Auteur : Nessi N'spi (appellez moi Nessi ^^)
Droits : Ces personnages comme l'histoire sont issus de mon imagination et de celle de ma complice Drusilla. Ils nous appartiennent. Merci de respecter les droits d'auteur et de ne pas réutiliser ce qui nous appartient sans notre accord.
Genre : Yaoi/Fantastique/Romance/Angst.
Résumé : Deux meutes de loups-garous ennemies se partagent le même territoire. Lorsque des cadavres humains apparaissent, la tension augmente, les accusations pleuvent et la guerre menace. C'est dans ces temps troublés que deux loups ennemis vont devoir faire la différence entre le vrai du faux, la culpabilité et l'innocence et l'amour et la haine. Mais de lourds secrets les séparent.
Reviews :
Ketsuchi : Voilà une toute première review qui m'emballe. Savoir que j'ai donné envie de lire la suite avec un chapitre qui n'en dit finalement que peu sur l'intrigue me fait énormément plaisir ! ^^ Allez, ce n'est que le début. J'espère que tu aimeras la suite et que les histoires de loups-garous et de meurtres sanglants ne te font pas peur ! ;)
Xénalius : Déjà là ? Je m'y attendais pas du tout mais ça fait plaisir d'avoir l'avis d'un mec pour la deuxième review. Je te sens beaucoup moins enthousiaste que Ketsuchi, mais bon, on peut pas plaire à tout le monde. Concernant le fait que le Yaoi est apprécié par les filles, c'est tout simplement parce que c'est un fantasme. Les mecs (même mes amis homos) ne sont pas attirés par ce genre de lecture, sans doute parce qu'ils ne fantasment pas dessus (et pour les homos que je connais, sans doute parce que c'est bien loin de leur réalité). En ce qui te concerne, tu as sans doute l'esprit très ouvert (comme un de mes amis qui adore mes écrits Yaoi) Ensuite, si je n'ai pas fait ma première fiction dans l'univers fantastique, c'est parce que j'avais « tout est une question de choix » en tête et que j'aime la diversité. Et puis c'est venu comme ça, c'est tout. J'espère que la suite te plaira plus, mais sans doute pas avec ce chapitre !
Zidrune : Mea Culpa, j'avais oublié que tu t'es renommé depuis le temps. Drusilla, ça date des années lycée et ça m'est resté en tête. Quoiqu'il en soit, j'ai le sourire jusqu'aux oreilles en lisant ta review, surtout parce que j'ai la sensation de t'avoir vraiment fait plaisir et ça, ça n'a pas de prix pour moi. J'espère que tu commenteras régulièrement, tu as en le devoir après tout, vu que cette fic t'es dédiée. Joyeux anniversaire encore ! :)
Remarque :
Pourquoi s'arrêter en si bon chemin ?
Zidrune, tu en veux encore ? Alors pourquoi s'en priver quand le chapitre 2 est déjà écrit ?!
Et oui, je suis pleine de surprise...
FILS DE LA LUNE
Chapitre 2
Sous la peau des bêtes
[POV Shinichi]
Ses yeux sont dorés. Ils brillent dans la pénombre mais pas avec autant d'intensité que cela serait possible. Il est en colère mais pas enragé. Il est à cran, mais parviendra à en rester là pour ce soir, satisfait par l'effort du combat et sans doute un peu refroidit par les blessures qu'il ressent.
Je suis capable de comprendre cela, rien qu'en le regardant, même si je ne peux pas lire dans ses pensées.
Son regard me brûle... et pas du feu de la haine ou de la colère. L'image qu'il offre en cet instant est tout simplement magnifique. Avec ses cheveux mi-longs, qui lui arrivent sous la mâchoire et qui sont en cet instant décoiffés, son visage tendu et couvert de sang, ses yeux d'or et ses sourcils froncés... il est splendide.
Kaname n'en n'a sans doute pas conscience mais il est la représentation parfaite de la sauvagerie. Si je devais décrire un homme primal, qui n'agit qu'en fonction de ses instincts et de ses émotions, ce serait lui que je décrirai, exactement tel qu'il est en cet instant.
Kaname Kirei...
Le loup garou qui est resté à ses côtés pose sa main sur son épaule et le force à se détourner. Une dernière grimace de mépris s'esquisse sur sa bouche avant qu'il ne nous tourne le dos et s'éloigne.
Leurs silhouettes disparaissent peu à peu dans la brume, mais je reste immobile. Ce que mes yeux ne peuvent plus détecter, mes oreilles et mon nez le peuvent encore. J'entends leurs pas qui s'éloignent, je me focalise sur la démarche souple du prédateur aguerrit de Kaname. J'écoute son souffle jusqu'à ce que je ne l'entende plus et j'inspire son odeur jusqu'à ce qu'elle devienne trop faible et se perde dans la puanteur ambiante.
Autour de moi, ma meute qui jusqu'alors est restée immobile, s'anime un peu. Mais je reste plongé dans mes pensées, contemplant la brume qui reprend doucement sa place dans le vide que Kaname a laissé.
Il a encore tenté de me tuer. Ce n'est pas la première fois et sans doute pas la dernière. Il me voue une haine que je ne saisie pas depuis la toute première fois où il m'a vu, peu après que ma nouvelle nature ait modifié mon ADN et bouleversé toute ma vie.
A chaque rencontre, si il y a une bagarre, c'est moi qu'il attaque. Il se montre toujours plus vicieux, plus violent, plus sadique. Il ne recule devant rien pour me blesser et tente toujours de me donner un coup fatal. En sa présence, je dois être sur mes gardes, faire attention au moindre de ses mouvements, de ses regards, ou des tensions de son corps.
Avec le temps, j'ai appris à l'observer avec une attention toute particulière. Je suis capable de le comprendre sans doute mieux que lui-même. Je sais qu'il me hait de manière viscérale mais j'en ignore la raison. Je sais qu'il est sans arrêt en mouvement, toujours nerveux, en colère contre le monde entier, mais surtout contre lui-même. Je sais aussi qu'il respecte les coups particulièrement violents ou vicieux et que c'est le seul moyen pour moi de retarder une mise à mort nette et immédiate.
Kaname est un loup garou comme je n'en n'ai jamais rencontré. Réfractaire à l'autorité. Violent. Associal. Si dominant et pourtant si instable. Relégué au bas de la hiérarchie alors qu'il a dépassé les deux décennies. Qui fait parti d'une meute mais qui semble marcher à côté d'elle plutôt qu'avec elle...
Il me fascine. Et c'est bien là le cœur du problème.
Alors qu'il ne cherche qu'à me faire souffrir un maximum et à me tuer, je n'éprouve pour lui aucune haine. C'est même bien tout le contraire.
Il me plait. Plus qu'aucun autre. J'éprouve pour lui des émotions fortes, limite violentes, que je dois sans cesse refouler au plus profond de moi afin de les cacher.
Les émotions ont des odeurs. Le rythme des battements d'un cœur, l'amplitude d'une respiration, la tension dans les muscles, le raidissement des épaules, la crispation des mâchoires, l'étirement des lèvres... et bien d'autres choses encore ont une signification et sont perceptibles par un loup-garou. Le plus souvent, c'est seulement instinctif. Peu de loup comme moi savent décrypter d'un coup d'œil tout ce qu'une attitude signifie. On peut le comprendre instinctivement, mais moi je suis capable de l'interpréter et de l'utiliser à des fins manipulatrices, prudentes ou provocantes.
Les loups-garous sont incapables de mentir ouvertement sans que cela se découvre. Nous avons nos astuces pour préserver notre intimité, mais personne n'est dupe. Le langage corporel est un moyen de communication incroyable. J'étudie la sociologie et la psychologie à l'université, et j'ai vite compris que pour m'adapter, il me faudrait comprendre les autres, leurs émotions, les limites de ma place dans la meute...
Et je suis particulièrement doué dans ce domaine, mais je ne suis pas le seul. Je crois que celui qui est encore meilleur que moi à ce petit jeu est Hayate, le bras droit de Kei-san. Ce dernier n'est pas en reste, mais ma position dans la hiérarchie ne me force pas, comme lui, à prendre des décisions ou à gérer des loups. Ça me laisse plus de temps pour l'observation, pour la ruse, l'intelligence et l'interprétation.
Malheureusement, il est difficile de cacher aux autres une excitation sexuelle. Je cache mon désir pour Kaname à chaque rencontre, mais c'est un exercice qui demande toute ma concentration. Heureusement, l'excitation sexuelle peut ressembler à l'excitation que provoque la perspective d'un combat. Battements de cœur qui s'accélèrent, souffle plus rapide, température corporelle qui augmente... Pourtant, il est impossible de cacher l'odeur du désir. Les phéromones sont détectables par l'odorat. J'ai mis au point plusieurs techniques pour éviter d'avoir du désir en sa présence mais ça n'est pas facile et ça n'a pas toujours fonctionné. L'un des loups de mon clan m'a même demandé un jour si la violence m'excitait après un combat durant lequel Kaname était torse nu...
Rien d'étonnant à cela. Il a un corps sublime. Tout en muscles et puissance... et couvert de tatouages. Ils ne représentent rien de particulier, du moins, si ils signifient quelque chose, je suis incapable de le découvrir. Ce sont des courbes du genre tribal, qui couvrent le haut de son corps sur les trois quart, mais uniquement du côté droit. Les courbes et les pointes d'encre noire recouvrent son bras droit, son torse et son dos. Elles épousent ses formes, ses muscles et les creux qu'ils forment... en bref, Kaname torse nu offre l'un des spectacles les plus érotique que j'ai jamais vu.
Comment se maîtriser devant pareille œuvre d'art ? C'est impossible pour moi, qui brûle de désir pour lui. Pire que ça encore. Je sais que j'éprouve bien plus que de l'attirance physique envers lui. Le fait de l'observer avec tant d'attention et de comprendre ses émotions et parfois ses pensées, n'ont fait que me pousser à vouloir le connaître encore plus. Et forcément, à en tomber éperdument amoureux.
La vie est parfois cruelle. Le fait que le seul homme que j'ai jamais aimé avec tant de force et de passion veuille me mettre à mort en est le parfait exemple.
Je donnerai beaucoup pour savoir d'où vient cette haine qu'il éprouve pour moi... Pour savoir, pourquoi il tient tant à ce que je meure de ses mains. Si je savais seulement ce qu'il me reproche, peut-être pourrais-je mieux l'accepter.
Le coup de poing vicieux que je lui ai donné tout à l'heure ne pourra qu'alimenter sa haine, mais il méritait une punition. Il a failli me tuer. Alors qu'il était sans défense, je lui ai prouvé que j'avais les moyens de le tuer à mon tour mais que je ne l'ai pas fait. Je ne suis pas certain qu'il l'ait compris. Peut-être n'a-t-il pris ce coup de poing que comme un geste lâche. Pourtant, mon but, était de lui prouver que je ne le tuerai pas, même si j'en avais les moyens.
C'est au-dessus de mes forces.
D'une part, parce que je ne suis pas un meurtrier. Ce n'est pas parce que je suis un loup-garou que je dois me comporter sans aucune humanité. J'ai une conscience et mon loup a parfaitement compris les limites de ma tolérance. D'autre part, tuer Kaname serait comme m'enfoncer un poignard en plein cœur...
La présence de Kei-san tout près de moi me fait sortir de mes pensées moroses et je tourne la tête dans sa direction. Son regard se pose sur ma lèvre ensanglantée et ses sourcils se froncent légèrement de mécontentement.
- Où es-tu blessé ?
- Ça va, dis-je pour ne pas répondre.
Mais Kei-san, en plus d'être un Alpha attentif et protecteur est aussi un médecin et il ne me laisse pas me défiler si facilement.
- Non, ça ne va pas sinon ta lèvre serait déjà refermée. Dis-moi où tu es blessé.
Depuis mon intégration dans la meute, j'ai tendance à faire profil bas. Enfin, quand je le peux. J'ai malheureusement un fort esprit de contradiction et une nette disposition naturelle au sarcasme et à l'ironie. C'est sans doute pour moi un moyen de me défouler. Je maîtrise si bien mes instincts de loup-garou, que le langage est une façon pour moi de provoquer les autres, de prendre le dessus sur eux et peut-être aussi de me protéger.
Ça n'est pas facile d'être le « petit dernier ». Je suis le plus jeune en terme de lycanthropie dans la meute. On me couve, on m'enseigne, on me surveille, on m'encourage... Et même si j'apprécie le soutient qu'on m'offre, je suis par contre trop fier pour me laisser traiter comme un faible.
Parce que je refuse de laisser mes instincts prendre le dessus et me pousser à la confrontation physique pour me faire ma place, c'est par la provocation orale que je signale aux autres que je ne suis pas un louveteau sans défense.
- Je survivrai.
Cette réponse pleine de bravade est donc la conséquence de mon caractère naturel. Kei-san plisse légèrement les yeux, visiblement mécontent de ma résistance puis esquisse un petit sourire en coin qui lui est propre. Je sais qu'il est très intelligent et qu'il sait punir d'une provocation avec une facilité déconcertante.
- Bien, si tu n'es pas plus blessé que ça, alors tu peux nous suivre.
- Où ?
- On va au QG. Il y a des choses dont on doit discuter.
Je me contente de hocher la tête, sachant reconnaître la différence entre un ordre et une requête. Kei-san veut que je sois là pour cette discussion et je n'ai de toute façon aucune envie de rentrer chez moi dans l'immédiat. Je me sens encore à fleur de peau. Pire, je souffre de mes blessures.
Or, un loup blessé est dangereux. En état de faiblesse, on devient paranoïaque, à cran. Être entouré de notre meute, et particulièrement de ceux qui sont au-dessus de nous dans la hiérarchie, a quelque chose de rassurant. On sait que nos « supérieurs » nous protègerons contre l'attaque de ceux qui voudrait nous défier jusqu'à ce qu'on soit en état de combattre. La présence de l'Alpha, elle, est meilleur encore. En plus du côté sécurisant, on guérit plus vite et on souffre moins.
Faire partie d'une meute a ses avantages non négligeable.
Notre petit groupe s'éloigne vers les escaliers qui mènent à la rue et je les suis en tentant de cacher ma souffrance. Le moindre de mes mouvements est douloureux et chaque pas que je fais envoi des élancement dans mes côtes.
On s'arrête une rue plus loin, près des véhicules qu'on a garé. Ce n'est pas parce qu'on est des loups-garous qu'on n'utilise pas la technologie du monde moderne. Il est bien plus rapide d'utiliser une voiture pour se déplacer que de marcher ou courir, même sous forme de loup.
Kei-san possède un énorme 4x4 noir et flambant neuf, où six loups peuvent tenir sans se sentir trop à l'étroit. Nous avons tous pris place dans sa voiture pour venir, sauf Hayate qui ne se déplace qu'au volant de la moto sportive qui trône juste à côté.
Kei-san déverrouille le 4x4 mais se tourne vers moi avant que j'ai pu touché la portière.
- Tu montes avec Hayate.
Je suis surpris par son ordre avant de comprendre la seconde suivante que c'est sa manière de me punir. Faire le trajet à l'arrière de son confortable 4x4 n'aurait pas été difficile. Mais sur une moto, surtout conduite par Hayate qui aime tant la vitesse, je vais souffrir le martyr.
Kei-san me regarde avec un petit sourire condescendant, me mettant visiblement au défi de protester et d'avouer ma souffrance. Je ne lui donne pas ce plaisir et tourne les talons sans un mot.
Je respecte mon Alpha, et je lui dois beaucoup. Je me battrais pour lui, j'obéirais toujours à ses ordres tant qu'ils restent sensés et qu'ils ne vont pas à l'encontre de mes principes, mais ça ne m'oblige pas à ramper devant lui et jouer les soumis. Si il veut me punir, qu'il le fasse. Je souffrirai la tête haute et j'accepterai le réconfort qu'il ne manquera pas de m'offrir une fois au QG.
Hayate, qui a l'ouïe d'un loup-garou, me regarde approcher sans étonnement, ayant entendu l'ordre de notre chef. Il m'examine de la tête aux pieds sans montrer aucune émotion puis me tend son casque.
- Au cas où tu tomberai, me dit-il sans avoir l'air de se moquer.
Comme je le disais, il est meilleur encore que moi ou Kei-san pour comprendre les émotions des loups. D'une parole, il a compris la punition de notre Alpha, d'un coup d'œil, il a compris mon état et d'une phrase, il me signale qu'il sait que je risque de ne pas supporter le voyage à bord de sa moto.
Il ne proteste pourtant pas contre le traitement sans doute un rien cruel que je m'apprête à subir et ça ne m'étonne pas. Hayate est d'une fidélité à toute épreuve à Kei-san. Il lui obéit au doigt et à l'œil, assure ses arrières et ne dénigre jamais aucun de ses ordres. Pas qu'il manque de caractère, bien au contraire, il en a à revendre, mais sa loyauté envers Kei-san est incommensurable.
Le 4x4 démarre sans attendre et s'éloigne dans la ruelle obscure et j'apprécie l'idée de ne pas avoir à me ridiculiser devant les autres membres de ma meute. Hayate sera le seul témoin de ma souffrance et ça me convient parfaitement.
En deux ans, j'ai passé plus de temps avec lui qu'avec aucun autre. Kei-san lui a confié la tâche de s'occuper des jeunes loups qui intègrent la meute. Son rôle est de nous aider à contrôler nos instincts et notre métamorphose, à comprendre notre nouvelle nature, de nous surveiller et de nous protéger.
Mais ce n'est pas là sa seule fonction dans la meute. Il est aussi celui qui prend le rôle de chef en l'absence de l'Alpha, il est son conseiller, donnant son avis quand on le lui demande... et il est le bourreau de la meute. Si un loup pose problème, c'est lui qui se charge de le faire disparaître. Idem si un humain apprend notre existence. Il efface les preuves et lui fait assez peur pour que le témoin croit être devenu fou et si ça ne suffit pas, il le fait disparaître. Aucune tuerie n'a heureusement été commise depuis que je les ai rejoint, mais j'ai entendu beaucoup d'histoires sur son compte. Des histoires flipantes.
Pourtant, je l'apprécie, même si parfois, il me fout les jetons. Il a toujours été juste avec moi et a su me donner de précieux conseils pour supporter et accepter ma nouvelle nature. D'ailleurs, avec moi, il n'a pas eu grand chose à faire. J'ai très vite appris à me contrôler et j'ai pris cette part de moi sauvage avec philosophie. J'arrive même à apprécier d'être un loup-garou. Les sens sur-développés, la force incroyable qu'on possède, la guérison rapide, l'éternité devant nous... en comparaison, devenir trop poilu une fois par mois, aimer la viande rouge et devoir rendre des comptes à un Alpha sont de petits prix à payer.
- Tu attends quelque chose ?, me demande soudain Hayate, assis sur sa moto.
Je constate qu'il attend que je grimpe derrière lui depuis déjà quelques secondes et je réponds par de l'ironie :
- Que dans ta grandeur d'âme, tu décides de rouler au pas.
Hayate ne sourit pas mais c'est habituel. Il montre encore moins d'expression faciale que moi qui me protège ainsi. Peut-être est-ce un effet de notre trop grande facilité à déchiffrer les émotions et les expressions des autres : on cache les nôtres pour ne pas qu'on soit nous-même facile à comprendre.
- Ça ne sert à rien de prolonger la torture, et tu vas de toute façon être forcé de la subir. Mieux vaut dix minutes de souffrance que le triple. Kei s'occupera de toi au QG.
Ça pourrait passer pour une menace, mais c'est totalement l'inverse. Je le sais parce que je connais Kei-san depuis le temps que je le fréquente. Je sais très bien que ses punitions sont sévères mais qu'il en adoucit la portée ensuite en prenant soin de nous. Il me soulagera de ma souffrance, sans aucun doute et il l'aurait déjà fait si je n'avais pas refusé de répondre à sa question.
Je hoche donc lentement la tête, sachant qu'il a raison et il m'incite à monter en me désignant l'arrière de sa moto.
- Tu as des poignées, ici, pour te tenir. Allez, monte.
Je ne me fais pas prier plus longtemps, enfile le casque et grimpe derrière lui en serrant les dents. Je ne peux pourtant pas retenir une petite plainte quand je tends les bras en arrière pour attraper les poignées. C'est trop douloureux. Insupportable même.
Hayate démarre la moto sans commenter, puis attrape mes mains qu'il pose autour de sa taille. Après quoi, il démarre sans me laisser le temps de réagir. Mes doigts se crispent aussitôt sur son ventre, alors que la douleur explose dans mes côtes sur l'élan que prend le deux roues.
Chaque virage, chaque nid de poule, chaque freinage un peu brusque me fait souffrir le martyr. J'en ai les larmes aux yeux, je tremble et je retiens mon envie de chialer comme un môme ou de demander grâce. Hayate ne me jugerait sans doute pas pour cela, mais je ne supporterai pas qu'on me catalogue comme un faible. Je serre donc les dents et supporte la torture dans un brouillard de souffrance, jusqu'à ce que ça s'arrête enfin.
Descendre de moto me semble insurmontable, pourtant je me force. Je suis obligé de me retenir à Hayate pour ne pas tomber mais je le lâche aussitôt que possible. Toujours sans un mot, il récupère son casque et se dirige vers la maison.
Je le suis, partagé entre le soulagement et l'envie de m'effondrer dans un coin et entre à sa suite par la porte d'entrée.
Le QG, comme on l'appelle, est en fait la demeure de Kei-san. Il l'a acheté dès son arrivée à Osaka et a fait de nombreux travaux pour qu'elle convienne à une bande de loups-garous. Les loups aiment être en meute, c'est comme une famille, en plus intime encore. La maison est donc un lieu de passage régulier et a besoin de certains aménagements.
Ainsi, on y trouve une immense cuisine et un garde-manger qui fait presque la même taille, afin de nourrir tout ce petit monde. Le salon est lui aussi immense et la maison possède de nombreuses chambres d'amis que les loups utilisent quand bon leur semble. La cave ne conserve aucune bouteille de vin mais une grande cage aux barreaux d'aciers ultra résistants, pour y enfermer éventuellement des loups blessés.
Kei-san ne se réserve finalement que trois pièces dans sa grande demeure : sa chambre et sa salle de bain personnelle, ainsi que son bureau qui lui sert aussi de bibliothèque. Le reste est accessible librement à la meute.
C'est dans le salon qu'on retrouve la même bande qui nous a accompagné sous le pont de la voie ferrée. Visiblement, les autres membres de la meute n'ont pas été conviés. Des bières circulent ainsi que des sandwichs au rosbif pour les blessés ou les affamés. Kei se tient debout, bras croisés, appuyé au mur près de sa grande cheminée et lève les yeux vers nous à notre entrée.
Le petit sourire moqueur qu'il m'adresse, se transforme en sourire plus doux et il me fait signe d'approcher. Même têtu et fier, je ne résiste pourtant pas à l'envie de souffrir moins et le rejoint.
- Où as-tu mal ?, me demande-t-il à nouveau.
Je le connais, je suis presque certain de ce qui m'attend si j'ose encore mentir ou détourner la conversation. Il me frappera là où ça fait mal, histoire de m'apprendre à lui donner les réponses qu'il veut. Si la subtilité ne fonctionne pas, Kei-san n'hésite pas à user de persuasion par d'autres méthodes.
- Aux côtes, dis-je donc enfin d'une voix rendue rauque par la souffrance.
Il me fait signe de lever ma chemise et je m'exécute en serrant les dents, le mouvement de mes bras me faisant suffoquer de douleur. Il se penche, regarde mes côtes, puis y pose les doigts. Une décharge de douleur m'attaque si fort que mes jambes en tremblent. Il n'arrête pourtant pas de palper la zone, jusque dans mon dos.
- Tu as plusieurs fêlures très nettes mais aucune côte ne semble cassée. Tu n'auras pas besoin qu'on les remette en place. Ça devrait se consolider rapidement si tu ne fais pas d'effort jusqu'à demain, si tu ne soulèves rien de lourd et si tu évites de trop bouger.
- Mais je peux monter sur une moto lancée à toute allure, sans problème ?
Mon sarcasme le fait sourire.
- J'espère que ça ta servi de leçon.
- C'est le genre de leçon qu'on inculque à coup de masse dans les côtes. J'ai saisi.
Il ne relève pas cette fois et change de sujet si soudainement que ça me laisse un rien perturbé.
- Pourquoi te bats-tu toujours contre Kaname ?
Remettant ma chemise en place, je réponds, un peu perplexe :
- Ce n'est pas moi qui choisi, c'est lui qui m'attaque.
- Est-ce qu'il y a une raison pour qu'il t'agresse à chaque fois ?
- Si il y en a une, il n'a pas trouvé utile de me la donner.
Il hoche la tête, acceptant cette réponse.
- Ne reste jamais seul avec lui, me dit-il alors sur un ton calme mais qui laisse entendre que c'est un ordre. Il n'hésitera pas à te tuer et tu es encore trop jeune pour te défendre.
- Je trouve pourtant que je ne m'en suis pas trop mal sortis...
- Oui, tu es rapide et tu encaisses bien, mais il a des années d'entraînement au combat derrière lui et il est plus dominant que toi. Il te tuera sans aucune hésitation.
- Je sais.
Cette triste réalité me poursuit depuis le tout premier coup de poing qu'il m'a donné...
Alors qu'on discute ainsi la douleur de mes blessures n'a toujours pas cessé. Je tente de la contenir mais rien ne sert de cacher à son Alpha ce qu'il peut parfaitement percevoir. Sans me prévenir, il vient poser sa main sur mon cou. C'est un geste que je n'autorise qu'à lui. On m'a bien mis en garde contre le fait que notre plus grand faiblesse est notre gorge. On peut nous briser la nuque en un instant et un loup avec la nuque brisée reste mort. C'est donc un geste aussi dominateur pour lui qu'une preuve de confiance pour moi, de le laisser faire.
Et je fais bien car dès son contact, j'ai la sensation qu'une brise chaude et confortable balaye ma souffrance et la diminue jusqu'à ce qu'elle soit presque insignifiante. Kei-san use du lien de la meute qui nous relie pour me transmettre une sensation d'apaisement et de bien-être. Il n'a pas besoin de me toucher pour ça, mais c'est plus efficace et plus rapide que par la pensée. Malheureusement, il finit par retirer sa main et me désigne un fauteuil.
- Assieds-toi et mange. On va parler.
Je m'exécute et accepte l'assiette couverte de six sandwichs au rosbif qu'on me tend. La conversation reprend, comme si nous ne l'avions pas interrompue et personne ne trouve utile de nous informer de ce qui a déjà été dit.
- Si l'un d'eux franchit la limite, on le tue, tout simplement, déclare l'un des loups
- Ah, ouais et tu comptes t'en charger ?, demande un autre. Si c'est un des jeunes, pas de problème, mais tu feras quoi si c'est l'un des plus dominants ? Il te tuera, tout simplement.
- Personne ne va tuer personne, intervient alors Kei-san. Je leur ai donné une limite à ne pas franchir en espérant que Shoda saura les obliger à la respecter. C'est aussi pour moi une façon de le mettre au défi de prouver qu'il a du contrôle sur sa meute. Il en a conscience, il les forcera à obéir.
- Mais si l'un d'entre eux n'obéit pas ?, demande un autre loup. Comme ce Kaname par exemple. Il n'en fait toujours qu'à sa tête.
Comme toujours, entendre le prénom de celui qui m'obsède attire mon attention et je pose les yeux sur celui qui vient de parler. Il ne l'aime pas du tout, je le sens, je le vois, mais je note aussi que ses épaules ne sont pas assez tendues, signe qu'il n'est dans une rage homicide. Il n'est pas prêt de tuer Kaname. Il sera sans doute prudent en sa présence et évitera de se retrouver victime de ses poings ou de ses crocs.
- Shoda le surveillera de près, déclare Hayate de sa voix tranquille, assis sur l'accoudoir d'un fauteuil libre.
- Oui, confirme Kei-san. Il sait très bien que si c'est Kaname qui franchit la limite, je le tuerai sans hésiter. Ce loup est un problème et si il nous provoque aussi ouvertement, il n'y a aucune raison pour que je le laisse vivre impunément.
- Rien de mieux pour déclarer une guerre, dis-je d'un ton ironique.
Je ne peux pas m'en empêcher. Je déteste qu'on parle de tuer Kaname. Je déteste que ces hommes que je respecte, pour la plupart, osent envisager de mettre à mort une personne qui m'est si chère. Oui, aussi paradoxal que cela soit, Kaname compte énormément pour moi.
- Si Kaname ou un autre de ces sales cabots franchit la limite, déclare un loup, alors ce sera déjà une déclaration de guerre. On ne ferait que réagir à l'agression en tuant celui qui a osé.
- Tu voudrais qu'on laisse les Kuroi Tenshi nous provoquer sans réagir ?, me demande Kei-san, l'air attentif à ma réponse.
Je m'appuie lentement contre le dossier de mon fauteuil, repoussant la douleur qui revient lentement au gré des minutes à sa puissance initiale. Pour apaiser ma douleur, il faudrait plus que le contact bienveillant de mon Alpha. Mon regard se pose d'ailleurs sur lui pour lui répondre.
- Ils ne sont pas les seuls à provoquer. On les provoque tout autant. Ils sont moins pondérés que nous et pourtant, ils n'ont tués aucun d'entre nous depuis la trêve. Pourquoi être les premiers à faire couler le sang ? Une guerre ne nous apporterait rien que des morts et le risque de se faire repérer par les gens.
- Les gens ?, s'étonne Kei-san avec un sourire amusé. Tu veux dire les humains ?
- C'est pareil, dis-je avec un geste négligeant de la main.
Il a l'air de trouver amusant que je considère ça « pareil » mais ne commente pas car un autre prend la parole.
- Dans un sens, le petit a raison.
Le « petit »... Voilà bien un surnom dont je me passerai bien. Mes nerfs sont déjà à vif avec la douleur qui augmente et ça m'agace assez pour que je réplique avec sarcasme :
- Le petit est peut-être plus intelligent que vous qui ne pensez qu'à foncer dans le tas.
Hayate pose un regard indéchiffrable sur moi et je sais qu'il lit mes émotions pour être prêt à toute éventualité. Il s'assure ainsi, toujours, d'éviter les débordements. Et ça lui permet de connaître tous les problèmes de la meute dans le détail. Sans doute lit-il en moi l'amertume et l'agacement d'être considéré comme le plus jeune de la meute. Sans doute en prend-il note quelque part dans son esprit afin de comprendre mes agissements à l'avenir. Je préfère l'ignorer ouvertement. Qu'il m'analyse si ça lui chante.
- Te prends pas non plus pour un génie, réplique un des vieux loups. On a bien plus d'expérience que toi au contact d'autres meutes. Les Kuroi Tenshi sont indisciplinés et ont des comportements dangereux.
- Ouais, alors on devrait les tuer un à un, histoire de se débarrasser du problème. Pourquoi pas foutre carrément le feu à leur QG ? Oh, mais j'y pense... parce qu'on n'est pas des sauvages !
- Shinichi, ça suffit, déclare Kei-san avec douceur.
Il s'approche et pose sa main sur ma nuque. La douleur que je ressens s'allège immédiatement mais ne disparaît pas totalement. L'Alpha me lâche trop rapidement à mon goût et vient s'asseoir dans le fauteuil dont Hayate occupe l'accoudoir.
Encore troublé par mon agacement, par la douleur et la sensation d'apaisement qui a suivit, j'aperçois le regard qu'Hayate pose sur notre chef, un très court instant. Un drôle de regard. Quelque chose qui m'évoque l'admiration ou la vénération mais qui disparaît l'instant suivant.
La douleur me cause peut-être des hallucinations ou exagère mes perceptions...
- Ce qui se passera durant la pleine lune ne concerne que moi, reprend Kei-san. Vous n'attaquerez pas sans mon autorisation, même si un loup étranger dépasse la limite que j'ai fixé.
C'est un ordre et certains hochent la tête pour dire qu'ils ont compris. Moi, je me contente d'avaler du rosbif, histoire de me gaver de protéines et d'accélérer ma guérison.
- Au fait, chef, reprend un loup dans le silence qui suit. C'était quoi cette coupure de journal que tu lui as montré ? Y a eu un mort ?
- Tu n'es pas au courant ?, réplique un autre sans laisser à l'Alpha le temps de répondre. Ça s'est passé dans un petit village, à quelques minutes d'Osaka. Un humain s'est fait dévorer.
- Je dirai plutôt massacré, intervient Kei-san. Celui qui a fait ça l'a torturé avec ses crocs et ses griffes avant de l'achever. Les journalistes parlent d'une meute de chien sauvage mais c'est un loup-garou qui a fait ça.
- Un loup-garou en aurait mangé une grande partie, non ?
- Un loup ou un chien l'aurait fait. Un loup-garou est tout à fait capable de ne pas en avaler un morceau. Le meurtre n'existe pas dans le monde animal. Seul l'humain tue pour le plaisir.
- Est-ce qu'il y a eu tentative de transformation ?
C'est moi qui pose cette question et tous les regards se tournent vers moi. Je ne détourne pas les yeux, maintenant ma question. Torturer quelqu'un pour tenter de le transformer, c'est de la pure cruauté. Quand on décide de s'attaquer à un humain dans l'optique de le changer, on use d'une attaque violente, brutale mais aussi rapide que possible. L'acte est déjà cruel en soi, ce serait déshonorant d'en rajouter.
- Non, répond finalement notre Alpha. Il a été torturé puis achevé. On ne lui a pas laissé la moindre chance de se relever un jour.
J'incline la tête pour signifier que j'ai compris et continue mon repas, sans aucun appétit. Cette discussion ne fait que me rappeler l'attaque que j'ai moi-même subit il y a deux ans et qui m'a changé en loup-garou. Je n'ai pas peur de mes frères, qu'ils soient de mon clan ou d'un autre. Je n'ai pas peur non plus de ma propre nature, même si je reste prudent en ce qui la concerne. Mais ce loup-là, celui qui m'a attaqué, me donne encore des cauchemars... Je le chasse de mes pensées et m'intéresse à nouveau à la conversation qui s'est poursuivie sans moi.
- ...pensé qu'il pourrait s'agir d'un loup solitaire ?, demande un des anciens.
- C'est s'est déjà vu, approuve un autre. Un loup solitaire qui pète un câble et s'attaque à des humains.
Cette théorie m'intéresse car elle dédouanerait les loups de ma meute, que je connais et que je détesterais soupçonner, et elle rendrait Kaname innocent. Et ça, ça éviterait sa mise à mort prochaine.
- Il y aurait beaucoup plus de mort, répond Kei-san.
- Combien ?
Ma question laisse un froid et Hayate croise mon regard avant de répondre.
- Des dizaines.
- Et ça ne cesserait d'augmenter au fil des jours, approuve Kei-san. Un loup qui perd les pédales devient incontrôlable. Il attaque sans distinction, par faim parfois, par rage homicide ou simplement parce qu'il devient paranoïaque. Il finirait par attaquer en public et en plein jour, sous forme de loup. Jusqu'à ce que quelqu'un le tue enfin, ou jusqu'à ce qu'il tombe raide mort.
Je fronce les sourcils, dans l'incompréhension.
- Comment un loup pourrait mourir d'un coup si personne n'intervient ? On est censé être immortel.
Kei-san s'enfonce dans son fauteuil et inspire profondément, comme il le fait souvent avant d'expliquer des points compliqués à un novice. Je m'attends donc à entendre des détails sur ma nature de loup-garou que j'ignore encore.
- Je t'ai déjà dit qu'un loup-garou n'est ni un humain, ni un loup. Il est les deux et un seul à la fois.
- Ouais.
- Ton loup n'est pas une autre personne. C'est ton toi animal, sauvage, tandis que celui à qui je parle en cet instant est ton toi réfléchit et raisonné.
Je hoche la tête, connaissant déjà cette partie de la leçon sur ma nature.
- Tu as en quelque sorte deux personnalités, mais qui interagissent l'une avec l'autre. Tu peux parler à ton côté sauvage et le raisonner, tout comme ton loup peut t'influencer pour que tu réagisses avec instinct à une situation. Vous êtes un tout, unique et dissemblable à la fois.
Tous les autres écoutent avec autant d'attention que moi. Peut-être aiment-ils entendre cette explication, ou simplement sont-ils fascinés par la complexité de notre nature. A moins qu'ils soient juste curieux d'entendre les paroles que Kei-san utilise pour expliquer ce concept plutôt compliqué.
- Mais il y a une règle à connaître, une règle importante : l'un ne peut pas vivre sans l'autre. Si tu refoules ton loup, si tu lui refuses le droit de sortir, si tu luttes contre les effets de la pleine lune à coup de balle en argent pour empêcher la transformation... tu finiras par te perdre et devenir fou. Et ton loup frustré prendra les rênes sans ton accord et refusera de te faire confiance à nouveau pour que tu le libères. Ton loup a besoin d'exister tout autant que toi. Quelque soit la façon dont tu t'y prends, si tu pousses ton loup a prendre le contrôle total de votre corps, tu n'existeras plus. Et si tu n'existes plus, lui ne peut pas vivre sans toi. Il perdra ses repères, deviendra plus sauvage que jamais, enragé, incapable de discerner le bon du mauvais, le jour de la nuit, l'ami de l'ennemi... puis au summum de sa rage, son cœur lâchera et il tombera raide mort.
C'est effrayant et je comprends tout de suite mieux pourquoi on nous pousse à contrôler notre loup tout en le laissant sortir, pourquoi on nous enseigne à faire confiance à notre part animale tout en restant prudent face à son influence.
- Vous en avez déjà connu ? Des loups qui perdent tout contrôle, dis-je sans m'adresser à personne en particulier.
Tous secouent la tête, sauf trois. Kei-san, Hayate et un vieux loup. Ce dernier déclare d'une voix sombre.
- C'était un de mes plus vieux amis, celui qui m'a transformé. Sa part humaine était lasse de vivre après plusieurs siècles, sa part animale non. Il a raté son suicide et son loup ne lui a plus laissé reprendre le contrôle. Il a massacré tout un village avant qu'on parvienne à le maîtriser.
L'histoire fait froid dans le dos mais je tourne les yeux vers Kei-san et Hayate qui ont tous deux le visage grave, même si chez ce dernier, c'est moins visible.
- On en a croisé plusieurs, répond mon Alpha à mon regard insistant, sans donner plus d'explication.
Ce « on » comprend sans doute Hayate et je me demande si ils les ont connu ensemble. Depuis combien de décennies se fréquentent-ils ? Je n'en n'ai aucune idée. Mais parce que je sais que Kei-san n'en dira pas plus, j'en viens à la question qui me brûle les lèvres et qui m'a poussé à amener ce sujet.
- Est-ce que Kaname pourrait en arriver là ?
Face à l'étonnement de mes compagnons de meute, je reste focalisé sur l'Alpha et son second, qui eux, sont toujours stoïques.
- Il se contrôle mal, dis-je pour expliquer ma question. Son loup l'influence beaucoup dans ses émotions, mais il semble lui-même le refouler, comme si il détestait cette part de lui. Je l'ai bien observé.
- Il laisse son loup sortir à chaque pleine lune, déclare enfin Kei-san d'une voix prudente, comme si il cherchait ses mots et réfléchissait en même temps. Shoda le surveille de près, on en a eu la preuve ce soir. Je pense qu'on n'a rien à craindre dans l'immédiat mais ça ne pourra évidemment pas durer. Il finira par commettre un crime sous le coup de la colère ou à se transformer simplement parce qu'on le prend par surprise. A ce moment-là, on ne pourra plus le laisser vivre. Mais pour l'instant, il n'est pas à la limite de devenir un loup-homicide. Et si ça doit arriver, Shoda fera le nécessaire.
- Tu sembles lui faire confiance sur ce point, intervient un ancien. Qui te dit qu'il le fera ?
- Mon instinct, réplique Kei-san. Shoda a de l'affection pour Kaname, sans doute parce qu'il connaît son passé et ce qui l'a rendu tel qu'il est. Mais il a une meute entière à protéger. Il le tuera pour le bien de tous si il y est forcé.
Hayate approuve d'un hochement de tête et ce simple geste me certifie que c'est la vérité. J'ai passé beaucoup de temps à observer Kaname mais peu de temps à faire de même envers son Alpha. Je le connais donc mal. Hayate, par contre, a du l'examiner attentivement et en venir à la même conclusion. Pour moi, c'est comme un coup de poignard en plein cœur et un soulagement en même temps.
Si Shoda décide de tuer Kaname, je serai incapable de l'en empêcher. Mais je sais désormais que si il le fait, c'est que Kaname aura disparu. Il ne restera de lui que sa part sauvage. J'ai beau aimé cette part de lui, je le veux en entier ou pas du tout.