Le nez dans le ruisseau
Scribouilleuse : Shakes Kinder Pinguy
Genre : Attention à la marche.
Claimer : à mwa. :p

Note : Quentin fait parti de l'univers extensible dit « Univers des Langaret », créé avec Meanne77, car même si la famille Langaret n'a pas été écrite c'est autour d'elle que tout le reste s'est construit… S'il y a des choses qui semblent confuses, c'est normal et ça devrait s'éclairer soit plus tard, soit dans des petits one-shots indépendants.

Note bis : Plus qu'une histoire, c'est une série de petites scènes sans transitions.

Avertissement : Ceci n'a jamais eu aucun autre but que d'amuser un groupe de personnes qui se reconnaîtra, de fournir du fluff en dose déconseillée aux diabétiques, et de faire du FANGIRLISME PRIMAIRE. Si ça se passait dans une école, ce serait une schoolfic. Ça serait pas en ligne si j'avais pas fait un pari stupide.

Oh, et nous sommes presque dans un manga yaoi, tout le monde est bi, et personne trouve ça bizarre, parce que c'est plus facile. :D


Il était une fois

Henri Le Foll connaissait Quentin Kerec depuis maintenant assez longtemps pour savoir que ça finirait par arriver, mais il ne put retenir une grimace lorsque le jeune homme trébucha sur un inexistant défaut du plancher et tomba tête la première, serrant les quelques livres qu'il tenait contre lui très fort.

Aucun des ouvrages n'eut le moindre petit accroc mais Quentin resta immobile un court instant et Henri s'en inquiéta immédiatement.

« Quentin ? Vous vous êtes fait mal ? » demanda-t-il en s'accroupissant auprès de son assistant.

Question stupide s'il en était, le jeune homme devait au moins s'être ouvert le crâne.

« Euh… ça va aller, répondit ce dernier d'une voix un peu secouée. Juste un peu étourdi. »

Commotion cérébrale, alors ?

Quentin se redressa lentement, cligna des yeux et grimaça en portant la main à la tête.

« C'est rien, juste une bosse. Désolé, professeur… »

Henri l'aida à se relever.

« Vous avez eu de la chance, cette fois, dit-il. Il faut vraiment que vous fassiez quelque chose, Quentin, vous aller vous tuer, à ce rythme !

– J'ai survécu vingt-trois ans, vous savez ! »

Le jeune homme émit un petit rire en réorganisant ses livres.

« Mon médecin est millionnaire, ajouta-t-il.

– Ce n'est pas d'un médecin dont vous avez besoin, c'est d'un elfologue !

– Ne vous moquez pas…

– Je suis parfaitement sérieux, je ne sais pas quel korrigan vous avez énervé, mais je ne vois pas d'autre explication ! »

Il y avait des limites à tout, mais la maladresse de Quentin Kerec bafouait cette règle allègrement. Henri se souvenait parfaitement de la première fois où il avait vu le jeune homme en action. Le cours venait à peine de commencer et en ramassant un stylo par terre Quentin était tombé de sa chaise, entraînant Dieu seul savait comment son bureau à la suite. L'absurdité absolue de l'évènement avait retenu le rire des autres étudiants, et lorsque l'on s'était rendu compte que Quentin ne se relevait pas, il n'y avait plus eu matière à.

Depuis quatre ans que le jeune homme était son élève, Henri avait perdu le compte des bras cassés, chevilles foulées, contusions diverses et blessures plus graves, tout cela dans des contextes plus ou moins incongrus. Si le coin de bureau et le sac qui traîne étaient ses spécialités, Quentin était aussi sujet aux étagères qui lui tombaient dessus, aux portes dans la figure et ne parlons même pas des escaliers.

Malgré sa fâcheuse tendance à faire abstraction totale de son environnement, Quentin était un jeune homme brillant, presque constamment de bonne humeur, même si mêlée d'une once de fatalisme compréhensible, et l'un des étudiants les plus attachants qu'il ait eu ; certainement son assistant préféré, et Henri ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter à chaque fois qu'il s'emparait d'une pile de livres ou descendait les marches des amphithéâtres.

« J'ai terminé, professeur ! »

Henri hocha la tête tandis que Quentin ramassait ses affaires.

« Demain même heure ?

– Non, par contre j'aurais besoin de vous dans l'après-midi. Et est-ce que vous pensez pouvoir vous libérer mardi pour le TD de première année sur la po…

– … ésie contemporaine ? Oui, oui, pas de problème. »

Henri acquiesça avec un sourire.

« A demain, alors !

– A demain, Quentin. Soyez prudent. »

Le jeune homme hocha la tête et en se retournant, se cogna contre la porte restée ouverte.

Henri soupira intérieurement.


Quentin sortit du bureau du professeur Le Foll avec presque du soulagement. Il avait dû se faire plus mal qu'il ne le pensait, la bosse à venir lui tirait le crâne. Il avait hâte de rentrer et de se poser.

« Quentin ! Oééé, Quentin, attends-moi ! »

La voix était plus que familière. Quentin s'arrêta et se retourna.

« Manu ? Qu'est-ce que tu fiches du côté des littéraires ?

– Je viens de déposer Nico en voiture, annonça son ami. Tu rentres chez toi ? Tu veux que je te ramène ?

– Ça t'embête pas ? Je pensais attraper le 16…

– Non, non, je te ramène. Ça t'évitera de te planter en descendant du bus… »

Quentin lui donna un coup de coude mais Emmanuel se contenta de rigoler.

« Ça va, c'est arrivé une fois…

– Depuis la semaine dernière ? » répliqua son ami d'un ton léger.

Quentin allait rétorquer quand une fille le bouscula involontairement, le faisant trébucher. Emmanuel le rattrapa in extremis et le stabilisa par la force de l'habitude.

« T'es toujours de la partie, pour le week-end du quatre ? demanda-t-il.

– Si je me casse pas la jambe d'ici là, ouais, bien sûr. Nico vient avec nous, finalement ?

– Normalement oui, s'il décide pas de partir en Australie ou à Madagascar au dernier moment. Quoiqu'en ce moment c'est plutôt New York, sa grande destination, répondit Emmanuel d'un ton désapprobateur. Enfin, ça va nous faire un de ces biens, ce week-end à la mer, je commence sincèrement à… Ooooh, mais c'est Erwan ! »

Quentin grimaça alors que le regard d'Emmanuel s'illuminait.

« Je vais peut-être te laisser prendre le bus, déclara-t-il sans lâcher sa proie des yeux, un sourire aux lèvres.

– Je vois, tu m'abandonnes lâchement au profit de t…

– Oh là, oh là, cherche pas à me culpabiliser ! »

Emmanuel fit un petit geste d'au revoir et partit en ligne directe dans la direction qui l'intéressait, comme un rapace sur une innocente souris. Quentin ressentit un vague sentiment de pitié à l'air traqué que prit Erwan en voyant Emmanuel, mais haussa les épaules et reprit son chemin. Il descendit prudemment les marches du bâtiment et rejoignit l'arrêt du 16 où il s'assit pour attendre le bus.


« Est-ce que tout va bien ?

– Attendez, je vais vous aider…

– Vous saignez ! »

Il ne le faisait pas exprès. Vraiment.

« Ça va aller ?

– Il y a une pharmacie, là-bas, voulez-vous qu'on vous y emmène ? »

Le professeur Le Foll, blague elfique à part, avait raison, ce n'était pas d'un médecin dont il avait besoin, il les avait tous faits ; à commencer par l'ophtalmo qui lui avait déclaré une vue parfaite. Il avait cinq ans alors et le crâne couvert de bosses.

« Vous êtes sûr que vous pouvez y aller seul ? »

Puis il y avait eu le psy. Quentin avait huit ans, les genoux les plus écorchés de tout le primaire, et des parents fraîchement divorcés. Le psy avait conclu à une expression de ses troubles familiaux. Ses parents s'étaient par conséquent débrouillés pour rester bons amis mais lui avait continué à se retrouver par terre au moindre caillou sur son chemin.

« Ah ! Attention ! Vous allez… »

La tête de sa mère quand son institutrice de CM2 leur avait envoyé l'assistance sociale. Puis l'éclat de rire de son professeur de français en Cinquième : « Toi, t'as juste un peu trop la tête dans les nuages, mon petit bonhomme ! »

Soit.

« Vous avez l'air d'un enfant avec votre jean déchiré et vos genoux écorchés », lui fit remarquer Fabienne-la-pharmacienne en secouant la tête et lui tendant le mercurochrome.

Il n'empêchait que sa tête dans les nuages lui avait coûté beaucoup, à commencer par ses relations sociales.

Parce qu'au début, ça inquiète les gens, puis ça les amuse, et enfin ça les agace. Trop de projets qui tombent à l'eau, de soirées auxquelles il ne va pas au dernier moment ou dont il revient avec une dizaine de points de sutures parce qu'il s'est cassé un verre dessus ou quelque chose comme ça.

« Je vous mets des compresses avec l'élastoplaste ? Voilà, ça vous fera… »

Et puis, les filles trouvent ça mignon la première semaine.

A la deuxième c'est fou ce que finalement « entre toi et moi ça peut pas marcher ».

De son enfance, il ne lui restait que les jumeaux, Emmanuel et Nicolas, rencontrés au collège. Eux, ça les avait fait rire tout de suite et ils n'avaient jamais cessé depuis. Manu et Nico qui lui avaient organisé une fête dans sa chambre d'hôpital le soir de ses dix-huit ans avant de se faire jeter dehors, et qui prévoyaient toujours des plans de secours à leurs projets de vacances communes. Les autres entraient et sortaient de sa vie avec une constance presque routinière ; amis et amours même combat.

M'enfin, c'était vrai que Manu et Nico étaient un peu particuliers. Ils avaient une famille de fêlés.

Quentin ouvrit la porte de son studio et posa son sac de cours et celui de la pharmacie par terre.

Il était à peu près sûr que si Emmanuel n'en avait pas parlé, il ne serait pas tombé en descendant du bus.

(à suivre)