Hello les gens!

Je suppose que je vais mourir bientôt, assassinée par Sanashiya, Raito Hana et Irissia. Je reconnais être coupable, c'est déjà ça de pris non? XD

Bon ok, j'arrête mes conneries. Cet OS a été écrit lors d'une journée à écrire entre amies (voir les trois noms cités plus haut), en suivant les règles des Nuits du FOF. Le seul truc, c'est que cette journée était le dimanche 20 mai. Et que donc j'ai beaucoup de retard. Manque d'inspiration, manque de volonté, flemme, incapacité à respecter des règles simples comme "un thème, une heure".

Effectivement, j'ai du passer trois heures (entrecoupées de papillonnage intensif XD) sur cet OS, à me demander comment le tourner, comment faire pour que la lecture vous soit un minimum agréable. A dire vrai, je ne sais pas si ce but est atteint. J'ai vraiment du mal avec l'écriture en ce moment. Et je vous demande de bien vouloir m'en excuser ^^"

Merci les filles pour cette journée, je n'ai pas encore lu vos OS (Que la honte s'abatte sur moi! ... Ah, impossible! C'est déjà fait XD)

Voilà donc mon OS sur le thème: "Finir".

Bonne lecture!


S'arrêter là

« Fin. »

Il me regarde avec de grands yeux ourlés de longs cils, les poings refermés sur la couverture qui lui monte jusqu'au menton. Et puis, il demande d'une voix rendue chevrotante par le sommeil : « Fin ? »

Je caresse ses épaisses boucles brunes, et lui dépose un baiser sur la pommette gauche.

« Oui, bébé. C'est fini. »

« Oh. »

Je le vois lutter pour ne pas s'endormir, et empêche ses mains de bouger pour aller frotter ses yeux fatigués d'une caresse de mes doigts. J'embrasse son front, le nez enfoui dans ses cheveux aux odeurs de saponaire et d'agrumes et lui souhaite une bonne nuit de ma voix la plus douce possible.

Eteinte la lampe de chevet, refermé puis rangé parmi les rayonnages le livre, la lumière du couloir qui s'infiltre par la porte entrebâillée est la seule qui me guide dans la pénombre. Je jure quand mon genou tape dans un coin de la chaise, malencontreusement placée sur mon chemin.

« Mi'… » appelle-t-il si bas que j'aurai très bien pu ne pas l'entendre.

J'hésite, mes bras enroulés autour de moi. Je sais très bien de quoi je tente de me protéger. De le protéger. Mais, je suppose que je suis juste trop faible. Je me retourne vers le lit, fait quelques pas pour me rapprocher, la lumière du couloir loin dans mon dos. Et puis, je cède. Aussi brusquement que toutes les autres fois, les fois d'avant.

« Qu'est-ce qu'il y a, Matthew ? »

L'instant dure des heures, et je croise les doigts pour qu'il se soit finalement endormi. Ce n'est pas le cas, malheureusement puisqu'il finit par me répondre. Il me répond toujours, comme un rituel pour chasser les monstres de la chambre, comme une obligation avant de s'endormir.

« Et mon bisou ? »

« Bébé, je viens juste de t'en faire un. »

« Mais je veux mon bisou. »

Mes dents tirent sur la chair molle de ma lèvre supérieur, à m'en faire mal. Sa plainte résonne encore dans la chambre, et je ferme les yeux en m'exécutant. J'ai appris à détester ce moment autrefois sacré, adoré. Ma bouche se pose sur le coin de la sienne, toute humide, presque comme s'il s'était humecté les lèvres juste avant. Je me sens mal. Je vais pour me redresser mais ses bras maigres entourent soudain ma nuque, prolongeant l'étreinte. Alors je subis. Toujours, depuis quelques temps.

Je remonte la couverture sur son torse, tombée au cours des derniers instants. Et je n'ai plus qu'une hâte : m'en aller. Je me cogne une nouvelle fois dans la chaise, me retiens cette fois-ci de jurer et atteins la sortie sans que la voix de Matthew ne me parvienne. Je le contemple un moment depuis l'embrasure de la porte. Sa respiration est lourde, lente. Son corps recroquevillé sur une portion minuscule du matelas deux places. Son visage chéri caché par ses trop longues boucles brunes au front, et la couverture au menton.

J'ai envie de pleurer. Le voir ainsi, tellement calme, posé, cela n'existe plus que dans mes souvenirs et dans ses moments trop courts entre le demi-sommeil et le véritable sommeil. Si je reste planté là, à le regarder, je sais très bien que d'ici un quart d'heure seulement, il se mettra à tournicoter dans tous les sens, bercé par les rêves, effrayé par les cauchemars que son esprit enfantin arriver à fabriquer. Mais je ferme la porte, lorsque la scène me devient insupportable.

La luminosité des tons beiges du salon m'agresse un moment après l'obscurité de la chambre. Le verre de vin rouge que je me sers est sombre dans la lumière. Allongé dans le canapé, je pratique le même exercice que les semaines passées : déguster mon vin en essayant de ne penser à rien. Apathique. Affalé. La tête sur un accoudoir, les pieds sur l'autre et le dos ainsi que les fesses dans le creux. Ne pas ressentir le malheur de la situation. A tout ce que l'on m'a enlevé. A ce que l'on a enlevé à Matthew. A ce que l'on nous a enlevé. Et, surtout, ne pas prêter attention au dégoût de moi-même qui rejaillit à la mémoire du baiser du soir. Je me fais l'effet, de plus en plus, d'être un pédophile. Je veux ses lèvres, je veux sa bouche et sa langue. Je veux son corps tout entier. J'en deviens fou à penser qu'il est à quelques mètres seulement, et que je ne peux pas le toucher comme j'en ai envie.

J'éteindrais bien la lumière mais l'interrupteur est trop loin. Et, malgré ma position incommode, je ne me sens pas le courage de bouger. Le baby phone, posé sur la table basse, émet parfois les sons entrecoupés que Matthew produit dans son sommeil agité.

Je me relève, finalement. L'idée d'un verre de whisky avant de m'endormir m'a appâtée. Grace à lui, demain matin, une magnifique petite migraine devrait empêcher le tourbillon de mes pensées. J'éteins les lampes au passage, avant de me recoucher inconfortablement. Je vide mon verre d'une traite, puis le pose sur la table basse. Je n'ai qu'à tendre le bras. Je me cale contre les cousins, ferme les yeux, prêt à accueillir le sommeil et l'oubli.

C'est la sonnerie du téléphone qui me sort de mon état comateux en un sursaut. Je peste intérieurement, ayant la flemme de me lever pour décrocher. Puis, je soupire, soulagé, en me rappelant le répondeur est là pour ça. Le bip laisse place à une voix de femme.

« Michael ? C'est Maman. Tu vas bien, mon chéri ? » Je l'entends souffler dans le combiné. « Michael… tu… tu ne peux pas juste… continuer comme ça. Je sais que Matthew est important pour toi mais tu dois être secondé, ça serait le minimum. Chéri… Tu dois arrêter de te faire du mal. Matthew, le Matthew que tu connais, ne reviendra pas. Les médecins l'ont dit, ça ne peut aller qu'en empirant ! »

Je n'ai pas envie de l'écouter, je n'ai pas envie de l'entendre dire que c'est fini. Mais je reste allongé sur le canapé, conscient que ma mère s'est réincarnée en voix de la raison.

« Chéri, Matthew est un enfant de six ans dans un corps de quarante ans. Et ça ne va pas aller en s'améliorant ! Demain, il aura sans doute quatre ans d'âge mental. Mon chéri, Michael, tu es encore jeune, trente et un ans ce n'est pas vieux, et même si je sais que tu aimes Matthew, ce n'est pas sain pour toi de t'occuper d'un adulte qui a une maladie dégénérative. Je sais que tu vas me dire que c'est ton mari, que tu as promis de le chérir jusqu'à la mort, mais ce serment ne comprend pas le fait te détruire moralement ! Tu pourrais… refaire ta vie. Revenir un moment à la maison... »

Elle pleure. Cela s'entend à sa voix mouillée. Ses derniers mots sonnent comme une supplique.

« Matthew a sa famille pour l'aider, et tu n'es pas obligé de tout te mettre sur les épaules. Je… je vais te laisser réfléchir. Bonne soirée, mon chéri. Ton père et moi t'embrassons très fort. »

La communication est coupée, et j'ai les yeux grands ouverts sur le noir. Le bouton rouge clignotant du répondeur – indiquant un nouveau message –, la minuscule ampoule verte du baby phone rompent le néant. Je me sens amer et perdu. Maman a raison. Fini, c'est fini. Je jette l'éponge. Je n'en peux plus entre le sentiment d'être un pédophile qui profite d'un enfant innocent, et le sentiment d'être un amant, un époux privé de l'amour, du soutien de son compagnon. Je sais que ce n'est pas de sa faute, c'est juste… la génétique. Mais, c'est beaucoup plus dur que ce à quoi je m'attendais en m'engageant.

Le début était magnifique, et je me souviens avoir pensé que c'était trop beau pour durer. J'avais raison, apparemment. Depuis un an, Matthew décline à grande vitesse. Je ne peux rien faire d'autre que de m'en occuper jour après jour, tentant de transformer mes sentiments d'homme en ceux de père. Mais je l'aime toujours comme avant. Alors, finir, ça va finir.

J'entends le bruit d'une porte qui grince en s'ouvrant, et j'en ferme les yeux de lassitude. Finir, ça va peut-être finir. Un jour. Quand j'aurai plus de courage. Peut-être.

« Mi' » fait Matthew de sa voix plaintive de petit garçon. Rouvrant les paupières, je distingue sa grande silhouette osseuse dans le noir qui trottine vers le canapé.

« Mi', j'ai peur, je peux dormir avec toi ? »

Malédiction. Bénédiction. Etre avec lui, dormir avec lui est à la fois une torture et un bonheur incontestable. Parce que je l'aime.

Je me lève et prends sa main, celle qui n'est pas occupée à tenir sa peluche.

« Viens, bébé. On va dormir dans ton lit. »

Sa chambre est aussi noire qu'un four. Je remonte la couverture sur son torse tandis qu'il se colle à moi pour un câlin de bonne nuit. Ma paume passe dans ses cheveux, descend sur son visage pour sentir ses joues râpeuses. Je l'aide à se raser tous les jours, ne lui laisse pas le rasoir dans les mains. Et j'aime malgré tout cette texture rugueuse. Est-ce que ça sera toujours ça ma vie, désormais ? Il faut continuer, je ne peux pas continuer, je vais continuer ?

Sans doute.

Le corps de Matthew est aussi chaud qu'avant, et comme avant, je m'endors entre ses draps.


"Finir, c'est fini, ça va finir, ça va peut-être finir." Fin de Partie, Samuel Beckett.

"Il faut continuer, je ne peux pas continuer, je vais continuer." L'Innommable, Samuel Beckett.