Introduction
Je suis morte ce matin. Normal, tout le monde meurt, me direz-vous.
Pourtant, je suis en bonne santé, je travaille bien (je suis en première L au lycée John-Carmat), j'ai un petit ami parfait, des bonnes amies, sur qui je peux compter. Je ne me drogue pas, je ne fume pas, ne boit pas. Je n'ai pas une conduite à risque, je ne conduit pas de véhicule motorisé -à deux roues-, quels qu'ils soient. J'aide les vieilles dames à traverser la rue, je vais à la messe le dimanche, j'aide mes parents à faire le ménage et les courses, je fais du sport le samedi -du jogging-, je mange 5 fruits et légumes par jour, et je surveille mon poids -ni trop grosse, ni trop maigre-.
En un mot comme en cent, je suis parfaite. Peut être un peu trop...
Je suis peut être morte d'ennui?
Chapitre 1
Je suis en train de dormir. Mon lit me paraît bien dur... comme rempli de cailloux. Ah tiens, j'entends des voix à côté de moi...
«Pauvre petite...mourir si jeune...tout ça à cause de ce chauffard...il s'est enfui, à ce qu'il parait? Oui c'est monstrueux... »
« Multiples contusions sur tout le corps, hémorragie interne, jambe et bras gauches cassés, compression de la cage thoracique... Même si elle n'étais pas morte sur le coup, elle serait morte à l'hôpital... »
Étrange...je n'arrive pas à bouger la tête...Je me force pourtant, et redresse péniblement la tête. Une douleur lancinante me vrille soudain le crâne, et me force à refermer les paupières. Je le rouvre doucement. Tout d'abord, les contours sont flous, les choses prennent des formes complexes et inexistantes. Puis les contours se précisent. Je suis allongée au milieu de la rue, dans une mare de sang. Le mien? Ma jambe à un angle anormal, mais je ne ressent aucune douleur. Je regarde plus loin que mon propre corps.
Je devine un ruban de police, des badauds regroupés derrière qui me regardent d'un air effaré, triste, curieux... Bizarre cette attirance qu'on les gens pour les accidents, les meurtres...tant qu'il y a du sang et un corps, ça les attirent comme des aimants. Je continue d'observer autour de moi... une ambulance, une voiture de police... un infirmier est agenouillé à côté de moi et secoue la tête d'un air désolé, avant de se tourner vers un policier.
« Vous avez réussi à joindre les parents? »
Signe affirmatif de l'autre.
« C'est horrible de perdre un enfant à cet âge là... »
Attendez... *C'est horrible de perdre un enfant à cet âge là?* Mais je ne suis pas morte! Il ne voit pas que j'ai les yeux ouverts?
« Hey, monsieur! Je suis pas morte! »
Il ne m'a pas entendu. Ni lui ni personne d'ailleurs. Ils sont tous sourds ou quoi? Je commence à m'énerver. En plus je n'arrive pas à me lever, j'ai l'impression que mon corps est en plomb. J'ouvre la bouche, prête à crier de nouveau, lorsque qu'une voix me coupe dans mon élan.
« Tu peux toujours crier, ils ne t'entendrons pas. »
Je jette un regard mauvais à celui qui vient de dire ça. Un garçon d'environ 16 ans se tient à côté de moi, en face de l'infirmier. Il a les cheveux noirs et brillants, avec des yeux jaunes comme ceux d'un chat, cerclés de noir. Il est habillé tout en noir: T-shirt noir avec une inscription « Devil's lover » , pantalon noir et ceinture cloutée, mitaines, baskets noirs avec pièces de métal sur le devant, tatouages sur les bras. Mon dieu... le seul qui daigne m'adresser la parole est un gothique... une des personnes avec lesquelles je veux avoir le moins de contacts possibles -je tiens a préserver ma réputation au lycée-, c'est bien ma veine. Je lui réponds d'un ton abrupte.
« Qu'est ce que t'en sais? Tu m'as bien entendu, toi. »
Tout en parlant, je détaille tous ces piercings: arcade droite, 5 à chaque oreille...
Le gothique me regarde avec un petit sourire en coin et commence à rire, avant de me tirer la langue devant mon air de pit-bull et mon majeur dressé dans sa direction.
… et un à la langue.
« C'est normal que je sois le seul à t'avoir entendu, on est tous les deux morts.
-Arrête ton char, je suis pas morte! Attends que les gens se rendent compte que je suis réveillée, et tu verras. »
A ce moment le gothique lance un regard à quelque chose qui, visiblement, se trouve derrière moi. Je me retourne péniblement et vois mes parents, en pleurs devant un policier. Mon père tiens ma mère dans ses bras...
« Mais pourquoi ils pleurent? Je me retourne vers l'adolescent qui me fixe des ses grands yeux dorés.
-Tu comprends pas ce que je te dit ou pas? Tu es morte!
Je ferme la bouche, et mes yeux font la navette entre mes parents et cet étrange garçon. Si ce qu'il dit est vrai...
« Je peux pas être morte!
-Et pourquoi donc? Il hausse un sourcil.
-Mais je veux pas mourir! J'ai encore plein de choses à faire! Je ne veux pas quitter ceux que j'aime comme ça! Je veux pas, tu m'entends, JE NE VEUX PAS MOURIR!
-Tu crois qu'on a le droit de choisir où et quand on va mourir? (il commence à s'énerver) Tu crois quoi? T'es morte et on pas changer! »
Il se lève brusquement, et s'éloigne de quelques pas. Pendant ce temps, je me lève précautionneusement, et m'écarte de quelques pas de mon corps.
Mon corps... je me fixe, allongée au sol, pâle, mes cheveux blonds emmêlés et poisseux de sang, les hématomes qui couvrent mon front, mes genoux, mes bras, mes joues... Ma jambe, complètement tordue, et la tache de sang qui s'étale, immense, d'un rouge rubis profond qui brille au soleil, semble me faire de l'œil. Je me détourne et fixe toute cette foule amassée, qui regarde, sans émotions pour certains, choqué, tristes pour les autres.
Je me sens étrangement détachée de tout ça... Je n'ai pas l'impression que c'est moi, là, allongée, ce corps sans vie, cette coquille vide. Je ne ressent aucune émotion à ce moment précis.
J'entends des voix familières. Je me retourne une nouvelle fois vers mes parents. Ils sont là... Mes amis, mon amour... Ils sont là, et ils éclatent en sanglots, les larmes coulent, ruissellent...
Soudain, je ressent une forte douleur dans la poitrine. J'ai envie de hurler, je sens que je deviens folle. Je me mets à pleurer à mon tour, je n'arrive pas à arrêter le flot de larmes, je sanglote, hoquette, et pour finir, tombe à genoux sur le sol, où je reste prostrée. Je n'ai plus aucune envie de bouger.
La mort ne diffère pas de la vie. On ressent toujours des émotions, on sent toujours son corps, et même si la douleur physique à disparu, il reste la douleur mentale.
Est ce que c'est plus dur pour ceux qui restent ou pour ceux qui restent?
Je me bouche les oreilles pour ne plus rien entendre, et je ferme mon esprit pour ne plus penser. J'ai trop mal. Je croyais que quand on mourrai, on allait au paradis et on était tranquilles, on n'était jamais tristes, et on « vivait » notre éternité joyeusement en attendant que la famille et les amis arrivent à leur tour. C'est stupide et naïf de croire ça. J'ai été stupide et naïve! Je serre les poings, marquant ainsi la paume des mes mains avec mes ongles. Je regarde le sang, d'un rouge un peu transparent, couler, puis la plaie se refermer aussi vite que je l'avais faite. Je n'ai pas eu mal...
La nuit tombe. Je suis restée là toute la journée, regardant les gens partirent un à un ou en petits groupes, les infirmiers emmener mon cadavre, mes parents, mes amis, quitter les lieux. Je ne bouge toujours pas. Je voudrais restée là pour l'éternité, statue murée dans son silence. Je n'ai aucune envie de détendre mes muscles (même morte, ils s'ankylosent encore), et même si les larmes se sont taries, je ressent toujours une profonde tristesse.
Soudain, une vague de chaleur me réchauffe doucement, en commençant par le dos, et finit en douce lumière diffuse autour de ma poitrine. J'ouvre les yeux. Des bras... des bras m'entourent. Des bras cerclés de bracelets à piques et de mitaines noires. Des bras au mains fines, aux ongles rongés. Je tourne légèrement la tête et mon regard rencontre celui, jaune doré, de l'adolescent mystérieux. Curieusement, son étreinte m'apaise, me calme. Je sombre doucement dans un sommeil sans rêves.
Désolée pour ce premier chapitre pas très joyeux, le prochain sera (j'espère) plus marrant. Et merci aux personnes qui ont lu jusqu'au bout mon texte.