Il y a un jeune garçon qui vient au port tous les jours.
Il doit avoir vingt ans et ses cheveux blonds sont magnifiques. On ne connait pas son nom, juste son visage patient et son regard fixe.
Il vient le matin à partir de dix heures et part le soir à six heures. Personne ne sait exactement ce qu'il attend, assis au bout du ponton en regardant inlassablement l'horizon, la mer se mouvant tranquillement sous ses pieds. C'est comme cela depuis que je travaille ici.
Les marins ne font presque plus attention à lui, pour eux il fait partie du paysage depuis toutes ses années. Les jeunes filles viennent parfois l'observer sans jamais oser l'approcher. Il est toujours là.
Il est dix-huit heures, il se lève et s'en va sans un regard. Moi je ne suis qu'un vieux gardien de port, je le vois tous les jours et c'est une routine rassurante, comme voir un bateau rentrer toujours à la même époque de l'année.
La nuit est là, à présent la pleine lune éclaire le port. Vers les alentours de minuit, une petite barque entre dans la crique. Elle accoste au bout du ponton, où un jeune homme se hisse. Il regarde à gauche, à droite, comme si quelque chose se cachait dans l'eau qui entoure le ponton, puis s'assoie exactement à la place que prend le blond d'habitude. Je ne dis rien, même si j'en suis un peu perturbé. Aucune loi officielle ne lui interdit d'y venir. Le matin, il est encore là, il n'a pas bougé. Je ne suis pas le seul à le fixer, les passants sont surpris de le voir là. Je regarde sa silhouette, embarrassé. Il va être dix heures !
-il y a quelques années, deux gamins jouaient sur le bord du ponton. L'un deux promis qu'il ferait le tour du monde en bateau un jour, puis qu'il reviendrait. L'autre a promis qu'il l'attendrait.
Je me retourne, c'est le blondinet, celui qui est toujours au bout du ponton, normalement. Je ne savais pas qu'il pouvait parler. Il souriait en regardant la silhouette.
-il y a un an, cet homme a tenu sa promesse…
On se sourient, des sourires de joie enfantine.
-à présent il m'est revenu.
Le jeune homme au bout du ponton me laisse alors là et s'approche du brun qui se retourne. Il sourit. Le blond s'assoie. Ils sont proches, mais ne se touchent pas.
Bizarrement, j'en suis ému, mais je ne dis rien.
Tout le monde devrait avoir quelqu'un qui l'attend quelque part…
Fin ?