Prénom: Lloyd
Âge: 23 ans + 272 années
Famille : Le patronyme de son père était West. Il était baron De La Warr. Son demi-frère se nommait Hugh De La Warr. Sa mère se nommait Anna Fraser. Tous trois sont mort il y a longtemps.
Description physique : Doté d'une corpulence et d'une taille à peine en dessous de la normale, la nature vampirique de Lloyd a transformé un homme aux traits agréables en une créature aussi gracieuse que séduisante. Il a les cheveux d'un châtain très clair, presque du blond et ses yeux ont la couleur de la cannelle. Sa peau est mate. Et ses habits sont de factures classiques bien qu'il ne suive absolument pas la mode de son époque. Il lui arrive parfois de mélanger les styles sans s'en rendre compte.
Histoire :
Un. Deux. Trois
Regardez-moi
Un. Deux. Trois
Vous ne me voyez pas
Un. Deux. Trois
Je suis là
Seul devant vous
Vous êtes là
Un. Deux. Dix. Mille
Je ne vous aime pas
Un. Deux. Trois
La fuite est hors de portée
Je n'ai plus la force d'y arriver
Mon nom est Emperess. J'écris ces lignes pour me rappeler qui je suis. Ma mémoire s'en va là où va l'eau, elle se déhanche et se trémousse dans mon cerveau, se pressant contre les parois de mon crâne afin de s'infiltrer par le moindre interstice et sortir de moi. Je crois que je perds doucement la tête.
Mon nom est Emperess. Provocation de ma part quand j'acquis le droit d'avoir mon propre nom de famille. Celui-là, c'est moi qui l'ai choisi. Il y a de cela bien longtemps. Pourtant je vivais avant de l'acquérir. Avant, je n'avais pas besoin de nom puisque je n'étais rien. Je n'étais que Lloyd. Lloyd le Bâtard. Peut-être devais-je m'estimer heureux. Après tout, j'avais le même surnom que Guillaume le Magnifique. Vu ce que la vie m'a apporté, j'avais décidé de leur faire tous la nique. Emperess est mon nom mais il est avant tout un hommage envers Mathilde. Mathilde l'Emperesse que les anglais ont rejeté mais qui est tout de même parvenue à assurer ce trône à son fils.
Avant… Avant… Je n'étais que si peu de chose. Ma mère. Qui est-elle ? Je m'en souviens à peine. Un nom. Un visage. Une femme comme tant d'autres qui n'est ni plus mauvaise ni moins que les autres humains. Elle était naïve à ses vingt ans. Elle s'est aigrie en vieillissant. Je fus son unique enfant.
Anna Fraser. La fille de l'arbre des cendres… Elle était veuve à dix-huit ans. Orpheline à quinze. Son frère cadet est mort de fièvre alors qu'elle avait neuf ans et lui quatre. Elle a grandi seule. Quand elle est morte, je n'étais pas là. Je n'ai jamais su de quoi elle était morte. Si cela avait été naturel ou non. Est-ce que je m'en soucie encore aujourd'hui ? Non. Si je me pose la question, cela doit être non. Je m'en suis tellement voulu.
J'étais son fils mais cela comptait tellement peu. Je n'étais qu'un enfant parmi tant d'autres dont la mère n'était pas faite pour être mère et dont le père ne se souciait pas. L'arbre des cendres. C'est son nom. Fraser. A croire que sa vie d'infortune lui avait été prédestinée. Pas à moi. Je n'étais que son fils. Je n'étais pas de sa famille. Je n'étais pas né. Je n'avais qu'un prénom. Pas de nom. Pas de famille. Pas d'existence.
Un jour mon père est mort. C'est à ce moment-là que j'ai commencé à vivre. Le jour de sa mort, son fils est venu me voir. Son fils. Son vrai fils. L'héritier légitime du manoir où je vivais. Il m'a regardé, m'a demandé comment je m'appelais.
- Lloyd
Il m'a jaugé puis a opiné de la tête. Il s'est retourné après m'avoir pris mon unique objet de valeur. Un parchemin vierge orné d'un sceau. J'avais supposé qu'il s'agissait du sceau du château. J'avais raison. Désolé mais immobile, je le regardais partir.
Quelques mètres plus loin, il s'est retourné. Son expression était toujours aussi maussade, en accord avec ses yeux gris perçants, des yeux de soldat. L'espace d'une seconde, je retins ma respiration.
- Lloyd ? Lloyd le Bâtard. Tu es né sur ces terres. Tu m'appartiens alors ne fais pas de jérémiades et viens.
Et je suis venu. Je ne sus jamais pourquoi il avait réclamé ma propriété, de toute façon je lui appartenais quoi que je fasse comme j'avais appartenu à mon père. Je n'avais pas d'existence autre que celle que les Seigneurs du lieu me donnaient. A partir de cet instant, j'ai commencé à vivre. Ce fut à cette époque que je vis ma mère pour la dernière fois. Avant ou après mon départ avec le nouveau Seigneur, je ne me souviens pas.
Durant un mois, je ne servis à rien. Je ne fus qu'une bouche de plus à nourrir pourtant personne ne se plaignit. J'avais une chambre, deux ensembles de vêtements. Une paire de bottes. Un chapeau aussi. Le chapeau était beau ? D'un rouge orange flamboyant, je n'osais pas le mettre mais je passais des heures à le contempler. Encore aujourd'hui, je pourrais le redessiner. Je pourrais le reconnaître entre mille autres chapeaux rouges ou oranges. Durant un mois, ce chapeau fut mon seul vrai compagnon. Les autres n'étaient pas là. Le Seigneur du lieu était absent. Les autres n'avaient pas d'existence. C'était comme ça.
Quand il revint, la première chose qu'il fit, ce fut de venir à ma chambre. Il ne s'était pas rafraîchi, il ne s'était même pas restauré. Un mince filet de sueur coulait encore de son front. Je restais paralysé, assis sur mon lit comme j'étais avant qu'il ne soit rentré.
- Lloyd ?
Ce fut à mon tour d'opiner de la tête. Que voulait-il que je dise ? Lloyd. C'était mon prénom. C'était moi. Son visage devint rouge. Je ne le vis pas bouger, j'étais trop fasciné par la couleur de son teint. Je ne vis pas non plus la gifle arriver. Je fus projeté par-delà le lit. Mon Seigneur s'appelait Hugh. Hugh West. Je n'avais pas osé me relever.
- Parle ! Parle ! Bon sang ! Parle !
Ce fut alors que je commençais à bégayer. Longtemps je ne pus parler qu'en bégayant. Dieu que c'était pathétique. Le visage de mon Seigneur se radoucit et retrouva sa pâleur d'origine. Il se pencha vers moi et me tendit la main. Sans trop savoir ce que j'aurais pu faire d'autre, je la pris. Je la pris et me retrouva assis à côté de lui. Sur le lit. Mon lit. Le lit où j'avais dormi. Il me sourit et commença à parler. Longtemps. Longtemps il parla. Il m'expliqua qui j'étais. Qui je serais surtout. Il m'expliqua que je lui appartenais complètement. Il m'expliqua pourquoi, comment. Il me jura que je ne pourrais jamais échapper à son emprise. Il m'expliqua tout cela mais c'était inutile. Tout cela, je le savais déjà. Je l'avais su au moment où mes prunelles brunes avaient rencontré son terrible regard gris. On m'a dit une fois qu'au départ d'une rencontre entre deux personnes, avant même le premier conflit, il y avait déjà une personne dominante et l'autre soumise. J'étais soumis à ce premier regard.
Sans que je comprenne pourquoi, je devins son écuyer. J'avais une identité. J'étais devenu Lloyd le Bâtard. Bâtard, je l'étais déjà avant mais personne ne s'en était soucié. Depuis lors, ils me reconnaissaient. Cela me différenciait des autres. Certains m'appelaient parfois le Bâtard De La Warr. Ils étaient idiots. Je n'ai jamais appartenu à la famille des De La Warr.
Quand j'y repense, il m'arrive parfois de me demander depuis combien de temps ma mère avait accouché de mon corps avant que mon Seigneur Hugh vienne me chercher. Treize, je crois. Je sais qu'il était plus âgé que moi. Au moins cinq ans. Peut-être dix. Est-ce que cela importe vraiment ?
Au cours de la décennie qui a suivit, je l'ai accompagné. Partout où il allait, je me trouvais aussi. J'étais là quand il se levait, quand il se battait, quand il mangeait. J'étais même là quand il baisait. Parfois il m'a demandé de participer. Toujours avec une femme entre nous. Parfois il me demandait de fermer les yeux et de ne pas écouter. Ce fut avec lui que j'appris quantité de choses. Je l'accompagnais partout et il en était satisfait. Jamais il ne m'adouba chevalier. J'étais son écuyer et je le resterais autant qu'il le voudrait.
Un jour, il partit en voyage. Cela n'avait rien d'inhabituel. Comme d'habitude, je faisais partie des bagages. Comme d'habitude, je partis à côté de lui, à l'avant du convoi que nous formions, mon Seigneur, sa garde et moi. Je chevauchais un palefroi gris pommelé. Celui de mon Seigneur était d'un blanc immaculé. Comme moi, mon cheval faisait figure de bâtard. Je l'aimais tout de même. Il était gentil. Il était doux. Il était beau.
Comme d'habitude, nous nous arrêtâmes dans un château voisin pour la nuit. Nous repartîmes au petit matin et ainsi de suite. Nous allions à Londres. Mon seigneur allait assister au couronnement d'Edouard VI. L'enfant n'avait que dix ans mais il était le seul fils d'Henri VIII. Il était notre roi à tous. Je ne l'ai jamais vu. A la dernière étape, nous nous sommes arrêtés dans un château que je ne connaissais pas mon Seigneur, si. Il faisait tellement sombre que mon cheval trébucha au moins trois fois. Je mis pied à terre et je suivis le reste des hommes.
Le château dans lequel nous entrâmes allait devenir ma demeure mais cela je ne le sus pas encore. Pour moi, il ressemblait à tant d'autres châteaux. Je n'y prêtais même plus attention. Je voulais juste que mon Seigneur soit content. Le reste était secondaire.
Le repas fut identique mais vers la toute fin, je sentis ma tête dodeliner un petit peu. J'avais sans doute bu trop de vin ce qui n'était pas bon conjugué à la fatigue. Mon Seigneur m'autorisa à partir et un homme du château me montra la chambre que j'allais occuper avec mon Seigneur. A peine m'étais-je étendu sur la paillasse au pied du lit que je m'endormis. Je me réveillai, une éternité plus tard. Mon corps entier me lancinait. Les tentures n'étaient pas tirées. Je voyais au loin le pâle éclat des étoiles. Il faisait encore nuit et ma tête était aussi gourde que si on m'avait assommé.
Deux chandeliers brûlaient non loin de moi. Leur lumière paraissait irréelle tellement était forte. Je me cachais les yeux et me renfonça dans les coussins… Je n'y étais pas attentif tout de suite mais quand je pris conscience d'où je me trouvais, je m'extirpai du lit en moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire. J'étais pourtant certain de m'être endormi sur la paillasse au pied du lit. Mon regard frôlant le sol, j'y portais mes yeux. Le sol était nu. Je ne comprenais plus.
Fermant à nouveau les yeux, je creusais ma mémoire pour savoir ce qui c'était passé. Rien ne me revint, rien de distincts. Une main qui me caressait les cheveux. Une impression de sécurité et de béatitude extrême. De la douleur aussi. J'avais plutôt l'impression que tout cela était du domaine du rêve.
Une porte s'ouvrit. Mon Seigneur entra. Il souriait. Il me souriait. Je ne comprenais pas. Il vint s'asseoir à côté de moi sur le lit comme ce jour lointain, si longtemps auparavant. Il me caressa la joue et m'embrassa dans le cou. Cela me chatouilla. Sa barbe se frottait contre ma peau. Jamais il n'avait fait cela. Pas avec moi. Mon expression dut me trahir quand il releva la tête puisqu'il s'écarta de moi.
- Lloyd. Tu ne m'appartiens plus. A présent, tu ne seras plus Lloyd le Bâtard. Si tu reviens sur mes terres, je t'abattrai, par tous les moyens qui me seront possibles. A partir de ce moment, tu n'existes plus dans cette famille. A partir de ce moment, tu n'as jamais existé dans ma vie.
Je ne sus quoi faire. Mon corps entier était figé. Il sortit de la chambre sans me laisser le temps de reprendre mes esprits. Je ne comprenais pas.
Le maître des lieux entra. Je restais immobile, trop choqué pour réagir. Ma vie était totalement bouleversée et je n'avais pas mon mot à dire. Un sourire paresseux étira la bouche du maître des lieux. Je frissonnai. Deux canines pointaient entre ses lèvres. Ce n'était pas normal. Il arriva tout prêt de moi, s'assit à la place que mon Seigneur avait laissé vacante et se pencha vers moi, imitant mon Seigneur une fois de plus. Là où il ne l'imitait plus fut quand il planta ses crocs acérés dans la chair de mon cou. Mon corps entier fut assailli de frissonnements. Je perdis le sens des réalités. Le reste de la nuit est mélangée en moi comme dans un rêve.
Il n'est plus revenu. Plus avant une semaine entière. J'eu cent fois l'impression de mourir et perdit totalement la notion du temps. De tentures de bois obscurcissaient les fenêtres de sorte que je ne pouvais voir au dehors.
Quand il revint, il n'était pas seul. Il était accompagné par une femme d'une quarantaine d'années. Une de ces femmes qu'on trouve n'importe où, trop maquillée, trop parfumée. Il l'amenait pour moi me dit-il. Je ne trouvais pas cela logique mais je ne protestais pas. Que devais-je faire ? Je n'en savais rien. J'étais trop affaibli pour coucher avec quiconque. De longues minutes passèrent avant qu'il ne me caresse le visage et me força à ouvrir la bouche. Son pouce se promenait sur mes dents, s'attardant sur les canines. Je compris le message. Mon Seigneur tuerait n'importe quel monstre qui viendrait sur son territoire. Il l'avait déjà fait. J'étais un monstre. Je ne pouvais plus revenir. La réalité s'abattit sur moi comme un couperet.
Les années suivantes, je les vécus dans un état d'apathie total. Mon cerveau paraissait bloqué sur l'abandon dont j'avais fait l'objet. Le maître des lieux agissait avec moi comme si j'étais une poupée. Une poupée ou un chaton. Je ne sais pas exactement. Quoiqu'il en soit j'obéissais toujours. Quarante-sept années se sont écoulées sans que je réagisse. Le maître des lieux ne se lassa pourtant pas de moi.
Et puis, une nuit, je me suis réveillé. Des larmes impalpables se sont mises à couler et des sanglots me déchiraient la poitrine. Le lien qui m'avait uni à Hugh venait de se briser et s'il m'avait donné la jeunesse éternelle, lui continuait à vieillir. Il était mort aux environs de la soixantaine. Je ne sais pas comment. Je ne sais pas où. Je m'en veux tellement.
Je devins fou de rage pour les mois qui suivirent. Jamais le maître ne se départit de son éternel sourire en coin et cela me rendait malade. N'y tenant plus, je lui ai sauté dessus et j'ai tenté de lui arracher la gorge avec mes crocs. Il s'est contenté de me serrer fort la mâchoire de ses deux mains. J'eu l'impression d'être face à un géant. Je n'avais même plus la force d'entrouvrir les dents. Il me regarda droit dans les yeux. Au bout de longues minutes, un gémissement s'échappa de ma bouche et mourut dans son oreille. Il ne cilla pas. Je ne pus plus soutenir son regard et détournais les yeux. Aussitôt une de ses mains lâcha mon visage et s'abattit sur mon dos, me pressant contre son torse.
Je ne suis pas spécialement grand. Lui si. Mon nez est à peine plus haut que son épaule, enfoui dans ses cheveux foncés. Il m'entraîna dans sa chambre. Je le combattis encore mais à chaque fois je dus rendre les armes. C'est à cette époque-là que j'appris à devenir un vampire. Avant, je n'avais été qu'une marionnette. Le maître des lieux me révéla son nom. Il s'appelait Tristan. Il avait vécu là avant même que le Prince Noir ne parte à la conquête de la France. Ce fut lui qui me parla de Mathilde l'Emperesse. Il la décrivit comme s'il s'agissait de la perfection personnifiée. Comme si elle était un avatar de l'amour descendu sur Terre.
Je crois bien qu'il en était fou. Tristan pouvait me parler des heures de la couleur de ses cheveux, de la finesse de ses traits, de son intelligence aiguisée. Nous cohabitâmes ainsi longtemps, Tristan, moi et le spectre inexistant de Mathilde. Elle s'évanouit la nuit où j'eu le courage d'endosser son nom. Je l'avais annoncé à Tristan qui était resté silencieux durant un millier de secondes. Je n'en pouvais plus. Je m'étais résigné à partir ou à me laisser punir pour ce crime de lèse-majesté. Même au bout de tout ce temps, Tristan réagit mieux que je ne l'avais espéré. Ses bras se refermèrent autour de moi et pour la première fois, il mêla sa langue à la mienne.
Je ne me souviens plus de l'année ou même de la décennie durant laquelle cela s'était passé. Quatre-vingt, cent ans après la mort d'Hugh. Cela devait être dans ces eaux-là. Nous continuâmes à vivre ainsi. Le monde extérieur n'interférait que rarement au sein du château. Parfois Tristan partait mais il ne m'emmenait jamais avec lui. Il ramenait souvent quelque chose de nouveau. Un tableau, un objet qui m'émerveillait des jours durant. La relation que je construisis avec lui était extrêmement exclusive. Trop exclusive sans doute. J'avais oublié qu'il existait un monde et je me comportais avec une rare imprudence pour un vampire. Un vampire. Même à présent ce terme sonne étrangement.
Je n'ai jamais été à Londres. Je n'ai jamais quitté l'Angleterre. La bibliothèque de Tristan est assez grande, bien fournie. J'ai pu me documenter sur quelques choses, piochant un livre dans un rayon et le ramenant une ou deux semaines plus tard après en avoir savouré chaque mot, chaque lettre. Ma vie était celle d'un ermite mais d'un ermite heureux. Tristan me donnait ce dont j'avais le plus manqué durant ma vie. De l'amour. De l'amour inconditionnel. Qu'avais-je à retirer de rencontres avec d'autres gens ? Je ne me posais même pas la question.
La nuit du 18 juin 1815 marqua un troisième bouleversement dans ma vie. Ce fut cette nuit-là que je vis le corps déchiqueté de Tristan. Il n'était même pas mort dans son château mais à des miles de distances. C'était un colis qui m'en ramena le corps. Je ne sais pas pourquoi il est mort. J'ai vu qu'on lui avait coupé la tête et chacun des membres. On lui avait également brûlé le cœur, les yeux et la langue. Soigneusement pliés dans un linge souillé de sang se trouvaient les vêtements qu'il portait au moment de partir.
Cela fait deux ans à présent. Nous sommes en 1917. La date est écrite devant moi mais elle n'est pas d'aujourd'hui. Peut-être hier. Peut-être quarante jours plus tôt. Je ne sais pas. Je m'en contrefiche. Une dame d'une quarantaine d'années s'occupe de moi à présent. Elle n'est pas mon calice mais se comporte comme si elle l'était. Je ne la connais pas. Je ne connais même pas son nom. Je me laisse simplement choyer par elle. Voilà deux ans que Tristan a disparu. Le choc est énorme mais je ne veux pas sombrer dans la même apathie qu'avait provoquée l'abandon d'Hugh. Il me reste tellement de choses à faire…