Fandom: Mythology
Auteur: Icarus Laments
Genre: Mythe
Disclaimer: Le mythe de Narcisse ne m'appartient pas. Tout ce qui a trait à l'Hadès dans ce texte non plus.
Note de l'auteur: Je me suis basée sur la version du mythe d'Ovide que vous pourrez trouver dans ses Métamorphoses. Pour ce qui est des fleuves des Enfers, je me suis référée à l'ouvrage de vulgarisation d'Edith Hamilton intitulé La Mythologie et à la page Wikipedia relative aux Enfers Grecs. Le texte qui suit est court, écrit sans prétention aucune. Pour tous ceux qui passeront par là: bonne lecture.
Thème musical: E.S. Posthumus - Nara (Unearthed)
Titre: La Mort de Narcisse - L'Eveil de Narcisse
LA MORT DE NARCISSE
La silhouette éthérée, le regard perdu sur le miroitement de l'onde, avait délaissé le souci de Cyrès et l'appel du sommeil pour se perdre en contemplation. Narcisse s'était connu trop tôt; et à le voir dépérir sur la berge ombreuse, soupirant sur un lit de roseaux, il était déjà bien trop tard. Ni le repentir d'Echo, ni ses lamentations ni ses larmes ne parvinrent à arracher cette âme qu'Hadès avait déjà revendiquer sienne - par sa seule faute. Mais - « Adieu! » - les yeux céruléens se fermèrent sur l'Oubli, avec pour dernière vision celle de cet adolescent si beau et jusqu'à peu inconscient de l'être, que la peau d'ivoire et la bouche gracieuse avaient lui-même trompé. Et la Mort ne fut point cruelle avec Narcisse, qui de son étreinte le libéra des souffrances que les vœux amers d'une nymphe avait fait naître en lui, fermant ses yeux à la vie pour les ouvrir à l'Eternité - et à l'éternelle attente. Car le corps de Narcisse jamais ne fut retrouvé et là où les frêles bras d'Echo l'avait déposé, sur un lit de mousse fraîche à côté de l'eau limpide, ne demeurait à l'arrivée de la civière funèbre qu'une fragile fleur au cœur de safran et à la corolle immaculée, gracieusement courbée sur l'onde.
L'ATTENTE DE NARCISSE
Et le cortège ne trouva point Narcisse pour donner à son corps la sépulture qui lui revenait. Eût-il été noyé dans l'onde - en une dernière tentative désespérée de rejoindre cet amant grave et beau que jamais sa main n'avait touché - personne ne l'aurait su. Et comme il en incombe à ceux qui n'ont point de sépulture terrestre, l'âme de Narcisse attendit. Elle attendit, d'une attente qui devait durer cent années, sur les berges du Cocyte formé des larmes des âmes repentantes. Et pendant cent ans elle y admira son reflet comme Narcisse l'avait fait de son vivant. Elle demeura penchée sur l'onde, laissant sa mémoire s'effilocher, et oublia à qui appartenait ce visage au teint de lait qui lui souriait depuis les méandres des eaux profondes. Narcisse ne se connut plus. L'ennui mélancolique des âmes conscientes de s'être oubliées elles-mêmes devait le bercer jusqu'à ce que vienne l'heure pour lui de comparaître devant les Juges.
L'HEURE DE NARCISSE
Après cent années passées à attendre, après avoir oublié même ce qu'elle attendait depuis si longtemps, l'âme de Narcisse se détacha de sa morose contemplation comme une ombre se penchait sur elle. Le Nautonier l'accepta dans sa barque. Narcisse fut arraché aux ombres vacillantes qui peuplaient la rive, ombre vacillante lui-même, et commença alors pour lui son dernier voyage, dont il ne devait garder qu'un brumeux souvenir. La barque fila, prolongeant interminablement sa course. Jamais Narcisse ne sembla s'éveiller de la langueur qui l'avait pris un siècle plus tôt. Puis vint le confluent où les eaux du Cocyte se jetaient sans bruit dans le cours de l'Achéron, et avec elle les prémices d'un retour à la Conscience. Narcisse leva ses regards et embrassa une dernière fois son reflet dans l'eau grise. Au loin, les portes d'airain qui délimitent l'entrée du Tartare se profilaient. Dans son sillage, un doux parfum de fleurs troubla un instant l'air immobile des Enfers.
L'EVEIL DE NARCISSE
Les portes s'ouvrirent à sa vue et la lumière d'Elysion l'éblouit un instant. Alors Narcisse sembla se souvenir. Il se rappela le vent dans les arbres et l'amoureuse caresse du soleil sur sa peau, sans savoir pourtant s'il les avait connus un jour. Charon le fit descendre de sa barque - il s'en retourna parmi les Ombres. Et le pied nu de Narcisse se posa sur l'herbe drue de la berge et son âme s'abandonna à la lumière. Il n'est pas dit s'il trouva le repos ou si la malédiction d'Echo le troubla encore dans son éternelle retraite; la mémoire des Hommes oublia Narcisse. Mais leur amour pour cette fleur que les Dieux avaient faite éclore en souvenir de cet adolescent infortuné demeura longtemps après sa mort, et longtemps encore les ménestrels en chantèrent la beauté.
FIN