Auteur : Mouf-Mouf

Disclaimer : Tout à moi ! Sauf la chanson, qui appartient à Jean-Jacques Goldman (on ne rit pas !), légèrement modifiée par mes soins.

Genre : Petite romance yaoi toute simple

Note : Vous ne pouvez pas savoir depuis combien de temps il me trotte dans la tête, celui-ci ! Alors, j'ai beau travailler sur un gros projet (raison de mon absence, et que je ne livrerai pas avant de l'avoir fini), j'ai craqué ! XD

Note 2 : Les grèves, c'est nul. J'en ai marre. Mais au moins, j'ai du temps pour écrire. Toujours voir le côté positif.

Je ne vous parlerai pas de lui

Je vous dirai ma vie dans son nu le plus blême

Dans les matins pâlis, où plus rien ne protège

Je vous dirai mes cris, jusqu'aux plus imbéciles

Je vous livrerai tout jusqu'au bout de mes cils

-Et c'est ainsi que s'ouvre la troisième édition de ce gala de bienfaisance, réunissant les plus grandes célébrités de la planète pour les causes…

-Le tapis rouge déborde de personnalités. Acteurs, chanteurs, grands PDG, on est venu de…

-Oh mais oui, c'est Johnny Depp, au bras de sa ravissante femme ! Quel couple !

-Zoome sur eux, zoome sur eux !

-Une nouvelle limousine s'arrête, et c'est… mais oui, c'est Nathanaël Brand ! Les flashs crépitent, Johnny en est presque oublié !

Au bout du tapis rouge, à l'opposé des journalistes et des caméras qui l'attendent de pied ferme à l'entrée, Nathanaël sort souplement de son véhicule avec un large sourire et des signes de la main à la cantonade. Grand, le corps musclé mis en valeur par un costume italien noir fait sur mesure. Il respire la classe, du bout de ses mèches brunes savamment effilées et désordonnées à la pointe de ses chaussures dont on tait le prix. Mieux vaut éviter les syncopes.

Héritier d'une longue dynastie spécialisée dans l'informatique, du plus petit baladeur aux ordinateurs les plus sophistiqués du gouvernement. Enfant prodige, à 26 ans son père lui a déjà abandonné les rênes de la société. Sous sa houlette, les chiffres se sont déjà envolés et la fortune familiale est l'une des plus colossales de la planète. On ne compte plus les résidences secondaires perdues dans des coins paradisiaques loin de tout regard, les fêtes époustouflantes et extrêmement sélect, pour lesquelles on serait prêt à donner père et mère pour avoir l'honneur d'un carton d'invitation. Et cerise sur le gâteau, cette fortune se voit également mise au service des grandes causes humanitaires. De l'environnement à la pauvreté, en passant par l'alphabétisation et la création d'hôpitaux, Brand Corp. est sur tous les fronts. Requin en affaires, grand cœur pour les démunis, Nathanaël fait figure d'oiseau rare parmi les grands pontes de son monde.

-Le voici, c'est bien lui ! Sa présence était bien sûr indispensable…

-Toutes les caméras, tous les micros sont sur lui !

-Nul doute qu'il est le véritable attrait de cette soirée…

Le jeune homme sourit calmement à la foule, ses yeux d'un bleu océan extraordinaire clignent à peine malgré les flashs qui le mitraillent. Sa position, sa puissance et son physique en font le célibataire le plus convoité de la planète, sa main gauche restant désespérément vierge malgré les aventures qu'on lui accorde.

Tous mes gestes promis, tout ce que je pense

De mes coups de colère à mes coups de romance

En toute complaisance, en toute pudeur

Compte-rendu fidèle de toutes mes heures

-Monsieur Brand ! Vous revenez tout juste de votre siège à Boston où vous avez finalisé une importante fusion, n'est-ce pas ?

Sourire calme.

-C'est vrai, oui. Nous comptons désormais un nouvel associé dans le domaine de la technologie hospitalière.

-Monsieur Brand, monsieur Brand ! Est-il vrai que vous changez d'appartement toutes les semaines ? Est-ce pour préserver votre vie privée ?

Clin d'œil.

-C'est surtout que je m'écroule de fatigue dans mon appartement le plus proche !

-Monsieur Brand ! En parlant de votre vie privée…

Gros soupir intérieur. Enorme. Mais sourire serein, amical.

-Est-il vrai que vous entretenez une liaison avec l'actrice Diane Krüger ?

-Non, c'est faux. Diane est une femme magnifique et une amie, sans aucune ambiguïté.

-On vous a pourtant vus assis ensemble à la dernière cérémonie des Oscars !

Il se retient de lever les yeux au ciel. Mais alors, il se retient très fort. Son père l'a élevé dans la phrase qui fait mouche, non le comportement enfantin.

-Et si vous regardez attentivement les images, vous remarquerez que son compagnon était juste à côté d'elle.

Mouché, déçu de son scoop réduit à néant, le journaliste fait un pas en arrière. Aussitôt, trois autres viennent prendre sa place, n'hésitant pas à se marcher sur les pieds pour l'approcher au plus près.

-Sors-moi de là, pitié, siffle Nathanaël entre ses dents serrées à son garde du corps.

L'homme, qui le dépasse d'une tête, acquiesce d'un geste avec un sourire discret. Glissant une main dans le dos de son patron, il entreprend de l'autre de lui frayer un chemin sous les protestations des journalistes.

-Monsieur Brand ! Monsieur Brand !

-Une dernière question, Monsieur Brand !

-Monsieur Brand !

Le garde du corps se retourne et leur lance un regard noir. Un seul. Mais suffisant pour les faire taire.

-Vous créez un embouteillage, énonce-t-il d'une voix aussi calme que glaciale. Retournez-vous, d'autres célébrités viennent d'arriver.

Et il se détourne, emportant dans le bâtiment un Nathanaël contenant difficilement un grand éclat de rire. Il passe les portes battantes avec un soupir de soulagement. Le hall est presque désert, juste quelques employés bien élevés qui ne lui sauteront pas dessus. De la musique s'échappe d'une porte grand ouverte à quelques mètres, la salle de réception. Et avant que n'arrive la prochaine célébrité, il dispose d'au moins trente secondes de tranquillité. Un luxe rare et appréciable. S'il n'en faisait qu'à sa tête, le jeune homme déferait sur le champ sa cravate et les premiers boutons de sa chemise, retirerait ses chaussures hors de prix et les échangerait contre de grosses chaussettes confortables. Un bref éclat de rire le prend alors qu'il s'imagine assister à la réception ainsi vêtu. Les journalistes auraient de quoi parler, ça c'est sûr !

-Tout va bien ? s'enquiert son garde du corps.

-Oui, merci Andrew, fait Nathanaël avec un sourire. Tu m'as sauvé la vie.

-A ton service, mon cher ! répond l'homme en esquissant une courbette.

Un clin d'œil en se redressant, et Nathanaël retrouve une bouffée d'énergie. De longs cheveux noirs retenus en un catogan, un corps massif et musclé rompu à toutes les techniques de combat, des yeux sombres derrière ses lunettes noires, Andrew est un homme qui en impose, métier oblige. Mais c'est aussi, depuis ses premiers pas dans la société, le meilleur ami de Nathanaël. L'un des rares à le traiter encore comme un être humain, à se permettre de le chahuter, de le tutoyer voire parfois même de le secouer. C'est rafraîchissant, agréable et indispensable.

-Je sais, tu m'adores, s'amuse Andrew en interceptant le regard de son employeur. Ouf !

Profitant d'être à l'abri des regards, Nathanaël vient de lui enfoncer son coude sous les côtes. Et si Andrew fait mine de se plier en deux, il se doute bien que c'est du cinéma. Jamais il ne réussit à le surprendre et encore moins à lui porter le moindre coup. Celui qui est aussi son professeur d'autodéfense le met systématiquement au tapis. Rageant.

-Tu devrais le dire plus fort, ça raviverait les rumeurs sur notre liaison ! siffle l'héritier.

-Diane trompe son compagnon avec toi, tu as déjà oublié ?

-C'est vrai… Mais du coup, ils en oublient mes fiançailles avec Lorie !

-Elles ont été éclipsée par l'article sur tes enfants illégitimes avec Jennifer Garner et ta liaison avec James Lafferty. Suis, un peu ! s'indigne Andrew.

-C'est vrai, désolé… Oups, il va falloir dégager le passage !

En effet, un couple de stars se presse vers le hall, visiblement désireux d'échapper aux journalistes à leur tour. Et Nathanaël doit s'avancer vers la porte ouverte, la salle de réception déjà pleine. Une grimace naît sur ses lèvres.

-Je ne peux pas partir en courant, hein ? demande-t-il en levant des yeux désespérés vers Andrew.

Ce dernier secoue la tête, et profite de leurs dernières secondes d'intimité pour lui ébouriffer les cheveux d'un geste tendre.

-Non. Mais pense à l'argent récolté pour ces causes qui te tiennent à cœur, et plonge !

Nathanaël redresse la tête, déterminé. Malgré l'aversion qu'il éprouve pour ce genre de réceptions, emplies de vautours et de journalistes irrespectueux, elles sont trop rares pour être dédaignées. Agir seul n'est pas toujours suffisant.

-Allons-y, fait-il d'une voix ferme, comme il aurait donné un ordre d'attaque.

J'avouerai tous les trucs interdits, les méthodes

Je vous dirai les clés, vous livrerai les codes

Les secrets inconnus à lire entre les lignes

Les talismans perdus, les chiffres et les signes

Le gala bat son plein depuis deux bonnes heures. Un large compteur accroché au-dessus de l'estrade affiche les gains déjà récoltés, et ils sont colossaux. Comme quoi, la fibre humanitaire et responsable n'est pas encore tout à fait morte. Un verre de champagne à la main, Nathanaël trinque avec les stars comme les patrons, passe d'un groupe à l'autre en souriant, glisse un mot agréable à chacun, accorde une danse aux femmes qui le demandent, propose à celles qui n'osent pas. C'est à la fin d'une valse au bras d'une charmante héritière à laquelle il offre un baisemain qu'un nouveau journaliste vient le voir. Nathanaël a très envie de s'enfuir. Loin. Et de se cacher. Derrière le yucca géant, tiens, ce serait une bonne idée. Andrew, posté à l'une des entrées, finira bien par le retrouver, il lui fait confiance.

-Monsieur Brand ?

Mais personnage public il est, personnage public il doit assumer.

-Bonsoir, répond-il.

-Alain Landré, journaliste indépendant. Vous permettez que je vous pose quelques questions ?

Un bon point pour lui.

-Bien sûr, accepte Nathanaël avec un sourire déjà plus sincère.

-J'ai entendu dire que vous étiez un véritable bourreau de travail. Pourtant, avec la fortune dont vous disposez et votre jeune âge, vous pourriez simplement vous laisser vivre. Pourquoi une telle énergie dans le travail ?

Nathanaël prend un instant pour répondre. Le sourire avenant, les yeux calmes et non affamés, ce journaliste décidément lui plaît. Il lui adresse un sourire, un vrai cette fois-ci, avant de reprendre la parole.

-J'ai été élevé dans l'importance du travail, de l'accomplissement et de ne rien prendre pour acquis. Si demain tout s'arrêtait, je pourrais m'en sortir car j'ai appris à faire quelque chose de mes dix doigts. En revanche, si je m'étais ''laissé vivre'', comme vous dites…

-Intéressant, fait Alain en griffonnant sur son calepin. Et ces causes qui vous tiennent tant à cœur…

Un long moment passe ainsi, au point que les deux hommes finissent par s'installer sur l'un des nombreux canapés moelleux qu'offre la salle de réception. Les flashs crépitent, quelques personnes viennent encore saluer Nathanaël, mais pour la première fois depuis bien longtemps, ce dernier se laisse prendre au jeu de l'interview avec plaisir. Les questions du journaliste sont pertinentes, intéressantes, et jamais inquisitrices. Aucune recherche d'anecdotes croustillantes sur son enfance ou son adolescence, il ne cherche pas à dénicher de squelettes dans les placards mais s'intéresse réellement au personnage complexe que forme Nathanaël Brand. Une première depuis longtemps !

-En somme, vous êtes un homme parfait, résume Alain. Dur à la tâche, concerné par le monde qui vous entoure, intelligent et bel homme. Ne vous étonnez pas que la moitié de cette salle vous dévisage, hommes et femmes confondus !

Nathanaël éclate de rire.

-Détrompez-vous, j'ai de nombreux défauts, corrige-t-il en secouant la tête.

-Ah oui ? relève Alain. Vous accepteriez de mettre ça par écrit, que je le montre à ma fiancée ?

Oui, décidément, ce journaliste le réconcilie avec ses pairs ! L'héritier s'apprête à rire à nouveau lorsqu'une main fine vient se poser sur son bras et qu'une voix mélodieuse l'interpelle.

-Nathanaël ?

Le jeune homme lève les yeux pour les poser sur un visage exquis, aux traits fins entourés de boucles blondes échappées d'un chignon lâche. Les grands yeux verts sont doux et fermes à la fois, le corps de ballerine respire la grâce dans une robe de satin clair toute simple et élégante. Son alliée dans la place, son amie à qui il adresse un doux sourire.

-Leïla, je te présente Alain Landré, journaliste. André, voici Leïla Manryad, ma secrétaire. Elle pourra vous parler à merveille de mes nombreux défauts.

-Enchantée, répond la jeune femme avec un léger sourire. Nathanaël, on vous réclame dans la salle.

-J'arrive, soupire son patron.

Un léger baiser sur la joue, et Leïla s'éloigne, dansant plus qu'elle ne marche. Alain est encore abasourdi d'une telle apparition.

-Elle fait souvent cet effet, s'amuse Nathanaël. Bien, je vais devoir vous laisser, le devoir m'appelle.

-Juste une dernière question, l'arrête Alain. Je suis désolé, je me dois de la poser pour mon article…

-Allez-y, fait l'héritier en se rasseyant.

-Est-ce elle ?

-Elle ? répète le jeune homme en haussant un sourcil.

-Est-ce elle, la femme qui vous soutient ? explique Alain. Il y a bien, dans l'ombre, quelqu'un qui prend soin de l'un des hommes les plus puissants de cette planète, puisqu'il repousse tout ce que ce monde compte de divines créatures ?

Etrangement, Nathanaël ne lui en veut pas de cette question. Il la sentait venir, elle était inévitable. C'est pourquoi il y répond sans la moindre animosité.

-Non, ce n'est pas elle, dit-il en se levant. Andrew m'en voudrait beaucoup, s'amuse-t-il à part lui-même.

-Qui est-ce, alors ? lance alors le journaliste, alors que l'homme s'éloigne.

Comme il s'y attendait, Nathanaël ne lui répond pas. Il se contente d'un clin d'œil malicieux, avant d'être avalé par la foule. Et comme bien d'autres avant lui, Alain Landré reste seul avec sa question en suspens.

Mes arrière-pensées avec inconscience

Mes goûts et mes dégoûts et tous mes coups de chance

Même sans intérêt, même un peu faciles

Mes fantasmes enterrés, mes idées les plus viles

A minuit et demi, Nathanaël pousse un profond soupir dans sa voiture banalisée, passe-partout. Il s'est enfui par une porte détournée, grâce à la complicité d'Andrew et de Leïla. Il desserre enfin sa cravate dans le véhicule qui l'emmène loin de cet endroit bruyant, loin vers une destination qu'ils ne sont que trois à connaître. Et deux sont dans cette voiture. Une technique qui a encore payé, puisqu'ils sont seuls sur l'autoroute. Personne ne l'a vu, personne ne les suit. Il est libre pour quelques heures. Un nouveau soupir lui échappe et Andrew jette un coup d'œil dans le rétroviseur. Meilleur ami et garde du corps, double raison de s'inquiéter.

-Tout va bien ? demande-t-il.

-Ne t'inquiète pas, le rassure Nathanaël d'un sourire. Je suis fatigué, c'est tout.

-Il n'y en a pas pour longtemps, répond Andrew. Et réjouis-toi : demain, c'est dimanche ! Enfin, aujourd'hui…

A ces mots, le cœur de l'héritier bondit d'allégresse. Dimanche, jour béni entre tous. Si pour la majorité d'entre eux, il doit quand même travailler quelques heures, son père encore en pleine santé se réserve ce jour dans les affaires. Et Nathanaël est trop heureux de le lui abandonner. Il y a tant de choses intéressantes à faire, le dimanche…

Le trajet semble durer une seconde et une éternité à la fois. Nathanaël lutte contre le sommeil à chaque kilomètre parcouru. Il ne veut pas dormir. Pas maintenant. Tout à l'heure, mais pas dans cette voiture, aussi confortable et sécurisante soit-elle. Enfin, elle freine devant une petite maison perdue derrière une large forêt, au bout d'un chemin qui n'en a que le nom. Personne à des kilomètres à la ronde, un coin oublié de tous depuis des générations. Ce qui en fait un coin de paradis. Deux étages, des murs de pierre, dissimulé des regards… Nathanaël ne s'est jamais plus senti chez lui qu'ici. Et pourtant, cet endroit ne lui appartient pas.

-Merci, Andrew, fait-il en descendant de voiture. Allez, file retrouver Leïla, ou elle va encore me bouder lundi !

Le garde du corps éclate de rire, et après lui avoir serré amicalement la main, repart. Il prendra un itinéraire différent pour rentrer, on ne sait jamais. Autant préserver le seul endroit où il peut laisser son patron d'ami sans lui en sécurité.

Nathanaël reste quelques secondes dehors, malgré son envie grandissante de se ruer dans la maison. Il inspire à fond l'air frais de la nuit, contemple les étoiles qu'ici rien ne va cacher. Leur lueur, associée à celle de la lune, est bien suffisante pour éclairer le paysage. Un plaisir simple et trop rare. Puis il cède et ouvre doucement la porte à l'aide de la clé cachée dans la doublure de sa veste. Il referme soigneusement derrière lui et se retrouve dans la maison silencieuse et plongée dans le noir. Mais il la connaît trop bien pour que ce soit un problème. Il ne heurte aucun meuble, aucun mur alors qu'il cherche à atteindre l'escalier. Il le monte sans bruit, évitant même les marches qui craquent. Un jour, il s'en occupera. Un jour.

Une fois à l'étage, il se débarrasse de ses chaussures, lâche sa veste et sa cravate à chaque pas. La porte qui l'intéresse est au bout du couloir. Il l'entrouvre un peu, juste assez pour se glisser dans la chambre. Elle est petite, simplement meublée. Un bureau, une armoire, un lit, et quelques tableaux au mur que la lumière de la lune ne suffit pas pour distinguer. En revanche, elle se déverse à flots par la fenêtre aux rideaux ouverts, inondant le lit et la forme endormie de sa clarté. Et Nathanaël sourit en contemplant son secret le mieux gardé.

Mais je ne vous parlerai pas de lui

Je ne vous parlerai pas de lui

Un corps fin enroulé dans la couette, des mèches blondes éparpillées sur l'oreiller, promettant un combat épique avec la brosse pour le lendemain. Des yeux fermés mais qu'il sait sombres et doux. Une bouche entrouverte qui l'invite, même endormie, et une peau pâle qui se soulève doucement au rythme de la respiration.

Il est à côté de moi quand je me réveille

Il a sûrement un contrat avec mon sommeil

Thibault. Son secret, son amant, celui dont l'importance est pour lui telle qu'il n'en parle jamais.

Je ne vous parlerai pas de lui

Il est mon sol et mon ciel

Celui pour qui il se démène chaque soir, pour qui il abandonne volontiers ses dimanches à son père malgré les dossiers qui lui font de l'œil, empilés sur son bureau.

Il est là même où mes pas ne me guident pas

Et quand je suis pas là, il met mes pyjamas

Celui qui partage sa vie sans râler malgré les complications que cela exige, celui qui ''le soutient dans l'ombre'' avec bonheur. Il n'a aucune envie de projecteurs ni de flashs, d'articles dans les journaux et de journalistes pendus à ses basques.

Il est plus que ma vie, il est bien mieux que moi

Il se moque de son chiffre d'affaires, de son carnet d'adresses empli de noms célèbres. Seuls comptent pour lui ces petites choses qu'il est le seul à savoir : que Nathanaël aime faire la sieste dans l'herbe, qu'il aime le pain grillé et la confiture d'oranges mais pas d'abricots, que le bout des doigts est particulièrement sensible chez lui, qu'il peut passer des heures à jouer avec un chaton sur un tapis comme un gamin…

Il est ce qui me reste quand je fais plus le poids

Il ne veut pas être l'amant de Nathanaël Brand, l'héritier le plus convoité de la planète.

Il veut simplement être l'amant de Nathanaël Brand, homme aimant, tendre et drôle.

Je ne vous parlerai pas de lui

Et Nathanaël l'aime pour cela. Il est la bulle de fraîcheur de sa vie de dingue. Alors il s'approche silencieusement du lit. Il a beau avoir envie d'une douche, il a trop besoin de la présence de Thibault pour la sacrifier. Il a faim, aussi. Mais qu'importe. Encore quelques mètres, et… Il s'assied délicatement sur le lit, veillant à ne pas déranger le dormeur. A cette heure-ci, il se doutait bien qu'il ne serait plus éveillé. Il se penche pour déposer un baiser sur la tempe, aérien et léger. Juste pour respirer son odeur, caresser ses cheveux du bout des doigts. Mais l'endormi ne l'est pas tant que cela, finalement. Pour preuve, une main vient se glisser dans le cou de Nathanaël, une autre sur sa taille, et sa bouche est prise d'assaut par des lèvres chaudes. Un baiser doux et tendre d'abord, pour dire bonsoir et tu m'as manqué, puis plus passionné, plus volcanique à mesure que Nathanaël s'allonge sur le corps ferme.

-Salut toi, souffle-t-il comme ils se séparent.

Il dégage les yeux sombres d'un geste doux, repoussant les mèches soyeuses. Le regard est tendre, rassurant et affamé à la fois. Un mélange qui le ravit à chaque fois, lui donne l'impression de ne plus être qu'un homme comme les autres, dans les bras de son amant. Une sensation grisante.

-Tu as un goût de champagne, murmure Thibault en lui caressant le visage.

-Et c'est mal ? demande Nathanaël tout en embrassant sa paume.

-Attends, je vérifie…

Amusé, l'héritier se laisse embrasser avec délice, et même renverser sur le lit sans protester. Il préfère serrer le corps chaud contre le sien.

-Non, ça va, tranche le blond d'un air sérieux. Mais tu as faim, s'amuse-t-il lorsqu'un grondement fort peu discret se fait entendre.

Nathanaël rougit. Il niche son visage dans le cou de son compagnon, respirant à fond l'odeur de sa peau pâle.

-J'ai faim, et il faudrait que je prenne une douche…

-Mais ? fait Thibault en lui caressant les cheveux.

-… mais tu es plus important.

Avec cet aveu, Nathanaël se blottit plus étroitement contre le corps du blond. Avec lui, il peut être lui-même, câlin et vulnérable. Il peut être simplement Nathanaël. Alors Thibault referme ses bras sur lui, parsème son visage de petits baisers, lui murmure des mots doux à l'oreille. Tout à l'heure ils se lèveront, iront prendre une douche, cuisiner, discuter, se recoucher et se retrouver. Demain ils passeront la journée ensemble, rien que tous les deux. Mais tout cela appartient au futur. Pour le présent, ils restent simplement étroitement enlacés dans ce grand lit, cachés du monde dans cette petite maison du bout des bois.

Je ne vous parlerai pas de lui

FIN

Et voilà, fini ! J'espère qu'il vous aura plu… En tout cas, il est sorti d'une traite des mes petits doigts ! XD