PROLOGUE

Obscurité. Bruissements. Mouvements.

Tout est flou autour de moi, ma vision est trouble, des goutes de pluie s'abattent violemment sur mon corps tremblant, étouffant le bruit de mes pas pressés.

J'ai froid, mes habilles imbibés d'eau me collent à la peau à l'instar de la boue qui s'incruste peu à peu entre mes orteils sales et glacés, ma tête tourne, je dois avoir de la fièvre.

Le paysage défile devant mon regard apeuré mais il reste inlassablement le même : des arbres, une forêt dense et obscure, de gros blocs de neige glacée et de profondes flaques boueuses.

Au dessus de ma tête, une nuit sans lune, triste, solitaire mais certainement pas aussi effrayée que je ne le suis en cet instant.

Un bruit incessant, celui du vent, celui du murmure qui s'échappe des arbres, douce symphonie en réponse au souffle glacé qui les caresse.

Mon corps est tendu, tous mes sens sont en éveille, je ne veux qu'une chose : échapper de ce cauchemar sans fin, échapper de ce monde qui n'est pas le mien, échapper de leur évidente folie.

18 jours plus tôt

Me voici une nouvelle fois devant le petit building dans lequel je travaille maintenant depuis un peu plus d'un an ; Je m'appelle Liam Shelsy, j'ai vingt-trois ans et je suis expert en biologie, spécialisé dans les études des écosystèmes et la biodiversité montagneuse et forestière. Ma vie est comme un long fleuve tranquille, une douce chevauchée à travers les beautés de notre monde… Si j'avais su qu'en à peine quelques heures j'allais vivre une véritable descente en enfer je ne me serai sans doute jamais rendu au bureau aujourd'hui ;

Les locaux sont simples, pas de superflus, juste quelques bureaux, deux laboratoires et une salle d'équipement. Je passe rapidement au bureau que je partage avec trois de mes collèges remettre mon rapport de la veille au chargé de recherches de notre groupe avant d'aller me servir dans la petite salle où s'entassent des dizaines d'objets dont l'utilité de certains m'échappe totalement… Après à peine quelques minutes je ressorts du local, sac de randonnée à l'épaule et un trousseau de clefs à la main, me dirigeant vers le parking de taille moyenne qui est caché sous le bâtiment et où s'entassent les seuls objets de valeur de la boite : de grands 4X4 pour ce rendre en montagne, il y en a cinq en tout, tous d'un vert dit militaire portant le logo de la boite : une plante, il me semble qu'il s'agit d'aloé-vera, sur laquelle est assise un bébé ours, le sens caché derrière ce logo oh combien recherché m'échappant encore après l'avoir vu presque tous les jours durant une année entière l'aloé-vera ne poussant pas notre région à l'instar des ourses qui se trouvent plus à l'est du pays…

Je m'installe rapidement dans la Jeep qui m'a étaie attribué le temps que je face mes recherches et prélèvements dans la chaine de montagnes qui se trouve à des kilomètres de là, son sommet étant le plus souvent caché par les nuages alors que les arbres et les rochers qui la recouvrent sont durant près de la moitié de l'année camouflés sous une grosse épaisseur de neige, cette dernière étant attendue pour le début du mois prochain, novembre, si on se fit aux statistiques (et éventuellement à miss météo…).

Je m'engage rapidement dans la circulation, la radio allumée à un volume minimal sur un poste local alors que je quitte quelques minutes plus tard la grande ville qui m'a vu grandir, m'aventurant sur les petits chemins de campagne aux paysages colorés, mélange de pourpre et d'orangé, signature singulière et symbolique de l'automne qui c'est installé depuis quelques jours déjà sur Terre, synonyme de changement, de solitude et de fragilité, c'est la fin d'un cycle, une page qui ce tourne.

Après un peu moins d'une demi-heure de conduite je m'engage enfin sur les routes montagneuses, rocailleuses et dénuées de toute civilisation alors que de hauts pics m'entourent et m'étouffent déjà, le ciel matinal et les couleurs funestes des montagnes m'arrachent un frisson tandis que je m'engage un peu plus profondément sur la route. A peine quelques minutes plus tard ce n'est plus qu'un grésillement qui émane de mon poste radio et je l'éteints rapidement, un soupire m'échappant lorsque je pense au chemin qu'il me reste à parcourir et à la longue semaine que je vais passer seul ici… Sur le chemin je croise deux villages miraculés possédant chacun aux alentours de vingt habitants et une dizaine de minutes plus tard j'abandonne la Jeep dans un 'parking naturel' avant d'attraper mon sac, ma mallette et ma tente, prêt à débuter une longue demi-ascension.

Les heures défilent lentement alors que le ciel et l'astre lumineux sont peu à peu couverts par d'épaisses couches cotonneuses aux tons blancs et gris.

Lorsque j'estime m'être suffisamment enfoncé dans la forêt je m'arrête au milieu d'une petite clairière déjà recouverte des premières feuilles tombantes et à seulement quelques mètres de là je peu entendre le ruissèlement familier d'un petit ruisseau. La petite montre en argent que je porte au poignet depuis dès années déjà m'indique qu'il est aux alentours de seize heurs je décide donc de commencer doucement à installer mon pseudo-campement mettant une bonne demi-heure à monter la grande tante nouvelle génération que la boite m'a prêtée le temps de mon excursion puis je décide d'aller faire un rapide repérage des lieux, en profitant pour ramener un peu de bois, malheureusement pas très sec, pour faire démarrer un petit feu de camp…

Le ciel s'assombrit assez rapidement, la présence des lourds nuages et des arbres n'arrangent rien à l'atmosphère lugubre ceci dit je suis habitué, j'ai déjà fait au moins une dizaine d'excursions en groupe et ceci n'est pas ma première excursion en solitaire…

Vers vingt heures, alors que je me fais chauffer des pates toutes prêtes, le petit talkie-walkie que je transporte avec moi depuis le début fait résonner la voix de l'un de mes collègues, perdu quelque part de l'autre coté de la montagne, et nous échangeons rapidement quelques mots, n'étant déjà à la base pas bien proches et je n'apprécie pas particulièrement de voir le silence naturel brisé par une excentricité humaine en l'occurrence un talkie-walkie.

Mon regard ce perd dans les flammes dansent et dévorant le bois mort avec lequel je le nourris régulièrement, la brise légère caressant mon visage alors que des bruits, mélange de crépitements et hululement, emplissent l'air d'une atmosphère sinistre. Vers vingt-deux heures, alors que le feu commence peu à peu à mourir sous le poids des petites gouttelettes qui s'échappent des nuages, je décide de me lever, prêt à rejoindre le confort improvisé de ma tente mais le craquement d'une branche juste derrière moi et cette angoissante impression de ne pas être seul me glacent sur place.