Disclaimer : à moi ! Pour les chansons non évidemment, je préciserais au fur et à mesure des chapitres à qui elles appartiennent. C'est encore une GW UA que j'ai transformé en originale …
Genre : aventure et romance, l'histoire se déroule à notre époque, dans notre réalité mais dans un pays fictif, le royaume de Naska.
Rating : M
On retrouve Evan, Alexis et tous les autres dans une autre histoire, comme Cory et Keith, j'ai du mal à les abandonner.
Il n'était pas encore midi que déjà il était énervé. Énervé ? Non pire que ça ! Il allait voir ! Franchement, proprio ou pas, ami ou pas, on s'incruste pas comme ça sur son navire en prévenant une heure avant ! Pour qui il se prenait ?
Ses longs cheveux châtains volant au vent, perdu dans ses récriminations intérieures, le capitaine du bateau de recherches océanographiques, l'Orca Gladiator, regardait avec suspicion l'hélicoptère du propriétaire aborder son atterrissage sur l'hélistation du pont avant inférieur.
L'alouette, aussi légère fut-elle, n'en était pas moins imposante et c'est avec soulagement qu'il la vit se poser sans encombre dans le cercle orange vif prévu à cet effet. Il attendit que les pales de l'engin aient ralenti suffisamment pour pouvoir s'approcher sans danger et alla accueillir ses visiteurs.
Le premier a descendre fut un homme d'une trentaine d'année aux courts cheveux blonds retombant sagement autour de son visage, l'encadrant comme une auréole, et des lunettes noires masquant ses yeux qu'il connaissait assez pour en connaître la teinte exacte, une sorte de bleu turquoise particulièrement paralysant quand il se fixait sur vous.
Il avait troqué son habituel costume pour une tenue plus appropriée au lieu où il se trouvait. Il fut suivi de près par deux hommes en presque tenue militaire. Le capitaine darda immédiatement sur eux ses yeux d'ambre perçants, tentant de comprendre ce qu'ils faisaient sur son bateau.
Les deux hommes, de fortes carrures étaient aussi dissemblables que le jour et la nuit. Le premier, un blond aux cheveux presque aussi longs que lui et au joli regard bleu, avait une silhouette assez élancée, toute en finesse mais qui devait sûrement cachée des muscles efficaces.
Le second, un brun aux cheveux en bataille et au regard bleu fond-marin, était bien plus grand et plus carré, plus imposant sans être une montagne de muscles pour autant. Ils regardaient autour d'eux, repérant les lieux et, même s'ils n'en laissèrent rien paraître, furent impressionnés par ce bateau. De loin, on aurait pu penser à un mélange entre un bateau de croisière et un chalutier.
Curieux mélange certes, mais si il possédait tout un équipement et un appareillage nécessaire à sa fonction, comme la grue de mise à l'eau pour les instruments de recherches sous-marines, qui pour l'instant attendait bien sagement repliée sur elle-même, les antennes de communication qui se dressaient fièrement vers le ciel à l'instar des mâts de ses puissants voiliers d'une époque révolue, le submersible miniature et le véhicule téléopéré pour les recherches subaquatiques, etc ..., il n'en restait pas moins qu'il semblait accueillant et confortable.
De là où ils étaient, ils pouvaient apercevoir la passerelle de commandement, qui surplombait l'intégralité du navire, et devant eux l'entrée du couloir des cabines. Ils ne pouvaient voir plus loin car l'Orca faisait tout de même 54 mètre de long, mais ils savaient qu'ils auraient largement le temps de finir le repérage plus tard dans la journée.
Leur inspection leur prit à peine quelques minutes et ils fixèrent à nouveau leur attention sur le capitaine. Le premier agent a être descendu le reluquait sans complexe sous l'air contrarié de son coéquipier. Essayant de contenir ses frissons et ne voulant surtout pas se pencher sur leur origine, le capitaine avança, la main tendu, vers le premier « invité ».
_ Charlélie, le salua-t-il avec un sourire qui ne montait pourtant pas jusqu'à ses yeux.
_ Evan, lui répondit son ami avec une petite grimace d'excuse.
_ Que nous vaut l'honneur ? S'enquit le capitaine. Non pas que je ne sois pas heureux, hein ? Mais j'avoue être intrigué.
Tout en serrant son ami dans ses bras, Evan avait volontairement insisté sur le dernier mot. Ils se séparèrent mais restèrent l'un en face de l'autre. Le châtain avait plaqué son sourire « convivial » sur son visage alors que son vis à vis lui offrait un petit sourire gêné.
_ C'est une longue histoire, nous serons mieux à l'intérieur. Tout le monde va bien ? Changea-t-il de sujet en se dirigeant vers la passerelle.
_ Comme toujours tu éludes ... passons, oui tout le monde va bien, répondit Evan, conciliant.
Se tournant vers les deux autres passagers de l'hélico, il fit comprendre à Charlélie qu'il souhaitait vivement connaître leur identité, à défaut de la raison de leur présence.
_ Evan, je te présente l'agent Alexis Miyaki et l'agent James Vigane, annonça-t-il poliment. Tu nous laisse deux minutes, le temps de récupérer nos affaires, ensuite nous t'expliquerons tout.
_ Ais-je seulement le choix ?
C'était évidement une question rhétorique. Il aida tout ce petit monde à récupérer leurs bagages et les conduisit à l'intérieur. Il ne cessa pas pour autant de ruminer son inquiétude. Ne s'était-il pas dit justement ce matin au réveil qu'il avait un mauvais pressentiment ? Intuition qui s'accentua deux heures plus tard après que son technicien radio l'ai appelé pour lui signaler un appel urgent en provenance de l'hélicoptère. Rien qu'au ton de Charlélie lui annonçant leur arrivée imminente, il avait compris qu'ils allaient au devant des problèmes.
Pendant que le pilote rejoignait l'équipage en salle commune, Evan leur fit traverser quelques couloirs et les installa dans son bureau.
Charlélie entra comme un habitué et se dirigea directement vers le hublot. L'ambiance de cette pièce lui avait toujours plu. Les deux autres, par contre, jetèrent un œil purement mécanique sur leur environnement, analysant le moindre objet pour se faire une idée de l'occupant et de son caractère. La pièce n'était pas très grande et principalement occupée par un bureau en bois massif et une chaise assortie, un canapé le long du mur à côté de la porte semblait souvent accueillir le capitaine pour ses nuits, au vue de la couverture qui s'y trouvait.
Pour compléter le décor, à l'opposé du canapé, il y avait un petit meuble qui devait servir à ranger tout et n'importe quoi, des dossiers au thermos de café. Quelques photos ici et là mais rien de vraiment personnel en fait. A part que le capitaine Oliver devait être un bourreau de travail, les deux officiers n'en surent guère plus. Mais, l'agent Miyaki pensa au même moment que la discussion qui allait avoir lieu serait certainement instructive. A peine eut-il fini de penser cela qu'Evan le conforta dans son idée. Quant à son collègue, il continuait de baver sans vergogne sur le jeune homme à la queue de cheval.
_ Faites comme chez vous ! Lança ce dernier sur un ton plus qu'ironique.
_ Evan ... Ne sois pas si sarcastique, tu ne sais même pas ce qui nous amène, le réprimanda gentiment son ami.
_ Pas vraiment envie de le savoir, grogna-t-il pour toute réponse, sauf votre respect bien sûr Messieurs.
_ Agent Miyaki, agent Vigane, si cela ne vous dérange pas, je crois qu'il serait préférable que j'explique moi-même la situation au capitaine Oliver, coupa court Charlélie en voyant la tension s'accentuer entre les occupants du bureau.
Ce fut le deuxième qui répondit. Adressant son sourire le plus charmeur aux deux amis.
_ Je vous en prie Monsieur Roussel de Noailles.
Evan retint de justesse une grimace de dégoût, le ton mielleux du blond ne lui avait pas, mais alors pas du tout plu.
_ Evan ... voilà, heu .. ces messieurs travaillent pour le gouvernement comme tu l'a sûrement compris toi-même, commença Charlélie en se grattant la gorge, ils sont chargés de récupérer des données vitales pour la sécurité de l'État. Or, elles se trouvent dans un bateau de la marine militaire de Naska qui s'est échoué dans le Détroit du Danemark, entre l'Islande et le Groenland, exposa-t-il le plus calmement possible.
_ En quoi cela me concerne-t-il ? Demanda le capitaine, son mauvais pressentiment étant revenu en force.
Evan sentait l'air se raréfier autour de lui. Il voyait les problèmes lui arriver dessus au triple galop et il ne pouvait rien faire pour les éviter. Tendu comme un félin prêt à bondir sur sa proie, il se prépara mentalement au choc frontal.
_ Le gouvernement réquisitionne l'Orca Gladiator pour récupérer les données en question.
Charlélie avait sorti ça très vite, sans respirer et, aussitôt fait, avait fermé les yeux très fort, espérant ainsi devenir invisible et échapper à la lame de fond qui allait sous peu retourner le bureau et tous ses occupants.
_ QUOI ! Hurla Evan de toute sa voix, se moquant peu qu'on l'entende à l'autre bout du bateau.
_ Evan … tenta son ami en se gardant bien d'approcher.
_ C'EST UNE BLAGUE ? continua-t-il sans se soucier de sa tentative d'interruption.
_ Evan … réitéra le blond sur le même ton.
_ Non mais c'est pas vrai ! Dis moi que tu plaisantes ! C'est hors de question ! Jamais ! S'écria le châtain de plus en plus énervé, déambulant dans son bureau et s'agitant dans tous les sens.
Il n'avait pas adressé un seul regard aux deux officiers et c'était plutôt préférable pour leur santé à tous, vital même. Néanmoins, l'un deux, ne se préoccupant pas plus que ça de la fragilité nerveuse du capitaine, s'avança vers lui.
_ Capitaine Oliver ! L'interpella le brun. Je crains que vous n'ayez pas saisi, il y va de la sécurité du royaume de Naska, c'est une raison d'État, par conséquent et selon la loi du royaume, vous n'avez pas le choix, déclara-t-il froidement.
Pour la première fois depuis son arrivée, l'agent Miyaki venait de prendre la parole. Son ton était aussi glacial que son regard, son calme contrastait et détonnait par rapport à l'agitation d'Evan. Ce dernier se retourna vers son interlocuteur, au ralenti, il le chercha des yeux, et quand il le trouva, le fusilla sur place. Si son regard avait pu tuer, l'officier serait mort sur le champs.
Dire qu'Evan bouillait de colère eut été un doux euphémisme, il allait littéralement exploser de rage. Afin d'éviter de commettre un meurtre sur son propre bâtiment, il reporta son attention sur Charlélie qui s'était stratégiquement replié derrière le bureau et la chaise.
Le ton beaucoup plus posé du capitaine ne laissait rien présager de bon.
_ Peux-tu, s'il te plaît, expliquer à ces emmer... hum ... à ces messieurs, se reprit-il difficilement, l'importance de nos recherches ? Peux-tu, si ça ne te fait trop rien, leur dire que nous ne pouvons pas les interrompre maintenant au risque de perdre les dix derniers mois d'un travail intensif et épuisant ? Continua-t-il en se contenant au maximum. Peux-tu, sans vouloir te commander, leur donner une estimation des frais que cela occasionnerait et leur donner au passage la liste de tout l'équipage qui compte sur ce travail ?
_ Evan ... je leur ai déjà dit tout ça, répondit le blond, ... je suis désolé, je suis pieds et poings liés, c'est une « demande » qui vient de la plus haute sphère du gouvernement, même moi n'y peut rien.
Evan frappa rageusement du poing sur la table et se laissa tomber sur le canapé qui se trouvait heureusement derrière lui en se prenant la tête dans les mains. Il marmonnait sans que personne ne comprenne rien et d'un seul coup se releva, faisant sursauter Charlélie et l'agent Vigane.
_ Impossible ! S'écria-t-il. Putain ! On y était presque ! On touchait au but, merde ! S'énerva-t-il encore. Charlélie, demande moi ce que tu veux, n'importe quoi mais pas ça, par pitié !
De la colère, la voix d'Evan était passé à la supplique. Il semblait réellement désespéré.
_ Evan ... enfin, calme-toi. Je sais ce que tu ressens, mais ... ce n'est pas comme si je te demandais de me donner un rein ! Ce n'est que partie remise … voulut le rassurer Charlélie.
_ Tu sais ce que je ressens ? S'offusqua le capitaine. Oh ! Première nouvelle ! Ce travail, ces recherches, c'est toute ma vie Charlélie ! Lui rappela-t-il d'un ton amer. J'aurai préféré te donner un rein comme tu dis plutôt que d'être vendu au gouvernement ! Et leur marine si efficace ? Pourquoi elle n'envoie pas un de ses bateaux, hein ? Les provoqua-t-il volontairement.
_ Nous ne sommes pas équipés pour ce genre de repêchage, déclara l'agent Miyaki. Comme Monsieur Roussel de Noailles vous l'a dit, l'épave se trouve par 200 mètres de fond dans un détroit très dangereux et recouvert partiellement de glace. Aucun de nos bateaux ne possède l'équipement nécessaire ni le matériel indispensable à la recherche de ces informations. Vous vous doutez bien que si nous avions pu éviter de mêler des civils à tout ça, nous l'aurions fait, ajouta-t-il d'un ton évident.
_ Agent Miyaki, vous prétendez me faire croire qu'il n'y a, au monde, que mon bateau capable de récupérer vos putains d'infos ? Vous me prenez pour un con ? Se fâcha Evan, sourcils froncés.
_ Je ne prétends rien, j'affirme, répondit son interlocuteur, toujours aussi calme. Et dans le monde non, mais à Naska si. Nous ne pouvons pas faire appel à un navire étranger, fit-il sur un ton sans appel.
_ Parce que vous comptez sur mon patriotisme ?
Le ton méprisant d'Evan sembla, pour la première fois depuis le début de cet entretien, énerver quelque peu l'agent Miyaki. Il se reprit vite néanmoins et Evan nota que cet homme avait un contrôle de lui-même des plus impressionnants. Tout le contraire de lui en l'occurrence.
_ Oui en effet. Ou tout au moins sur votre coopération, n'hésita-t-il pas à répondre, défiant Evan du regard. Si vous ne nous suivez pas, votre équipage non plus.
_ Donc vous me demandez d'abandonner dix mois de recherches pour aller chercher une épave dans un détroit qui ressemble plus à cimetière qu'autre chose et où se trouve mélangés les plus gros dangers pour n'importe quel navire : couche de glace, icebergs, brouillard persistant et ouragans. Tout ça pour la sécurité de l'État. Ais-je oublié quelque chose, chef ? Continua-t-il sur sa lancée, cherchant à le faire sortir de ses gonds.
_ Vous n'avez rien oublié, confirma l'agent avec un petit sourire froid qui fit frissonner le capitaine. Sachez seulement que votre ton ironique ne changera rien au fait et ne me fait ni chaud ni froid.
_ Hn ! Effectivement, vous êtes plutôt pas mal dans le rôle de l'iceberg ! Faites attention à ne pas couler mon navire, vous n'en aurez pas d'autre !
Ils s'affrontèrent du regard quelques instants quand la montre d'Evan bipa, attirant son attention.
_ Charlélie ! J'te laisse annoncer la merveilleuse nouvelle aux autres, j'ai des trucs à faire, lança-t-il en se dirigeant vers la porte.
_ Evan attends ! A qui dois-je le dire ? L'interrogea Charlélie, perturbé par le changement de comportement brutal de son ami.
Ce dernier stoppa quelques instants, le nez en l'air il semblait réfléchir.
_ Humm ... Ouai, non pour l'instant dis rien, contente toi de rester là avec tes deux amis et je m'occuperais du reste, changea-t-il d'avis. Si tu leur fait la même annonce qu'à moi, ils vont te balancer dans la cale !
Sur ces derniers mots doux il partit en claquant la porte derrière lui. Épuisé, Charlélie s'assit lourdement sur le canapé occupé précédemment par Evan.
_ Bon ... ça a été finalement, soupira-t-il avec lassitude.
L'agent Vigane sursauta et braqua sur Charlélie un regard interloqué.
_ Pardon ? Parce que vous trouvez qu'il l'a bien pris ?
_ Vous ne connaissez pas Evan, sourit doucement le blond, il n'y a rien de cassé dans son bureau, même pas vous ... alors, oui, il l'a bien pris.
_ Vous croyez vraiment qu'il aurait pu nous blesser ? Demanda l'agent Miyaki, ne cachant rien de ses doutes à la limite du dédain.
_ Gardez vos sarcasmes, vous ne savez rien de lui ou de son passé. Croyez-moi, ne le sous-estimez pas, ses ennemis ont appris à leur dépend à ne pas lui tourner le dos. Méfiez-vous d'Evan si jamais vous décidez de le contrarier, surtout ici, son équipage lui est plus que dévoué, se contenta de le prévenir Charlélie.
_ Comment est-ce que … commença le brun en haussant le ton.
_ Je ne vous dirais rien de plus, le coupa-t-il, c'était déjà de trop. J'ai jugé préférable de vous prévenir pour notre bien à tous, c'est tout. Bon, allons-y, ne les faisons pas attendre, Evan s'est résigné mais sa colère est toujours là, elle est tenace, alors pas la peine de le provoquer, conclut-il en se dirigeant à son tour vers la porte sous les yeux éberlués des deux agents.
Les trois hommes sortirent du bureau pour se diriger vers la passerelle de commandement. Celle-ci était époustouflante, elle se trouvait plutôt vers l'avant du bateau, à l'intérieur on avait l'impression d'être dans une bulle ou une sphère, le long des murs elle était remplie de tableaux de bord plus complexes les uns que les autres, au-dessus se trouvaient une douzaine d'écran de contrôle et plus haut encore les baies vitrées qui permettait de donner une vue d'ensemble du navire.
Plusieurs hommes et femmes s'y trouvaient, certains installés sur les sièges devant les écrans, d'autres regroupés autour d'Evan. Ils formaient un comité d'accueil des plus glacials, à l'exception d'un grand jeune homme roux cuivré et aux yeux émeraudes qui fit un magnifique sourire à Charlélie lorsqu'il le vit passer la porte. Les deux agents comprirent bien vite que Charlélie n'était pas la cible de l'animosité qui régnait dans l'air, cependant ils ne se laissèrent pas démonter. Ils étaient là pour accomplir une mission, pas pour se faire des amis.
Contre toute attente, ce fut Evan qui pris la parole, sa voix était sans appel, froide et directe.
_ Je vais d'abord vous présenter les « chefs » de mon équipe. Le reste de l'équipage vous le découvrirez au fur et à mesure, leur annonça-t-il. Donc, agent Miyaki, agent Vigane voici, pour commencer ce tour de table : mon capitaine en second Yoan Beruraut, dit-il en désignant le fameux rouquin, mon chef mécanicien Fred, continua-t-il en montrant un homme d'un certain âge mais de toute évidence en bonne forme physique, mon responsable matériel de recherches sous-marines, Quang Tan N'Guyen, dit-il en pointant cette fois un homme d'environ 25 ans et sans doute aucun d'origine asiatique, ma responsable logistique et communication, Penny Clowd, et il montra cette fois un petit bout de femme aux courts cheveux bruns et au regard noire pétillant, et enfin ma chef de labo, biologiste marine de son état et accessoirement infirmière de bord, Amely Vans, conclut-il en montrant une ravissante jeune femme aux longues boucles châtains.
L'emploi du possessif ne passa pas inaperçu et Miyaki et Vigane comprirent ce que Charlélie voulait dire par équipe dévouée. Aucun n'avait été dérangé par ce pronom qui précédait chaque fois leur fonction, au contraire, ils en semblaient plus que fiers. Seul un excellent capitaine pouvait susciter une telle dévotion de son équipe, cela voulait dire tout simplement, qu'il leur était tout autant dévoué.
_ Bien, je n'oublie personne ? Non ? Ok, alors voilà le topo guys ...
En quelques minutes, sans laisser à qui que soit le temps de l'interrompre, il leur exposa les faits. Charlélie et ses deux acolytes voyaient les visages autour d'eux se rembrunir, se décomposer pour finalement se vêtir d'une haine farouche qu'ils braquèrent vers eux sans hésiter.
_ Well ! Vous savez tout ce que je sais. Donc deux choses : les questions concernant cette mission, c'est pas à moi qu'on les pose c'est aux deux GIJoe et c'est pas la peine d'en vouloir à Charlélie, il y est pour rien, précisa-t-il pour éviter que son ami ne subisse les foudres de son équipe. Alors dans un premier temps, Yo' tu vois pour nous faire un plan de navigation impeccable, Penny tu joins notre base de ravitaillement en Afrique du Sud, tu leur dis qu'on rentre plus tôt que prévu et qu'on a besoin de faire le plein au max, ensuite tu vois avec Yo' pour trouver des ports similaires sur l'itinéraire et tu les contactes. Quan' tu récupères et tu ranges le matériel submersible on en aura pas besoin tout de suite, pas la peine de le laisser traîner dehors, Fred, tu préviens tes gars qu'il y a du changement, qu'ils se tiennent prêt à lever l'ancre, enfin façon de parler, hein ? Amely, ma belle, tu retournes à ton labo et tu me sors le plus vite possible toutes les données pour ce site avant qu'on se barre. Des questions ? Toujours pas ? Alors go ! S'écria-t-il en tapant dans ses mains.
_ Oui Capitaine !
Ce fut une réponse unanime et chacun partit à son poste sous le regard éberlué de Miyaki et Vigane, si Evan n'avait pas été chercheur en biologie sous-marine, il aurait fait un parfait officier dans l'armée.
_ Char'li, tu partages la cabine de Yo' ? Demanda justement le capitaine en se tournant vers le blond.
Charlélie sursauta et se sentit bêtement rougir sous le regard des deux agents qui tentaient de se rappeler si Yo était un homme ou une femme. Ils n'eurent pas à réfléchir très longtemps. Le grand cuivré à la coiffure bizarre les avait vite rejoint, répondant à Evan par la même occasion.
_ Comme d'hab, capitaine, lui sourit-il. On ne change pas une équipe qui gagne. Tu m'as manqué mon cœur ...
Il se pencha vers Charlélie et l'embrassa légèrement. Ce dernier était définitivement rouge pivoine et ne savait plus du tout où il était.
_ Charlélie ? T'es toujours avec nous ? Se moqua avec bonheur Evan.
_ Hein ?
_ Et loquace avec ça ! Renchérit-il devant l'air déphasé de son ami. Bon, quand t'auras atterri « mon cœur », le taquina-t-il encore, tu conduiras Vigane à ton ancienne cabine et Miyaki à la mienne. Sur ce moi, j'ai du taf et c'est urgent, alors m'attendez pas, conclut-il sans attendre de réponse.
Il commença à s'éloigner lorsqu'il se rappela une chose très importante.
_ Hey Charlélie ! Fais leur visiter, qu'ils sachent où ils ont le droit d'aller et où ils ne doivent surtout pas mettre les pieds sous peine d'être débarqués sans préavis, loi ou pas loi, menaça-t-il les agents sans même les regarder tout en se dirigeant vers la porte.
Cette fois il quitta pour de bon la passerelle laissant une effervescence incroyable derrière lui. Charlélie commençait seulement à percuter tout ce qui venait d'être dit et passa du rouge au pâle en réalisant que Yoan l'avait embrassé – et embarrassé – devant tout le monde, James et Alexis clignaient encore des yeux pour être sûrs qu'ils n'avaient pas rêvé les dernières dix minutes, se demandant où ils étaient tombés et pensant tous les deux un « ça promet ! », l'équipage courait dans tous les sens, obéissant aux derniers ordres de leur capitaine.
_ Heu .. Hum hum, toussota le blond pour reprendre contenance. Bien, je vais vous montrer vos cabines, vous y déposerez vos affaires et je vous montrerai ensuite les salles qui vous seront utiles pendant votre séjour parmi nous, proposa-t-il aux agents pas totalement remis de leur surprise.
_ Monsieur Roussel de Noailles, si je prends la cabine du capitaine, où va-t-il dormir ? S'enquit l'agent Miyaki.
_ Oh, ne vous en faites pas pour lui, le rassura Charlélie, le peu d'heures de sommeil dont il a besoin, il les passe en général dans son bureau. Il a juste fait en sorte de vous laisser les deux seules cabines avec douche privée.
Il avait volontairement insisté sur ce dernier fait, pas pour les mettre à l'aise, mais pour qu'ils se rendent compte qu'Evan, bien qu'il ne digère pas leur venue, était un hôte prévenant.
_ Yoan, tu viens avec nous pour la visite ?
Finalement, Charlélie avait bien repris les choses. Ces quelques minutes de répit lui avait permis de voir qu'après tout leur relation ne semblait pas gêner les autres. Alors pourquoi se priver ?
_ Désolé, je dois m'occuper du nouveau plan de navigation, refusa le second en chef, Evan a la rage mais il est surtout dégoûté de ne pas pouvoir terminer nos recherches comme prévu, alors je vais essayer de trouver un itinéraire qui nous permettra de continuer à faire quelques relevés et quelques prélèvements, ça le soulagera un peu, expliqua-t-il à son amant avec une petite moue d'excuse.
_ C'est une bonne idée, approuva ce dernier avec un sourire montrant qu'il comprenait, d'autant qu'un Evan plus calme c'est bénéfique pour l'ensemble de l'équ...
Charlélie fut interrompu subitement par une courte sonnerie qui retentit à travers tous les hauts-parleurs du bâtiment, suivie immédiatement par la voix robotisée, et féminine, de l'ordinateur central.
_ Attention, attention, à tout l'équipage, ouverture du puits de plongée, je répète, ouverture du puits de plongée.
Yoan sursauta et partit vers la sortie en courant.
_ Oh le con ! s'écria-t-il avant de disparaître de la passerelle.
Sans chercher à comprendre, Charlélie emboîta le pas de son amant, suivi des deux officiers qui ne comprenaient rien à ce qui se passait et qui commençaient à être lassés de toujours suivre passivement sans savoir quoi ou qui ou qu'est-ce...
C'est en courant, et talonné par les trois autres, que Yoan descendit les escaliers qui menait sur le pont avant supérieur, il sauta presque celui qui menait au pont inférieur et effectuant quasiment un demi-tour complet, il s'engouffra dans un couloir qui le mena vers le ventre du bateau, en profondeur. Ignorant toutes les portes qui s'offraient à lui de chaque côté du couloir, il fonça droit devant jusqu'à se trouver devant un sas qu'il ouvrit sans difficulté. Le fait même de pouvoir l'ouvrir signifiait que la salle n'était plus pressurisée et qu'il arrivait trop tard.
Il déboucha dans une salle ronde à la lumière étrangement bleutée, presque fantomatique. En son centre une ouverture, comme un puits, de trois mètre de diamètre permettait d'accéder à l'océan, ses parois, hautes d'environ un mètre, étaient translucides et permettaient d'apercevoir le bleu sombre de l'eau. Lorsque que la salle n'était pas pressurisée, une écoutille le maintenait fermé, ce qui était donc présentement le cas.
C'est par là que les plongeurs de l'équipe se mettaient à l'eau lorsqu'ils devaient faire des recherches sans matériel ou avec un équipement léger. Sur les côtés, des moniteurs divers, du matériel de plongée pour une armée complète et petite cabine qui devait servir de vestiaire.
Yoan alla vérifier le matériel qui manquait. Après s'être assuré que son abruti de capitaine se soit bien équipé d'un masque intégrale avec caméra, il se dirigea vers une des consoles et l'alluma. Chaque membre de l'équipage qui était amené à sortir en mer avait un code radio personnel, il chercha le canal correspondant à Evan et attendit que l'image arrive.
Tout le monde avait les yeux rivés sur l'écran, le souffle court, quand soudain l'image noire se brouilla pour laisser la place à une vue spectaculaire. Devant eux et en même temps à plusieurs mètres en dessous d'eux se dressait un grand récif vers lequel le plongeur semblait se diriger.
Ils ne pouvaient en voir que le sommet pour l'instant mais il semblait de forme pyramidale et était incrusté de coraux de toutes sortes, des éponges et des anémones s'étaient implantées également ainsi que différentes mousses et l'ensemble donnait un maelström de couleurs surprenant pour un fond marin. La faune sous-marine, extrêmement présente, était vivace autour de ce rocher et formait un ballet aquatique des plus incroyables. De nombreuses variétés se croisaient et se mélangeaient, s'ignorant les uns les autres ou se pourchassant en vue d'un repas.
Pour les non-habitués c'était un spectacle captivant, mais pour Yoan qui connaissait bien le lieu, c'était plus inquiétant qu'autre chose. Un bruit de course les firent se retourner et ils virent débarquer la moitié de l'équipage, paniqué et affolé par la course de leur capitaine en second à travers les couloirs. Ne voulant pas perdre de temps, Yoan ne prit même pas la peine de les renvoyer à leur poste. Enfin, il entendit le crépitement caractéristique du micro. La fréquence venait d'être trouvée.
_ Evan ! Hurla Yoan, hors de lui.
Le plongeur sursauta et l'image sur l'écran de contrôle fit un bond également.
_ Ça va pas non ? Qu'est-ce qui te prend ? L'engueula le plongeur, plus que contrarié lui aussi.
_ A quoi tu joues ? Gronda son second sans lâcher l'écran des yeux, comme si son ami et capitaine pouvait e voir le fusiller du regard.
_ Yo ... commence pas, soupira Evan, un peu plus calme. J'ai des sondes à poser, lui rappela-t-il, je savais que Starsky et Hutch refuseraient de me laisser descendre par faute de temps, et comme je ne mens jamais et bien j'ai pris les devants pour pas avoir à le faire, conclut-il son explication sans se détourner de son but.
Les deux officiers se sentirent encore une fois le point de mire de l'assemblée mais ce n'était pas à proprement parler très agréable. Alexis secoua la tête. Il en avait déjà ras le bol de ce bateau et de cette mission.
Ce mec était taré, une pile électrique, toujours à supposer des choses sans prendre le temps de les confirmer avant d'émettre un avis. Trop sûr de lui ! Et l'agent spécial détestait ça ... Enfin, il devait admettre que le capitaine avait quand même l'air de bien connaître son job, en plus il était tout ce qu'il y a de séduisant. Alexis se gifla mentalement et revint vers l'écran où Yoan continuait son interrogatoire.
_ Tu plonges à quoi ? Lui demanda-t-il, se doutant déjà de la réponse. Evan ! Cria-t-il devant le mutisme de son chef.
_ Trimix hypoxique, souffla finalement ce dernier, certain de se faire engueuler de plus belle.
_ Quoi ! fut la réponse de Yoan qui aurait aimé le tabasser jusqu'à l'évanouissement si il n'était pas déjà en danger de mort.
Danger de mort oui, parce que ce crétin, aussi pro fusse-t-il, prenait sans cesse des risques inconsidérés. Yoan, malgré sa colère, dût prendre le temps d'expliquer ce qu'il en était aux deux agents qui ne comprenaient pas le problème. La plongée au Trimix, réservée aux experts, est en fait un mélange d'air à base d'azote, d'oxygène et d'hélium, permettant de plonger à des profondeurs de plus de 100 mètres. Ce mélange particulier réduit les risques de narcose, l'ivresse des profondeurs, chose impossible avec un mélange classique.
La particularité du Trimix hypoxique est qu'il contient moins de 16% d'oxygène et n'est donc pas respirable à la surface mais seulement à partir de 8 mètres. Il est donc impératif de prendre un double équipement et Yoan savait pertinemment qu'Evan ne l'avait pas fait.
De plus, une des particularités de l'hélium est d'être un gaz très léger ce qui augmente la consommation du plongeur ainsi que le nombre de paliers de décompression. Pour échapper à ces inconvénients, les plongeurs ont l'habitude de prendre une double réserve et deux mélanges différents, dont un beaucoup plus pauvre en hélium et plus chargé en oxygène pour la phase de remontée, et ce dans le but de réduire le temps passé aux différent paliers. Seulement, il y avait toujours des risques avec ce genre de plongée et Evan était sorti seul. De ce fait, Yoan n eput s'empêcher de crier encore après l'inconscience de son capitaine.
_ Arrête d'hurler, tu me déconcentres, râla Evan pour seule réponse.
_ Et toi arrêtes de te foutre de notre gueule ! T'es taré ou quoi ? La première règle de sécurité que tu as instauré à bord c'est : pas de plongée solo ! Lui rappela Charlélie après avoir éjecté son amant du micro pour lui hurler dessus à son tour. Et là tu fais quoi ? T'es inconscient bordel ! Alors maintenant tu remontes et tout de suite, c'est trop risqué et ce récif est dangereux !
Evan sentait une rage brûlante monter en lui, il avait beau savoir que ses amis réagissaient comme ça par inquiétude, les voir douter de ses capacités le mettait hors de lui. Aussi, c'est légèrement sèchement qu'il répondit à Charlélie.
_ Je ne remonterai que lorsque j'aurai terminé, je sais que je fais, je plongeais déjà que tu ne savais pas encore nager Charlélie. Maintenant si vous le permettez j'aimerai économiser mes réserves.
_ Mais les courants sont violents autour de ce récif et imprévisibles, tu joues avec ta vie, ça t'amuse ? Éructa le blond, incapable de se contenir.
_ Foutez-moi la paix !
Un clac sonore retentit et ils surent qu'Evan avait débranché. Il ne leur restait plus que la caméra pour suivre leur ami.
_ C'est de la folie ... Tout ça pour ces putains de sondes ! S'énerva encore le blond.
_ Char'li, calme-toi, tenta son amant. Evan a raison, il sait ce qu'il fait, c'est le plongeur le plus expérimenté à bord, il ne prendra aucun risque, continua-t-il, tentant de se convaincre lui-même par la même occasion. Tu sais combien son travail est important pour lui, ces sondes nous permettront d'enregistrer à distance et par satellites de nombreuses données : salinité, température, force du courant, ... On en a besoin, Evan le sait et il à palier le problème.
_ Rien à foutre ! Ça pouvait attendre, si il crève elles lui serviront à quoi toutes ces infos, hein ? Renchérit le blond, trop inquiet pour se calmer.
_ De toute façon c'est trop tard. On a plus qu'à le suivre sur la cam et croiser les doigts pour que le courant ne s'amplifie pas, termina Yoan.
Il n'y avait rien à dire de plus. C'est avec une anxiété croissante que l'assemblée regarda Evan approcher du récif. Ce dernier alluma sa lampe, plus il s'enfonçait dans cette masse infinie plus la luminosité faiblissait et plus la faune et la flore se faisait rare. Elles devenaient moins colorées, plus fades, les rares poissons encore se cachaient dans le récif.
Cependant, tout semblait normal, Evan nageait à une bonne allure, le caisson avec le matériel devait être accroché à sa cheville car il n'apparaissait pas dans leur champs de vision. Il venait de baisser la tête et fixait son ordinateur poignet pour vérifier sa profondeur et le temps, permettant à toute l'équipe présente de savoir où il en était. Il approchait des 70 mètres, cela faisait déjà 20 bonnes minutes qu'il y était.
_ Dépêche Evan, arrête de te promener ...
Yoan parlait pour lui-même, à voix basse, ne voulant pas inquiéter les autres mais Alexis, qui s'était rapproché instinctivement de la console, l'avait entendu.
_ Ne vous inquiétez pas, il sait ce qu'il fait, vous l'avez dit vous-même, voulut-il le rassurer.
Yoan tourna la tête vers lui, il n'avait pas senti sa présence dans son dos, il le fixa quelques instants et l'agent spécial sut qu'il le jaugeait, aussi ne baissa-t-il pas les yeux. Apparemment satisfait de ce qu'il venait de lire dans le regard du nouveau venu, il hocha simplement la tête et se concentra à nouveau sur Evan. Ce dernier venait de passer les 70 mètres en même temps qu'il s'accrochait au rocher.
Ils le virent se recroqueviller sur lui-même et attraper le caisson contenant les sondes miniaturisées. Celles-ci étaient à l'origine prévue pour être fixées sur des animaux marins mais Quang Tan les avait modifiées de façon à ce qu'elles puissent être fixées sur une masse stable. Ils avaient passé des semaines avant de trouver le bon récif. Il était délicat d'accès mais présentait toutes les caractéristiques voulues. Renoncer si prêt du but n'avait jamais été une option pour Evan. Charlélie aurait voulu se frapper la tête contre un mur. Il connaissait Evan par cœur et aurait du se douter que sa reddition bien trop rapide cachait quelque chose dans ce genre. Encore un coup d'éclat ! C'est ma santé mentale qui n'y résistera pas, se disait Charlélie.
Evan venait de fixer la première sonde, il l'alluma et une série de bip retentit dans la salle. Les grésillements typiques de la liaison radio leur parvinrent également, leur capitaine s'était reconnecté.
_ Yoan ?
_ Je suis là.
_ La sonde fonctionne ?
_ Oui.
_ J'en pose une autre au cas où celle-là lâcherai et je rentre.
_ Réserve ? S'inquiéta le second.
_ C'est ok Yo, soupira le capitaine, un rien blasé.
_ Tu m'as pas répondu. Combien il te res...Fais chier !
Evan avait à nouveau coupé, il ne voulait pas affronter la leçon de morale de ses amis. Il n'avait que trop tardé. Cela faisait près de 40 minutes qu'il y était, il ne pouvait pas se permettre de traîner d'avantage. Il sortit la deuxième sonde et avança de quelques mètres en prenant bien garde de ne pas lâcher prise. Le courant était de plus en plus fort et même son stab* ne suffisait plus à le maintenir à la même hauteur. Il se faisait gentiment chahuter par les courants qui tantôt le poussait plus bas, tantôt le tirait vers le haut. Il faisait de plus en plus froid dans sa combinaison étanche et ses mouvements se faisait moins précis. Oui ! Il était vraiment temps de remonter ! Il vérifia sa consommation d'air et trouva enfin une sorte d'alcôve dans la roche pour y fixer la seconde sonde. Il s'y acharna quelques minutes et souffla de soulagement quand il put enfin l'allumer. Il rebrancha sa radio.
_ Celle-là ?
_ Elle fonctionne aussi, maintenant rentre ! L'engueula Charlélie sans le laisser le temps à quiconque de répondre.
_ Sans déconner ? T'es sûr, je peux pas aller me promener ? Rétorqua le châtain, au summum de l'ironie.
_ Fais pas le gamin, c'est pas drôle.
_ Non, je confirme, c'est tout sauf drôle.
Tout en râlant contre ses amis trop protecteurs, Evan recoupa la radio et entreprit de remonter. Le plus dur était de résister à l'envie de rentrer vite. S'il ne respectait pas à la lettre les paliers de décompression, il finirait, au mieux, à l'hosto et au pire ...
Frissonnant à cette idée, il se concentra sur l'ordinateur de son poignet, ce dernier lui indiquait sa profondeur et le moment et la durée de chacun des arrêts qu'il devrait faire. Premier palier à 36 mètres, ensuite un second à 33 mètres et un arrêt très bref à 30 mètre, le temps de changer les branchements d'arrivée d'air et donc de mélange pour faciliter son retour vers la surface.
Il fit toutes les manipulations comme un automate. Les mains engourdies, le corps grelottant et la fatigue qui commençait à le submerger ne lui laissait pas l'occasion de se poser trop de questions. Les courants étaient de plus en plus forts et il lui était maintenant presque impossible de se maintenir à la même hauteur le temps des paliers. A cet endroit, il n'y avait plus rien à quoi s'accrocher pour se maintenir, il était à mi chemin entre le récif et le bateau et au-dessous de lui des milliers de mètres cube d'eau qui s'assombrissaient au fur et à mesure qu'on regardait plus loin. Evan ne s'attarda pas à contempler le dégradé de bleu s'offrant à sa vue. Il passait chaque seconde à régler son stab et à forcer sur ses muscles pour ne pas dépasser le niveau du palier, sinon c'était l'accident de décompression et dans le pire des cas, la mort.
L'affaire s'était ébruitée et la totalité de l'équipage était maintenant réunie dans cette salle, devenue soudainement trop petite. Yoan et Charlélie gardait les yeux fixés sur l'écran comme si le simple fait de le voir allait aider leur ami. Il ne voyait presque rien tant l'image bougeait. Evan devait se faire ballotter comme une bouée en pleine tempête pour que la caméra bouge autant.
Un silence de mort régnait dans la salle, chacun retenant son souffle, inquiet pour la vie de leur capitaine. Même Alexis et James étaient tendus. La tension si palpable dans l'air était apparemment communicative.
Ils s'étaient tout de même mis à l'écart, ne se sentant pas à leur place parmi l'équipage. Ils avaient l'impression d'être des intrus, des voyeurs qui s'imposaient dans une famille à un moment dramatique. C'était peut-être bien le cas après tout, pensa le brun. Il se retourna vers son collègue et ne put déterminer si l'expression de son visage reflétait de l'inquiétude ou de l'excitation malsaine. Souhaitait-il assister à une mort en direct live ? Il secoua la tête, chassant cette pensée saugrenue. Impossible, pourquoi son équipier voudrait-il ça ? C'est vrai qu'ils n'avait rien eu de très passionnant à faire ces derniers temps et qu'un peu d'animation était la bienvenue ... Mais de là à souhaiter la mort d'un homme ... Non, la fatigue le faisait délirer, c'était la seule explication.
Evan luttait toujours. Il en était à son dernier palier et le courant était moins fort mais la fatigue beaucoup plus présente. Il se trouvait sous le bateau à 9mètre de la surface, juste sous le puits. Seulement, pour pouvoir l'ouvrir, il fallait pressuriser la salle, donc contacter à nouveau les empêcheurs de tourner en rond.
_ Yoan ? Appela-t-il à bout de souffle.
L'attente lui parut interminable.
_ Oui, vint enfin la réponse.
_ Active la pressurisation, lui demanda-t-il, je suis à 9 mètres, je n'ai plus d'air dans mon bloc relais, je suis en train de le finir et je ne peux pas respirer au dessus de 8 mètres avec le mélange Trimix que j'ai pris. Je vais remonter en apnée mais j'aimerais autant que le puits soit ouvert à mon arrivée. Préviens-moi quand tu auras levé l'écoutille, je laisse la radio branchée, finit-il en haletant.
_ Evan tu vas bien ? Entendit-il le blond lui demander.
Il soupira, comme si c'était le moment..
_ Oui, souffla-t-il comme il put.
_ T'as une voix bizarre ...
_ Fatigué, froid, presque plus d'air, ça te va ?
Enfin le silence, son second avait dû réussir à faire comprendre à son amant que c'était inutile de le déranger dans le cas présent pour lui poser ce genre de questions.
_ C'est ok, le prévint Yoan.
Evan ne répondit pas, son bloc était vide et il était en apnée depuis quelques secondes. Au message il s'élança sans tarder vers le puits. En temps normal, l'apnée n'était pas un problème pour lui, mais là il était littéralement vidée et dans tous les sens du terme, plus d'air, plus d'énergie, plus rien. Il retira son masque intégral pour ne pas être tenté, par réflexes, d'aspirer une goulée d'air qui n'existait plus. L'eau de mer lui piqua les yeux une seconde mais il y était habitué et très vite il n'y fit plus attention.
Dans la salle, Yoan avait renvoyé la majorité de l'équipe, ne gardant que quelques hommes en cas de problème. Ils fixaient le puits avec inquiétude quand ils virent soudain une forme arriver rapidement près de l'ouverture. Evan creva la surface dans une gerbe d'eau et inspira avidement l'air qui lui faisait défaut.
Il s'accrocha au rebord pour se maintenir à la surface, l'air restant dans son stab ne suffisait pas. Il reprit lentement sa respiration, son cœur s'était quelque peu affolé et il fallait le calmer avant tout. Il vit Charlélie et Yoan se précipiter vers lui. Ce dernier sauta à l'eau à ses côtés, faisant abstraction du froid de celle-ci et du fait qu'il était en tenue de travail, et entrepris de le délester de son équipement.
Il décrocha d'abord le bloc relais et le passa à un technicien, puis il commença à lui enlever son stab sur lequel était accroché le bi bloc de Trimix. Il s'accrocha lui aussi d'une main au rebord et de l'autre amena le matériel aussi près du bord que possible. Deux autres techniciens vinrent le chercher et une fois l'opération terminée, tous se tournèrent vers Evan. Aucune parole n'avait encore été échangé, laissant le temps à leur capitaine de récupérer. Yoan sortit de l'eau et l'aida à en faire de même. Alors qu'il s'activait autour de lui pour lui ôter sa combinaison étanche, il en profita pour faire les vérifications d'usage.
_ Tes oreilles ?
_ Ok
_ Ta vue ?
_ Ok
_ Vertiges ?
_ Non
_ Nausées ?
_ Non
Evan répondait d'une voix monotone, réalisant au fur et à mesure qu'il retrouvait ses esprits, qu'il avait eu beaucoup de chance. Le courant aurait pu lui être extrêmement dommageable, pour ne pas dire mortel. Il passait ses jambes hors de la combi, appuyé sur Yoan, lorsqu'il sentit quelqu'un le pousser dans le dos. Il se retourna et se retrouva devant un Charlélie furieux, les pupilles dilatées et les veines du cou très voyantes.
_ T'es content ! Hurla-t-il, les yeux fous. T'es pas bien, non ? T'aurais pu y rester ! Tu te rends compte de ce que t'as fait ? Ça t'amuse de jouer les héros kamikazes ? Tu savais pas quoi faire pour t'occuper, c'est ça ? Cria-t-il encore, le poussant à chaque fois jusqu'à ce que le capitaine se retrouve acculé au mur.
Evan le laissa faire, puis se redressa mais ne répondit pas de suite, il demanda à ses hommes de sortir. Ne restait plus dans la pièce que Charlélie, Yoan, Quang Tan, Fred et les deux agents.
_ J'ai fait mon travail Charlélie ! Claqua sa voix rauque et desséchée par la plongée Je suis conscient que vous vous êtes inquiétés, mais remets mes décisions en doute encore une fois, reparle moi comme ça devant mon équipage et je te jure que je te fous à la flotte accroché à l'ancre ! C'est clair ? Tonna-t-il à son tour.
Tout le monde était stupéfait. Ce n'était pas souvent que le chef lançait des menaces, le blond l'avait vraiment poussé à bout. Ce n'est qu'à ce moment qu'il prit vraiment conscience de la présence d'Alexis et de James. Sans savoir pourquoi cela le gêna qu'ils aient pu le voir en difficultés et se faire engueuler par un de ses amis. Il finit de rincer et de ranger son matériel puis se dirigea vers la sortie.
_ Il me semblait que vous aviez tous quelque chose à faire, non ? Lança-t-il l'air de rien. Je serais dans mon bureau si il y a un problème, je passe juste à ma cabine d'abord récupérer des affaires.
Alexis le retint par le bras comme il passait devant lui.
_ A ce propos capitaine, cela m'ennuie de vous priver de votre cabine, je me contenterai très bien d'une couchette dans le dortoir de l'équipage, suggéra l'agent spécial.
_ Hors de question, répondit Evan d'un ton peu amène. Même si c'est contre ma volonté, vous êtes un invité ici. De plus, mes hommes ne vous connaissent pas, ils ne seraient pas à l'aise en votre présence, ajouta-t-il plus aimablement devant l'air blessé du brun.
_ Comme vous voulez, sachez tout de même que si nous pouvons nous rendre utiles d'une quelconque façon ... proposa-t-il encore.
_ Je ne pense pas, hésita Evan, ne s'attendant pas à une telle phrase de la part de l'agent, mais je m'en souviendrai si la situation se présente. Par contre, lorsque vous serez installés, que vous aurez visité, retrouvez moi tous les deux à mon bureau, il va falloir qu'on parle, le prévint-il en fronçant les sourcils.
Il disparut encore une fois sans laisser le temps à quiconque de lui répondre. Alexis pensa que décidément ça devenait une habitude !
_ Bien, Monsieur Roussel de Noailles, si nous obéissions au capitaine ?
Charlélie sursauta, il était toujours sous le coup de la colère de son ami. Il se reprit cependant, lui fit un petit sourire et passa devant eux, jouant le rôle du guide sous le regard inquiet de son amant.
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A suivre ...
J'espère que ça vous plaît pour l'instant et que vous vous y retrouvez niveau vocabulaire.
* masque intégral : un plongeur "classique" porte un masque recouvrant ses yeux et son nez, dans sa bouche il a un "détendeur", relié à la bouteille, qui lui permet de respirer. Certains plongeurs, surtout les chercheurs ou pour les documentaires, portent des masques englobant la totalité du visage ce qui leur permet de parler.
* stab : gilet stabilisateur ou de stabilisation qui permet au plongeur de se maintenir au même niveau (à l'horizontal comme à la verticale) sans avoir à palmer en envoyant de l'air dedans ou en en vidant. On y fixe la ou les bouteilles d'oxygène ainsi que tout matériel nécessaire à la plongée (lampe, appareil photo, matériel de rechange, ...)
* bi bloc : le bloc est le nom donné à la bouteille qu'utilise le plongeur. On parle de bi bloc lorsqu'elle est double, augmentant la capacité en air et donc la durée ou la profondeur de la plongée.
Je plonge depuis que je suis enfant mais cela est resté un loisir, je n'ai donc jamais plongé en Trimix ni dépasser les 40 mètres de fond. Par conséquent pour toutes ces données, j'ai complété mes connaissances avec divers sites internet, notamment pour le calcul des paliers.
Je précise tout de même, qu'effectivement la plongée est un sport qui présente des risques, mais lorsqu'elle est pratiquée intelligemment avec des personnes sérieuses il n'y pas lieu de craindre quoi que soit. N'allez donc pas croire que c'est un sport hyper dangereux, il faut juste faire attention au club dans lequel on va.
Pour le Détroit du Danemark, tout est vrai, de mai à juin les ouragans sont fréquents, ainsi que le brouillard et une partie est recouverte de glace.
Bien si il y a des choses qui ne sont pas claires, du vocabulaire ou autre n'hésitez pas à me le dire, je me ferais un plaisir d'apporter des précisions ou des corrections.
Sinon, ne vous inquiétez pas, j'ai prévu un peu plus d'action et d'action pour la suite... see you soon et si vous avez des remarques vous savez quoi faire !