L'ASSASSIN PIEGE

Prologue:

Tous les invités étaient partis, seul un restait et pourtant que donnerait-il pour s'en aller aussi... Cet invité se trouvait non pas dans les étages supérieurs du manoir mais plutôt dans ceux inférieurs ; attaché au fond d'une pièce qui devait plus servir de cave à vin que de cachot, les mains liées au dessus de sa tête. Ses cheveux blonds cendrés lui tombaient sur le visage et ses yeux viraient au turquoise. Il portait un ensemble noir commençant à virer quelques peu gris, résultat de la poussière emplissant l'endroit.

« Joyeux anniversaire Jérémy ! »

Voilà ce à quoi j'étais en train de penser. Ironiquement, bien sûr ! Comment pourrais-je trouver que c'est un joyeux anniversaire étant donné ma situation actuelle ? Comment en suis-je arrivé là ?

On m'avait confié un travail si je me souviens bien, « Quelque chose de trop simple pour moi » , avait même dit le Chef. Simple ? Il y ' à dû avoir une erreur dans l'information donnée.

C'était quoi le travail déjà ? ... Ah, oui ! Assassiner un noble lors d'une réception chez lui ! D'ailleurs, en y repensant, la réception était assez étrange. Différente des soirées mondaines que j'ai déjà eu l'occasion de voir. Non, là c'était calme. Trop, même ! L'atmosphère était glaciale, j'en suffoquais presque et les invités ne faisaient que murmurer. Pas un éclat de rire ne retentissait dans la salle.

Le silence s'est fait soudainement et un homme est entré dans la salle. Homme que j'identifiais comme étant ma cible. Je me rappelle avoir été en train de me demander quel serait le meilleur moment pour l'éliminer, quand j'ai croisé son regard. Il avait de très beaux yeux que je n'avais pas remarqués sur la photo que m'avait montré le chef : ils étaient mauves avec un éclat rouge. Puis, il m'a semblé entendre une voix dans ma tête m'ordonnant de dormir. Et après ça, j'ai dû m'évanouir ou dormir ?! Je me suis réveillé il y a quelques heures et depuis j'attends. J'ai bien essayé de me libérer mais malheureusement c'était impossible !

Tout à mes pensées, je n'avais pas entendu la porte s'ouvrir et je sursautai en voyant une paire de bottines sous mon nez. Je levai la tête vers mon visiteur pour apercevoir une jeune fille. Ou plutôt une enfant ? Impossible à dire ! Elle était petite et sa tenue me faisait penser aux poupées de porcelaine qui ornent les étagères du bureau du chef. Sa peau était pâle, presque transparente ; les dames de la noblesse devaient la jalouser ! Ses cheveux châtains clair cascadaient sur son dos, libres de leurs mouvements.

Je sentis mes liens me quitter puis elle m'ordonna de la suivre. Je trouvai qu'elle manquait de vigilance, il serait tellement simple d'arriver derrière elle et faute d'arme blanche, je peux toujours me servir de ma main pour l'assommer. Alors que j'allais mettre mes pensées à exécution, une épée s'abattit à deux millimètres de mon nez et une voix grave me chuchota à l'oreille.

« Un geste de travers et je te coupe en tranches. »

Je considérai mes chances de m'en sortir lorsque je vis l'homme à qui appartenait l'épée. Elles descendirent aussitôt à zéro : c'était le genre d'homme avec qui on ne s'en sortirait pas avec une ou deux entourloupes et je suis sûr que malgré ma rapidité, il me rattraperait sans problème. Surtout que je ne connaissais pas les lieux. Je choisis donc de les suivre bien gentiment. Que voulez-vous... Je suis assassin professionnel, pas suicidaire professionnel ! Tout en marchant je mémorisais mécaniquement le chemin que l'on suivait. Et dire que j'aurais pu fêter tranquillement mon dix-huitième anniversaire à la maison !

A peine sortis du sous sol, une sensation de froid m'oppressa. La même que lors de la réception. Pas le froid que l'on ressent en hiver ! Non, c'était un froid saisissant qui vous glace le sang et qui vous donne envie de fuir loin de là ! Malheureusement, dans mon cas, c'était impossible. Je suivis donc bon grés mal grés mes deux compagnons de voyage qui ne semblaient pas ressentir cette sensation de froid.

Nous traversâmes plusieurs salles richement décorées, témoignant de l'opulence dans laquelle vivait le maitre de la maison. Nous nous arrêtâmes devant une porte, sobre par rapport au reste de la maisonnée. La jeune fille toqua et la porte s'ouvrit silencieusement et... Seule ?! Sûrement que des valets se trouvaient à l'intérieur de la pièce. On me fit avancer dans ce qui semblait être un bureau. Je regardais derrière moi pour voir si valet il y avait mais il m'apparut que valet il n'y avait point. Et que les portes se refermaient d'elles-mêmes. Je déglutis difficilement et détournais précipitamment la tête, observant par la même occasion la pièce dans laquelle j'étais, préférant remettre à plus tard la découverte du mystère de la porte fantôme. Le bureau était simple ; une vitrine où étaient exposés des objets que l'on peut retrouver peints dans des tableaux de vanité, un bureau et derrière ce bureau une chaise qui nous tournait le dos, l'occupant étant surement occupé à observer la nuit par la fenêtre.

« Assieds-toi, je t'en prie, fit une voix calme de la chaise.

- Et où est ce que je m'assoie, Monsieur ?, demandai-je sarcastiquement. Je ne vois nul endroit où s'assoir si ce n'est votre bureau même !

- Cela pourrait être une possibilité intéressante pour plus tard. Mais je te préfèrerais assis sur une chaise pour l'instant. »

Il parlait d'un ton calme presque détaché. Cette voix m'énervait autant qu'elle m'envoutait. Juste au moment où j'allais lui rappeler qu'il n'y avait nulle part où s'assoir, une chaise apparut sous mon nez. Encore un mystère à découvrir : la chaise imprévisible ! Y'aura quoi après ? La table danseuse étoile ? Je ne pus m'empêcher de sourire face à l'image qui me vint à l'esprit. Sourire qui disparut lorsque la chaise derrière le bureau se tourna, me révélant son occupant. Je pus ainsi découvrir l'homme qui y était assis et qui n'était autre que ma cible...