La fille de l'Océan

La première fois que je l'ai vu, elle c'était prise dans mes filets, mais contrairement aux poisons, elle ne bougeait pas. Elle restait immobile, les yeux clos. J'avais beau être un jeune pêcheur, les légendes de mes ancêtres m'hurlaient aux oreilles alors que je contemplais ébahis, cette femme endormie dans mes filets. Sur le coup, je l'avais même pris pour une sirène tant elle était belle. Mais mon esprit rationnel m'avait rapidement ramené à la réalité et je m'étais demandé, horrifié, si se n'était pas plutôt un cadavre qui se trouvait dans mes filets. Malgré cette horrible perspective, je ne pouvais détacher mes yeux d'elle. J'étais ensorcelé.

Elle avait une peau blanche et laiteuse qui semblait douce, comme l'était les cailloux polis par la mer. Ces cheveux étaient ondulés et d'une longueur incroyable, comme si elle ne l'est avait jamais coupés. Et cette couleur! Même trempés, ils étaient du même blond doré que le sable qui couvre les berges de mon pays natal. Son corps entier était couvert d'algues, mais sous toute cette verdure aquatiques elle semblait nue, se que je ne pouvais pas dire avec certitude vu l'endroit où je me trouvais. Des algues d'un vert forêt s'enroulaient autour de son épaule jusqu'à la toute pointe de ses doigts alors que d'autre, s'entortillaient dans ses cheveux. Hésitant, je m'étais rapproché un peu, jusqu'à ce que ses traits m'apparaissent clairement. Son visage était la chose la plus belle qui m'avait été donné de voir. Plus beau encore que n'importe quel visage d'ange que les artistes se plaisaient à peindrent. Elle avait des traits doux, fins et délicats. Ces lèvres charnues, du même rouge que les récifs de coraux, étaient légèrement entrouvertes. Et ses paupières clauses semblaient promettre mille merveilles. Je ne pouvais m'empêcher de la contempler, même si je savais que ce corps parfait était sans vie.

Sitôt déposé sur le pont je m'étais avancé, une couverture dans les mains, pour aller la délivrer de mes filets. Je l'avais enveloppé dans le lainage puis je l'avais déposé sur les lattes de bois réchauffé par le soleil d'après-midi. Elle ne pesait rien, aussi légerte qu'une plume. J'avais dégagé son visage des algues et de ses longs cheveux avant de faire glisser mes doigts jusqu'à son cou pour rechercher un infime signe de vie. J'avais frissonné en touchant sa peau froide et j'avais repoussé dans un coin de ma tête, l'idée que c'était un cadavre. Mais je ne pus m'empêcher d'être surpris lorsque je sentis sous sa peau glacé, la pulsion typique d'un battement de cœur! Maintenant que je l'avais sous les yeux, l'impossibilité de la situation m'aveuglait. C'était impossible! Cette femme avait sans doute passé des heures sous l'eau froide, privée d'oxygène, et elle était toujours vivante! Par quel dieu se miracle avait t'il été possible?

Mais cette idée m'avait à peine effleuré que l'improbable se produisit. Elle avait ouvert les yeux alors que j'avais voulue la porter jusqu'à la cabine. C'était si soudain, que sa ma fait un choc. Jamais de ma vie je n'avais vue un regard d'un tel bleu, si semblable à celui de l'océan. Elle semblait effrayé, mais aussi...curieuse. Je lui avais répété plusieurs fois qu'elle ne craignait rien, qu'elle était en sécurité, mais se n'est qu'après de longues minutes qu'elle avait consentit à se calmer. Je m'étais alors présenté et je lui avais demandé son nom. C'est devant son air ahuri que je compris qu'elle ne parlait pas ma langue. C'était décidément une femme étrange! Comment une jeune femme étrangère peut-elle se retrouver dans la mer de Normandie? Ce n'est qu'après avoir gesticulé plusieurs minutes que je pu en tirer quelque chose... Ysée, elle s'appelait Ysée.

Je lui avais dégoté parmi mes vêtements, un chandail, un pantalon et une paire de chaussures légèrement trop petite pour moi et qui, quoi que trop grand pour elle, avaient très bien fait l'affaire. Étrangement, elle avait refusé de porter des chaussures et elle passa tout son séjour pieds nu. Je crois qu'elle aimait sentir la coque de bois et les mouvements des vagues sous ses pieds. Il n'y avait pas grand chose sur mon bateau de pêcheur, mais elle était émerveillée devant chaque petite chose, comme si elle n'avait jamais rien vue. Je continuais de lui parler, même s'il y avait peu de chance qu'elle comprenne. Elle restait la plupart du temps muette, ses grands yeux bleus intensément posés sur moi.

Chaque fois que le bateau s'approchait des berges, Ysée semblait pris d'une panique folle et des centaines de larmes s'échappaient de ses yeux pour rouler sur son beau visage. Alors à chaque fois je cédais, acceptant de rester en mer. Je ne pouvais me résoudre à faire pleurer, une si belle créature. Pourtant je savais que je serais bien obligé de retourner au port, lorsque les vivres viendraient à manquer.

Lentement, je m'étais attaché à elle. À ses long cheveux doré, à sa peau douce et laiteuse et à ses yeux bleus étincelants qui malgré leurs regards enfantins, semblaient porter de lourds secrets. Je m'étais attaché à sa curiosité enjouée et à sa présence réconfortante. Son mutisme me désolait, mais je me rendais bien compte qu'elle commençait à comprendre se que je lui disais. Je m'étais attaché à toute la joie et le bonheur qu'elle m'apportait. Malgré le blocage des langues, elle était la seule qui me connaissait vraiment. Avec elle, je n'étais plus seul.

Mais elle semblait si fragile, si éphémère, comme si elle allait disparaître. Alors j'avais décidé de tout graver dans ma mémoire. Je me souviens d'un après-midi, où elle s'était assise sur la balustrade pour peigner ses longs cheveux. Le soleil qui se couchait derrière elle faisait briller ses cheveux de mille feux et son visage, dans l'ombre à cause du contre jour, était tourner vers l'horizon de l'océan. Elle était plus que magnifique. Et j'avais alors béni le jour où elle s'était emmêlée dans mes filets. Je me demandais souvent qu'elle était la vérité de toute cette histoire, mais je ne me posais pas trop de question... Tant qu'Ysée était là, j'étais heureux.

La pleine lune était venue quelque jours après le fameux coucher de soleil. Cette nuit là, quand je m'étais réveillé, la mer était étrangement calme. Mais ce qui m'avais vraiment réveillé c'était une voix, une douce mélodie qui venait difficilement à mes oreilles. je me souviens d'être rester quelque minutes imobile et silencieux, incertain si c'était la réalité ou le fruit de mon imagination. Je m'étais levé, légèrement titubant, et je m'étais avancé jusqu'à l'escalier qui menait au pont. une étrange sensation m'envahissais, alors que la voix me parvenait maintenant plus clairement. La chanson était douce et mélodieuse, mais semblait étrangement lourde de tristesse et d'angoisse. Je ne saisissais pas les paroles, les mots m'étaient étranger mais je savais par le tons, que cette chanson était une douce berçeuse remplit de douleur. J'avais monté sans bruit l'escalier et jamais je n'oublierais cette scène d'une beautée troublante, qu'il m'avait été donné de voir.

Aucune vague ne troublait la quiétude de la mer et la pleine lune, suspendu en haut de nos têtes se réflètait dans l'eau noir. Ysée était dos à moi, debout sur la rembarde et chantait sa magnifique mélodie qui m'avait tant troublé. La blondeur de ses cheveux semblait plus claire sous les rayons argenté de la lune. Même sa peau avait prit une teinte plus pâle qui semblairt lui donner un charme féerique. Sa longue chevelure cascadait jusqu'à la courbe gracieuse du bas de son dos et j'avais l'irrestible envie d'y glisser les doigts. Son corps gracieux n'était couvert que d'une longue et ample chemise qui laissait voir ses fines et grande jambes parfaitement immobile. Tous était d'un calme et d'un silence troublant mais respectueux, comme si l'ocean lui même écoutait la triste mélodie d'Ysée.

Ce n'est que lorsqu'elle eu fini se qui devait être le refrain qu'elle se tourna doucement vers moi, comme si elle avait sentit ma préscence. Mais elle n'était pas effrayée, il n'y avait que de la tristesse dans son regard. Je ne comprenais pas ce qui arrivait, mais je ne voulais qu'une chose: courir vers elle pour la serrer dans mes bras. Autant pour la réconforter que pour l'empêcher de disparaître. Mais j'étais figé, incapable de faire le moindre geste, prisonnier d'un immobilité destrutrice. Elle du sentir mon anxiété car c'est avec des gestes gracieux et calculé qu'elle se glissa lentement sur le pont et jusqu'à moi. Ces yeux d'un bleu chavirant me fixait comme pour me dire quelque chose que je ne comprenais pas. Elle s'était arrêté devant moi et avait tendrement déposée sa main glacé sur ma joue pour une infimme caresse. j'avais fermé les yeux profitant de tout ce que ce doux touché faissait naître au plus profond de moi. et c'est à cette instant et avec une douceur infinie qu'elle avait déposé ces lèvres sur les miennes. Elles étaient glacés comme sa main toujours sur ma joue. C'était doux, léger et aériens, mais c'était réelle et surtout c'était Ysée. Et alors que son visage était toujours contre le mien, je sentis une petite larme mouillée ma joue et roulée jusqu'à nos lèvres jointe. Pourtant ce n'était pas la mienne. J'avais rouvert les yeux alors qu'elle de détachait de moi, doucement et fluide comme un mouvement qui coulait de source. Elle pleurait. Pas comme toute les autres fois que je l'avait vue faire, non cette fois elle pleurait silencieusement, une air noble sur ces trait de fée. Comme si elle c'était résigné. Puis elle avait, avec toute sa délicatesse, déposer ses doigts sur mes paupières, une prière silencieuse de fermer les yeux.

Je l'avais regardé une dernière fois avant de lui obeir, le coeur en miette. Car même si je ne comprenais pas je savais que le moment que j'avais tant redouté était arrivé. Le moment où elle allait disparaître aussi soudainement qu'elle m'était apparue. Et alors que je refermais les yeux, elle c'était remis à chanter cette douce chanson qui, maintenant je le sais, était une mélodie d'adieu. J'avais attendu plusieurs minutes que la musique s'arrête mais lorsque j'avais rouvert les yeux je l'entendais encore alors qu'Ysée, elle, avait disparue. J'étais resté toute la nuit assis sur le pont à regarder l'horizon imobile et à écouter cette berceuse qui était le dernier cadeau d'Ysée. Ce n'est qu'au matin, alors que le soleil levant faissait rougeayer l'océan, qu'elle s'éteignit enfin...Et pour toujours.

Malgrè cela, je n'ai jamais cesser de venir en mer et d'espérer la revoir un jour. Et même si soixante ans ont passer, je n'ai jamais oublier, la fille de l'ocean.

Fin