Approchez enfants, approchez, et écoutez la leçon de vie, l'incontournable, la plus importante que vous devez apprendre.

Apprenez à connaître l'un des ennemis les plus implacables de l'être humain.

Avez-vous déjà erré dans le brouillard ?

Pas le vrai, pas l'humide des landes écossaises, ni celui des forêts tropicales, pas non plus le fog anglais.

L'autre, le métaphorique, celui qui donne l'impression d'être perdu dans sa vie, de tourner en rond, de ne plus connaître ses buts.

Celui qui fait que l'on vit au lieu de profiter de la vie.

Celui qui vient avec son cortège de points d'interrogation en guise de cavalerie, de points de suspension en guise de fantassins, et de « et si… » dans le rôle des stratèges.

Oui mes enfants, je parle d'une guerre contre le brouillard.

Ce brouillard qui pèse sur l'esprit, empêche de vivre pleinement, et donne aux jours une ombre grise au lieu de les colorer.

Ce brouillard enfin, qui achève doucement la personne qui s'y perd, si totalement, qu'elle finit par lâcher prise, oublier ses idées, ses convictions, ses pensées.

Ce brouillard qui nous a tous saisis un jour ou l'autre, envahis, plus ou moins brutalement, plus ou moins profondément.

Drôle de brouillard que celui-ci, qui accompagne nos doutes et nos tristesses, nos peurs et nos appréhensions.

Qui plane sur les réveils difficiles, les longues journées de travail répétitives, les amours contrariés et les espoirs piétinés.

Qui nous attire au fond, tout au fond, là où il se transforme en noirceur si complète, que le retour est impossible.

Il y a ceux qui résistent, par peur, par courage, ou par instinct de survie, sans réellement réaliser le danger qu'ils frôlent à chaque instant. Et il y a ceux qui ne pourront ou ne voudront y résister, qui ne pourront pas remonter à la surface.

Le brouillard des pensées est quelque chose de terrible.

Pensez-y avant de vous laissez aller à l'errance par un après-midi laborieux, vous pourriez vous égarer. Définitivement.

Le vieillard se lève, les enfants assis autour de lui se lèvent, s'égaillent dans toutes les directions, joyeux d'être enfin libérés du vieux radoteur.

Le professeur soupire, attristé par leur insouciance, alors qu'il essaie de les sauver. Avec un peu de chance, quand le brouillard des pensées viendra à eux, l'un d'entre eux au moins saura résister.

Résister à ce mal du siècle, qui a emporté avec lui la majorité d'une population trop occupée par elle-même pour voir le danger.