Bonjour à tous/toutes !
J'ai le plaisir de partager avec vous le premier chapitre d'une mini-fiction de 6 chapitres.
J'avoue que c'était à la base une fanfiction UA (honnêtement, les personnages n'avaient de rapport avec les originaux que leurs noms !) à laquelle j'ai essayé de modifié les prénoms, si anomalie il y a, n'hésitez pas à me le dire :D
J'accepte évidemment toutes critiques, et vous dit à bientôt pour le prochain chapitre !
Save the last dance for me
Chapitre 1
Le corps s'éleva majestueusement, virevoltant avec fluidité sous la lumière tamisée des projecteurs qui projetaient son ombre gracieuse sur la scène sombre, sur laquelle il prit de nouveau pied. Sa silhouette élégante se mouvait avec une beauté particulière, tourbillonnant et tournoyant dans tout l'espace sans jamais perdre de sa grâce. Les gestes étaient raffinés, et s'enchaînaient dans une pureté presque irréelle. Seul sous les spots à peine assez lumineux pour dévoiler les contours de son être, le danseur livrait au public le dernier solo du spectacle, en une magnifique chorégraphie, précisément modulée au rythme de la musique entêtante qui emplissait le théâtre, et l'alliance parfaite de la danse et la mélodie créait ainsi l'illusion d'un univers hors du temps, où l'on perdait toute notion de temps et d'espace.
C'était en quelque sorte la consécration du jeune homme, qui clôturait avec brio ce ballet national de l'Opéra de Berlin, devant des milliers de personnes déplacées de loin pour l'occasion. Son nom était sur toutes les bouches, son talent imprimé sur toutes les rétines, et sa beauté dans tous les cœurs. Il s'élança une dernière fois, avant de disparaître en coulisse à l'instant précis où la dernière note s'estompait dans l'air, salué par un tonnerre d'applaudissement. Ovationné debout durant de longues minutes, c'était tout ce dont il avait rêvé, un peu comme l'accomplissement d'un rêve – son rêve. Il touchait presque du doigt ce but qu'il était à une phalange d'atteindre, mais ce que les spectateurs ne virent pas, c'était le corps qui s'effondrait en coulisse dans une plainte de douleur. L'espace d'un instant, sa perfection avait été brisée, et subjugué par sa danse, personne ne l'avait remarqué.
L'image se flouta et l'écran devint noir.
« Je crois que j'ai repéré à quel moment c'était » La voix masculine troubla la sérénité de la chambre « ce mec est vraiment un pro » rajouta avec respect Luka, le propriétaire de la voix.
Tom soupira, et étira le bras pour attraper la télécommande qui gisait à terre, sur la moquette beige, et se rallongea correctement à plat ventre sur le lit, soutenant son menton d'une main, et de l'autre appuyant sur la touche « arrière ».
L'image défila à l'envers, lentement, laissant le temps aux deux habitants de la pièce d'examiner attentivement ce qui se déroulait sur la télévision.
Luka s'en rapprocha, s'agenouillant juste devant.
« Là juste là, stop » Il pointa le danseur du doigt et tourna le visage vers Tom « Regarde bien la position que prend son pied, c'est à ce moment qu'il s'est blessé ».
Tom délaissa le matelas moelleux pour s'accroupir à côté de l'autre jeune homme.
« Il faut vraiment y prêter attention pour s'en rendre compte» remarqua-t-il « Il est vraiment formidable »
Luka lui adressa un sourire narquois « tu craques vraiment pour lui, hein Tom ? »
L'interpellé roula des yeux et croisa les bras en les ramenant sur son torse, affichant une mine boudeuse.
« Arrête avec ça » grogna-t-il alors que ses joues viraient au rose pâle « Je constate, c'est tout »
« J'aimerai vraiment réussir à atteindre son niveau » Luka détourna le sujet et Tom l'en remercia mentalement, il n'était vraiment pas à l'aise avec ce sujet là. « Juste, regarde-le, c'est le meilleur. Du moins c'était le meilleur. Un tel professionnalisme, ça mérite le respect, même si c'est en même temps une énorme folie. »
Tom haussa un sourcil dans sa direction, l'intimant implicitement à s'expliquer plus clairement.
« C'est une simple entorse, tu sais. Ca arrive relativement souvent, sauf que tout danseur sait qu'il ne faut pas continuer à danser sur une blessure non guérie » poursuivit-il « Or il a continué de danser comme si de rien n'était, et non seulement il a du souffrir énormément, mais de plus il a aggravé sa blessure. Ca ne m'étonne pas qu'on ne l'ait plus revu danser depuis des mois » Luka marqua une pause, avant de reprendre « Quoi qu'il en soit, j'espère sincèrement qu'il va se remettre à danser bientôt, il a un talent fou, c'est le meilleur, tout simplement »
Tom hocha la tête, et un léger sourire rêveur étira ses lèvres. « Oui il l'est »
Luka se releva, et tendit la main à Tom pour l'aider à faire de même. Il le gratifia d'un câlin rapide, claquant un baiser sur sa joue au passage.
« J'ai vraiment été ravi de te rencontrer Tom, et j'espère qu'on trouvera le moyen de garder le contact, et tu remercieras encore ta mère pour tout ce qu'elle a fait pour moi »
Tom baissa les yeux, gêné. Il n'aimait pas les adieux, vraiment pas, mais il commençait à en prendre l'habitude, avec les années.
« Au revoir. J'espère que tu t'en sortiras bien »
Luka lui adressa un dernier signe de main avant de disparaître hors de la chambre, et Tom savait déjà que ce serait la dernière fois qu'il le verrait. Il secoua la tête, chassant cette triste constatation, et s'affala sur son lit. Il relança la vidéo pour la millième fois depuis plusieurs mois, et se replongea dans sa contemplation admirative.
[…]
La femme d'une quarantaine d'année se tenait dans l'encadrement de la porte, observant son fils de dix-sept ans d'un air songeur. Il n'allait pas bien depuis quelques mois, et elle en devinait parfaitement la raison. Preuve en était qu'il était encore en train de regarder cette vidéo, allongé sur le lit et serrant son oreiller entre ses bras. Il avait développé une véritable obsession pour ce jeune danseur, une admiration teintée d'une bonne dose d'amour, soupçonnait-elle, et elle n'aurait pu dire si c'était plutôt néfaste ou bénéfique.
Elle se dirigea jusqu'à lui d'une démarche gracieuse, et s'assit délicatement sur le matelas trop mou. Sa main se faufila dans le paquet de dreads qui constituait la chevelure de Tom, et il tourna le visage vers elle.
« Oh Maman » Il lui adressa un faible sourire et coupa la vidéo, focalisant son entière attention sur sa mère.
« Luka vient de partir, vous aviez l'air de particulièrement bien vous entendre, est-ce que ça va ? »
Tom roula pour s'allonger sur le dos, et se mordit la lèvre.
« Je me suis toujours lié d'amitié avec tous tes élèves qui ont défilés ici, Maman, alors je suis genre, blasé. »
« Oh » Simone secoua tristement la tête « Je suis désolée de t'infliger ça à chaque fois »
Tom se redressa face à elle, et planta son regard dans le sien.
« Tu n'as pas à t'en vouloir, Maman. C'est ton métier, ta passion, et c'est tout. »
Ils se sourirent tendrement durant quelques minutes, et Simone brisa le silence qui régnait.
«Allez, viens donc manger, je ne voudrais pas laisser dépérir mon fils unique »
[…]
Tom balança son sac de cours quelque part dans le hall, et se dirigea immédiatement vers le salon pour s'affaler sur le canapé, harassé par ses longues et ennuyantes heures de cours. L'heure de physique avait été particulièrement soporifique, et il était bien heureux de retrouver le confort chaleureux de sa maison. Il s'affala davantage au fond du canapé, et alluma la télévision, décidant que regarder une émission stupide d'MTV était une bonne idée pour se détendre.
Sa mère était sûrement dans son studio de danse, aménagé à l'autre bout de la maison pour plus de tranquillité. Elle était une ancienne danseuse professionnelle de haut niveau, et, bien qu'à la retraite, elle accueillait volontiers des danseurs pour les aider. Généralement, des anciens blessés, qui avaient besoin d'elle pour se remettre à niveau après une longue convalescence. Bien que reléguée à l'oubli par le public ingrat, les plus jeunes qui avaient grandi en l'admirant se tournaient tout naturellement vers elle lorsqu'ils avaient besoin de son expérience.
Elle s'était installée dans un village à plusieurs kilomètres de Berlin, pour goûter à la quiétude loin de l'agitation de la capitale, et avait ouvert son studio de danse à domicile. Pas de publicités, non, sa clientèle se formait grâce au bouche à oreille dans le monde de la danse. En fait, elle n'accueillait chez elle qu'un élève à la fois, histoire de pouvoir y consacrer son temps et son enseignement. Il vivait alors généralement avec elle et Tom, occupant la chambre adjacente à celle de ce dernier. C'était en toute simplicité qu'il finissait par s'intégrer à la vie de famille, et à nouer des liens avec Simone et Tom.
Jusqu'à ce qu'il parte.
Tom allait au lycée du village voisin, prenant le bus tous les matins pour y accéder. C'était un lycée assez petit, et il ne s'y sentait pas vraiment à sa place, ne s'y étant pas fait de réels amis, à une exception près, sûrement à cause de sa personnalité particulière, mais il n'y prêtait pas vraiment attention. Sa vie était chez lui, et il nageait dans le monde de la danse, sans jamais y plonger. Il admirait de loin, appréciant beaucoup assister à des ballets avec sa mère, mais il ne dansait pas. Ce n'était pas qu'il n'était pas doué, c'était juste qu'il n'en avait pas l'envie. Il savait juste reconnaître le talent quand il le voyait, et il aidait parfois sa mère pendant ses cours. Son rôle s'arrêtait là, et il s'en contentait.
Sa relation avec la danse était donc toujours restée assez distante, bien que son existence y ait toujours été indéniablement mêlée, jusqu'au jour où il L'avait rencontré. Il y avait trois ans de cela, pour fêter ses quatorze ans, sa mère l'avait emmené assister à un grand ballet à Berlin, et c'est là qu'il avait totalement succombé à son charme.
Il s'en souvenait comme si c'était hier, la moindre seconde du spectacle encore ancrée nettement dans sa mémoire. Il lui suffisait de fermer les yeux pour visualiser ces quelques heures qui l'avaient marqué à jamais.
Ses yeux errèrent sur le plancher clair de la pièce illuminée par l'agréable soleil du mois de mai, et il se mordit la lèvre alors qu'un de ses souvenirs reprenait forme dans son esprit.
Trois ans plus tôt
Tom n'aurait su dire lequel de sa mère et lui était le plus excité par le spectacle à venir. Cela faisait plusieurs mois qu'ils ne s'étaient pas octroyé le plaisir d'assister à une représentation de danse, et ils se sentaient tous les deux merveilleusement bien à leur place, confortablement installés dans les fauteuils de velours rouge à un mètre de la scène. Ils étaient peut être placés un peu trop près au goût de certains, mais ça leur plaisait. Surtout à Tom qui adorait être assez proche pour distinguer le visage des danseurs, leurs expressions, et le moindre frémissement de leur corps. Il n'était pas là pour admirer la technique, mais pour apprécier la beauté de la danse, contempler la façon dont les corps se mêlaient avec souplesse, et se laisser emporter pour le tourbillonnement de sensations que cela provoquait en lui. Il aimait cette impression de perdre pieds petit à petit, au fur et à mesure de la chorégraphie méticuleusement orchestrée.
Enfin, les lumières qui éclairaient le parterre s'éteignirent, plongeant le public dans une relative l'obscurité. Les conversations se muèrent en chuchotements puis se turent lorsque que les premières notes de musiques s'envolèrent et que les larges rideaux rouges qui camouflaient la scène s'écartaient. Tom s'enfonça plus profondément dans son siège alors que des projeteurs illuminaient la scène, et les danseurs encore immobiles. La lumière se tamisa et la musique devenait sombre, pesante, engendrant une certaine appréhension chez les spectateurs.
Puis un danseur, au centre des autres qui posaient encore, exécuta un lent mouvement, et Tom frissonna. Un battement de cœur plus tard, la scène était affolée d'une agitation étourdissante et Tom s'y noya presque. Ses yeux valsaient d'un danseur à un autre, leurs visages défilant sur sa rétine sans s'y imprimer, n'étant pas celui qu'il recherchait. Finalement, son regard tomba sur celui qu'il cherchait, le premier à avoir bougé, et il ne s'en détacha plus.
Il avait un petit quelque chose en plus, et cela crevait tellement les yeux de Tom qu'il se demanda si tout le monde n'avait pas, comme lui, son regard braqué sur lui. Il possédait ce petit supplément de grâce qui faisait toute la différence, un talent supérieur à celui des autres, qui le rendait resplendissant au milieu d'eux, et surtout, il respirait la beauté par tous les pores de sa peau. Même cet air concentré et ses yeux fixés vers un point invisible n'ôtaient rien à la perfection de la finesse de ses traits, et la lumière blanche qui s'abattait sur lui faisait ressortir le satiné de sa peau.
Tom se félicita de s'être encore une fois assis le plus près possible, et se redressa en penchant légèrement la tête sur le côté pour davantage se concentrer sur le jeune homme qui éclipsait de son esprit tout le reste du ballet. Il ne voyait plus que lui, et le tableau aurait pu durer quelques minutes comme quelques heures, que le moment où les rideaux se refermèrent pour l'entracte lui aurait de toute façon paru trop rapide.
Il se laissa retomber en arrière contre son dossier et croisa les bras sur son torse, attendant impatiemment que le spectacle reprenne. Il grinça des dents et sa mère lui adressa un haussement de sourcil interrogateur auquel il répondit d'un signe évasif de la main. Il lui en parlerait plus tard, ce n'était pas vraiment le moment.
[…]
Tom et sa mère étaient sur le chemin pour retourner chez eux. Ils approchaient de leur destination et n'arrêtaient d'échanger vivement leurs impressions sur le spectacle auquel ils avaient eu la chance d'assister. La voiture s'engagea sur une petite route sinueuse, éclairée par ses seuls phares, et Tom se résolut enfin à poser la question qui le taraudait depuis la première minute du spectacle. Il se mordit nerveusement la lèvre, et se lança :
« Maman ?»
Elle lui adressa un bref regard, signe qu'il avait son attention, avant de le reporter sur la route.
« Tu vois le premier danseur qui a dansé, au début du ballet ? »
Sa mère fronça les sourcils « Vaguement, tu sais, je me rappelle pas du moindre détail mon chéri. Pourquoi ? »
Tom se tortilla sur son siège, peu emballé à l'idée de révéler que cet inconnu le fascinait démesurément. « Alors, tu sais pas qui c'est ? »
« Non, désolée. C'est important ? Je peux demander si tu veux, j'ai toujours autant de contacts »
Tom la gratifia d'un gigantesque sourire qu'elle aperçut du coin de l'œil, déclenchant le sien.
« Je fais ça alors. Dis-moi, il t'a tapé dans l'œil ce jeune homme ? » Le taquina Simone.
Tom se renfrogna et tourna la tête vers la fenêtre, se perdant dans la contemplation de l'obscurité.
« N'importe quoi » marmonna-t-il, provoquant l'hilarité de sa mère.
« Alors ça, c'est la meilleure »
[…]
Quelques jours s'enchainèrent dans la monotonie du quotidien avec une rapidité surprenante. En ce mois d'août, la chaleur écrasante empêchait Tom de pratiquer une quelconque activité enrichissante, et il passait son temps affalé sur son lit, comme maintenant, à rêver à ce beau jeune homme qui le hantait nuit et jour – surtout la nuit. Ses joues prirent une teinte carmine alors qu'il soupirait d'aise en repensant à son dernier rêve, celui où les mains du danseur s'aventuraient partout sur son corps en caresses aériennes. Ce n'était pas grand-chose, ce n'était clairement pas un rêve érotique, mais il trouvait cela terriblement agréable, et perturbant en même temps. Jamais un homme ne lui avait provoqué de telles émotions, ni même une fille d'ailleurs. C'était étrange, et il se redressa soudainement, choqué. C'était clairement plus qu'étrange, c'était :
« Foutrement terrifiant »
« Langage Tom ! » le réprimanda Simone en pénétrant dans la chambre du jeune homme, avant de refermer la porte derrière elle. Elle se dirigea jusqu'au lit de Tom sur lequel elle s'assit, son épaule frôlant celle de son fils qui se laissa retomber en arrière, plaquant ses mains sur son visage pour dissimuler la rougeur de ses joues.
« Alors, qu'y-a-t-il de si effrayant ? » tenta-t-elle en se penchant vers Tom « Raconte tout à ta maman adorée »
Tom grogna en guise de réponse, et se tourna sur le flanc pour lui tourner le dos.
« Ca n'aurait pas un rapport avec cet intriguant jeune homme, par hasard ? »
« Je vois pas de quoi tu parles » marmotta Tom entre ses dents.
« Vraiment ? Tu sais, celui qui ''dansait si merveilleusement bien'' et qui était ''incroyablement beau''. Oh, j'oubliais qu'il était aussi ''superbement gracieux'' »
Tom fit volte-face et se retrouva face à sa mère
« Okay, j'abdique » Il baissa les yeux « Je comprends pas Maman » chuchota-t-il « Je comprends pas pourquoi il me fait cet effet-là » précisa-t-il de manière presque inaudible.
Simone caressa distraitement ses cheveux, et sourit avec tendresse. « Tu sais, il n'y a pas de soucis si tu es gay » rajouta-t-elle le plus doucement possible, tentant de le ménager.
Tom écarquilla les yeux, et resta bouche bée « Quoi ? Maman non ! »
Visiblement, elle avait été légèrement trop directe, et elle adoucit ses propos.
« Réfléchis un peu Tom, si tu es si obsédé par lui, c'est qu'il y a une raison derrière cela. Il est peut-être juste celui qui te fait ouvrir les yeux sur ta préférence… »
« Je ne suis pas obsédé par lui ! » répliqua vivement Tom.
« Je suis certaine que tu n'as fais que penser à lui durant cette semaine écoulée depuis le ballet, et tu n'as fais que me parler de lui, conjecturant inlassablement sur sa vie, ses passions, sa vie amoureuse… Alors ne nie pas, s'il te plait »
Le jeune adolescent enfouit sa tête dans son oreiller et gémit plaintivement «Je suis obnubilé par un mec dont je ne connais même pas le prénom »
« Gabriel. Tu le sais maintenant, son prénom. Je venais pour te dire ça, j'ai appelé une amie qui m'a tout raconté sur lui, du moins, ce qui est racontable. On en parlera plus tard, d'accord ? Je vais faire à manger »
Tom acquiesça faiblement, ne saisissant même pas le sens de la fin de sa phrase, le seul mot résonnant dans sa tête se résumant à « Gabriel ». Il sourit niaisement, il aimait bien ce prénom, et la manière dont il fallait caresser son palais du bout de la langue pour le prononcer. Il le répéta une nouvelle fois, avant de replonger dans son tourbillon de pensées.
[…]
Sa mère lui apprit que Gabriel avait à peine dix-huit ans, que son nom de famille était Kaulitz, et qu'il était l'étoile montante qui ferait énormément parler de lui dans le milieu dans les mois à venir.
Et cela se révéla vrai, en à peine quelques mois, son nom était sur toutes les lèvres des amateurs de danse, et animait la majorité de leurs conversations. On l'adulait, ou on le haïssait, mais il n'y avait pas de juste milieu, Gabriel Kaulitz ne laissait personne indifférent, et comme toute personne qui connait le succès et suscite l'admiration, il éveillait aussi la jalousie et, par extension, la haine.
Il s'approchait du sommet et de la réussite en un temps record, et cela agaçait royalement certains danseurs qui travaillaient d'arrache-pied depuis des années sans parvenir à son niveau. Mais ils avaient beau lui reprocher tout ce qu'ils voulaient, d'être trop prétentieux, précieux et ambitieux, à tort ou à raison, il y avait indéniablement une chose qu'ils ne pouvaient lui retirer, son talent. Celui-là même qui les rendait fou de jalousie et les faisait jaser.
Tom, de son côté, engrangeait le plus d'information possible à son sujet, se documentant dans les revues spécialisées, se renseignant sur son compte par le biais de sa mère et des ses contacts, et en fouillant les sites dédiés à la danse. Il ajouta à sa liste de connaissance que Gabriel était enfant unique, qu'il était en couple depuis quelques mois avec un autre danseur du nom d'Andreas, et surtout, il tomba sur des photographies prises en dehors de son travail, et il en resta émerveillé.
Gabriel avait son propre style que Tom adorait déjà, qu'il arbore une chevelure qui ressemblait fortement à une crinière, ou qu'il laisse ses cheveux lisses, il le trouva beau encore davantage qu'avant, avec ses yeux cerclés de noir qui lui donnait un regard intriguant, et ses vêtements qui moulaient indécemment son corps. Pour son plus grand malheur, Gabriel était terriblement sensuel et il était loin de le laisser de marbre.
[…]
Le temps était passé, et Tom avait fêté ses seize ans une semaine plus tôt, en comité extrêmement restreint, c'est-à-dire avec sa mère, et le danseur qui s'était installé il y avait de cela un mois. Sa mère étant la fille unique d'une fille unique, Tom n'avait pas de cousins, ni vraiment de famille, mis-à-part sa mère. Il était le descendant de plusieurs générations de danseuses, et d'un père qu'il ne connaissait pas, et qu'il ne voulait pas connaître. Il aimait sa vie, et sa complicité avec sa mère, et c'était tout ce qui lui importait.
Aujourd'hui, c'était la rentrée, et il angoissait énormément, il n'avait pas réussi à nouer des liens d'amitié au collège, y parviendrait-il au lycée ? Il en doutait totalement, et il avait juste envie de se retrouver à des kilomètres de ce large portail vert qu'il haïssait déjà. Débarquer en seconde à déjà seize ans n'allait pas lui faciliter la tâche, il le savait. Il se retrouvait avec une année de plus que les autres depuis qu'il avait redoublé sa sixième et il semblait que ces douze petits mois de plus créaient toujours une barrière infranchissable niveau relationnel entre lui et les élèves de sa classe.
Il prit une profonde inspiration, expira calmement, et se décida à pénétrer dans l'enceinte du lycée. Il l'avait déjà visité lors des portes ouvertes, et il ne se sentit donc pas complètement dépaysé. Il arriva dans la cour, où les élèves se pressaient contre un panneau en bois où étaient punaisées les listes de classes. Il attendit que la foule se désépaississe avant de se frayer un passage jusqu'au panneau, cherchant son nom dans la multitude d'autres. Il le dénicha et récupéra le numéro de la salle de classe dans laquelle il devait se rendre.
Les bâtiments étaient assez petits, adaptés au nombre d'élèves qui fréquentaient le lycée, et il la trouva sans trop de mal. Une vingtaine d'autres personnes poireautaient devant la porte, et ils se retournèrent tous vers lui, le détaillant de haut en bas. Tom soupira intérieurement, il devinait sans peine sur leurs visages ce qu'ils étaient en train de penser, qu'il était accoutré n'importe comment, qu'il était sûrement une petite racaille vu sa tenue et ses dreads, et qu'il était sûrement nul en classe. Mais Tom assumait, enfin du moins il essayait, et il était habitué à subir les reproches des autres qui ne comprenaient vraiment pas son style décalé pour un lycée de campagne, même si cela le blessait à chaque fois. Il ne voulait même pas savoir ce que diraient les autres s'ils apprenaient qu'il avait des fortes tendances gay.
Mais de toute manière, il n'envisageait pas une relation amoureuse pour le moment, il était bien trop obnubilé par Gabriel pour ça, et d'ailleurs c'était le seul homme qui l'ait déjà réellement attiré, et ça lui convenait. Il secoua la tête pour lui-même alors qu'un groupe d'une demi-douzaine de personnes s'approchait d'eux et se stoppa à quelques pas de Tom. Les six adolescents balayèrent du regard l'attroupement d'élèves, les considérants d'un air hautain. Les yeux de celui qui se comportait comme le chef de leur bande tombèrent sur ceux de Tom, et un sourire sadique étira ses lèvres.
« Ho, Trümper, aurons-nous donc la malchance de subir la présence peu hygiénique de tes très chères dreads cette année encore ?»
Tom se renfrogna et se détourna d'eux, fixant un point invisible à l'autre bout du couloir. S'abaisser à leur niveau et leur répondre ne ferait qu'envenimer la situation et l'entraîner dans une joute verbale permanente dont il ne ressortirait pas vainqueur. Il le savait parfaitement, et pour cause, il avait déjà du endurer les sarcasmes et les mauvais coups de ces adolescents durant sa scolarité au collège. Vainement, il avait espéré ne pas les retrouver ici, mais c'était perdu d'avance et il l'avait toujours su. C'était le lycée le mieux côté des rares établissements qui se situaient dans leur campagne, et il était évident qu'ils iraient ici.
Eux, c'était une bande d'adolescents exécrables, fils d'hommes d'affaire riches à souhait qui avaient installé leurs femmes et leurs enfants à la campagne pour se « mettre au vert » après le travail. Et pas question de toucher à un cheveu de leurs progéniture, sous peine de se retrouver avec un procès contre de brillants avocats, dont la paye pour ce seul procès se révélait être le salaire de plusieurs années de celui des accusés.
Ils dédaignaient ceux qui n'étaient pas de leur niveau social, et méprisaient encore davantage ceux qui n'essayaient pas de rentrer dans le moule en suivant ce que la société décidait comme « cool » ou « fashion ». Résultat, ils exécraient Tom, qui leur rendait bien, et prenaient un plaisir vicieux à le couvrir de honte dès qu'ils le croisaient.
« Toujours habillé avec les mêmes fringues largement trop grandes à ce que je vois » poursuivit un dénommé Karl, celui que Tom haïssait le plus.
« T'as toujours pas assez d'argent pour en acheter à ta taille ? Ta danseuse de mère ne s'est pas encore reconvertie en strip-teaseuse pour que vous ayez un niveau de vie décent? »
Tom vit rouge et ses poings se crispèrent, il serra les dents et se força à rester silencieux et immobile, bien que l'envie de démolir Karl lui brûlait, il se devait de ne pas réagir, pour éviter les représailles qui ne manquerait pas d'arriver si il lui portait la moindre pichenette.
Personne ne réagissait pour prendre sa défense, et ça le détruisait encore plus. Il n'avait aucun appui, aucun soutien, et il devinait déjà qu'avant la fin de l'année l'entièreté de sa classe lui aurait au moins une fois fait une remarque désagréable ou blessante.
Il ferma les yeux et fit abstraction du reste, ignorant superbement ceux qui continuaient de l'invectiver. Il détourna totalement son esprit d'eux, se concentrant sur celui qui emplissait déjà ses pensées en permanence. Un léger sourire étira ses lèvres alors qu'il re-visualisait la dernière vidéo qu'il avait vu de Gabriel, filmé pendant un entrainement pour un reportage d'il ne savait plus quel site consacré aux arts de la scène.
Il sentit les élèves se resserrer près de lui et il rouvrit les yeux, constatant que leur professeur venait de se percer un passage parmi les lycéens pour parvenir jusqu'à la porte de la salle de classe qu'il déverrouilla. Ils pénétrèrent dans la pièce et Tom s'empressa de s'installer à la dernière table à gauche, avec vue sur la cour et radiateur. Au moins une bonne chose.
Il était seul, et il apprit plus tard que c'était parce qu'un élève était absent. Il soupira, son répit n'aurait donc qu'une courte durée, et il était déjà las.
[…]
Tom grimpa les marches de l'escalier quatre par quatre et claqua la porte de sa chambre derrière lui. Il était passablement énervé, cette première journée de cours ayant mis ses nerfs à rudes épreuves. Il se demandait s'il n'allait pas supplier sa mère encore une fois de l'inscrire à des cours par correspondance, ce qu'elle avait toujours refusé par le passé.
Il jeta son sac sur le sol et se jeta sur son lit, s'y allongeant en croisant ses bras sous sa tête. La première chose qui attira son attention fut l'absence d'une punaise sur l'un des ses posters accrochés au mur. Et pas sur n'importe quel poster, mais sur celui de Gabriel, le seul qu'il possédait, et qu'il avait récupéré dans un magazine intitulé « Tanz ! », auquel sa mère était abonnée.
Il montrait, sur huit pages, Gabriel en équilibre sur la jambe gauche, sa main encerclant son pied droit, sa jambe tendue en oblique vers le haut, et ses cheveux lâchés retombant en cascade sur ses épaules nues. Tom ne savait déterminer si ce qu'il préférait était le bas de justaucorps très près du corps, ou le torse nu du danseur. Sûrement un peu des deux.
Tom se releva et farfouilla son lit à la recherche de la petite punaise égarée. Lorsqu'il la retrouva, il s'agenouilla en face de l'affiche et la remit à sa place initiale, lissant soigneusement le papier avant d'enfoncer la pointe le plus profondément possible dans le mur. Son doigt glissa sur le papier verglacé, caressant de manière imaginaire le torse imberbe et sûrement doux du danseur. Les yeux de Tom brillèrent et il sourit en se rendant compte à quel point ce simple geste pouvait l'apaiser en lui faisant oublier les problèmes de sa journée.
Gabriel avait le don de le réconforter même dans les pires moments, et il arrivait souvent à Tom de se raccrocher à cet inconnu comme à une bouée de sauvetage qui lui maintiendrait la tête hors de l'eau pour l'amener vers des rivages plus doux et plus beaux. Il éprouvait pour Gabriel une admiration sans limite, et ressentait une forte attirance pour lui, ce qui avait eu pour résultat de l'embarrasser énormément au cours de l'année passée. Il avait eu extrêmement de mal à se faire à l'idée qu'un homme puisse l'attirer, et il s'était remis en question de nombreuses fois.
Heureusement, il avait toujours eu l'appui de sa mère qui, au lieu de le blâmer pour sa quasi-obsession, l'encourageait presque dans cette voie. Tant que ça lui faisait se sentir mieux, elle ne voyait pas le mal, elle considérait que tout le monde avait besoin d'une idole pour guider ses pas, quelle qu'elle soit, et Tom approuvait.
[…]
C'était la deuxième semaine de cours, et Tom restait planté à quelques mètres du portail, incapable de puiser en lui la force d'aller se jeter de son plein gré dans l'arène que constituait, de son point de vue, ce lycée remplis d'adolescents égocentriques et cruels. Il avait juste l'envie de s'enfuir en courant pour éviter ce qu'il nommait la « bande des pétés de thunes », et il décida de le faire. Tant pis s'il allait s'attirer les réprimandes de sa mère, et faire mauvaise impression auprès des professeurs, il décida juste de tourner les talons dans le but de s'éloigner du lycée au plus vite. Dans sa précipitation, il heurta un jeune homme qu'il n'avait pas vu et s'excusa rapidement, honteux.
« Pas de soucis, mais si je ne me trompe pas, le lycée c'est de l'autre côté »
Tom releva la tête vers son interlocuteur et le dévisagea rapidement. Il avait les yeux verts, un regard sympathique et ses longs cheveux bruns étaient lissés jusqu'à ses épaules. Il inspirait la confiance et Tom se décida à lui répondre, motivé par le fait qu'il ne le regardait pas avec dédain comme le faisait la majorité ici.
«Je sais, mais je n'ai juste pas envie d'aller en cours, pour me faire cracher sur la gueule par cette bande de con »
« Tu ne devrais pas te laisser abattre comme ça, et te laisser marcher sur les pieds juste parce que les gens n'acceptent pas ton style. C'est cela la raison, non ? Et la bande de con, c'est la bande de bourges d'Ulrich, j'ai pas raison ? »
Tom acquiesça faiblement, et se mordit nerveusement la lèvre.
« Et toi, tu n'as rien contre moi ? »
L'autre rit et rétorqua en souriant « Si c'était le cas, je ne serais pas en train de te taper la causette, au risque d'être en retard en cours »
Tom lui rendit son sourire, qui se fana lorsque le brun poursuivit la discussion.
« Je disais donc, remballe ces couillons et impose-toi, plutôt que de fuir l'affrontement »
« Facile à dire. Tu sais pas ce que c'est que de subir des moqueries, des railleries et des vannes pourries sur ta gueule à longueur de journée, depuis des années. Ca me tue un petit peu plus chaque jour, et je crois que je ne peux plus le supporter. »
Le ton de Tom était triste, et il sentit des larmes lui monter aux yeux. Se haïssant, il tenta de les retenir, et avant qu'il ne puisse le réaliser, il se retrouvait à fondre en pleurs dans les bras de ce quasi-inconnu. Il avait juste eu besoin de craquer un bon coup, et s'était réfugié dans l'étreinte accueillante que lui avait offerte le brun en lui ouvrant ses bras. Ce dernier tapota doucement son dos en geste de réconfort, et pouffa.
« J'ai connu situation moins étrange, et accolade plus virile, mais bon. Au fait je m'appelle Nathan. »
Tom se recula lentement, se dégageant de son étreinte pour plonger son regard dans le sien.
« Et moi Tom »
« Eh bien enchanté Tom, ravi d'avoir fait ta connaissance d'une manière aussi intime » plaisanta Nathan « par contre si ça te dérange pas j'aimerai bien aller en cours, j'ai déjà du rater toute la première semaine pour cause de maladie alors… »
« Okay. A une autre fois alors »
« Y'a pas d'à une autre fois qui tienne Tom ! Tu viens en cours, et plus vite que ça »
Le brun agrippa le dreadé par le bras et le tira à sa suite malgré ses protestations. Ils atteignirent le lycée et y pénétrèrent. Nathan examina vite fait la configuration de l'établissement et soupira.
« Je crois que je vais pas réussir à me repérer, help ! »
« Tu dois aller en quelle salle ? »
« Hum » Nathan sortit son emploi du temps « j'ai maths en…A204 »
Tom écarquilla les yeux « Vraiment ? Mais, c'est ma classe ! »
L'autre élève lui adressa un sourire sadique « tant mieux, comme ça je pourrais surveiller si tu viens bien en cours, petite racaille. Allez, on s'bouge on est à la bourre là »
Joignant le geste à la parole, il s'empressa de traverser la cour, sous le regard dubitatif de Tom.
Il lui hurla, hilare, « Nathan ! C'est pas par là ! »
[…]
Le vent glacial de janvier s'abattait sur lui en rafales puissantes, et il resserra les pans de son manteau d'hiver autour de lui pour préserver sa chaleur corporelle. Il franchit les derniers mètres qui le séparaient du perron et pénétra enfin dans la maison, re-claquant la porte d'entrée derrière lui. Immédiatement, une bouffé d'air chaud lui parvient et il souffla avec soulagement, se débarrassant avec empressement de son manteau humide et ses chaussures trempées, qu'il déposa au pied du radiateur.
Il venait de passer une des journées les plus horribles de sa vie, et il avait juste envie de se réfugier dans son lit douillet, pour s'y rouler en boule et chasser les dernières heures de son esprit. D'un pas lourd, il grimpa l'escalier et atterrit dans sa chambre. Ses yeux tombèrent sur son poster de Gabriel, ce qui lui mit un peu de baume au cœur et un sourire aux lèvres. Il allait déjà beaucoup mieux, et un petit air satisfait prit place sur son visage lorsque qu'il saisit un stylo sur son bureau pour cocher un nouveau jour sur son calendrier mural.
Avec une pointe d'extase, il réalisa qu'il ne restait plus que deux petits mois avant qu'il n'assiste au ballet où Gabriel occupait un rôle important, et cette constatation lui rendit toute sa bonne humeur.
Nathan avait été absent toute la semaine à cause d'une forte grippe, et Tom s'était senti extrêmement seul sans sa présence à ses côtés et son soutien. Il avait eu l'impression de revenir à la situation d'il y avait seulement quelques mois, quand il devait affronter les mauvaises langues seul et sans appui. La bande d'Ulrich lui avait particulièrement fait passer des heures difficiles, profitant que Nathan ne soit pas là pour l'aider à se défendre. Nathan avait redoublé deux fois durant sa scolarité, et résultat il était de deux ans plus âgé que le reste de la classe, ce qui le rendait plus intimidant et lui permettait d'être à l'abri des problèmes, et il en faisait largement profiter son récent meilleur ami, Tom.
Ce dernier soupira alors qu'il se déshabillait à moitié sur le court chemin qui le séparait de la douche, sa chambre et sa salle de bain étant reliées par une simple porte. Lorsqu'il fut entièrement nu, il pénétra dans l'enceinte de la douche et referma les parois derrière lui, avant d'enclencher la poignée, faisant se déverser un jet d'eau brûlant sur sa peau encore gelée. De la vapeur d'eau s'échappa par volutes, remplissant la pièce d'un brouillard léger et confortable. Le genre de brouillard qui vous plonge dans une espèce de cocon agréable, vous permettant de vous détendre enfin pleinement. Et c'est ce que fit Tom, laissant ses problèmes s'évacuer de son corps, et être emportés par l'eau trop chaude qui ruisselait le long de ses membres encore tendus.
La paroi de la douche s'était couverte d'eau condensée, et Tom sourit niaisement alors que son doigt traçait des courbes et traits précis sur la couche de buée. Le tout formait le mot « Gabriel » suivi d'un cœur, et Tom rit de se propre bêtise, avant de rougir brutalement, pris d'une soudaine bouffée de chaleur. Le fait de penser à Gabriel alors qu'il était totalement nu dans sa douche avait le don de réveiller ses hormones d'adolescent qui n'attendaient que ça, et il sentit cette chaleur se concentrer dans le bas de son ventre, le consumant presque de l'intérieur.
Il ferma les yeux et reposa son front contre la cloison, se laissant emporter par son excitation. Une image de Gabriel entièrement nu flasha derrière ses paupières closes et il hoqueta, sa main droite glissant d'elle-même jusqu'à son entrejambe durcissant. Il l'encercla entre ses doigts et gémit doucement, il imaginait parfaitement ceux doux de Gabriel – les doigts de Gabriel se devaient d'être doux – envelopper son sexe au lieu des siens. Il fit rouler la peau de son pénis entre ses doigts avant de le saisir fermement dans la paume de sa main. Il s'activa, entama un vas-et-viens de plus-en-plus rapide et de plus en plus bon, alors que son cerveau lui envoyait des images de Gabriel dans toutes les positions possibles et imaginables, toutes plus sensuelles et sexuelles les unes que les autres. Sa main gauche se plaqua contre la paroi, l'aidant à se maintenir debout alors que le plaisir affluait par vague en lui.
Il appuya profondément son pouce contre la fente de son gland, et tout son corps se crispa, son autre main tremblant contre le plexiglas tandis que ses yeux se plongeaient dans ceux, imaginaires, d'un Gabriel complètement indécent.
Il se laissa tomber à genoux, le jet d'eau frappant ses épaules pendant qu'il se caressait plus vigoureusement. Il rejeta la tête en arrière, ses dreads valsant dans une giclée d'eau avant de venir fouetter son dos, et entrouvrit ses lèvres dans un gémissement silencieux. Il se masturbait énergiquement, et son fantasme se fit flou, les images se succédant dans son esprit à une allure aussi ahurissante que celle de sa main autour de sa virilité.
Enfin, il se sentit complètement perdre pieds, et il jouit violemment en criant le prénom de Gabriel. Il resta un moment immobile, avant de reprendre une profonde inspiration et de se relever lentement, cherchant à remettre ses idées en place, tandis que l'eau qui dégoulinait sur son corps nettoyait les preuves du plaisir qu'il venait de se donner.
Soudainement, il ouvrit de grands yeux, choqué par la réalisation qu'il venait de faire. C'était la première fois qu'il se touchait ainsi en pensant à Gabriel et il se sentit malsain, pervers, sale.
Il tenta de chasser cette impression, mais c'était peine perdue. Cherchant à se disculper, il songea que ce n'était qu'une folie de ses hormones, une trop forte poussée de testostérone, qui l'avait poussé à faire ça sans se contrôler. En bref, c'était un acte typiquement adolescent, et il n'avait pas à s'en vouloir.
C'était mieux pour son intégrité de penser ainsi, et il se força à le faire.
[…]
Tom réajusta correctement sa tenue et arrangea une dernière fois ses dreads grâce au miroir. Il hésita une nouvelle fois entre les laisser retomber lâchement jusqu'au milieu de son dos, ou les attacher et porter un bandeau par-dessus. Il transféra son poids d'un pied à l'autre, et mordilla anxieusement son piercing au labret. Il n'avait plus beaucoup de temps pour se décider, et ils devaient partir dans quelques minutes à peine, sous peine d'arriver en retard, et ça Tom ne le tolérerait pas.
Sa mère lui cria de se dépêcher du bas de l'escalier, et il opta finalement pour maintenir ses dreads en queue de cheval et couvrir son front d'un bandeau noir. Simone lui avait clairement fait comprendre d'abandonner toute idée de casquette, et il n'avait pu que lui obéir. Déjà que son style vestimentaire n'était pas du tout adapté pour ce genre de lieu, il ne voulait pas tenter le diable. Il avait tout de même fait un effort pour porter des vêtements plus foncés et moins larges qu'habituellement, par soucis de ne pas paraître trop décalé par rapport aux autres personnes qu'ils rencontreraient.
« Tom ! Tu seras le premier à râler si on arrive ne serait-ce qu'une seconde en retard, alors magne-toi, par pitié ! »
« J'arrive ».
Joignant le geste à la parole, il s'empressa de quitter la salle de bain et dévala les escaliers, ayant pris soin, au passage, de prendre son appareil photo numérique qui gisait sur son lit.
« Ah bah c'est pas trop tôt » remarqua sa mère en levant les yeux au ciel « Allez, on y va vraiment, sinon on sera en retard pour voir ton chéri »
Ce fut au tour de Tom de rouler des yeux, et de rougir légèrement. « Tais-toi Maman » il la gratifia d'une petite pichenette et elle rit franchement alors qu'ils se dirigeaient vers sa voiture.
Aujourd'hui, c'était LE grand jour pour Tom, celui qu'il attendait depuis des mois, son impatience croissant à mesure que les jours défilaient. Et maintenant, après ces longues semaines d'attente, il se tenait bien droit sur son siège, tremblant d'excitation. Le trajet jusqu'à Berlin lui avait paru durer une éternité, mais maintenant il était bien là, assis au meilleur placement possible, serrant fort ses accoudoirs entre ses doigts crispés.
« Tom détends-toi, ce n'est pas toi qui va monter sur scène, à ce que je sache » soupira Simone.
Contrairement à ses attentes, Tom se tendit davantage sur son siège, remuant nerveusement.
« Maman, ça doit commencer quand ? »
Les lumières s'éteignirent, et elle lui répondit simplement « maintenant ».
Tom ouvrit grand les yeux, et le spectacle commença.
[…]
Le théâtre déversait sur la place qui l'entourait un flot de spectateurs bruyants, critiquant et échangeant avis et commentaires plus ou moins professionnels sur le ballet qui venait de se dérouler. Au milieu d'eux, Tom avançait les yeux dans le vague, se laissant entrainer par sa mère sans se poser plus de questions. Il était complètement plongé dans un monde totalement différent, peuplé de danse et de Gabriel, et de Gabriel dansant. Gabriel l'avait encore complètement subjugué, et il nageait en plein rêve.
Il prit conscience de l'étrangeté de la situation uniquement quand il se rendit compte que sa mère leur avait fait faire le tour du théâtre, c'est-à-dire la direction contraire à celle qu'ils auraient du prendre.
Il se stoppa. « Euhm Maman, c'est pas par là je crois » fit-t-il judicieusement remarquer.
Elle ne répondit pas, et le tira davantage à sa suite, avant de s'arrêter brutalement. Elle se tourna vers lui et lui adressa un grand sourire.
« Bienvenue à l'entrée – ou à la sortie, ça dépend la manière de voir les choses – des artistes » lui annonça-t-elle fièrement « Ton Gabriel va forcément finir par sortir par là, il suffit juste de faire preuve d'un peu de patience. »
Tom écarquilla les yeux, son cœur battant à une allure folle « attends, t'es sérieuse là ? »
« Tout à fait » Elle posa une main rassurante sur son épaule « détends-toi, il ne va pas te bouffer ».
Il réajusta rapidement son bandeau sur son front, et leva ses yeux inquiets vers elle.
« T'aurais pas un miroir ? »
Elle partit dans un fou rire incontrôlable, faisant se retourner sur eux les quelques autres personnes qui attendaient là. Famille, amis, ou fans irréductibles comme Tom, des danseurs qui étaient, en ce moment-même, en train de se changer dans les loges.
Est-ce que Gabriel prenait une douche à cet instant précis ? Cette idée fit frissonner Tom de la tête au pied et sa mère lui lança un regard interrogateur. Il fit signe que tout allait bien, et commença à patienter avec nervosité.
Qu'allait-il pouvoir lui dire ? Allait-il même pouvoir lui dire quelque chose, ou Gabriel allait-il filer rapidement sans leur accorder un regard ?
De longues minutes passèrent avec une lenteur exaspérante, et les premiers artistes sortirent enfin, discutant entre eux avec animation. Tom pouvait presque ressentir leur soulagement et cela le fit sourire.
Il ne quittait plus la porte des yeux, et son cœur s'arrêta de battre lorsqu'il Le vu sortir. Il était là, éloigné d'à peine trois mètres de lui, et Tom le trouva sublime, davantage que sur n'importe quelle photo qu'il avait pu voir. Ses cheveux étaient encore légèrement humides de sa douche récente, et quelques mèches lui retombaient devant ses yeux parfaitement remaquillés, entourés de fard et d'eye-liner noir. Il portait une veste en cuir noir par-dessus un t-shirt moulant rouge sang, et un jean foncé près du corps, et Tom se fit la remarque qu'il aurait bien voulu le voir de dos.
Gabriel n'avait pas de sacs, et Tom rit intérieurement en voyant que la personne qui l'accompagnait en portait deux. Il rit un peu moins lorsqu'il se rendit compte que cette personne n'était autre qu'Andréas, le petit ami de Gabriel, et qu'il lui glissa un mot à l'oreille, le faisant rire aux éclats.
« Excusez-moi, hum Gabriel ? » l'interpella Simone, sachant pertinemment que Tom n'oserait jamais faire de même.
Les deux danseurs se retournèrent vers elle, et Gabriel se dirigea dans leur direction en souriant, ses santiags claquant contre le sol pavé, suivi de près par son amant qui les regardait d'un air morne.
« Bonsoir » dit Gabriel sur un ton enjoué « Je peux faire quelque chose pour vous ? »
Tom aurait pu mourir d'extase à la pensée que Gabriel venait de lui dire bonjour, cela lui paraissait tellement invraisemblable qu'il envisagea de se pincer pour vérifier qu'il ne rêvait pas. Il se retint, et, au lieu de cela, contempla le visage parfait de Gabriel, en enregistrant le moindre détail dans sa mémoire.
« Oui, mon fils » Elle désigna Tom d'un signe de main « est un grand fan de vous. Est-ce qu'il serait possible de prendre une photo de vous deux ? »
« Je ne suis pas sur qu'il ait le temps pour ça » fit Andreas d'un ton exaspéré.
Gabriel le gratifia d'une tape sur le bras et le gronda « Ne te prends pas pour mon agent ».
Le blond croisa les bras, affichant une mine vexée, et Gabriel soupira.
« Fais pas la gueule »
« Mais Gabriel ! » Andreas rapprocha sa bouche de son oreille, lui murmurant « ce gamin te mate, ça crève les yeux »
« Et moi, je n'ai d'yeux que pour toi » lui chuchota Gabriel à son tour avant de déposer un léger baiser contre ses lèvres.
Leur conversation était restée inaudible pour Tom et sa mère, mais leur baiser était parfaitement visible, et Tom inspira longuement, empêchant son cœur de se briser. Après ce qui n'avait duré que quelques secondes, mais qui avait paru une éternité à Tom, Gabriel leur refit face.
Il se pencha vers le jeune adolescent et lui demanda « Comment tu t'appelles ? »
Les cheveux de Gabriel semblaient soyeux, et Tom déglutit. « Tom »
« Viens là, Tom »
Tom s'exécuta, cherchant à intégrer le fait que Gabriel venait de l'appeler par son prénom de sa voix douce, ni grave ni aigue.
Gabriel passa un bras autour de sa taille, et Tom fit de même, ses doigts se posant de manière presque involontaire sur la fine bande de peau découverte entre son jean et son haut. Il retint un grand frisson au contact de cette peau douce, et se laissa enivrer par le parfum suave qui se dégageait de Gabriel.
« Souriez » leur ordonna Simone en brandissant l'appareil photo qui immortalisa l'instant en un flash éblouissant.
« Je peux en refaire une ? » interrogea-t-elle
Gabriel acquiesça « pas de soucis, j'adore les photos »
« Okay, alors, attention » L'appareil flasha une dernière fois, et Gabriel se détacha de Tom qui avait presque cessé de respirer depuis qu'il avait senti le corps chaud de son idole contre lui.
« Voilà, tu n'auras plus qu'à revenir pour que je te les dédicace » rit Gabriel, et son petit ami leva les yeux au ciel.
« Nan mais regardez-le faire sa star. Arrête tes bêtises et dépêche-toi, on va être en retard »
Gabriel lui obéit docilement, saluant Tom et sa mère d'un signe de main.
« A une prochaine fois, Au revoir Tom »
Il le gratifia d'un sourire éblouissant avant de tourner les talons et de s'éloigner en se déhanchant, laissant Tom encore bouche bée derrière lui.
Gabriel pouvait pratiquement sentir le regard de Tom sur lui, et il se retourna une dernière fois vers lui, lui envoyant un baiser de la main, et le faisant rougir violemment. Andreas le tira par le bras en grommelant et Gabriel gloussa.
« Putain, drague pas les mômes, merde »
« Sois pas jaloux Andy, mignon, certes, mais trop jeune pour moi. Mon dieu il doit avoir à peine seize ans. Hum, par contre je dirais pas non s'il revient me voir dans deux ans, s'il me regarde encore de cette manière. Je peux te dire que ça donne chaud »
Andreas grogna et plaqua brutalement Gabriel contre le mur de briques du théâtre, dévorant ses lèvres avec possessivité.
« Tu es à moi »
Il pressa son corps contre le sien et Gabriel gémit bruyamment, attirant tous les regards vers eux. La bouche du blond se perdit contre son cou, et Gabriel rejeta la tête en arrière.
« Arrête » geint-il « pas devant les enfants » rajouta-t-il en pouffant.
Andreas éclata d'un rire franc et relâcha son étreinte. « T'as raison, allons-y »
Les deux danseurs étaient disparus depuis déjà un petit moment lorsque Tom reprit contact avec la réalité, noyé dans un flot de sentiments contradictoires. Du bonheur, de la jalousie, du désir, de la tristesse, de l'extase et, peut-être un peu d'amour.
Il suivit sa mère sans mot dire jusqu'à la voiture, et ce n'est qu'après une heure de trajet qu'il relâcha enfin tout ce qu'il avait en lui, son excitation encore palpable emplissant le véhicule, et ornant les lèvres de sa mère d'un grand sourire satisfait.
Elle avait réussi, et Tom était heureux. Pour le moment.
[…]
Simone réorganisa l'agencement des objets sur le plateau, les disposants de manière logique pour éviter qu'ils ne chutent ultérieurement, et le prit entre ses mains. Elle quitta la cuisine et gravit à pas lents et assurés l'escalier de bois dont les marches pouvaient facilement se révéler traitres. Elle atteignit la porte de la chambre de Tom qu'elle ouvrit avec le coude et pénétra doucement dans la pièce sombre.
« Tu es réveillé ? » questionna-t-elle à mi-voix. Un grognement qu'elle prit pour un 'oui' lui parvint en provenance de sous le tas de couvertures et elle sourit, déposant le plateau sur la table de chevet à côté du lit où gisait son fils. Elle s'éloigna de quelques pas pour entrouvrir les volets, laissant les rayons du soleil de l'après-midi s'immiscer dans l'interstice, éclairant la pièce de manière juste suffisante.
Tom émergea des couvertures et se redressa en position assise, s'adossant à la tête de lit. Sa mère déposa un baiser sur son front avant de prendre place en face de lui, le dévisageant tendrement.
« Je t'ai monté de quoi manger, ça fait des jours que t'es en sous alimentation, Tom. Je me demande si c'était vraiment une bonne chose que tu vois ce Gab-»
« C'en était une » l'interrompit Tom « Maman, c'est juste que – je sais pas. Je m'en sens comme vidé, déprimé. J'ai l'impression d'avoir frôlé mon rêve du doigt, et maintenant je me retrouve sans rien d'autre que mes souvenirs, qui tournent en boucle dans ma tête. C'est juste le contrecoup de cette excitation, de cette putain de poussée d'adrénaline qui m'a envahi lorsque que je l'ai rencontré. »
Il marqua une pause, et reprit, les yeux rêveurs.
« Je l'ai rencontré, tu te rends compte ? Je ne sais même pas combien de mois j'avais attendu ça, et s'est allé si vite que j'ai l'impression que ce moment n'a jamais eu lieu. »
Il soupira et se saisit d'un des cookies que sa mère avait gentiment préparé pour lui.
« Et je ne pense qu'à une chose, recommencer. La moindre seconde est ancrée en moi. Je peux encore sentir son odeur, me remémorer son sourire, et le baiser qu'il m'a envoyé de la main. »
Il sourit à ce souvenir, avant de prendre un air plus sombre.
« Et il y avait Andréas. C'est ridicule mais, je le déteste presque d'être si proche de Gabriel alors que moi… »
« Tom » le coupa sa mère en se rapprochant de lui, posant sa main sur son épaule.
« Je ne te permettrais pas d'être aussi proche de Gabriel que l'est Andréas, de toute manière. »
Elle rit et il roula des yeux.
« Tu es trop jeune pour ça, ou plutôt, il est trop vieux pour toi. Par contre… »
Elle pencha la tête sur le côté, intriguant Tom qui fit de même.
« Je suis sûre qu'il t'a trouvé adorable, avec tes étoiles plein les yeux et tes joues rouges, et ton incapacité à aligner deux mots. »
Tom grogna et croisa les bras sur son torse, la fusillant du regard.
« Tu sais » Elle poursuivit sur un ton extrêmement sérieux qui inquiéta Tom « Si tu veux sortir avec lui dans quelques années, je n'aurais plus rien contre. En plus, tu seras sexy comme un diable plus tard, j'en suis certaine. Après tout, tu es mon fils, et tu es un joli bourgeon qui ne demande qu'à éclore »
L'adolescent rougit jusqu'aux oreilles et glissa son bras dans son dos pour agripper un oreiller qu'il lui balança en guise de vengeance. « Maman ! »
« Quoi ? Je suis sérieuse. Un joli jeune homme comme gendre…oui, je suis pour ! »
« Maman ! » répéta l'adolescent d'un ton exaspéré « Je ne veux pas sortir avec Gabriel »
Elle le dévisagea en haussant un sourcil perplexe « Vraiment ? »
Tom baissa les yeux et s'immergea dans la contemplation de ses longs doigts qu'il triturait.
« Vraiment ! Je ne suis pas amoureux de lui.» trancha-t-il.
[…]
« Je crois que je suis amoureux » avoua Tom avant de s'asperger le visage d'eau. Il s'essuya vaguement avec l'essuie-main et se retourna face à son meilleur ami qui arborait un large sourire.
« De Gabriel ? » Nathan secoua la tête « Je m'en doutais »
« Pardon ? » s'interloqua Tom alors qu'il s'asseyait sur le rebord des lavabos des toilettes du lycée « Comment ça, ''je m'en doutais'' ? »
« Ca crève les yeux, c'est tout. Tu me parles de lui quasiment tout le temps, avec limite un air de pure extase sur le visage. Ouais, t'es complètement accro mec ! »
Tom plaqua ses paumes contre ses yeux « je suis dans la merde hein ? »
« Non » Nathan tapota son dos « enfin, juste un peu. »
[…]
Tom regardait fixement la photographie qu'il tenait dans la main, glissant son index contre la surface lisse, s'attardant particulièrement sur le visage de Gabriel. Elle les représentait tous les deux, ce jour là, et sa mère venait de la faire développer et de lui donner, il y a presque une heure. Une heure qu'il avait passé à réfléchir, les yeux rivés sur leurs sourires immortalisés sur papier glacé.
Etait-il possible de ressentir des sentiments amoureux pour quelqu'un que l'on ne connaissait pas ? Etre attiré, c'était une chose, mais être amoureux en était une autre, et la différence était de taille. Il avait depuis longtemps intégré le fait qu'il était attiré par Gabriel, beaucoup trop pour son propre bien d'ailleurs, mais ça, il avait nettement plus de mal. Il soupira et reposa la photographie sur son lit, ramenant ses genoux contre son torse et y appuyant son front. Il chercha à faire le tri dans ses pensées.
Oui, il trouvait Gabriel beau, mais ça ne suffisait pas pour affirmer qu'il ressentait quelque chose pour lui. Il y avait son odeur qui l'avait totalement enivré, sa gentillesse avec lui qui l'avait fait fondre, son sourire qui le rendait totalement gaga, ce contact avec sa peau qui l'avait fait frissonner, la jalousie qui l'avait brulé de l'intérieur lorsqu'il l'avait vu embrasser Andreas, sa simple présence qui rendait aléatoire les battements de son cœur, l'envie de le voir en permanence, de toujours avoir ce qu'il faisait, et avec qui il le faisait, le désir de le toucher, de le connaître mieux, de se faire une place dans sa vie, et son admiration sans borne pour ce qu'il était, et ce qu'il réussissait.
Tom s'allongea sur le lit, contemplant les fissures du plafond sans les voir réellement, trop immergé dans ses pensées. Il ferma les yeux et tenta de chasser Gabriel de son esprit, avant de se glisser sous la couette et d'éteindre la lumière, cherchant le sommeil qui tarda à venir. De longues heures s'écoulèrent avant qu'il ne parvienne enfin à s'endormir, à bout de forces.
[…]
Ses cheveux humides caressaient son visage au rythme de ses mouvements et Tom se laissait totalement enivré par son parfum, ce parfait mélange entre féminité et masculinité qui le rendait fou. Les doigts de Tom glissèrent le long de ce dos doux et chaud, et il les enfonça brutalement dans ses hanches quand Gabriel enserra brusquement leurs deux sexes entre sa main, accentuant la friction entre leurs deux pénis durs. Leurs corps transpirants se mouvaient sensuellement l'un contre l'autre, leurs peaux recherchant avidement le contact de l'autre, et Tom perdait pieds avec la réalité. La bouche de Gabriel se perdit contre son cou et il sentit ses dents mordiller sa pomme d'Adam alors qu'il rejetait la tête en arrière, fermant les yeux et respirant difficilement.
Gabriel donna un coup de bassin plus appuyé, et Tom gémit bruyamment. La bouche de Gabriel se plaqua contre la sienne pour étouffer ses gémissements, et leurs langues se retrouvèrent presque instantanément, jouant l'une avec l'autre dans un désordre agréable. Ils se dévoraient mutuellement, et leurs lèvres ne se séparaient que pour se recoller de plus belle une milliseconde plus tard.
Puis la bouche de Gabriel délaissa celle de Tom pour glisser le long de sa gorge, puis de son torse en une trainée mouillée et brûlante. La boule de son piercing roulait contre les abdos fins et les mains de Gabriel se pressèrent contre les cuisses de Tom pour les écarter davantage. Tom se releva sur les coudes et son regard se voila de désir pur lorsqu'il vit les lèvres de Gabriel se rapprocher dangereusement de sa virilité. Elles entourèrent son gland et il se cambra violemment, sa tête retombant contre son oreiller alors que ses hanches partaient en avant, l'enfonçant dans la bouche chaude de Gabriel qui l'accueillit gracieusement, l'aspirant le plus profondément possible. Ses doigts s'enroulèrent à la base de sa verge et il entama un vas-et-viens rapide autour du sexe de Tom, coordonnant les mouvements de sa bouche et de sa main, et lui faisant littéralement perdre la tête. Gabriel fit rouler son piercing le long de sa fente et Tom haleta, ouvrant grand la bouche à la recherche d'un peu d'oxygène. Il se noyait dans ce torrent de plaisir qui inondait ses veines, et il n'était plus que plaintes et gémissements alors que Gabriel le suçait plus vivement, creusant les joues pour accentuer le contact entre leurs deux peaux.
Sa deuxième main vint malaxer doucement ses testicules alors qu'il l'aspirait plus profond, et plus étroitement, et Tom ne sentait plus rien qui ne soit pas Gabriel. Une décharge de plaisir plus puissante déferla en lui, et il jouit en Gabriel, criant son prénom.
[…]
Tom se réveilla en sursaut, et reprit contact avec la réalité. Il passa sa main sur son front brûlant et soupira durement. Il venait de faire son premier rêve érotique avec Gabriel, et il en était particulièrement ébranlé. Ses draps étaient humides de son sperme et tous ses membres transpiraient encore. Agacé, il rejeta les draps sur le sol et courut presque jusqu'à la salle de bain, se déshabillant prestement avant de pénétrer dans la douche. Il enclencha la poignée et un jet d'eau froide se répandit sur son corps brûlant. Il serra ses bras autour de lui, attendant que l'eau se réchauffe, et se remémora le contenu de son rêve.
Cela avait été tellement réaliste qu'il en frissonnait encore, et il se mordit anxieusement la lèvre.
Est-ce que tout cela était normal ?
Il fantasmait sur un quasi-inconnu, n'était-ce pas un peu pervers ?
Il parvint à la conclusion que ça l'était complètement, mais que ça n'était pas si grave, et il coupa l'arrivée d'eau.
[…]
Six mois étaient passés depuis que Tom avait rencontré Gabriel, et sa passion pour lui n'avait cessé de s'accroître. Il était retourné l'admirer lors de ballets à deux reprises, mais n'avait pas réussi à l'approcher une nouvelle fois.
Et ce jour -là, tout recommençait. Sa mère lui avait promis qu'elle arriverait à lui faire rencontrer Gabriel de nouveau. Tom avait grandi, et l'intuition de sa mère s'était révélé vraie, il était devenu un grand et beau jeune homme de 17 ans. Ses dreads s'étaient allongées, et il avait gagné en prestance.
Gabriel, de son côté, n'avait fait que s'embellir davantage, et sa popularité croissait de jours en jours. Aujourd'hui, il était une des figures principales du ballet où Tom et sa mère allait assister, et la soirée promettait d'être riche en émotions.
Les roues de la voiture crissèrent sur le bitume alors qu'elle freinait avec une brusque brutalité due à sa vitesse trop rapide. Simone était mal garée, très mal garée même, mais seul importait le fait qu'ils étaient presque en retard. Tom sortit prestement du véhicule, récupérant vite-fait son sac sur la banquette arrière avant de re-claquer bruyamment la portière. Sa mère verrouilla rapidement l'automobile avant de se faire entrainer dans une course folle par son fils.
Ils n'étaient qu'à quelques mètres du théâtre, et cela relevait du miracle d'après Tom. Mais il estimait qu'ils méritaient ce coup de chance après toutes les malchances qui leur étaient arrivées sur la route. D'abord, une roue avait crevée, ensuite, ils avaient galéré pour la changer, puis ils s'étaient engagés dans une autoroute bondée, avant de rater leur sortie et de devoir attendre la suivante pour rattraper l'erreur. S'en était suivie une longue pause sur le bord d'une nationale durant laquelle ils avaient consultés toutes les cartes possibles et imaginables pour retrouver leur route, et une attente très longue à une station essence pour refaire le plein. En bref, tout semblait s'être ligué contre eux pour les faire arriver en retard.
Tom et sa mère pénétrèrent dans le hall déjà vide, essoufflés, et s'empressèrent de tendre leurs billets au contrôleur qui les dévisagea d'un air inqualifiable avant de leur permettre d'entrer. Ils gravirent vivement les marches qui les séparaient du balcon et trouvèrent rapidement leurs places. C'était simple, c'était celles au milieu du premier rang. Ils s'assirent sur les fauteuils plutôt confortables et Tom s'empressa de fouiller au fond de son sac pour en extirper sa petite caméra. Il n'était pas certain de la légalité de la chose, mais il s'en fichait, il voulait juste garder un souvenir de la soirée. Il l'alluma et zooma jusqu'à obtenir un bon cadrage de la scène.
Ils avaient une très bonne vue, malgré que Tom aurait préféré se retrouver à quelques rangs de la scène, en bas.
Les éclairages s'éteignirent, et les rideaux s'écartèrent. Il y eut quelques secondes de blanc avant que les projecteurs ne baignent la scène de lumière et que les premières notes d'une musique douce se fassent entendre. Tom enclencha la caméra et soupira de soulagement. Finalement, il y était enfin, et plus rien ne pourrait l'empêcher de profiter de ce moment.
[…]
A chaque fois qu'il posait un pied sur la scène, Tom ne pouvait détacher ses yeux de lui. C'était inéluctable, Gabriel attirait son regard comme un aimant – un délicieux aimant – et il n'y avait plus que lui qui existait. Il y avait longtemps qu'il avait confié sa camera à sa mère pour pouvoir le contempler librement, et ce qu'il voyait le satisfaisait pleinement. Pour Tom, Gabriel était toujours aussi gracieux, beau, magnifique et digne de tous les adjectifs mélioratifs qui existaient et qui concernaient la grâce et la beauté.
Le ballet approchait à sa fin, au plus grand regret de Tom, et tout s'était déroulé à la perfection, du moins semblait-il, même si Tom pressentait qu'il y avait quelque chose qui clochait, et il n'arrivait pas à mettre le doigt dessus.
[…]
Tom applaudissait à tout rompre, tellement que ses mains commençaient à lui faire mal. Le public se leva et il accompagna le mouvement. C'était une véritable ovation et Tom s'en sentait inutilement fier, il était juste heureux pour Gabriel – et le reste des danseurs.
La troupe retourna sur scène pour saluer leurs spectateurs si enthousiastes, et Tom chercha instinctivement Gabriel du regard- en vain. Il fronça les sourcils, est-ce que Gabriel n'était même pas venu saluer ? Ca semblait impossible et il dévisagea plus intensément les artistes souriants. Andreas était aussi aux abonnés absents et le front de Tom se plissa davantage. Il attrapa la main de sa mère pour attirer son attention et se pencha vers elle, chuchotant contre son oreille.
« Gabriel n'est pas là ! »
« Tu es sûr ? » devant l'air inquiet de son fils, elle rajouta « Ce n'est pas grave, tu sais, je suis sûre que ce n'est rien. »
Et Tom la crut, sa mère avait toujours raison, après tout.
Retour au présent
Une main se posa sur son épaule, le tirant de sa longue rêverie, et il sentit sa mère s'assoir à ses côtés.
« Ca va ? » s'enquit-elle.
Il répondit d'un vague hochement de tête, peu convaincu, et elle secoua doucement la sienne, réfrénant un sourire devant son humeur visiblement morose. Non pas que le fait de le voir aussi maussade depuis des mois la réjouissait, mais elle savait pertinemment que ça ne durerait plus très longtemps. Cela faisait des mois que Gabriel n'avait plus posé un pied sur scène, neuf plus précisément, et Tom dépérissait un petit peu plus à chaque jour. Lentement, mais sûrement.
Simone savait que pour résoudre un problème, mieux valait remonter à la source, et elle passa une main sur la joue de son fils.
« Il me manque, maman, et je ne sais même pas pourquoi » se désespéra Tom.
« Il y a des choses qui ne s'expliquent pas, mon chéri, mais je te promets que ça ira mieux bientôt »
Son fils releva un regard interrogateur vers elle, et elle ne fit que lui sourire tendrement, avant de redevenir soudainement sérieuse, le fixant avec des yeux sévères.
« Va faire tes devoirs Tom »
« Maman, » soupira Tom « c'est la fin de l'année et je sais très bien que je vais devoir redoubler, tu ne peux rien y changer »
Elle secoua la tête et n'ajouta rien, elle savait qu'il avait raison. Elle n'était pas le genre de mère à faire la morale à son enfant s'il ne s'en sortait pas en cours, surtout qu'elle-même n'avait jamais passé son bac, entrant juste dans une école de danse dès le collège terminé. Alors elle le laissa continuer de ruminer, certaine pourtant que son humeur ne pourrait que s'améliorer bientôt.
[…]
Le soleil éblouissant se reflétait sur les dalles blanches de la longue allée bordée de fleurs, et il posa négligemment une paire de soleil encombrante sur son nez, avant de se retourner vers son petit ami qui tirait ses deux valises derrière lui, et le gratifia d'un sourire timide. Il était très anxieux, et il souffla un bon coup avant de s'engager en boitant légèrement dans l'allée. Il avait abandonné sa béquille qu'il haïssait plus que tout, préférant sentir une légère douleur lui tirailler la cheville plutôt que de s'en servir. C'était comme ça, il détestait l'idée d'avoir l'air impotent. Le terme était très hyperbolique, mais le jeune homme était de toute façon une hyperbole à lui tout seul.
Il atteignit le seuil de la maison, et dit au revoir à son petit ami qui avait malheureusement d'autres obligations que celle de l'accompagner. Après un dernier baiser, il prit son courage à deux mains et appuya de son doigt sur la sonnette, la faisant carillonner dans toute la demeure.
Il entendit des pas se rapprocher et ne put s'empêcher de passer une main nerveuse dans sa chevelure pour la remettre en place. La porte s'ouvrit enfin, et il adressa un sourire peu sûr de lui à la personne qui lui faisait face, lui tendant la main.
« Bonjour Madame Trümper, je suis… »
« Je sais pertinemment qui tu es » le coupa Simone en acceptant sa main tendue « Entre donc » rajouta-t-elle en se décalant pour la laisser pénétrer dans le vestibule, tirant ses deux valises avec lui.
« Laisse tes valises là, on les montera plus tard » lui ordonna-t-elle gentiment.
Elle l'invita à se diriger jusqu'à la cuisine, et elle prit sa suite tout en observant discrètement sa démarche. Elle nota immédiatement son boitillement, mais surtout la grâce de sa démarche. Le jeune homme était conçu pour danser, et elle était là pour l'aider à briller de nouveau sur la scène.
« Alors… » Commença-t-elle alors qu'ils étaient assis face à face, une tasse de café chacun sur la table entre eux. « Comment vas-tu Gabriel ? »
L'intéressé touilla distraitement son café tout en répondant d'une voix lasse.
« Ca va. Mais la danse me manque, et à chaque fois que je pense que je peux recommencer, je me re-blesse et je suis reparti pour plusieurs semaines. J'ai l'impression de n'être plus rien. Je trouve cela tellement stupide… »
« Ca n'a rien de stupide, je sais ce que c'est que de vivre pour danser, et à quel point c'est difficile de s'arrêter soudainement. »
Un léger silence plana, durant lesquels ils se plongèrent chacun dans leurs souvenirs respectifs, avant que Simone ne le brise avec un sourire.
« Je vais te laisser t'installer dans ta chambre. »
[…]
Gabriel avait terminé de déballer ses affaires depuis de longues minutes, et il devait avouer qu'il s'ennuyait quelque peu. Simone l'avait abandonné pour aller faire quelques courses, et il décida de flâner un peu dans la maison. Il n'eut pas effectué plus de deux pas dans le couloir qu'il se stoppa face à la porte de la chambre adjacente à la sienne. Il était d'une nature très curieuse, et il n'hésita pas plus d'une milliseconde avant d'entrebâiller la porte de ce qu'il savait être la chambre du fils de Simone, Tom.
Vérifiant par mesure de précautions qu'elle était bien aussi vide de présence humaine qu'elle était sensée l'être, il pénétra l'intérieur, jetant un regard circulaire à la pièce. Il tomba face à face avec lui-même et recula d'un pas, surpris, avant de constater que ce n'était qu'une affiche.
Un sourire fier étira ses lèvres et il se mut jusqu'au poster. Il songea qu'il n'était pas si mal dessus, et ses yeux dérivèrent jusqu'à la photographie punaisée juste en dessous.
Elle le représentait lui, avec quelques années de moins, et un adolescent aux cheveux dreadé qu'il s'imaginait être le fameux Tom. Il plissa les yeux, essayant de se souvenir du moment où le cliché avait pris, mais il n'y parvint pas. Il se mordit la lèvre, gêné, il avait toujours eu mauvaise mémoire, et se détourna du mur pour quitter la chambre.
Il pensa que Tom était quand même plutôt mignon pour l'âge qu'il devait avoir, et se demanda à quoi il ressemblait maintenant. Il ne se posait pas la question plus de quelques secondes que ses yeux tombèrent dans deux iris noisette alors qu'il s'apprêtait à poser son pied sur la première marche de l'escalier.
Il ne put retenir un cri aigu, sursautant vivement alors qu'il trébuchait sur la marche, s'effondrant sur le jeune homme qui se retint de justesse à la rampe pour ne pas chuter à son tour, enroulant son bras libre autour de Gabriel pour l'empêcher de tomber.
Tom avait agit par pur reflexe, et maintenant il était figé, le corps de la dernière personne qu'il avait pensé trouver dans son escalier pressé contre le sien. Gabriel se dégagea doucement de son étreinte trop rapidement à son goût, et releva son regard vers le sien, embarrassé.
« Désolé, je ne m'attendais pas à te rencontrer » s'excusa-t-il « Ravi de faire ta connaissance, je suis Gabriel » se présenta-t-il avec un sourire éblouissant pour se faire pardonner, ce qui acheva de pétrifier l'adolescent qui balbutia quelques mots, agrandissant davantage le sourire de Gabriel.
« Et je suppose que tu es Tom » poursuivit-il devant le mutisme de susnommé « Que dirais-tu de me laisser passer dans cet escalier ? »
Tom se décala par automatisme, le regardant passer à côté de lui sans réagir.
Soudain, il ouvrit de grands yeux.
« Oh mon Dieu » s'exclama-t-il, choqué par la réalisation qu'il venait de faire, là, chez lui, à quelques mètres de lui, il y avait « Gabriel ! »
« Oui ? » répondit l'interpellé, se retournant vers Tom, le regardant du bas de l'escalier.
« Euh…nan rien »
Gabriel haussa un sourcil et haussa les épaules avant de partir à la découverte de la maison.
Si Tom avait pu mourir de honte, il était sûr que sa vie ne serait plus qu'un souvenir à cet instant. Il venait de se couvrir de ridicule devant Gabriel, et ce dernier devait très certainement croire qu'il était particulièrement limité mentalement. Tom se frappa le front avec la main avant de se diriger jusqu'à sa chambre, s'asseyant sur son lit. Il se pinça, vérifiant qu'il ne rêvait pas, bien qu'il se doutait que si cela avait été un rêve, Gabriel aurait succombé à son charme rien qu'en le regardant et ils seraient présentement en train de s'embrasser à perdre haleine au beau milieu de l'escalier.
Il secoua la tête, chassant cette image plaisante, et décida de rester caché dans sa chambre jusqu'à ce que sa mère rentre, histoire de ne pas se couvrir de ridicule une fois de plus.
« Oh mon dieu » répéta-t-il encore une fois, lorsqu'une nouvelle constatation frappa son esprit.
Il allait pouvoir côtoyer Gabriel durant une durée encore indéterminée, apprendre à le connaître, du moins s'il arrivait à aligner plus de deux mots en sa présence, et surtout il allait pouvoir l'observer danser. Cela faisait neuf mois qu'il n'avait pas vu Gabriel de quelque manière que ce soit, et il n'avait pu s'empêcher de le trouver magnifique, surtout avec sa nouvelle coiffure, des dreadlocks, surement synthétiques, noires et blanches.
Secrètement, il s'était toujours plu à imaginer qu'un jour il finirait par rencontrer une nouvelle fois Gabriel d'une manière ou d'une autre. Et maintenant c'était arrivé, et il se sentait si fébrile qu'il avait peur de s'évanouir d'un instant à l'autre. Il était totalement dingue, c'était un fait, mais il venait de tenir son idole entre ses bras, et il s'accorda quelques minutes pour devenir hystérique, après tout, il le méritait bien.