Chapitre 13 & Epilogue

Sam enroula une mèche de ses cheveux autour de son index et se perdit dans la contemplation de la table. Il pouvait sentir le regard perçant de la jeune fille sur lui et entendre son sourire amusé alors qu'elle répondait à Tyrell. Il se sentait rougir de honte et cela l'énervait passablement, accentuant son malaise.

— Désolé sœurette, mais j'ai été pas mal occupé ces derniers temps. Je t'ai un peu oubliée, avoua Tyrell penaud. Heureusement que Sam était là, rajouta-t-il en souriant. Vous avez pu faire connaissance ? demanda-t-il en se dirigeant vers la cuisine pour prendre une bière avant de revenir s'asseoir à côté de Sam.

Passant un bras autour de ses épaules, Tyrell étendit les jambes sous la table et étouffa un bâillement.

— Quel genre de frère es-tu pour abandonner ta petite sœur ?

— Ça va, je t'ai laissée entre de bonnes mains.

— Oui, sourit-elle, amusée. Ton ami est charmant !

— Hum je ne savais pas si…, commença Sam sans finir sa phrase.

Il entendit Naomi rire tout bas alors que Tyrell ne comprenait visiblement pas la référence.

— Je suis heureuse de voir que mon frère n'a pas perdu de temps, répondit-elle amusée, mais sincère.

— Que veux-tu ? Il est tellement mignon… déclara le principal concerné en embrassant son amant sur la tempe.

Sam n'était pas habitué à ce genre de démonstration affectueuse en public. Lui-même s'entendait plutôt mal avec son frère, et à peine mieux avec le reste de sa famille. Il entretenait toujours des liens, mais purement par politesse. Jamais sa famille n'accepterait qu'il ramène Tyrell alors… l'embrasser ou le toucher de la sorte aurait fini d'achever sa pauvre mère.

Tyrell et Naomi s'éclipsèrent dans la cuisine pour préparer le repas et Sam décida de les laisser seuls pour qu'ils se retrouvent. Devant la télé, il baissa néanmoins le son pour tenter d'entendre quelques bribes de la conversation, mais l'appartement était trop bien isolé. Il grommela intérieurement. Est-ce qu'ils parlaient de lui ? Peut-être que Naomi allait aborder le sujet de sa rupture… Et Sam mourrait d'envie d'en savoir plus.

Si Tyrell avait eu le cœur brisé, il aurait aimé le savoir, se dit-il en penchant sa tête en arrière, perdu dans ses pensées. Il sentit soudainement deux bras passer autour de son cou, et une tête brune apparut au-dessus de lui en souriant.

— À quoi tu penses ? demanda Tyrell.

Il lui aurait été facile de lui répondre qu'il pensait à lui, mais Sam avait encore sa fierté.

— À rien d'important.

— Hum ? Sur ?

Sam se releva légèrement pour capturer ses lèvres.

— Oui, sur.

Tyrell l'embrassa à son tour avec un sourire.

— On va passer à table. Et… Je suis désolé pour ma sœur, j'aurais dû te prévenir, mais j'ai complètement oublié…

— C'est rien. Elle est charmante, tout l'opposé de son frère, dit-il avec un clin d'œil.

Ils passèrent le reste de la soirée à discuter autour de la table. Naomi fut ravie de partager plusieurs anecdotes embarrassantes sur la jeunesse de Tyrell. Elle lui montra même quelques photos de lui plus jeune conservée précieusement sur son portable. Tyrell eu beau râler, sa jeune sœur lui tenu tête avec ferveur, surprenant Sam. Elle aussi avait du caractère.

Il apprit qu'adolescent Tyrell s'était passionné très jeune pour la littérature, et les garçons. Mais cela ne l'avait pas empêché d'être un jeune homme très agité. Pour ne pas paraitre différent à cause de son homosexualité, le jeune homme avait fait pas mal de bêtises, sortant tard le soir avec ses amis pour draguer des filles. Buvant, fumant parfois, il avait été impliqué dans quelques petits délits, mais n'avait arrêté qu'après avoir failli être exclu du lycée.

Sam apprit également que son amant avait fait son coming out sur le tard et qu'il avait perdu sa virginité à 20ans alors qu'il clamait avoir partagé le lit de dizaines de filles, au grand désespoir du concerné. Cela fit beaucoup rire Sam, un peu moins Tyrell qui se vengea en racontant quelques mésaventures honteuses de sa jeune sœur.

Ils allèrent ensuite se coucher, Naomi dormant sur le canapé transformé pour l'occasion en lit d'appoint. Une fois dans la chambre, Tyrell entreprit de se venger sur le jeune homme.

— J'espère que tu t'es bien amusé, commença-t-il à lui en l'embrassant dans le cou.

— Oui oui, répondit Sam en cherchant à échapper à son étreinte.

— Où crois-tu aller comme ça ?

— Ta sœur est juste à côté ! s'indigna le jeune homme.

— Je sais.

L'homme brun attira son amant contre lui d'un geste sec avant de refermer son étreinte pour l'empêcher de fuir. Une main dans le bas de son dos, l'autre occupé à défaire sa boucle de ceinture, Sam était pris au piège.

— Ty !

Un nouveau baiser pour le faire taire.

— J'espère que tu sauras retenir tes cris.

Une main qui se glisse avidement dans un pantalon désormais ouvert.

— Des fois je me demande pourquoi je reste avec toi, dit-il avec un sourire pour atténuer la dureté de ses propos.

Un gémissement qui s'échappe presque malgré lui quand il sent sa main se refermer sur lui.

— Continue d'essayer de me repousser, ça ne fait que m'exciter un peu plus.

Ce n'est qu'un murmure, mais c'est suffisant.

Le plus jeune se mord la lèvre pour s'empêcher de crier.

Des vêtements tombent à terre.

Et la lutte fait place à une étreinte passionnée.


Le lendemain, caché sous la couette, Sam regarda son amant s'habiller.

— Tu comptes rester là toute la journée ? se moqua-t-il.

— Non… Seulement jusqu'à que ta sœur s'en aille !

— Hey ! Elle qui t'apprécie tant, sourit Tyrell en venant s'asseoir à ses côtés.

— La faute à qui hein ? répondit Sam en fronçant les sourcils.

— Je t'avais dit d'être silencieux.

Tyrell pouffa tout en mettant sa ceinture. Il n'éprouvait pas le moindre remords à l'avoir fait gémir une bonne partie de la nuit, sachant sa sœur juste à côté. Comment Sam pouvait-il sortir en sachant ça ? Il était mort de honte, ce qui semblait régaler son amant.

— Tu es un vrai connard !

— C'est ce qui fait mon charme, dit Tyrell en riant franchement avant de quitter la pièce.

Sam finit néanmoins par se lever et s'habiller. Il ne pouvait pas laisser Naomi partir sans lui dire au revoir, pas alors qu'elle s'était montrée si charmante avec lui… Il fit un bref détour dans la salle de bain – attenante à la chambre – pour se rafraichir. Il ferma les yeux en crispant ses mains sur le lavabo quand il vit son reflet dans la glace… Cet enfoiré de Tyrell lui avait fait un magnifique suçon sur la clavicule, tout près de son cou.

Il avait intérêt que celui-ci disparaisse avant son rendez-vous professionnel s'il ne voulait pas finir émasculer. Soupirant tragiquement contre le comportement irresponsable de l'autre homme, Sam mit des vêtements propres avant de rejoindre Noémie et son frère. Celle-ci lui fit un grand sourire teinté d'amusement et Sam ne put s'empêcher de baisser la tête après avoir jeté un regard noir à Tyrell. Heureusement pour lui, la jeune fille ne fit aucune remarque, ni sur la marque rouge à la base de son cou, ni sur les évènements de cette nuit.

Après son départ, son amant vint le prendre dans ses bras avec tendresse, glissant une main sur son ventre.

— Tu n'es pas fâché j'espère ?

— Je devrais ?

— Non, répondit-il en haussant les épaules.

Il l'embrassa dans les cheveux et le serra contre lui.

— Il va quand même falloir qu'on parle de ça ! dit Sam en abaissant quelque peu le col de son t-shirt.

— De quoi ? Je ne vois rien ? répondit innocemment Tyrell en caressant le suçon.

— Ouais…

Tyrell était en train de débarrasser les restes du petit déjeuner quand Sam prit la parole.

— Ta sœur est partie bien vite. Elle n'est pas partie à cause de moi ?

— Elle pensait que je serais seul. Elle a été surprise de te trouver ici, agréablement surprise je veux dire… Du coup elle a décidé de rentrer plus tôt. Elle venait surtout pour s'assurer que tout allait bien.

— Pourquoi? Tu aurais dû aller mal ? demanda-t-il, pensant immédiatement à cette histoire de rupture…

— Non pas spécialement. Mes sœurs s'inquiètent trop pour moi.

— Ty…

— Hum ? demanda-t-il, occupé à nettoyer la table.

— Elle m'a parlé d'une rupture… Ça avait l'air plutôt sérieux, avoua Sam en regardant par la fenêtre.

— Elle t'a dit ça ? s'étonna-t-il en fronçant les sourcils.

— Elle pensait que j'étais au courant. Elle n'a pas voulu m'en dire plus et je n'ai pas insisté. Je pensais que ça serait mieux de te demander. Mais visiblement tu ne veux pas en parler…

— Ce n'est pas ça…dit-il en s'asseyant à ces côtés.

Il soupira avant de reprendre :

— C'est compliqué et ça appartient au passé. Est-ce vraiment important ?

— Ça te concerne, c'est normal que je veuille en savoir plus non ? Mais je ne te demande rien, si tu préfères ne pas en parler, je comprendrais.

— J'ai vécu une histoire compliquée avec un homme pendant plus de trois ans. Il y a eu des bons et des mauvais moments puis ne sont restés que les mauvais… J'ai fini par le quitter. Ça a été dur, il ne voulait pas accepter la rupture alors je suis parti. J'ai quitté la ville et je suis venu m'installer ici pour recommencer une nouvelle vie, finit-il par dire.

— Alors tu es venu ici à cause de lui…

Cette idée ne lui plaisait pas vraiment.

— Oui…

— C'était si terrible que ça ?

— Il m'a trompé plusieurs fois… Il m'a volé de l'argent aussi… À la fin je me suis rendu compte qu'il ne m'aimait pas. Il aimait ma situation, mon argent… On vivait ensemble, il ne travaillait pas. Il ramenait d'autres hommes dans notre lit pendant que je n'étais pas là. Je ne l'ai pas très bien vécu.

— Tu étais très amoureux ? demanda difficilement Sam.

— Oui, répondit-il simplement.

Sam fit la moue en jouant avec des miettes. Il n'aimait pas du tout ça. Tyrell le comblait sur tous les plans, particulièrement au lit… Il ne comprenait pas qu'on puisse le traiter ainsi. Et puis au fond de lui il était jaloux des sentiments de son amant pour son ex. Il sentait chez lui une certaine mélancolie.

— Mais je suis passé à autre chose, tu sais ? rajouta Tyrell en lui serrant la main comme s'il lisait en lui.

— Ah bon ? Vraiment ?

Il entendit Tyrell rire puis il se pencha pour l'embrasser légèrement, ne faisant qu'effleurer rapidement ses lèvres.

— Joker !

— Quoi ? Hé ! Ça ne marche pas comme ça, s'indigna le jeune homme. Tu en as trop dit ou pas assez !

— Tu connais déjà la réponse à ta question, alors je n'y répondrais pas ! dit-il en riant.

Insatisfait, Sam l'attrapa par la nuque pour l'attirer plus près avant de passer sa main dans les cheveux de son amant pour raffermir sa prise. Tirant dessus, il obligea son amant à pencher la tête sur le côté afin d'avoir accès à sa bouche sur laquelle il se jeta. Se prenant au jeu, Tyrell se releva légèrement avant de renverser le jeune homme en arrière, glissant un genou entre ses cuisses pour prendre appui sur la chaise. Ses mains remontèrent de ses épaules jusqu'à son cou. Ses pouces sous son menton le forcèrent à relever la tête et une langue intrusive se fraya un chemin entre ses lèvres, retournant ses sens, balayant ses pensées.

Quand Tyrell s'éloigna enfin, reprenant sa place l'air de rien autour de la table, Sam gémit comme un chiot qu'on abandonne. Le baiser au goût si intense avait réveillé ses ardeurs.

— Ah au fait, monsieur je démissionne sur un coup de tête, je te rappelle que tu as des affaires à récupérer, tu sais… Enfin si tu me dis quoi prendre, je peux le faire pour toi.

— Je passerais lundi… Je n'ai pas grand-chose à récupérer. En attendant, on pourrait…

Sam glissa une main taquine sur la cuisse de son amant, mais celui-ci la repoussa avec un sourire amusé.

— Tu n'en as pas eu assez cette nuit ? demanda Tyrell en riant devant la mine déconfite de son invité.

— Je suis jeune et en plein santé, c'est normal d'avoir envie de son amant non ? Tu n'as pas envie de moi ?

— Si, toujours, tu le sais bien.

Tyrell lui caressa doucement la joue, laissant trainer son pouce sur ses lèvres. Liant ses doigts au sien, Sam en profita pour discuter d'un sujet qui l'obsédait depuis sa démission.

— Et sinon, ils ont réagi comment au boulot ? Enfin je veux dire vis-à-vis de toi…

— Et bien certains me regardent de travers, mais j'ai l'habitude… Ils n'ont rien à me dire de toute façon. Jen m'a dit que certains de tes collègues s'inquiétaient pour toi. Il y a aussi des rumeurs. On se demande si tu as vraiment démissionné ou si je t'ai viré. Si tu as profité de moi. Ce genre de chose…

Des collègues inquiets ? Et où étaient-ils quand il avait eu besoin d'eux, se demanda-t-il amèrement, ils auraient pu l'appeler, ou mieux, le soutenir ce matin-là.

— Je vois, répondit-il en pressant la main de son amant.

Certains devaient prendre sa démission comme un aveu de sa culpabilité… Comme s'il avait vraiment voulu séduire son patron pour une promotion.

— Viens là, lui demanda Tyrell en l'attirant contre lui. Reprenons où nous en étions si tu veux bien ?


Le week-end passa plutôt vite. Sam venait de passer les deux meilleures journées de sa vie. Tyrell avait passé son temps à l'embrasser, prendre soin de lui et à lui faire l'amour. Il se demandait d'ailleurs si les choses changeraient entre eux avec le temps. Il supposait que, comme dans chaque couple, la routine finirait bien par les rattraper. Mais ça ne le dérangeait pas… Tant que le désir serait présent, il pouvait tout accepter. Même passer ses week-ends sur son ordinateur pendant que son amant regarderait la télé. Il n'avait encore jamais connu cette envie d'être à ce point avec quelqu'un. Pour la première fois de sa vie, il comprenait ce qu'était l'amour et le coup de foudre.

Il soupira, se secoua et regarda sa montre. Midi moins le quart ! C'était l'heure d'aller chercher ses affaires, puis de partir déjeuner avec son amant. Des bouffées de chaleur l'envahirent. Il faisait plutôt froid, mais le stress lui donnait chaud. Enlevant son écharpe, il tenta de se calmer. Il sautilla sur place pour se donner du courage avant de traverser la rue jusqu'au bâtiment de Voice Magazine.

Au début personne ne fit attention à lui puis au fur et à mesure que ses pas l'emmenaient vers son bureau, il sentit des regards insistants se diriger vers lui, et des murmures s'élever dans la pièce. Il avait envie de leur faire une remarque sarcastique, mais, à la place, se dirigea vers son bureau avec dignité.

Il ouvrit quelques tiroirs, récupérant quelques bibelots, deux ou trois photos et un carnet d'adresses quand un de ses collègues vint l'aborder, mal à l'aise. Sam le reconnut. Ils avaient déjà discuté une ou deux fois autour d'un café, mais sans jamais chercher à devenir ami. Ce fameux matin, il s'était contenté de baisser les yeux et d'ignorer la scène qui se déroulait sous ses yeux.

— Salut !

— Salut, répondit Sam en haussant les épaules.

Ils n'avaient jamais été amis, il ne voyait pas l'intérêt d'entamer une conversation, mais se prêta au jeu à contrecœur.

— Il parait que tu as démissionné ? demanda-t-il directement.

— Ouais, répondit-il indifférent en finissant de récupérer ses affaires. C'est exact.

— Si jamais tu as besoin d'aide…

— Je n'ai besoin de rien merci. J'ai trouvé un meilleur boulot… Chez Franz.

Son collègue parut surpris. Il était vrai que le journaliste était assez réputé. Sam fit exprès de ne pas préciser que son nouveau travail ferait de lui un simple assistant. Il préférait nettement l'effet qu'avait produit son annonce.

Certains collègues qui écoutaient la conversation furent surpris et Sam les vit se renfermer, visiblement jaloux et contrariés. D'autres vinrent le féliciter. Se prêtant au jeu de l'hypocrisie, Sam leur serra la main avec désintérêt. Puis la porte s'ouvrit sur Tyrell, accompagné de sa secrétaire. Presque aussitôt, Sam se retrouva seul. Ses collègues retournèrent à leur place en baissant les yeux. Quel courage, pensa Sam.

Si certains étaient indifférents à sa présence depuis le début, les autres, ceux qui le méprisaient ainsi que ceux qui disaient le soutenir, semblaient épier la moindre réaction de Tyrell. Ils voulaient sans doute savoir si les rumeurs étaient fondées. Avaient-ils rompu ? Cette attitude l'agaça profondément. S'il avait été une femme, ou s'il s'agissait encore de Victoria, personne n'aurait réagi de cette façon, constata Sam amer.

Il finit de rassembler ses affaires en attendant patiemment que son amant ait fini de discuter avec Jenifer. Tyrell releva enfin les yeux de son dossier, et prit congé auprès de sa secrétaire pour se diriger vers le jeune homme avec un sourire.

— On y va ? demanda-t-il doucement.

Sam ne répondit pas et se contenta de le suivre. Il remarqua un ou deux sourires chaleureux, dont celui de Jenifer. D'autres personnes, moins aimables, avaient viré rouges, s'indignant à voix basse de ce comportement intolérable. Dire qu'ils n'avaient même pas le courage de leur dire en face… Sam eut pitié d'eux. Finalement, il avait eu raison de quitter cet endroit. Il espérait juste que Tyrell n'aurait pas de problèmes à cause de leur liaison, mais ce dernier ne semblait pas y prêter attention. L'avis de ses collègues lui importait peu, seul comptait sa relation avec le jeune homme. Après tout, il lui avait déjà avoué nourrir l'espoir d'une relation sérieuse entre eux.

En retrouvant l'air frais de l'extérieur, Sam soupira. Il sentit le bras de Tyrell se refermer sur sa taille et il se retourna pour lui sourire. Ils étaient ensemble et c'était le plus important, pensa Sam dont les sentiments commençaient peu à peu à éclore.


Épilogue

— Alors, tu es content de ton petit effet ? lui demanda sournoisement Tyrell.

— Je ne vois pas de quoi tu parles… répondit Sam innocemment.

Il mentait bien sûr… D'une certaine façon il avait ressenti de la fierté à s'afficher ainsi en public au bras de Tyrell et à faire taire les rumeurs qui les disaient séparés. Lui qui pourtant n'avait jamais ressenti de jalousie, avait eu besoin de marquer ainsi son territoire. Devenait-il possessif ?

Enhardi, Sam avança discrètement son bras pour caresser du bout des doigts les jointures de la main de l'autre homme. Ce dernier lui sourit à la fois amusé par son attitude et attendrit par son geste.

— Décidément, on ne t'arrête plus. Susurra-t-il d'une voix hautement érotique.

— Tu es sûr d'être obligé de travailler cette après-midi ? Sollicita Sam, un peu gêné par son audace.

— Essayeriez-vous de me corrompre Mr Connor ? demanda Tyrell, faussement choqué, mais dont le sourire trahissait son amusement.

— Je ne sais pas… Est-ce que cela marche ? dit-il sensuellement.

Tyrell enlaça leurs doigts en lui serrant fort sa main et le regarda désespéré en se mordant la lèvre inférieure.

— Sam, tu vas me rendre fou ! Tu sais très bien que je ne peux pas partir. Encore moins après qu'ils nous aient vu ensemble… se plaignit Tyrell, une lueur de désir dans les yeux

— Quel dommage… répondit-il d'une voix faussement déçue en se passant la langue sur les lèvres, cherchant visiblement à l'allumer un peu plus.

— Ça ne me plait pas, mais si tu continues comme ça… Je pourrais très bien te prendre dans les toilettes ! menaça-t-il, la voix rauque.

— Ici ? demanda Sam surpris.

Il n'imaginait pas que Tyrell puisse lui faire ce genre de chose dans des toilettes. Et malgré le petit frisson d'excitation qu'ils pourraient retirer d'une telle situation, ce type de lieu était loin d'être romantique.

— Eh bien oui ! Tu en vois d'autre toi ? rétorqua-t-il sarcastique.

— Sachez, Monsieur, que je ne suis pas ce genre d'homme ! dit-il, amusé.

Il sentit un pied toucher sa cheville et remonter le long de sa jambe.

— Ok tu as gagné ! J'arrête de te chercher, répondit-il en riant.

— Tu as intérêt à te faire pardonner.

Le regard de son amant était brûlant et Sam frissonna d'anticipation. Il l'avait cherché, il l'avait trouvé…

— Tout ce que tu voudras mon cœur ! dit-il spontanément.

— J'en prends note !

Tyrell lui fit un clin d'œil, signe qu'il n'oublierait pas sa promesse. Sam sourit en serrant la main de Tyrell dans la sienne. Il se sentait bien ici, avec lui. Quand le serveur arriva, Sam ne fit aucun geste pour se séparer de son amant.

Ils mangèrent en discutant de tout et de rien avant de se séparer au bout d'une heure. Ils échangèrent un rapide baiser sur les lèvres avant de se quitter. À nouveau seul, Sam décida de rentrer chez lui afin de préparer son premier jour de travail qui aurait lieu le lendemain.

En entrant dans son petit appartement, le jeune homme ressentit une immense solitude. Il lui manquait quelque chose, ou plutôt quelqu'un. Ces derniers jours, il les avait passés avec son amant, dans son appartement. À croire qu'il ne pouvait plus vivre sans lui, pensa-t-il amusé. Devait-il le rejoindre ce soir ? Où le laisser un peu d'espace ?

Il prépara ses affaires en pensant à son amant. Leur relation était nouvelle, certes, mais fusionnelle. Il n'avait encore jamais ressenti ce besoin de rester à ce point aux côtés de ses précédentes petites amies. Avec Tyrell, c'était différent. Oh, il ne voulait pas forcément emménager chez lui. Garder son appartement, son indépendance, lui allait très bien. Tout en passant l'ensemble de ses soirées chez son ami…

Il surfa sur le net, consultant des sites sans intérêt, le bruit de la télé en fond sonore. Qu'est-ce qu'il pouvait s'ennuyer seul dans son appartement vide. Peut-être finirait-il par s'inviter chez Tyrell finalement. Mais s'il n'était pas capable de passer une nuit seul chez lui… Son portable vibra.

'Je suis rentré. Tu fais quoi ?'

Sam sourit tout en jouant avec un crayon qui trainait sur le bureau. Il cherchait comment lui répondre qu'il lui manquait sans paraitre trop désespéré. Il décida finalement de répondre sobrement.

'Rien, j'ai préparé mes affaires pour le boulot et maintenant je m'ennuie.'

La réponse ne tarda pas :

'Alors viens, je te montrerais deux ou trois jeux sympa ;)'

Il n'en fallut pas plus à Sam. Le jeune sortit un sac et enfourna quelques vêtements à la hâte sans oublier ses affaires de travail. Quelques minutes plus tard, il était dehors pour rejoindre son amant.


Sam fut surpris de voir Tyrell lui ouvrir avec un adorable tablier. Devant le sourire moqueur de son amant, le rédacteur en chef se sentit obligé de s'expliquer.

— Je me mets à la cuisine, dit-il penaud en se poussant pour laisser le jeune journaliste entrer.

Il l'attrapa par le bras pour lui voler un baiser avant de se retirer dans la cuisine.

— Mets-toi à l'aise, c'est bientôt prêt ! cria-t-il pour se faire entendre.

— Tu veux que je t'aide à mettre la table ? demanda Sam en s'approchant de lui par surprise.

— Comme tu veux. Tu as presque réussi à me faire peur, déclara-t-il avec un sourire, remuant sa cuillère en bois.

Sam fouilla dans la cuisine à la recherche de couverts et d'assiettes. Le simple fait d'aider Tyrell et de pouvoir se permettre d'ouvrir les placards le faisait se sentir chez lui. Il partageait l'intimité de son compagnon et c'était extrêmement agréable.


Après avoir débarrassé la table, Tyrell revint vers Sam et le prit dans ses bras.

— J'ai quelque chose pour toi.

— Ah ? demanda-t-il surpris, en relevant la tête.

Tyrell se sépara de lui pour lui prendre la main et y glisser une clé.

— C'est la tienne.

— La mienne ?

— Oui, c'est un double… Pour que tu puisses venir quand tu en as envie, sans pour autant m'attendre.

Sam sourit. Passant ses bras autour de son cou, il attira son amant contre lui pour un baiser. L'émotion le submergeait. Leur relation prenait un tournant bien plus sérieux que prévu. Tyrell ressentait peut-être la même chose que lui ? Se sentait-il aussi dépendant ? Le cœur battant, il serra la main de Tyrell dans la sienne.

— J'espère que tu te souviens de ta promesse, lui murmura Tyrell entre deux baisers.

— Hum… De quoi tu parles ? répondit Sam, la tête ailleurs.

— Celle où tu fais tout ce que je veux, lui rappela l'autre homme en passant sa main sous ses fesses et en l'emportant vers la chambre.


Le réveil résonna dans toute la pièce, réveillant les deux amants enlacés. Tyrell se sépara à regret du jeune reporter pour aller prendre une douche matinale. Il retrouva Sam, dans la cuisine, en train de préparer un petit déjeuner avec pour seul vêtement son boxer. Une vue des plus agréable…

— Qu'est-ce que tu vas faire aujourd'hui ? C'est ton premier jour de travail non ? demanda-t-il en l'enlaçant.

— Oui, au moins ça m'évitera de m'ennuyer en ton absence. Je vais sûrement aller faire quelques courses et passer chez moi avant d'y aller. J'ai rendez-vous à dix heures.

— Tu seras là ce soir ?

— Je ne sais pas… Je ne voudrais pas que tu finisses par me trouver envahissant ! répondit Sam malgré son envie de rester avec lui.

— Si je t'ai donné ce double de clé, ce n'était pas sans raison Sam… J'aime t'avoir à mes côtés. Il est trop tôt pour parler d'emménagement, mais… rien ne me ferait plus plaisir que de t'avoir ici avec moi.

— Alors je serais là, dit-il en souriant.

— Si tu passes à ton appart, profites-en pour ramener quelques affaires… Ça t'évitera d'y retourner tous les jours…

— Tu pourrais le regretter, déclara-t-il avec un sourire amusé. Je risque de ramener la moitié de mon appart !

— Ça ira, il y a de la place. Répliqua Tyrell en riant.

Ils s'embrassèrent une dernière fois avant de se séparer.


Sam soupira en se frottant les mains, espérant vainement de se réchauffer. Le jeune homme se tenait devant le vieux bâtiment servant de siège social à de nombreux magazines indépendants. À partir d'aujourd'hui il travaillerait ici, en compagnie du célèbre journaliste Franz, tandis que, le soir venu, il passerait ses nuits en compagnie du rédacteur en chef de Voice, Tyrell Alexander. Que demander de plus ? Il avait maintenant un boulot génial et un petit ami qui avait bouleversé sa vie…

Il verrouilla la portière de sa voiture, jetant un dernier coup d'œil au coffre où, il le savait, se trouvait une partie de ses affaires. Il sourit avant de traverser la rue qui le séparait de son nouveau lieu de travail. Sa vie prenait enfin le nouveau départ qu'il était venu chercher des années auparavant en emménageant à New York.

Il était heureux.

Fin


Quelques illustrations bonus sont disponibles sur mon site. N'hésitez pas à venir y jeter un œil.