt les yeux, revoyant à nouveau dans sa tête les scènes où le violoniste jouait encore et encore de son instrument…

Que c'était beau quand il jouait ! Florent aurait vendu même jusqu'à son âme pour qu'il puisse lui jouer un air rien qu'à lui, pas pour gagner de l'argent mais juste pour lui !

Le lendemain matin, Florent fut réveillé par le soleil qui se leva sous ses yeux ébahis. Il avait dormi ici toute la nuit, sur cette plage. De suite, il regarda à sa droite et aperçut le jeune Philippe, assoupi sur le dos, les bras croisés sous sa tête encore endormi, l'esprit libre.

Florent s'assit alors sur le sable et s'étendit laissant alors entendre un léger gémissement. Se frottant les yeux, il se tourna à nouveau vers le violoniste et ne put bientôt plus le quitter des yeux.

Florent savait très bien ce qui était en train de se passer et se maudissait à chaque minute de sa vie d'être ainsi. Si seulement… si seulement… Se répétait-il sans cesse.

De toute manière, il l'avait toujours su malgré lui mais avait sans cesse refouler ses sentiments au fond de lui pour ainsi paraître ''normal''. Mais la vérité était là, pour la première fois de sa vie il s'était rendu compte de son homosexualité qui faisait partie intégrante de lui.

Sans ses sentiments, il ne serait pas réellement ''lui''. Il était ainsi et il n'y pouvait absolument rien, il n'y avait aucun remède, c'était sa personnalité et quoi qu'il fasse, cela ne changerait rien. Bien sûr, il s'était déjà forcé à aimer une femme pour être comme son ami Paul, sans nul doute le plus grand dragueur jamais connu, mais cela l'avait plus détruit qu'autre chose.

Il s'était efforcé d'être comme les autres, et cela avait échoué. Même si ces différences d'attirances existaient, n'était-il pas un être humain pour autant ? Mais en ces années, il savait pertinemment que tous les homosexuels étaient traités comme anormaux ou comme des gens malades.

Il savait qu'à la sortie de cette dernière guerre mondiale de 1939-45, tout de même très récente, l'homosexualité était considérée comme un délit qui aggravait les peines d'atteintes à la pudeur pour deux personnes du même sexe. Il savait que la clandestinité était alors de mise : les gouvernements d'après-guerre avaient conservé cette loi de Vichy qui poursuivait les homosexuels (pourtant parmi les populations déportées par l'Allemagne nazie.)

Néanmoins, il savait que dans les grandes villes, certains lieux publics permettaient cependant des rencontres furtives, mais toujours dans la crainte de poursuites ou de fichage par la police.

Soudain, Philippe émit un léger sourire gardant les yeux fermés et murmura :

- Qu'est ce que tu as à me regarder comme ça tout le temps ? Tu crois que j'te vois pas ?

Florent rougit et baissa la tête. Bouleversé par ses propres révélations faites à lui-même, il se releva, se frotta les mains contre ses cuisses pour retirer le sable et commença à s'éloigner.

- Eh ! Attends Florent ! Où vas-tu ? s'écria soudainement Philippe qui fit un bond.

Le jeune homme se fit très vite rattraper par le musicien qui lui dit doucement :

- Je m'excuse si j'ai dit ça. Je ne voulais pas que tu fuies comme ça…

- Tu as parfaitement raison… La vérité c'est que tu…

Philippe le coupa brusquement, l'emmena à l'écart et le fit continuer. Florent se tut, le regard plongé dans les yeux bleus du jeune homme qui le captivait. Ils se regardèrent ainsi les yeux dans les yeux sans dire un mot, sans faire un geste, ils restèrent immobiles, le cœur battant.

Les secondes puis les minutes passèrent et peut-être même quelques heures. Le temps défilait à une allure folle mais les deux jeunes hommes n'en avaient que faire, ils s'en moquaient.

Ces silences échangés étaient d'une beauté ahurissante, plus beaux que les paroles, il n'y avait pas de mot. Il n'y avait pas de mots assez précis et assez forts pour décrire ce qu'ils ressentaient mutuellement. Croyant que seulement quelques secondes s'étaient alors écoulées, Philippe ouvrit légèrement la bouche laissant ainsi apparaître une ligné de dents aussi blanches que le nacre.

Mais même les lèvres entrouvertes, aucun son ne sortit, pas un seul murmure.

Il approcha alors l'une de ses mains vers le visage de Florent, lui frôla la joue d'une caresse inondée de tendresse et dit alors d'une voix à peine audible :

- C'est mal… Mais je ne peux résister… Je ne crois pas au coup de foudre Florent.

A ces mots, le jeune homme approcha sa main et toucha celle de son musicien qu'il ne voulait désormais plus quitter. Florent, les yeux fermés pencha sa tête contre la paume de Philippe. Ce dernier eut un léger sourire, c'était tellement incroyable ce qui leur arrivait !

Soudain, un chien aboya au loin. Philippe reprit brusquement ses esprits et éloigna soudainement sa main du visage de Florent et la cacha dans sa poche, honteux et gêné.

Le jeune violoniste recula d'un pas, le regard rivé sur Florent et finit par s'enfuir, disparaissant derrière un mur. Florent regarda alors ce dernier qui lui avait volé sa silhouette du musicien…

Une larme coula le long de son visage, qu'allait-il enfin devenir dans un monde pareil ?

Il s'éloigna à son tour, sa paume sur sa joue où avait été posée il n'y pas si longtemps encore, la main de Philippe dont il pouvait encore sentir la chaleur. Rêveur et pourtant si désemparé, il disparut à son tour derrière l'une des nombreuses habitations.

Le lendemain, Florent resta toute la journée dans sa sombre chambre, recroquevillé sur lui-même, ne mangeant plus car ayant perdu toute appétit. Et quand passèrent les vingt-deux heures, le jeune homme resta dans sa chambre pour la toute première fois de son séjour à Montpellier.

Et ce fut ainsi la même chose pendant les deux nuits suivantes… La troisième, Paul vint à lui et dit :

- Toi tu vas venir avec nous, on s'en va en ville se promener. C'est pas bon de rester dans sa chambre tout seul avec ses idées noires… On est en vacances, il faut en profiter !

Florent n'accepta pas mais fut presque tiré du lit par son ami qui le fit finalement accepter. Vers vingt trois heures, ils sortirent tous et se dirigèrent tranquillement, en ville.

Longeant bientôt les rues, les quelques amis furent totalement émerveillés par tout ce que cachait la ville de Montpellier, c'était très impressionnant et véritablement spectaculaire !

Après quelques instants, une mélodie se fit entendre à quelques pas. Louisa fut tellement attirée par les notes qu'elle supplia presque immédiatement les autres de s'approcher pour ainsi découvrir l'auteur de cette douce musique. Ils acceptèrent aussitôt.

Marchant, Florent trembla, il savait l'identité de l'artiste qui jouait, c'était son violoniste aux mains aussi douces que la soie qui s'était enfui, il y avait quelques nuits de cela.

Après quelques instants à peine, Louisa, Florent et les quelques autres du groupe vinrent se mêler aux passants, admirant d'un œil tendre et enchanteur le paisible et énigmatique musicien.

Florent, suivant de près les autres, arriva bientôt juste aux côtés de Philippe et finit finalement par s'arrêter devant l'artiste. Mais Louisa se lassa assez vite du violoniste et désira s'éloigner après quelques minutes pour ainsi continuer leur visite, au sein même de la ville.

Florent s'attarda, osant à peine croiser le regard de l'artiste qui jouait les yeux fermés, comme à son habitude… Soudain, Louisa qui s'éloignait déjà s'écria, le voyant rester immobile :

- Florent ! Tu viens avec nous ? On va continuer à se promener.

A l'écoute du prénom, la musique jouée se brisa brutalement par l'enchaînement de quelques fausses notes. Philippe ouvrit aussitôt les yeux et aperçut Florent, resté en face de lui.

Le musicien cessa de jouer et baissa même son instrument d'un geste lent, plongeant son regard dans celui de Florent qui baissa son visage et tourna finalement les talons, rejoignant ainsi la jeune femme qui l'avait appelée. Philippe ne détacha alors plus son regard de Florent…

Les quelques amis marchèrent, passant devant plusieurs vitrines et se mélangèrent bientôt à la foule de personnes inondant une place remplie de divers petits stands.

Florent ralentit le pas et s'arrêta bientôt devant l'un d'eux, exposant sur une table quelques statuettes de plomb d'une grande beauté, qui attira l'attention du jeune homme.

Soudain, une main frôla la sienne et une petite voix légèrement essoufflée se fit entendre :

- Florent… J'ai cru que je t'avais perdu, avec tout ce monde !

Cette voix… Le jeune homme se retourna et aperçut bientôt le violoniste qui avait abandonné sa place, le violon rangé dans sa housse. Florent hésita puis s'approcha, le cœur prêt à exploser. Philippe sourit et s'excusa à multiples reprises de s'être enfui la dernière fois.

Révélant alors que c'était la première fois qu'il avait ressenti cela et qu'il avait eu trop peur. Mais ses sentiments étaient trop forts enchaîna t-il, pour pouvoir ainsi les ignorer.

Puis, discrètement, Philippe lui tendit sa main. Florent hésita quelques instants, regarda autour de lui et aperçut bientôt ses amis lui tournant le dos, riant. Il observa alors son ami Paul, qui portait dans ses bras sa jeune amie Louisa, heureuse et comblée par ce qu'elle vivait en ce moment.

Florent baissa les yeux, se retourna et fixa cette main qui ne demandait qu'à accueillir la sienne. Troublé, le jeune homme reprit ses esprits puis reposa finalement sa paume sur celle de Philippe. L'artiste sourit et s'écarta alors de la foule en quittant l'étreinte de son ami.

Florent le suivit et remarqua que son musicien se dirigeait vers la plage. Après quelques instants, Philippe se retourna en regardant, le sourire aux lèvres, le jeune Florent qui suivait ses pas.

Soudain, le jeune musicien courut à la mer et plongea dans cette eau fraîche, tout habillé.

Florent s'arrêta et se posa sur le sable, observa le jeune artiste à quelques pas qui faisait quelques déplacements à la nage. Le fixant, Florent comprit et ne sut plus quoi dire.

Après une dizaine de minutes, Philippe, trempé jusqu'aux os mais souriant, rejoignit Florent.

Les deux jeunes hommes échangèrent quelques doux regards, le cœur prêt à exploser…

Philippe observa alors les alentours, la plage était presque déserte. Tous les passants étaient sans nul doute près des multiples stands, agglutinés mais contents des affaires qu'ils pouvaient faire.

Philippe fixa alors Florent le cœur battant et s'approcha lentement. Florent, les yeux plongés dans ceux de Philippe, resta immobile. Le jeune homme ne quitta alors plus le jeune musicien des yeux qui approchait lentement son visage du sien. Florent demanda après quelques secondes :

- Tu es sûr que… Et si quelqu'un nous voyait ! Tu imagines ?

- Florent, cette plage est déserte. Et si quelqu'un approche, il ne nous verra pas.

- Comment en es-tu si persuadé… On pourra toujours nous voir, répliqua t-il.

D'un geste tendre, Philippe toucha la joue de Florent, approcha un peu plus son visage et murmura qu'il faisait trop sombre pour qu'ils soient aperçus. Il ne se passa alors guère longtemps avant qu'enfin, les bouches ne se touchent. Ce tout premier baiser échangé fut bref, timide et hésitant. Quand les lèvres se détachèrent, Florent fixa Philippe les joues quelque peu rougies…

Soudain, les deux jeunes hommes recommencèrent à nouveau et réussirent finalement un tendre et passionné baiser, laissant derrière eux toutes craintes possibles et imaginables.

A cet instant, le musicien passa ses bras autour de Florent qui se rapprocha également un peu plus, ne quittant plus ses lèvres dont il avait déjà tant de fois rêvé.

Reposant leur corps sur le sable pour éloigner toute crainte d'être repérés, ils s'enlacèrent amoureusement en s'embrassant tendrement, désirant alors que cette nuit ne s'arrête jamais.

Après plusieurs minutes, Philippe détacha doucement ses lèvres de celles de Florent, baissa son visage et embrassa alors tendrement le cou du jeune homme qui gardait les yeux fermés.

Florent passa sa main dans les cheveux bruns de son musicien qui revint vers son visage pour l'embrasser à nouveau en y offrant tout son amour.

Le reste de la nuit ne fût alors plus qu'un songe éveillé, un enlacement d'infinies tendresses sans fin et une interminable vague de caresses… Florent ne voyait plus rien, ni les étoiles, ni même cette plage qui fut ce soir le seul témoin de leur amour à la force indéfinissable.

Il ne voyait plus que Philippe, c'était comme si le monde s'était arrêté juste pour eux, plus rien n'existait hormis eux et leur tendre et innocent amour qui les liait malgré leur raison.

Ensemble, ils passèrent la nuit enlacés regardant les étoiles, allongés sur le sable. Florent ne put alors plus se détacher de son ami, imprégné de la douce et agréable odeur qu'il avait apprit à adorer, et à finalement ne plus pouvoir s'en passer… Sa peau, ses mains, sa bouche, son regard, son être dans toute sa totalité lui était désormais devenu indispensable.

Après quelques heures, Philippe finit finalement par s'assoupir. Mais Florent dans les bras du musicien resta éveillé, ne cessant de respirer l'odeur de ce corps adoré, de toucher cette peau si douce, d'entendre ce souffle qui le berçait après ses musiques. Le soleil se leva alors finalement…

Philippe se réveilla et découvrit le jeune Florent qui s'était finalement endormi à ses côtés. Le jeune artiste passa alors un rapide mais extrêmement précis coup d'œil sur les environs et, quand il s'aperçut qu'ils ne couraient aucun risque d'être aperçus et démasqués, il observa tendrement pendant plusieurs minutes durant, son jeune ami dormir.

Le moment venu, Philippe frôla la joue de Florent de sa main et commença alors, à lentement embrasser le cou du jeune homme, laissant entendre parfois quelques murmures :

- Florent… Florent… Réveille toi maintenant, le soleil s'est levé.

Le jeune homme, sentant les lèvres de l'artiste parcourir son cou sourit et passa aussitôt ses bras autour de Philippe qui l'embrassa longuement et tendrement sur la bouche.

Florent finit finalement par ouvrir lentement ses paupières et se plongea doucement dans les bras protecteurs et aimants du violoniste qui ne cessait de l'embrasser amoureusement.

Après quelques instants, Florent gémit, sentant l'heure de l'imminente séparation approcher :

- Si seulement… J'aimerais tant passer mes journées et mes nuits à tes côtés !

- C'est réciproque. J'aimerais sentir ton odeur et ta peau contre la mienne à chaque instant…

Florent sourit, soulagé de ces révélations qu'il avait déjà pressenties. Ils s'aimaient d'un amour fou et passionné et cela leur était malheureusement formellement interdit en ces temps.

Bientôt, Philippe courut à nouveau dans la mer en quittant tous ses vêtements et nagea plusieurs instants, savourant la fraîcheur de l'eau. Il fixa alors Florent qui le regardait rêveur et lui fit immédiatement comprendre qu'il l'invitait pleinement à le rejoindre dans la mer…

Le jeune homme ne se fit pas prier et courut à son tour dans l'eau entièrement dénudé en riant. Philippe vint immédiatement le rejoindre et l'enlaça en l'embrassant, le rapprochant ainsi de lui jusqu'à ce que les deux corps dévêtus se touchent.

Florent, le cœur palpitant dans sa poitrine, sentit alors naître au fond de lui un tout autre désir qu'il n'avait encore jamais ressenti de toute sa vie. Après quelques secondes, Philippe quitta doucement les lèvres de Florent, lui prit la main et l'emmena avec lui. Ensemble, ils s'éloignèrent de la côte et s'évadèrent discrètement derrière les rochers, à l'abri des regards…

Après quelques heures, quand Florent revint auprès de ses amis dans une petite maison, louée pour un mois, son changement d'humeur fut tel que tout le monde le remarqua.

- Que t'es t-il arrivé à toi ? On dirait que tu as rencontré la personne de ta vie où que tu viens de recevoir je ne sais combien de millions de francs… affirma Louise souriante et curieuse.

Mais Florent resta muet, la joie inondant son visage, embelli par un intense et véritable bonheur.

Après avoir prie une douche, il s'exila dans sa chambre où, allongé sur son lit, il pensa et repensa une infinité de fois à ces moments passés avec Philippe, son musicien tant aimé.

Il ne songea dès lors plus qu'à lui, toutes ses pensées étaient pour lui, tous ses sourires lui étaient et seraient à tout jamais offerts et destinés. Plus jamais, il n'aimerait à nouveau aussi fort.

C'est ainsi qu'il attendit la venue du soir impatiemment. Chaque minute passée, éloigné de Philippe était comme une véritable torture pour lui. Son absence lui devint très vite invivable.

Puis, les vingt-deux heures arrivèrent et sonnèrent enfin. Florent qui était déjà prêt depuis plus d'une heure courut aussitôt hors de sa chambre, fila à travers les pièces de la maison, salua ses amis et referma bientôt la porte derrière lui en la claquant brutalement pour finalement disparaître.

Une fois à l'extérieur, le vent de la nuit lui plaqua brusquement les cheveux contre le visage qu'il écarta de sa main. Observant les alentours, il continua à nouveau sa course effrénée en direction de la plage. Il ne se passa alors guère longtemps avant qu'il ne l'aperçoive, allongé sur le sable.

Florent eut alors l'étrange sensation de pouvoir exploser sur place, tant sa joie de revoir Philippe était forte. Ralentissant le pas pour ne pas se faire trop remarquer, il rejoignit son ami.

A la vue de Florent qui vint s'asseoir juste à ses côtés, Philippe sourit, examina les alentours pour ne pas être aperçut et posa tendrement sa tête sur le ventre du jeune homme qui s'allongea à son tour sur le sable. Florent sourit et passa sa main dans les cheveux du musicien, les yeux clos.

Tous ces instants passés ensemble étaient pour Florent, comme magiques et uniques…

Silencieux, ils restèrent enlacés toute la nuit durant, heureux, sereins, amoureux et aimés à la fois.

Quand le soleil se leva, les deux jeunes hommes se relevèrent paisiblement après avoir passé une nouvelle et tendre nuit ensemble. Main dans la main, ils marchèrent lentement, discutant de leurs vies, de leurs souhaits et de leurs rêves, à l'abri des regards sur cette plage encore déserte.

Les nuits ainsi que les jours se multiplièrent en passant à une vitesse infernale, et pendant que leur amour ne cessait de croître de secondes en secondes, le jour du départ de Florent approchait…

Le dernier soir, Florent arriva sur la plage le cœur déchiré et rejoignit Philippe, assit sur le sable.

Le musicien fixait l'horizon, songeur et pour la première fois, il paraissait triste et mélancolique.

- Tu m'as manqué… Tu ne m'embrasses pas ce soir ? murmura Florent.

- J'ai trop de peine… Que vais-je donc faire ici sans toi maintenant ? demanda Philippe en s'écroulant lourdement contre le sable, allongé sur le dos.

Le jeune Florent s'allongea également, sur le côté, de façon à apercevoir son violoniste et lui demanda alors ce qu'il pouvait bien faire à Brest lui aussi, seul. Et répliqua doucement qu'il n'était pas le seul à souffrir mais que lui aussi, était totalement désemparé à l'idée de le quitter.

- Reste ici, prolonge tes vacances à Montpellier… Reste avec moi je t'en supplie ! dit Philippe.

Florent s'allongea sur le dos, les yeux brillants, bouleversé. D'une voix vibrante et douce, il dit :

- Tu sais bien que ce n'est pas possible… Je ne peux rester ici et même si je pouvais prolonger mon séjour, il y aura toujours un moment où je devrais partir, ajouta le jeune homme.

Observant après plusieurs instants qu'il n'y avait aucune issue à leur amour, ils s'enlacèrent les larmes prêtes à couler. Ainsi, le monde entier semblait comme se déchaîner contre leur passion.

Il ne fallait pas uniquement se battre contre les regards à éviter mais également contre le temps défilant à une vitesse effroyable ainsi que toutes lois s'opposant à leurs attirances et leur passion.

L'un contre l'autre, ils attendirent le cœur lourd les premiers rayons du soleil qui allaient définitivement les séparer. Puis, les dernières étoiles disparurent et la nuit s'envola bientôt laissant place aux tout premiers rayons de soleil… Se relevant, Philippe dit alors les larmes aux yeux :

- On pourra peut-être s'écrire. Sache en tout cas je ne t'oublierai jamais…

- Tu seras toujours dans mes pensées. Je voudrais que tu continues à jouer du violon et pourquoi pas, que tu te fasses connaître en donnant des concerts… J'aimerais t'entendre un jour à la radio.

- Si je joue, je ne le ferais que pour toi alors. Les yeux fermés comme à mon habitude, tu seras dans ma tête et dans mon cœur. Je repenserais à ces moments passés… ajouta Philippe.

Après plusieurs instants, le couple s'arrêta enlacé et s'embrassèrent tendrement. Philippe lui demanda alors à quelle heure il partait. Florent réfléchit quelques instants et dit doucement :

- Dans une heure. Paul désirait ne pas revenir trop tard en Bretagne. La route est longue.

- Allez, ne pleure pas… A présent, je sais pourquoi je devais vivre : pour te connaître.

Florent craqua, embrassa une dernière fois son musicien et s'éloigna, le dos tourné. Les larmes inondant son visage, le jeune homme ne se retourna pas car il savait que si jamais il le faisait, il ne pourrait plus jamais quitter Philippe, lui disant de loin : ''Ne dis jamais adieu, mais au-revoir…''

Après quelques instants, tous furent enfin prêt et montèrent dans la voiture de Paul. Florent les yeux gonflés et rougis par les larmes qui ne cessaient de couler le long de ses joues s'assit à l'arrière, près de la fenêtre. L'apercevant, Louisa lui demanda doucement sur un ton compatissant :

- ça va aller Florent ? … Que t'arrive t-il depuis ce matin ?

- Rien… Ne t'inquiète donc pas. Allez Paul, démarre la voiture… répondit-il d'une voix à peine audible, presque entièrement recouverte par la tristesse qui semblait l'étouffer de chagrin.

Bientôt, la voiture vibra lentement et démarra enfin. Ils dépassèrent la maison qu'ils avaient louée et arrivèrent en ville une dernière fois, longeant de loin les plages désertes que Florent ne cessait de scruter de sa vitre. Soudain, il aperçut au loin un homme assis sur la plage semblant pleurer toutes les larmes de son corps. Le jeune homme posa sa paume lourdement sur la vitre et aperçut bientôt son visage… C'était lui, son musicien qui s'était réfugié sur leur plage.

Mais déjà, la voiture s'éloignait et l'ombre de Philippe disparut définitivement de la vue de Florent qui reposa lourdement son front sur la vitre de sa fenêtre, la main cachant ses yeux trempés…

Quand le vieillard finit de parler, ses larmes revinrent. Sa fille Cécile était également au bord des larmes. D'une voix fatiguée, Florent fixa la radio et dit lentement d'une petite voix :

- Nous ne nous sommes jamais revus. A présent, je ne me souviens presque plus de son visage à part ses yeux bleus, ses mains et la façon dont ses doigts à caresser le violon… Mais ce qui est sûr c'est que n'ai jamais oublié et je n'oublierai jamais que je l'ai aimé.

- Et cette chanson que nous venons d'entendre : ''Ne dis jamais adieu, mais au revoir'' ?

- Je ne sais pas si c'est vraiment de lui mais j'en suis presque persuadé. C'était sa façon de jouer, de s'exprimer dans les paroles de sa chanson. Le chanteur évoque les plages de Montpellier, etc.

Après quelques instants, Cécile et son père se turent finalement. Soudain, la jeune femme demanda :

- Une question ne cesse à présent de m'envahir… As-tu un jour aimé maman ?

- Oui je l'ai aimée, énormément même… mais pas comme elle l'aurait peut-être aimé. A l'époque, l'homosexualité était un grave problème chez les gens. Le monde nous persuadait même nous, que nous étions malades et dangereux. Nous devions nous mentir à nous même, pour être acceptés.

Après plusieurs heures de longues discussions, le soir tomba. Florent et sa fille finirent finalement par se coucher après le dîner. S'embrassant, ils se souhaitèrent la bonne nuit et disparurent chacun dans leur chambre assez proche l'une de l'autre…

Cette nuit, ni l'un, ni l'autre ne put fermer l'œil. Cécile repensait sans cesse à l'histoire terriblement romantique et dramatique de son père et ne pouvait s'empêcher de penser qu'il avait en quelque sorte gâché sa vie en abandonnant le réel amour de toute son existence, celui qu'on ne trouve que très rarement et encore si on le trouve un jour… Par ses pensées, la jeune femme se replia sur elle-même dans son lit, peinée et attristée. C'était tellement terrible et tragique de renoncer à un amour aussi fort, aussi passionné et aussi rare juste pour paraître ''normal'' aux yeux des gens !

De son côté, Florent, allongé dans son lit aux draps blancs gardait les yeux fermés, repensant désemparé, de tous les moments passés avec Philippe. Il ne cessait de repasser dans sa tête encore et encore ces quelques semaines de véritable rêve qu'il avait partagé avec son violoniste.

Repensant à ces moments qui n'étaient plus qu'un lointain souvenir, le vieil homme pleura et se maudit de ne pas avoir eu en ces années le courage nécessaire de rester avec Philippe. Il aurait dû rester avec lui, il le savait à présent mais il avait eu à cette époque trop peur d'affronter le regard cruel et accusateur des gens, peuplant ce monde d'injustices et de souffrance.

Les yeux inondés de larmes, le vieil homme finit finalement par s'endormir en ayant une dernière pensée pour son musicien. Allongé dans son lit, son souffle ralentit alors lentement…

Ayant quitté et caché au monde entier l'amour de sa vie pendant toute son existence, il s'apprêtait à présent à racheter son erreur. Il avait passé sa vie sans Philippe, mais il lui restait encore la mort…

La vie qui avait tant tenté de le détruire à plusieurs et diverses reprises, le quittait à présent pour définitivement le libérer de ce fardeau… Ce soir, Florent allait enfin rejoindre Philippe dans la mort, pour lui consacrer alors non pas toute son existence, mais toute l'éternité…

Fin

(1) : C'était la phrase obligatoire à placer pour le concours. Et c'était pas de la tarte !

Valà, c'est fini. Alors, verdict ?

Moi c'est l'une des (très !) rares histoires tristes que j'aime. Cet imbécile de Kit m'a fait pleurer lorsque je l'ai lue, mais je trouve la fin un optimiste quand même…