Salut tout le monde, voilà la suite ! J'ai oublié de préciser l'autre jour que la fic est entièrement terminée alors pas de panique, vous aurez la fin quoi qu'il arrive (enfin sauf peut-êtrela 3è GM ; ) ).

Meric à BakaPink pour sa review, ça m'a fait très plaisir et je suis ravie que cet univers te plaise, j'espère que la suite sera à ton goût également.

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Une douche chaude, pitié, rien qu'une toute petite douche bien chaude, pas longtemps, deux minutes même ... Evan eut un soupir à fendre l'âme en refermant la porte de sa cabine. Il s'adossa à la porte et réfléchit à ce qu'il devait ranger pour permettre à l'agent Miyaki de l'occuper. Il espérait ainsi oublier ce que son corps grelottant lui réclamait.

Sa plongée l'avait certes épuisé mais il était surtout gelé. Il se frictionna les bras et se dit que, s'il en avait seulement eu la force, il aurait éclaté de rire au vue de l'ironie de la situation. Il tremblait de froid alors que le navire mouillait au large de l'Afrique du Sud et que le reste de l'équipage devait se protéger des coups de soleil et des insolations.

Il se remit en mouvement en grimaçant, rangea deux ou trois bricoles et mis des affaires de rechange dans un sac ainsi que certaines choses trop personnelles pour être laissées à la vue d'inconnus.

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Alexis et James se dirigeaient vers le bureau du capitaine. Charlélie leur avait fait un plan sommaire du bateau, leur montrant les pièces communes, telles que le salon ou le réfectoire, en leur précisant ce qu'ils pouvaient et ne pouvaient pas faire, les règles de vie et les horaires de l'équipage.

James semblait s'amuser de tout ce qu'il voyait et saluait avec entrain chaque membre de l'équipe qu'ils croisaient. Charlélie ne pouvait toutefois pas s'empêcher de se dire que cette facette n'était qu'un masque et son intuition lui hurlait que cet homme devait être redoutable avec ses ennemis. Alexis, fidèle à lui-même, se contentait de hocher la tête, ne parlant que lorsque c'était nécessaire, à savoir lorsqu'il avait une question à poser.

Arrivés devant la porte, ils frappèrent et entrèrent à la demande du capitaine. Ce dernier n'avait pas levé la tête de son ordinateur et semblait particulièrement concentré.

_ Asseyez-vous, je suis à vous de suite, fit-il sans même leur accorder un regard et sur un ton on ne peut plus neutre.

Il continua encore quelques minutes et enfin, releva la tête, son regard naviguant de l'un à l'autre de ses interlocuteurs.

_ Char'li vous a fait faire le tour ? S'enquit-il d'une manière toute professionnelle.

_ Oui, votre navire est impressionnant et votre équipage très accueillant, sourit l'agent Vigane.

_ Ravi que tout soit à votre goût, rebondit Evan sans pouvoir cacher son antipathie pour cet homme, cependant vous n'êtes pas là pour une faire une croisière, crut-il bon de lui rappeler.

_ Je vous en pris, appelez-moi James, susurra ce dernier sans paraître prendre ombrage du ton du capitaine, et c'est exact, mais lorsque l'on peut allier obligation et confort, c'est encore mieux.

Le ton mielleux de sa voix et son regard plein de sous-entendus firent grimacer Evan qui préféra fixer son attention sur le deuxième agent.

_ Bien ! Messieurs, voilà ce qui se passe. Comme vous l'avez senti les moteurs sont en marche nous nous dirigeons vers le port de Saldanha Bay sur la côte Ouest de l'Afrique du Sud pour nous ravitailler en vue de ce voyage, leur apprit-il en reprenant ses esprits.

C'est à cet instant qu'Alexis intervint dans la conversation, signifiant bien par là que les « politesses » échangées au départ ne l'intéressait guère. Il était un homme d'action et les blablatages inutiles l'ennuyait profondément.

De plus, force était de constater qu'il avait quelque peu négligé la conversation lorsque ses yeux avaient croisés ceux d'Evan. Quand les deux autres avaient commencé à parler, il cherchait encore à déterminer leur couleur.

_ Pourquoi pas le port de Cape Town ? L'interrogea-t-il alors. On y trouve plus de choses et il est bien plus complet niveau matériel et équipement.

_ Alors, premièrement nous n'avons besoin que de carburant et de nourriture, niveau équipement et matériel nous sommes au top, répondit Evan, un brin agacé que ce matelot d'eau douce veuille lui apprendre son travail. Et surtout, Saldanha Bay est le seul port en eau profonde sur cette partie du littoral sud-africain et donc le seul qui puisse accueillir l'Orca, lui apprit-il. Douteriez-vous de mes compétences, agent Miyaki ? Demanda-t-il en fronçant les sourcils sous la contrariété.

_ Non, je ne me permettrais pas, le rassura-t-il, je voulais simplement savoir. Qu'avez-vous prévu pour la suite ?

_ Justement, j'étais en train de consulter le plan de navigation que mon second a concocté. Je dois dire qu'il me satisfait mais je voulais avoir votre avis.

_ Nous vous écoutons capitaine, intervint alors le blond sans cesser de le dévisager d'une façon totalement déplacée.

La façon dont cet homme prononçait à chaque fois son grade le mettait plus que mal à l'aise. Evan avait l'impression que ce Vigane allait le dévorer sur place. Est-ce que son équipier s'en rendait compte ? Est-ce que ce comportement n'était pas à l'encontre de la bonne marche de leur mission ?

Et surtout pourquoi ce n'était pas lui qui était intéressé ? Parce que celui-ci, Evan le trouvait plus que sexy et intriguant au possible. Il aurait nettement préféré que les donnes soient inversées. Secouant la tête en réalisant les pensées qui le tourmentaient à propos d'un homme, il consentit enfin à lui répondre.

_ Nous arriverons à Saldanha dans un peu moins d'un jour et demi, reprit-il après un petit effort de « reconnexion », par conséquent et comme nous sommes mardi, donc jeudi vers midi. Il nous faudra tout l'après-midi pour faire le plein. Je laisse la nuit à mes hommes pour se reposer. Nous partirons vendredi matin de bonne heure. Notre vitesse de croisière sera d'environ 20 nœuds, donc en partant de Saldanha il nous faudra environ 10 jours pour atteindre l'Islande. Nous arriverons alors vers le 27 mai, leur exposa-t-il. Cela vous semble-t-il correct ?

_ Tout à fait, approuva le blond.

_ Hn.

_ Bien, par contre, nous arriverons en pleine saison d'ouragans, les mit-il au courant. Penny est en train de se renseigner sur les conditions météo. Avant de chercher votre épave, nous accosterons en Irlande à Limerick afin de mettre au point les derniers détails de l'opération. Par contre, il va sans dire, que sur le trajet, mon équipe continuera à travailler sur nos recherches habituelles, ajouta-t-il pour être sûr de gérer lui-même les points de leur « accord ».

_ Tant que cela n'entrave pas la mission de récupération, il n'y a pas de problème, accepta l'agent Miyaki.

_ Hum. Maintenant, passons aux choses sérieuses messieurs. Vous allez devoir m'en dire plus sur cette mission, ce que je sais pour l'instant ne me plaît pas et surtout c'est très insuffisant, déclara Evan en s'accoudant à son bureau sans les lâcher des yeux.

_ Vous savez ce qui est nécessaire, rétorqua l'agent Miyaki en fronçant les sourcils.

_ Je ne crois pas non, gronda Evan en sentant la tension monter.

_ Ce n'est pas à vous d'en décidez ! Claqua la voix de son « invité ».

_ Oh stop ! Les interrompit le blond en se levant 'un coup. Je crois que vous allez partir dans un débat qui risque de durer, aussi je vous laisse gentiment papoter entre vous et je vais briefer le général sur la situation, ce sera déjà ça de fait, termina-t-il avant de quitter tranquillement le bureau.

Il ne remarqua pas les deux regards éberlués qui le fixaient, regards qui revinrent vite à leur première occupation, fusiller l'adversaire.

_ Mettons les choses au point tout de suite, relança Evan en se redressant dans son siège. J'ai été contraint de vous accepter sur mon navire, de vous intégrer à mon équipage et de reporter nos travaux, énuméra-t-il en levant un doigt dans la direction de son passager à chaque point énoncé, je vais risquer la vie de mes hommes, mon bateau et ma vie dans ce détroit de l'enfer, j'estime avoir le droit de savoir pourquoi !

Evan ne hurlait pas, Evan était très calme, Evan était surtout énervé que cet énergumène lui tienne tête ! Par contre, si l'autre croyait l'intimider avec son regard il se trompait royalement ; les icebergs, il connaissait depuis longtemps !

_ Je pense avoir été patient, hospitalier même, alors il va falloir me donner des précisions.

Alexis ferma les yeux, en admettant qu'il soit assez têtu pour couper les machines jusqu'à ce qu'il ai des réponses, ils allaient perdre des heures et Alexis savait qu'il allait céder. Dès le moment où il était descendu de l'hélico, il avait su qu'il risquait d'avoir du mal à refuser quoi que ce soit aux yeux du capitaine. Ce n'était pas tant leur couleur hallucinante que le courage et la volonté qu'on pouvait y lire qui rendait Alexis beaucoup plus docile qu'à la normale.

_ Très bien, soupira-t-il avec fatalisme. C'est vrai, vous risquez gros, vous avez le droit de savoir mais votre équipage non. Ce serait trop dangereux.

_ Dangereux pour qui ? Releva Evan, bien décidé à ce que cet homme ne s'arrête pas en si bon chemin et lui dise en fin ce qu'il voulait.

_ Pour nous tous ! S'énerva l'agent spécial, agacé de voir qu'Evan ne se contenterait pas du minimum. Encore une fois, croyez bien que je regrette d'avoir besoin de faire appel à des civils ... vous ne devriez pas être mêler à tout ça...

_ Tout ça quoi ?

_ Vous savez que l'investiture au trône d'Ilona Petya a failli échouer il y presque deux ans ? Lui demanda subitement le brun.

_ Hum, ouai, répondit Evan ne voyant pas trop le rapport mais apparemment c'était important pour le bon déroulement de l'histoire alors ...

_ De nombreuses tentatives d'attentats ont été déjoué, pour beaucoup orchestrés par le plus grand des groupes de l'opposition, l'Alliance Démocratique.

Evan eut un sursaut infime, il savait tout de même se maîtriser, mais la nouvelle était choquante. l'AD, publiquement reconnue pour être des partisans de la liberté du peuple, des terroristes ?

_ Jusqu'à présent, rien n'a permis de les impliquer directement, nous n'avons que des preuves indirectes et chaque fois qu'un témoin nous les livre, il est exécuté, lui apprit Alexis. Nous changeons constamment de planques, de personnes impliquées, mais rien n'y fait l'AD les trouve toujours et les élimine. Cependant, le dernier informateur que nous ayons eu a parlé avant de se tirer « accidentellement » une balle dans la tête, ajouta-t-il avec une grimace. A sa connaissance, un navire de commerce en apparence mais en réalité affilié à l'AD, a sombré il y a 11 mois dans l'océan Arctique. A son bord, peu de passagers, quelques hommes d'équipage, même sa cargaison était un leurre. Pour les autorités ils transportaient un petit groupe de touristes, en fait dans le bureau du capitaine, il y a un coffre-fort caché et hermétique contenant, au dire de notre indic, des dossiers compromettants sur l'organisation. Des noms de personnes influentes en son sein, des comtes-rendus d'attentats, des listes d'hommes de main, etc ... Il nous faut ces infos. Si l'AD tombe, la plus grande menace de Naska disparaîtra, conclut-il en se laissant retomber dans le fond de son siège, lassé à l'avance des événements qui se préparaient.

_ Effectivement, souffla Evan, encore sous le choc de ce qu'il venait d'apprendre. Juste trois questions.

_ Allez-y.

Alexis eut un léger sourire en coin. Cet homme était décidément plein de ressources. Lui qui pensait qu'il se contenterait de son histoire et bien il en était pour ses frais. Il avait l'esprit aiguisé et savait s'en servir.

_ Qu'est-ce qui vous prouve que votre indic disait vrai ? Commença Evan d'une voix plus calme et posée qu'il ne l'aurait pensé.

_ Il y a toujours un risque je ne vous le cache pas, lui accorda Alexis en hochant la tête, mais cet homme n'avait plus rien à perdre, sa famille a été tué par l'AD sous ses yeux parce qu'il avait échoué dans la tâche qu'un des dirigeants lui avait confié.

_ Un piège ? S'enquit le châtain.

_ Nous avons vérifié son histoire, nous avons même exhumé les corps. Il a dit vrai. Je pense que son témoignage est sérieux, répondit Alexis, sûr de lui.

_ Ok, alors si il a dit vrai, pourquoi l'AD n'ai pas allé repêcher tout ça ?

_ Nous pensons à plusieurs raison. Déjà, avec l'aide de nos satellites et de la marine, il nous a fallu cinq mois pour repérer l'épave, lui apprit le brun. Personne ne savait où elle avait coulé exactement. Ensuite, vous connaissez mieux que personne les risques dans cette zone, vous savez donc qu'il faut des marins très expérimentés, cela ne se trouve pas partout et surtout le bateau et l'équipement ...En plus, ils auraient pris le risque d'attirer l'attention sur eux ...

_ Hum ... admettons . Troisième question. Avez-vous trouvé votre taupe ? Demanda Evan, l'air de rien.

_ Quoi ?

_ Ne faites pas l'innocent ... Tous vos témoins sont morts alors même que vous preniez toutes les précautions nécessaires pour les protéger et je me plais à croire que vous mieux qu'un autre savez protéger une personne, argumenta Evan avec un sourire vicieux au coin des lèvres.

Alexis se mordit la lèvre, Evan était trop intuitif et minutieux pour sa santé. Néanmoins, il lui devait une réponse.

_ Non, nous n'avons pas encore mis la main dessus, admit-il dans une grimace résignée.

_ Alors qui me dit que ce n'est pas vous ... ou Vigane ? L'interrogea le châtain d'une voix basse.

_ Ridicule ! S'écria Alexis en bondissant de sa chaise. Comment osez-vous … gronda-t-il en plaquant d'un coup sec ses mains sur le bureau du capitaine.

Il dominait ainsi Evan qui pourtant ne se laissait pas impressionner. Pourtant, l'éclat de rage qu'il perçut dans les yeux de la personne qu'il avait attaqué le convainquit définitivement de son innocence. Son corps tout entier lui disait de faire confiance à Alexis. Et il avait bizarrement envie de l'écouter.

_ Excusez-moi, c'était déplacé... je n'aurais pas dû, reprit Evan d'une voix plus aimable. Je vous remercie de m'avoir confié tout ça, pourtant vous devez comprendre une chose. Si un jour j'ai dû quoi que ce soit au royaume de Naska, j'ai aujourd'hui plus que remboursé ma dette, quand aux dangers que nous allons rencontrer, et il y en aura, je ne mettrai pas la vie de mes hommes en jeu. Si le risque est trop gros, à un quelconque moment, j'annule tout, avec ou sans votre accord, lui expliqua-t-il d'un ton ferme sans le lâcher des yeux.

_ Je peux comprendre, acquiesça l'agent spécial. Mais qu'entendez-vous par « plus que rembourser ma dette » ? S'enquit-il, curieux.

_ Je sais que je vous dois un interrogatoire mais ... un autre jour s'il vous plaît. Ce sont de vieilles cicatrices, mais elles tirent toujours un peu, se contenta de répondre le capitaine avec un sourire mais sincère cette fois-ci.

Ils s'observèrent en silence quelques secondes puis Alexis changea de sujet. Il ne voulait pas le quitter, il avait encore envie de discuter avec lui, de le voir jouer machinalement avec le bout de sa natte, de lire toutes ses émotions à travers ses yeux comme dans un livre, d'entendre sa voix claire et vibrante. Il lui aurait avoué n'importe quoi.

_ James disait vrai tout à l'heure, lança-t-il pour reprendre un peu contenance, votre bateau est réellement impressionnant. Croyez-moi, nous en avons vu plusieurs mais l'Orca ...

Si Evan comprit la manœuvre, il ne releva pas, trop content de rester un peu plus encore avec lui. Il ne savait pas ce qui l'attirait vraiment, cependant c'était une évidence et Evan n'était pas le genre à s'encombrer la tête avec des questions existentielles.

Aucun homme ne l'avait jamais attiré avant et il n'y avait même jamais pensé. Pourtant, depuis que ces hommes étaient arrivés sur son bateau ... Entre James qui le dégoûtait par sa drague éhontée et super lourde et Alexis qui le brûlait de l'intérieur, il ne faisait qu'y penser. Il était on ne peut plus heureux d'avoir du travail pour s'occuper l'esprit. Hors de question qu'il laisse un des deux s'approcher, surtout pas le blond.

Sa vie c'était ses recherches et c'est tout. Il n'allait pas s'attacher à un agent du gouvernement qui partirai une fois sa mission finie. Et malgré ça, il ne put s'empêcher de lui répondre, de lui sourire ...

_ Je vous remercie ... Mais ce n'est pas vraiment mon navire, en fait. Si c'est moi qui le commande, c'est Charlélie qui en a payé le moindre centimètre carré. Il a fallu trouver un bateau de taille convenable et ensuite l'aménager pour accueillir l'équipement. Charlélie n'a pas rechigné, mes moindres suggestions et mes moindres désirs étaient aussitôt pris en compte. J'ai également choisi moi-même chaque membre d'équipage. C'est pour cela que je parle toujours de mon bateau, lui expliqua-t-il en tentant malgré tout de garder l'esprit clair et ne pas se laisser emporter par la conversation.

_ Vous savez, je ne le connais que peu mais j'ai l'impression que M. Roussel de Noailles le considère également comme votre. Il n'a pas l'air de se préoccuper plus que ça de l'argent, peut- être parce qu'il en a tant mais ce n'est pas ce qui compte le plus pour lui. Je l'ai vu s'inquiéter pour vous tout à l'heure, lui apprit Alexis en hésitant un peu, ne souhaitant pas ranimer la colère du capitaine.

C'était la première fois que quelqu'un abordait le sujet de la dernière plongée d'Evan. Alexis se rendit compte qu'il aurait peut-être mieux fait de se taire. Evan s'était crispé, il ne voulait pas entendre d'autres reproches et surtout pas d'un inconnu.

Alexis le sentit et chercha à se rattraper.

_ J'aurai fait comme vous je crois, lâcha-t-il rapidement.

_ Comment ? S'étonna Evan, surpris par le changement d'attitude du brun.

_ Oui, je crois que si j'avais été dans cette situation, j'aurai fait comme vous, répéta ce dernier. Cependant, je dois avouer que vous m'avez vexé ...

_ Comment ça ? Demanda encore Evan, sourcils froncés, ne comprenant vraiment plus rien à la discussion.

_ Vous avez supposé que nous ne vous aurions pas accordé une petite heure pour aller poser ces sondes dans des conditions plus ... sécurisées dirons-nous. Vous n'avez pas demandé, vous nous avez jugé sans sommation, s'expliqua l'agent spécial sans pour autant qu'aucune émotion ne transparaisse sur son visage.

_ Parce que vous m'auriez laissé descendre ? Lui demanda Evan, les yeux écarquillés de stupeur, se demandant dans quelle dimension il était tombé.

Alexis se leva, jugeant que la discussion devenait dangereuse pour lui, il sourit à Evan qui le dévisageait toujours comme un alien puis se détourna pour sortir. Au moment de poser sa main sur la poignée, il ne put s'empêcher de jeter une dernière phrase qui laissa un Evan prostré et la bouche encore plus ouverte.

_ Je crois bien que je ne pourrais rien vous refuser...

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Ils ne s'étaient pas retrouvés seuls depuis et c'était aussi bien. Alexis n'était pas prêt à assumer ce qu'il avait dit. Il s'en serait tapé la tête contre le mur s'il avait été seul. Comment avait-il pu se laisser aller à sortir ça ? Cet homme lui faisait perdre toutes ses barrières. Sa mission ! Seule sa mission était importante, l'avenir du royaume était en jeu !

Bon, relativiser ... Le repas, la veille au soir, s'était bien passé. L'ambiance était bon enfant. Quelques blagues, des éclats de rire, parfois des éclats de voix mais jamais longtemps. Tout le monde était mélangé et le temps du repas, il n'y avait plus de chef et de subordonnés mais seulement une grande famille. Il aurait aimé, vraiment aimé, faire partie de cette famille...

Alexis regarda par le hublot, ils étaient arrivés à Saldanha et le bateau amorçait son approche. Il ne put s'empêcher de monter à la passerelle pour y voir Evan. Il avait eu l'occasion de l'observer aux commandes de l'Orca et il avait été époustouflé. Cela le transfigurait. Il donnait ses ordres d'une voix sûre, ses yeux ne lâchant pas les écrans de contrôle et l'horizon à travers les baies vitrées. Il semblait alors faire partie intégrante de son navire, comme si son corps même n'en était qu'une extension.

Il grimpa les quelques marches restantes et s'attarda sur l'image qu'Evan lui renvoyait. Il ne l'avait pas vu, d'ailleurs il ne voyait personne, il était l'Orca, il était le port, il était l'océan, rien d'autre ne comptait en cet instant. Il portait un bermuda en toile noire qui lui tombait sur les genoux et un débardeur blanc qui dévoilait ses muscles fins et saillants. Ses cheveux retenus en queue de cheval battaient ses flancs à chaque mouvement. S'il était indéniable qu'Evan avait un corps masculin, taillé dans la roche, tout en muscles, il n'en restait pas moins légèrement plus petit qu'Alexis et ce dernier avait follement envie de sentir ce corps contre lui, de le prendre dans ses bras, de le serrer jusqu'à l'étouffer pour qu'il ne puisse pas se défaire de son emprise.

Se rendant compte de ses pensées il sursauta et ressortit. Il passa sur le pont avant supérieur et regarda le paysage. Il contempla les contours du port industriel de Saldanha Bay. Rien de transcendant, alors il reporta son attention sur le ballet aérien des cormorans. Ces petits oiseaux, presque entièrement noirs, qui virevoltaient insouciants, disparaissant soudainement dans l'eau pour en ressortir presque aussi vite, un poisson dans le bec, accaparaient tellement son attention qu'il ne sentit pas le regard d'Evan sur lui.

Le capitaine se morigéna, il devait rester concentré, même si avoir l'agent Miyaki sous les yeux ne l'aidait pas tant que ça.

_ Evan ! Fut-il coupé dans ses pensées.

_ Ouaip Char'li ?

_ Combien de temps encore ?

_ Tu pourras descendre sur la terre ferme dans une vingtaine de minutes, répondit le capitaine, amusé malgré lui par l'impatience de son ami. Ce n'était plus un secret maintenant que le « patron » n'aimait pas l'océan plus que ça.

_ Tu as bien dormi dans ton bureau ? T'as l'air fatigué, s'inquiéta ce dernier, son sourire soudainement évaporé.

_ Hum ... ouai nan j'ai bossé une partie de la nuit pour régler correctement les dernières sondes et faire les relevés de celles qui se trouvent au large de la Nouvelle-Zélande, expliqua le châtain, ravi de ne pas avoir à s'expliquer sur ses récents questionnements à propos d'un certain brun.

_ Tu n'es pas raisonnable Evan, le gronda Charlélie. Et tu m'as l'air ailleurs surtout, ajouta-t-il pour lui-même.

Il suivit le regard d'Evan qui s'empressa de regarder ailleurs que sur le pont avant, mais il savait que c'était trop tard, son ami l'avait grillé.

_ Où veux-tu que je sois ? Grogna-t-il pour tenter de sauver les apparences.

_ Te fous pas de moi, t'as très bien compris ce que je voulais dire ! Le réprimanda le blond à son tour, il n'aimait pas quand son ami n'était pas honnête.

_ Je ne suis nul part ailleurs qu'aux commandes de l'Orca, c'est la seule chose que je sache faire et je ne me laisserai distraire par rien Charlélie.

Son ami s'était renfrogné et il regretta d'avoir mis le sujet sur le tapis. Préférant ne pas envenimer les choses, il s'éclipsa dans sa cabine chercher ses affaires pour descendre à quai dès que possible et surtout laisser le capitaine se calmer.

Les manœuvres s'étaient bien passées, le ravitaillement avait commencé, une partie de l'équipage était descendue faire le plein de nourriture, une autre surveillait le déroulement des opérations à bord, quant au capitaine il s'était à nouveau enfermé dans son bureau.

James et Alexis continuait leur enquête sur la taupe via leur PC portable et les rapports envoyés par leur général. Bref, tout ce petit monde vaquait à ses occupations et l'heure du repas arriva en surprenant tout le monde.

Evan ne dormit pas beaucoup cette nuit là encore. Il était vibrant d'excitation,il ne savait pas pourquoi ou plutôt, il ne voulait pas l'admettre. Cette mission, bien qu'imposée, lui rappelait un passé qu'il croyait enfoui et il sentait l'adrénaline envahir ses veines alors même qu'ils n'étaient pas encore partis. Il se força au calme et parvint à s'assoupir un peu avant l'aube.

Ce fut avec une tête de déterré qu'il alla prendre son café sous le regard amusé de ses hommes.

_ Et bien et bien capitaine, mauvaise nuit ? Se moqua le vieil homme préposé à la direction des machines.

_ Ta gueule Fred ! Claqua la voix que tout le monde connaissait pour être celle du capitaine mal luné.

_ Oh que d'amabilité de si bon matin ! Ton canapé serait-il inconfortable ? Tenta tout de même Quang Tan pour détendre l'atmosphère.

_ Sais pas ... ai dormi sur mon bureau ...

Une exclamation horrifié s'éleva de derrière lui et Evan se retourna pour faire face à Charlélie.

_ Tu as dormi sur ton bureau ?

_ C'est moi qui suis pas réveillé et c'est toi qui comprends pas ? Fit le châtain, ironique. Oui je me suis endormi sur mon bureau, c'est pas la première fois, arrêtes de me mater comme ça !

Plein de compassion, Yoan lui tendit une tasse de café en silence et Evan l'accepta, plein de reconnaissance.

Il parcouru le réfectoire des yeux et tomba sur l'agent Miyaki en pleine discussion, somme toute très animée, avec Quang Tan qui finalement était parti s'installer voyant que sa tentative d'humour était trop hâtive pour le cerveau du capitaine.

Bien, il se liait à l'équipe, le voyage serait plus agréable, pensa Evan en voyant la scène. Il se mentait à lui-même et le savait, en fait il avait été jaloux de les voir si bien s'entendre. Ne préférant pas s'attarder au risque de se gâcher la journée, il se leva.

_ Allez les enfants ! On est parti ! Tout le monde à son poste, ceux qui sont de repos, je compte sur vous pour le repas de ce midi.

_ Oui capitaine !

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Evan se glissa sur le pont inférieur avant, il s'accouda au bastingage et ferma les yeux, il détacha ses cheveux et laissa l'air frais de la nuit jouer dedans. L'air marin ... il inspira fortement, il ne serait jamais aussi bien, autant « à sa place » qu'en pleine mer. Il leva la tête et contempla un instant le ciel.

On ne voyait déjà plus les côtes, c'était mieux ainsi. Il restait beaucoup de pirates près des littoraux africains, son bateau avait de quoi se défendre mais il ne ferait pas le poids face une milice d'hommes enragés et prêts à tout. Autant éviter les risques, de toute façon, la haute mer était bien plus agréable.

Il soupira et se frotta les yeux. Il était crevé mais n'arrivait pas à dormir. Yoan l'avait foutu à la porte de la passerelle, lui arrachant le commandement, il ne tenait plus debout et devrait être dans son bureau à se reposer.

Sa nuque le picota, il se sentit observer et le temps de se retourner il vit l'agent Miyaki approcher de lui tranquillement. Déjà quatre jours que les deux hommes étaient à bord. Finalement, ils s'intégraient bien, n'hésitant pas à donner un coup de main et à partager les tâches quelles qu'elles soient. Mais Evan avait préféré les éviter le plus possible, pas pour les mêmes raisons, mais chacun dans leur genre ils représentaient un danger pour lui et sa tranquillité d'esprit.

_ Vous ne dormez pas, lança le brun pour couper le silence.

Une simple constatation. Alexis s'appuya à son tour sur la rambarde au côté d'Evan.

_ Vous non plus agent Miyaki, répondit Evan en se retournant vers la mer.

_ Appelez moi Alexis s'il vous plaît, lui demanda le brun. Tous vos hommes le font déjà.

_ Hm ...

_ Je persiste à croire que je devrais vous rendre votre cabine. Vous n'avez presque pas dormi depuis que nous sommes arrivés. Ça me gêne beaucoup.

_ Ça m'arrive souvent, vous n'y êtes pour rien, c'est toujours comme ça quand je suis contrarié et ce retard dans nos travaux me contrarie.

Evan savait que ce n'était pas l'entière vérité mais il se voyait mal lui dire que c'était sa présence, son corps, ses yeux, sa voix, ... qui l'empêchait de dormir.

_ Quelle est la nature exacte de vos recherches ?

_ Charlélie ne vous a rien dit ? Demanda Evan qui sous le coup de la surprise tourna machinalement la tête vers lui.

_ Pas dans le détail, il nous a parlé d'étude sur la composition chimique des océans, de son évolution, commença Alexis, l'air penaud d'un enfant n'ayant pas appris sa leçon.

Evan secoua la tête, l'air blasé.

_ C'est tout Charlélie ça ! La diplomatie à l'état pur ! S'exclama-t-il en reportant son attention sur le remous provoqué par l'avancée du navire.

_ C'est à dire ?

_ Pour être plus précis, nous étudions l'impact de la guerre de Naska et de ses retombées nucléaires sur l'environnement, déclara-t-il sans hésitation, si il voulait savoir, il saurait. Les océans sont les meilleurs indicateurs qui soient. Ils conservent et enregistrent tout. Aussi bien dans les mers chaudes que dans les océans polaires. Nous prélevons, faisons des relevés, nous sondons, nous analysons et nous comparons les résultats. Les océans participent à la modification des climats et par conséquent à la modification du visage de la Terre. L'environnement est dégradé certes, mais en étudiant les océans et en trouvant la faille nous serons plus aptes à la combler et ainsi rétablir un semblant d'équilibre, conclut-il son explication, bien conscient de s'être, encore une fois, laissé emporté.

Alexis ne le regardait plus, il s'était laissé bercer par sa voix, les yeux perdus dans les vagues. Il comprenait soudain beaucoup mieux l'animosité du capitaine pour tout ce qui avait attrait au gouvernement ou à l'armée.

Cette guerre avait fait de nombreuses victimes, beaucoup de dégâts. Elle n'était terminée que depuis dix ans et le capitaine, qui devait avoir pratiquement le même âge que lui, soit un peu moins de trente ans, avait dû la subir et s'en rappeler, comme lui.

_ C'est un projet ambitieux, déclara-t-il prudemment, et capital en effet. Je suis encore plus navré d'avoir dû vous entraîner dans toute cette histoire.

_ Que voulez-vous ! Ce n'est pas plus votre faute que la mienne en fait. Vous ne faites qu'obéir aux ordres vous aussi, répondit Evan, sans réaliser que pour la première fois, ils arrivaient à parler de ce sujet sans élever le ton.

_ A vrai dire, je suis plus habitué à les donner et je me suis engueulé avec mon général une bonne dizaine de minutes avant d'accepter cette mission, avoua Alexis, le sourire aux lèvres au souvenir de cette « discussion ».

_ Je suis soulagé que ce soit vous, laissa échapper le châtain, je veux dire ... un autre que vous ne m'aurait peut-être pas laissé autant de liberté, se rattrapa-t-il en rougissant.

Il ne savait pas comment continuer. Il s'enlisait et rougissait encore plus. Heureusement que le peu de lumière sur le pont ne laissait pas entrevoir la chaleur répandue dans ses joues sinon il aurait volontiers sauté à l'eau. Alexis ne répondit pas de suite, amusé et heureux de la dernière réplique du capitaine et de sa gêne plus qu'évidente.

_Et moi je suis finalement content d'avoir accepté. Bonne nuit capitaine.

Il le regarda un instant et partit vers le pont supérieur où se trouvait l'entrée du couloir des cabines.

_ Bonne nuit age... Alexis.

Evan eut la folle envie de le suivre jusqu'à sa cabine. Peut-être pourrait-il trouver une excuse, un objet oublié et dont il aurait besoin ? Non ! Allez hop ! Au lit ! Enfin non, au canapé, soupira-t-il intérieurement.

_ Amely où as-tu rangé les résultats des prélèvements de sédiments de la zone G6 ? La questionna le capitaine.

_ G6 ... les îles Malouines ? Demanda la biologiste pour être sûre.

_ Ba oui ! G6 quoi ! Répéta Evan en levant enfin la tête de son ordinateur.

_ Oh ça va Evan, toi et ton classement ! S'exclama-t-elle sous les rires discrets des deux techniciens du labo.

_ Quoi mon classement, qu'est-ce qu'il a mon classement ? Il est parfait mon classement ! Tonna-t-il, vexé.

_ Il n'y a que toi qui t'y retrouves ! Rétorqua-t-elle aussi vite.

_ Et alors ! Faites un effort et vous y arriverez aussi ! Bon où ils sont ?

Evan était d'assez bonne humeur. Finalement, après sa discussion avec Alexis, le sommeil l'avait rattrapé et il avait dormi plus que nécessaire. Un sommeil lourd parsemé de rêves au parfum sensuel dont il ne se souvenait plus au réveil et qui lui avait laissé une agréable impression.

Mais là, il s'énervait sur un des ordinateurs du labo, cherchant partout ses fameux résultats et Amely retenait difficilement un éclat de rire.

_ Ils sont dans le dossier appelé Malouines, Capitaine, se moqua-t-elle gentiment.

_ Trop drôle !

Evan qui boudait, ça faisait longtemps. Il avait une moue adorable et Amely ne put s'empêcher de lui planter une bise sur la joue.

_ Eh ! Pas touche au Capitaine ! C'est chasse-gardée ! Lança Penny en entrant dans le labo.

_ Ah Penny tu tombes bien. J'ai besoin de ton aide, Amely n'arrêtes pas de m'embêter, geignit Evan en faisant semblant de pleurer.

Sur ce et d'une façon très adulte, il tira la langue à Amely et attrapa Penny par la taille pour l'asseoir sur ses genoux.

_ Ma pro de l'informatique, veux tu bien me retrouver le dossier Malouines s'il te plaît ? La supplia-t-il avec des yeux de cocker triste.

_ Hum ... ça doit pouvoir se faire ... mais ce n'est pas ma fonction à l'origine, qu'aurais-je en échange ?

_ Mon éternelle gratitude ? Tenta Evan en resserrant sa prise sur la taille de la jeune femme.

_ J'ai bien peur que cela ne suffise pas, minauda celle-ci en se retenant de rire.

_ Mon dessert ce midi alors, soupira le capitaine.

_ Oki !

Sans quitter les genoux d'Evan, Penny se mit à la recherche du dossier égaré. Personne n'avait vraiment prêté attention au jeune homme brun dans un coin de la pièce qui suivait cette discussion d'un œil amusé.

Il était venu voir comment l'équipe de l'Orca fonctionnait d'un point de vue scientifique mais il ne s'attendait pas à ça. Si la conversation pouvait paraître puérile et Evan particulièrement gamin, leurs gestes et leur coordination étaient tout ce qu'il y avait de plus précis et expérimentés.

Il ne connaissait pas ce côté d'Evan, ou plutôt ces côtés, le scientifique sérieux et concentré et le gamin qu'un rien amuse.

N'empêche que le comportement des deux femmes envers lui, à la fois maternel et charmeur l'agaçaient et c'est ce qui le décida. Il avança un peu, rappelant sa présence à Evan qui sursauta tant que Penny failli tomber de ses genoux.

_ Je peux peut-être aider ?

_ Oh Alexis ! Heu je ne sais pas ... tu trouves Penny ?

_ Non, désolée, peut-être qu'il aura plus de chance que moi, répondit la petite brune. Par contre je ne crois pas qu'il serait sage qu'il prenne ma place sur tes genoux, on pourrait jaser !

Elle se leva prestement pour éviter toutes remontrances et s'esclaffa, fière de sa boutade mais son capitaine resta planté devant son écran, pas un mot ne sortit de sa bouche et ses joues étaient presque cramoisies.

Alexis eut un petit sourire en coin qui n'échappa pas à la jeune femme, laquelle lui fit un clin d'œil et alla rejoindre sa collègue qui pleurait de rire devant son bureau.

_ Non en effet, ce ne serait pas raisonnable, mais je peux peut-être prendre la chaise d'à côté ? Proposa Alexis pour sauver le pauvre capitaine qui tentait de reprendre sa respiration.

_ Hum ... bien sûr.

_ Alors voyons ça ...

Après plusieurs minutes de recherches le dossier récalcitrant fut retrouvé et Evan étaient aux anges.

_ Alexis merci tu me sauves la vie, s'exclama-t-il joyeusement, ... heu je veux dire ... je vous, voulut-il se rattraper avant d'être arrêté par un doigt à deux pauvres centimètres de ses lèvres.

_ C'est bon Capitaine, je pense que l'on peut se tutoyer maintenant, non ? Après tout James est parvenu à te faire le tutoyer, je ne vais pas être le seul sur ce navire que tu vas vouvoyer, non ?

_ Oui tu as raison c'est idiot, approuva le châtain, merci beaucoup en tout cas, sans ce dossier je crois qu'Amely m'aurait tué et en p...

_ Evan ! Fut-il interrompu.

Tout le monde se retourna d'un seul mouvement vers la porte. Quang Tan était essoufflé et balbutiait sans que personne ne comprenne ce qu'il tentait de dire. Evan se leva et le soutint jusqu'à une chaise mais ce dernier ne se calmait pas, il haletait et attrapa le bras d'Evan.

_ Evan ! ... elles ... elles sont là ... elles sont revenues, lâcha-t-il, tout excité. Tu entends ce que je te dis ? Reprit-il devant le soudain silence du capitaine. Elles sont là ! A moins de 100 brasses du bateau à bâbord ...

Mais Evan ne l'écoutait plus. Une fois que les paroles de son ami lui étaient parvenues, qu'ils les avaient analysées et enregistrées, il s'était élancé vers l'extérieur en hurlant un « Fais stopper les moteurs ! », bientôt suivi par tout le monde mais d'une manière bien plus calme.

Seul Alexis était intrigué mais les sourires qui l'entouraient lui confirma qu'il n'avait rien à craindre.

Suivant le mouvement, il se retrouva bientôt sur le pont arrière et entrepris de chercher Evan. Il fut rejoins par son équipier et quelques techniciens.

_ Que se passe-t-il ? Demanda le blond devant toute cette agitation.

_ Je ne sais pas mais je compte bien le découvrir, répondit Alexis sans lui prêter plus d'attention que cela.

Sans attendre James, il s'avança près du bastingage et pris place aux côtés de Yoan et de son amant. Il chercha Evan du regard mais quand il le trouva il fut foudroyé.

Le capitaine se tenait à quelques mètres de lui, dressé sur la barrière comme s'il allait l'enjamber pour sauter à l'eau, il regardait devant lui avec un sourire à faire pâlir le soleil et un regard si émerveillé, si perçant, si ... amoureux ...Hein ? Stop. Mais qu'est-ce qu'ils regardent tous ?

Alexis se décida à regarder devant lui et vit le spectacle le plus magnifique qui lui ait été donné de voir dans toute sa vie. La fascination prenant le pas sur l'incrédulité, un sourire enfantin vint se poser ses lèvres.

Devant eux, fendant les vagues, ondulant entre la surface et les profondeurs, un souffle d'eau jaillissant parfois entre elles, une bande d'orques dites nomades dansaient littéralement aux côtés de l'Orca Gladiator.

De violents frissons parcoururent Alexis, il avait beau être sur un bateau puissant, il était persuadé que les 7 ou 8 orques qui se rapprochaient lentement pourraient y faire de gros dégâts si elles se fâchaient. Pourtant, il ne pouvait en détacher son regard, l'équipage semblait tout aussi émerveillé mais plus habitué, et là il repensa aux paroles de Quang Tan « elles sont revenues ». Ce n'était pas la première fois ! Depuis quand ? Combien de fois ? Pourquoi ? Autant de questions qu'il aurait voulu poser à Evan mais il dut se rabattre sur ses deux meilleurs amis.

_ Pourquoi ais-je l'impression que ce sont de vieilles connaissances qui viennent vous rendre visite ? Les questionna-t-il, ébahi.

Charlélie le regarda amusé avec l'air d'un enfant devant sa première fête d'anniversaire.

_ En effet, elles viennent nous voir régulièrement mais on ne sait jamais quand, répondit-il avec ce sourire éblouissant que tous arborait. Je suis étonné que le radar ne les ai pas signalé d'ailleurs ...

_ Oui ... c'est étrange, murmura le second.

_ Yoan ?

_ Hum ? Non je disais c'est étrange, j'irai vérifier tout à l'heure, répéta-t-il pour son amant. En attendant, Alexis si tu as des questions ?

_ Oui des dizaines ! S'exclama ce dernier. Depuis quand ?

_ La première fois qu'elles se sont approchées du bateau c'était il y a environ 16 mois je crois. Ce sont des orques nomades, raconta Yoan.

_ C'est à dire ?

_ Elles sont constamment en déplacement et silencieuses et sont rarement plus de 7 alors que les orques qui résident dans un lieu précis peuvent se constituer en bandes de plus de 30 individus, lui fit-il cours. De plus, comme je disais elles sont presque tout le temps silencieuses, à part lors des « repas », mais celles-là, je ne sais pas pourquoi, on commencé à « chanter » de temps en temps. Parfois j'ai l'impression qu'elles répondent à Evan...

_ Parce qu'il leur parle ? Fit Alexis, interloqué. Comment ça s'est passé ?

Yoan répondait aux différentes questions que Alexis se posait, Charlélie ajoutait parfois un commentaire, mais aucun ne quittait des yeux les épaulards qui jouaient devant eux.

Un calme et une sérénité peu commune régnait sur l'équipage, le soleil matinale donnait à l'océan des reflets argents et parfois turquoises, rendant la scène encore plus magique.

_ Elles sont restées assez loin d'abord et au fur et à mesure de leurs visites, elles sont venues plus près, reprit Yoan après un moment de silence à observer ce magnifique tableau. Chaque fois, elles restent un ou deux jours près de nous puis elles repartent. Une fois elles sont restées plus longtemps. Evan n'était pas avec nous quand elles sont arrivées, il avait dû se rendre à terre, quand l'hélico l'a ramené deux jours plus tard, elles étaient toujours là, il s'est mis à l'avant du navire et leur a parlé comme chaque fois, peu après elles sont parties. Je crois qu'elles l'attendaient ...

_ Oui, c'est vrai, il y a comme un lien entre eux, renchérit Charlélie. Tu as remarqué le nom du bateau ? Demanda-t-il à Alexis. C'est Evan qui l'a choisi, il a toujours été passionné par celles qu'on appelle les baleines tueuses et je crois qu'elles le lui rendent bien. Chaque fois qu'elles sont là, ils passent tout son temps sur le pont à leur parler, les dessiner, les prendre en photos ... Ce sont les seuls moments où il délaisse son travail... La dernière fois qu'elles sont venues pourtant j'ai bien cru que mon espérance de vie s'était considérablement raccourcie tant il nous a fait peur, ajouta-t-il avec un sourire.

_ Oui, on a eu la peur du siècle, approuva son compagnon. Cet idiot n'a rien trouvé de mieux à faire que de se foutre à l'eau avec elles autour du navire. Il a nagé avec elles pendant plus d'une heure, elles sont venues le voir chacune leur tour comme si elles se présentaient puis elles sont reparties et il est remonté. Charlélie et les filles lui ont passé un savon ! S'amusa le rouquin en repassant ses souvenirs dans sa tête.

Alexis devait avoir l'air d'un ahuri, sous la surprise il avait tourné la tête vers Yoan, la bouche ouverte et les yeux ronds. Il secoua la tête, l'air désenchanté.

_ Ce mec est fou ...

Charlélie sourit, amusé.

_ Oui mais c'est pour ça qu'on l'aime.

Un silence étrange plana sur la dernière phrase de Charlélie. Ils regardaient les mammifères marins évoluer devant eux mais ce silence ... Un peu comme le calme avant la tête ...

D'un coup, Alexis se redressa et les dévisagea, incrédule. Comment ne pas y avoir pensé ? Il se serait foutu des claques !

_ Mais ... si la dernière fois il les a rejoint, commença-t-il en bafouillant un peu sous le stress qui affluait soudain dans tout son corps ... qu'est ce qui vous dit qu'il ne vas pas recom...

Alexis fut interrompu par un bruit plus que reconnaissable suivi de suite par les cris de quelques marins. Mais seule une phrase leur parvint distinctement, les glaçant jusqu'aux os.

_ Le Capitaine a plongé !

Yoan eut une étrange sensation, celle de revivre un cauchemar, mais éveillé, et de ne pouvoir rien faire. Il faillit broyer les doigts de Charlélie.

_ Putain pas encore ! S'écria-t-il avant de partir en courant.

Et là, la seule pensée cohérente de Alexis fut « j'ai comme une impression de déjà vu » et il se mit à courir pour rejoindre le pont arrière inférieur, c'est là que le bateau était le pus proche du niveau de l'eau, mais cela faisait tout de même un sacré plongeon.

Il rejoignit ceux qui l'avait précédé et resta bloqué, bouche-bée, devant la vision du corps d'Evan recouvert d'un shorty noir et argent.

La combinaison légère à manche courte s'arrêtait mi-cuisse et laissait entrevoir les courbes parfaites du jeune homme. Ses cheveux ruisselants s'étaient détachés lors de son plongeon et étaient éparpillés autour de lui selon l'humeur de l'océan, l'équipage en entier aurait pu jurer avoir vu une sirène tant ses mouvements étaient gracieux.

Quelle sensation grisante ! Cela faisait si longtemps qu'il n'avait pas ressenti un tel bien-être ... L'eau était beaucoup plus agréable à cette température que celle qu'il avait dû affronter en profondeur quelques jours plutôt. Il s'éloigna un peu du navire, ne perdant pas du vue ses objectifs puis s'arrêta, leur laissant le choix de le rejoindre ou non.

Le temps semblait s'être figé à l'image des hommes présents sur l'Orca, Evan ne faisait que de légers battements de jambes pour se maintenir à la surface et les contemplait tout son soûle. Tous ses sens étaient exacerbés et il avait douloureusement conscience de la précarité de sa situation. La dernière fois s'était on ne peut mieux passée mais elles restaient des animaux sauvages, ni domestiquées, ni apprivoisées et leurs réactions étaient par là-même imprévisibles.

Après un moment qui lui sembla une éternité, la plus grande commença son approche. C'était un grand mâle d'environ 8 mètres de long, son aileron pointait droit et fier à presque deux mètres de hauteur.

Evan l'avait surnommé pour lui-même Gladiateur, rendant ainsi hommage à sa force brute et à son navire. L'épaulard plongea et passa sous lui, son mouvement fluide perturba à peine le courant autour du nageur et Evan retint son souffle. Il savait que la baleine le jaugeait et il tentait de calmer les battements précipités de son cœur. Quand elle fut assurée qu'il n'y avait rien à craindre du bipède, elle rejoignit les autres qui poussées par leur curiosité naturelle resserrèrent le cercle autour du capitaine.

Ce dernier avait l'impression d'être pris en tenaille entre l'inquiétude palpable de ses hommes et la curiosité dévorante des mammifères marins. L'une d'entre elles se détacha du lot et Evan reconnu avec joie sa plus vieille amie.

Elle avait été la toute première a lui montrer de l'intérêt. Elle devait bien faire 6 mètres de long et son aileron, certes beaucoup plus petit que ceux des mâles, était légèrement recourbé en forme de faux, ce qui lui avait valu de la part du capitaine le doux nom de Faucheuse.

Elle se colla presque à Evan et se mit sur le côté, offrant son flanc à ses caresses timides. Alors, il s'enhardit et commença à la flatter sur tout le corps. La baleine semblait curieusement prendre plaisir à ce traitement car elle ne bougeait plus du tout. Ses yeux papillonnaient et seule sa nageoire caudale ondulait lentement pour lui donner un peu d'équilibre.

La peau caoutchouteuse sous ses doigts, Evan réalisait son rêve d'enfant. Rêve dont personne n'avait jamais rien su et qu'il avait jalousement gardé secret de peur qu'on ne le lui brise.

La fois précédente, il avait nagé parmi elle mais n'avait pas été jusqu'à les toucher. Et là, son cœur gonflé de joie et d'exaltation était sur le point d'éclater. Des larmes d'émotion coulaient le long de ses joues, soit il ne s'en rendait pas compte, soit il s'en moquait.

Soudain, Faucheuse se remit sur le ventre et lui fit face. Elle ouvrit la bouche et d'un mouvement de tête l'invita à venir lui grattouiller la langue. Tout en se pliant à ses volontés, Evan éclata d'un rire joyeux plein d'un bonheur trop longtemps contenu. La matière était étrange, râpeuse mais ce n'était pas désagréable, loin de là. Il avait la certitude de partager avec elle un moment d'une rare intimité.

Alors qu'il se demandait ce qu'elle lui réservait encore, elle se détourna de lui et plongea. Evan, intrigué mais pas inquiet pour si peu, attendit patiemment en la suivant des yeux. Il la vit se placer sous lui et d'un coup elle remonta à la surface.

Evan entendit à peine les cris de surprises de l'équipage. Il avait le cœur au bord des lèvres, jamais il n'aurait pu imaginer vivre quelque chose d'une telle intensité. Tout son corps tremblait alors qu'il posait les mains sur le dos de l'orque. Dans le mouvement de cette dernière, il s'était retrouvé assis sur son dos juste devant son aileron.

Tout aussi soudainement, elle se mit en mouvement, entraînant Evan avec elle. Elle décrivait de grands cercles tantôt autour de ses consœurs, tantôt autour du navire. Un vent grisant fouettait le visage d'Evan et la baleine aurait pu l'emmener au bout du monde qu'il n'y aurait opposé aucune résistance.

Il n'était plus dans l'océan, il était dans un autre monde, un univers uniquement composé de sensations, de couleurs, de sons, tous plus envoûtants les uns que les autres. Par moment, elle plongeait mais jamais plus que quelques secondes et aux moments où elle refaisait surface un geyser d'air et d'eau s'échappait de son évent pour retomber en partie sur son cavalier riant aux éclats.

Toute à sa joie Evan ne se rendit pas compte que d'autres orques s'étaient jointes à leur danse si enivrante.

L'équipage était stupéfait. Aucun mot n'aurait su décrire ce que tous ressentaient devant ce spectacle. C'était une chose que de voir des orques dressées jouer avec des nageurs dans un aquarium. S'en était une autre de voir leur capitaine, un homme qu'ils côtoyaient au quotidien, sur le dos d'une baleine sauvage avec laquelle il semblait avoir des liens étranges. Leur danse ressemblait à celle de deux amants trop longtemps séparés et il était certain qu'une immense confiance et un profond respect les unissaient.

C'était magique, époustouflant et à la fois effrayant. Elles donnaient l'impression de ne plus vouloir le leur rendre et lui ne semblait pas décider à rompre le charme pour revenir à bord près de ses hommes. Le cœur serré d'angoisse et d'émotions en tout genre, Alexis regardait l'étrange ballet devant lui. Evan devait être un ange marin, un habitant des profondeurs, il n'était pas humain, c'était impossible. Jamais il ne pourrait oser toucher un tel être.

Faucheuse ralenti délicatement puis s'arrêta non loin du navire. Sans savoir comment, Evan comprenait ses intentions. Il se laissa glisser et revint vers sa tête, ils se fixèrent un instant. Evan lui frôla la tête en une caresse légèrement tremblante, un remerciement. Il se remit à battre des jambes mais il ne savait honnêtement pas comment il avait encore la force de penser à maintenir sa tête hors de l'eau ou même à respirer.

Le cœur battant comme s'il tentait de sortir de sa poitrine, il les regarda s'éloigner, Faucheuse plongea pour prendre son élan et bondit hors de l'eau. En l'air, elle se tourna sur elle-même et atterrit sur le dos dans une gerbe d'eau immense qui parvint en fines vaguelettes jusqu'à Evan. Ce dernier le comprit comme un salut et leva la main dans sa direction pour le lui rendre.

Il resta immobile jusqu'à ce qu'il sente deux bras puissants l'attirer à lui pour le ramener vers l'Orca.

Encore une fois Yoan avait plongé pour le sortir de l'eau. Evan se laissa étrangement faire, ce qui inquiéta tout le monde. En réalité il n'était toujours pas rentré de son monde si particuliers et se rendait à peine compte de l'effervescence qui régnait maintenant près de lui.

Deux marins leur lancèrent un bout et Yoan attrapa la corde providentielle tout en maintenant Evan contre lui. L'équipage commença à les remonter à bord. Ce bateau n'était pas équipé pour se mettre à l'eau de cette façon, la seule sortie possible était le puits de plongée et Charlélie pensa à ce moment qu'il serait bon de remédier à cela car, à n'en pas douter, ce genre de chose risquait de se reproduire.

Une fois à bord, Evan reçut une serviette sur les épaules et fut frictionné de la tête au pied par Amely. Elle jeta un regard à Quang Tan qui comprit tout de suite et entraîna leur capitaine vers sa cabine afin qu'il prenne une douche et se change.

Yoan quant à lui entreprit de remettre de l'ordre.

_ Allez ! C'est terminé, tout le monde à son poste ! Relancez les moteurs, on est reparti ! Cria-t-il à la ronde.

_ Oui Monsieur.

_ Tout va bien ? Lui demanda son compagnon, inquiet.

_ Oui, ça va, je vais vérifier le cap et aller me changer, sourit-il doucement.

_ Je vais m'occuper des vérifications si tu veux, va te changer et prends Charlélie avec toi, il pourra t'aider si besoin, proposa Alexis en les rejoignant.

_ Tu es sûr ?

_ Évidemment !

_ Très bien, merci Alexis, à tout de suite.

_ Hn.

Même si Alexis pensait peu au confort de Yoan avec cette proposition, il faisait en fait d'une pierre deux coups. Cette histoire de radar qui ne repère pas un groupe de mammifères entre 6 et 8 mètres de long chacun lui semblait louche. Il allait donc en profiter pour faire quelques vérifications lui aussi.

D'un pas sûr, il se dirigea vers la passerelle de commandement, attrapant son équipier au passage.

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Voilà tout le monde, j'espère que la suite vous plaît ! Tout prend place doucement … A bientôt pour la suite, et n'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez ...