Cet OS a été écrit dans le cadre des Nuits du Lemon, de la Ficothèque ardente, pour plus de précisions, envoyez-moi un PM !

NB : le titre est à Simple Plan.

Gone too soon

Il avait été perdu. Un peu. Quelques minutes. Pas longtemps. Juste le temps de trembler.

Cette fille-là, elle était spéciale. Elle n'était pas comme les autres. Pourtant, elle le deviendrait. Elle ne savait pas à quoi elle s'exposait. Elle ne savait pas ce qu'elle risquait, la malheureuse. Oh il n'allait pas la violer non plus, ça va pas la tête ? Il n'était pas comme ça. Quand même pas. Pas encore. Ça n'était pas son but. Pas le premier objectif. Plus tard peut-être. Mais le jour où il en arriverait là, il aurait vraiment déconné. Et il faudrait l'arrêter. Quoiqu'il n'y aurait personne pour le faire. Il s'arrêterait bien tout seul de toute façon. Ça n'était pas son genre. Connard oui, mais pas inhumain.

Il se passa une main dans ses cheveux noirs, les décoiffa savamment. Tout un art. Il vérifia sa tenue et partit de chez lui. Il était parfait. Parfait pour baiser. Parce que vous croyiez quoi ? Que ça serait autre chose que ça ? Rêvez pas, ce n'est pas son genre. Pas du tout. Les histoires dégoulinantes de romantisme, très peu pour lui. Les contes de fées, ça reste des histoires racontées aux gosses pour qu'ils aillent dormir. Il dévala les escaliers de son appartement jusqu'au rez-de-chaussée, sortit un pan de sa chemise noire de son jean pour faire plus décontracter et s'engouffra dans le métro en bas de son immeuble.

Quelques rames plus loin, quelques minutes de marche à pied et il sonna à la porte d'un immeuble. Dans l'interphone, sa voix lui répondit, il monta les escaliers, sans se presser. Il ne l'était jamais. Il fallait lui laisser quelques minutes aussi. Quelques minutes pour croire encore qu'elle invitait le prince charmant. Quelques minutes encore pour croire qu'il resterait. Quelques minutes encore pour se recoiffer, se remaquiller quoiqu'il doute qu'elle le fasse, quelques minutes pour lisser les plis de la robe qu'elle n'aura pas manquer de mettre.

Il n'eut pas à sonner à la porte de son appartement, ni même à se demander lequel était-ce, elle était là, sur le palier. Elle l'attendait. Décidément, elle n'était pas comme les autres. Elle ne connaissait pas encore les règles du jeu. Elle allait vite les apprendre. Il se reprit rapidement, pour se concentrer sur la situation. Il avait une belle femme devant lui. Il ne fallait pas tout gâcher. Comme si c'était son genre. Il sauta les dernières marches pour atterrir avec souplesse à ses pieds. Et sur les siens. Il l'embrassa. Et non, pas un de ces baisers sur la joue que ce font les couples timides au premier rendez-vous. Il y alla franchement. Il n'était pas là pour autre chose de toute façon.

Il passa la porte d'entrée sans attendre qu'elle se remette de sa surprise. Elle savait bien pourquoi il était venu pourtant. Autant qu'elle s'y habitue dès maintenant. L'intérieur était joliment décoré. Il y voyait la douceur qu'elle semblait avoir parfois, dans certains gestes. Enfin, ce qu'il en sentait. En repensant à leur rencontre, il sourit. Ironiquement. C'était d'un pathétique au possible. Presque pour des romans à l'eau de rose. Sauf que pour elle, la rose serait noire. Et son parfum serait sans doute amer.

Il était dans un parc, à rêvasser à des choses idiotes. Tous les bancs étaient pris sauf le sien. Il devait avoir une tête à faire peur. Pourtant, il s'assurait toujours de sortir propre. Avec sa belle gueule. Des fois qu'il y trouve un bon coup. Et elle, innocente, avec sa jupe plissée et son manteau bien boutonné, elle s'était assise après lui en avoir demandé la permission. Il avait accepté bien sûr. Avec un petit sourire dédaigneux, retournant à ses pensées.

Cette fille, elle n'était pas pour lui. Il n'avait pas que ça à faire de débaucher des vierges effarouchées. Quoique vu son âge, il espérait qu'elle ne soit quand même plus vierge, mais ça restait à prouver. Cette fille avait encore ses rêves de princesse, ça se voyait comme le nez au milieu de la figure. Si certains trouvaient ça excitant, lui pas du tout. Il n'avait pas de temps à perdre. Pas de défi à relever. Son défi, c'était lui-même, pas ces poufs qu'il sautait à l'envie. Son défi, c'était de devenir ce qu'il voulait être, pas d'entraîner des filles à sa suite.

Alors il l'avait laissé faire ce qu'elle voulait. Et justement, elle était allée vers lui. Elle lui avait posé des questions. Et toute rougissante, elle l'avait invité à boire un verre le soir même chez elle. La naïve. Heureusement qu'il n'était pas un psychopathe. Quelle inconsciente. Il avait accepté bien sûr. Si elle venait à lui, il n'allait pas faire la fine bouche. Et elle était mignonne. Et il n'avait rien à faire ce soir-là.

Voilà comment en était-il arrivé là, se dit-il alors qu'elle posait doucement une main sur son bras gauche pour lui intimer d'avancer. Ce qu'il fit. Il détailla la minuscule entrée, avant de pénétrer dans ce qui ressemblait à un salon. Elle s'excusa au moins dix fois du manque de place, mais on était à Paris. Ça n'était pas facile de trouver un palace avec ses moyens. Il ne lui demanda pas ce qu'elle faisait dans la vie. Il s'en fichait bien. Il l'oublierait dans la seconde de toute façon. Il prit les deux coupes de vin rouge présentes sur le comptoir qui séparait la pièce en deux, mettant la cuisine à part. Il en tendit une à la fille avant de déjà boire un peu la sienne.

Il chercha la chambre des yeux et lui prit la main pour s'y diriger. Elle ne résista pas. Au fond, elle devait savoir que ça se terminerait comme ça. Elle ne pensait peut-être juste pas que ça arriverait aussi vite. Mais il devenait impatient. Elle était jolie. Et il attendait depuis la matinée de savoir ce qu'elle lui réserverait. Il se retourna une fois le chambranle de la porte passé et prit le verre jumeau du sien pour poser les deux sur la console qui soutenait la télévision. Autant ne pas les briser avec la moquette qu'il sentait sous ses pieds. Il enleva ses chaussures et les posa près du meuble.

Il attira la jeune femme à lui et l'embrasse. Passionnément. Pas par amour, mais faut-il être amoureux pour baiser ? Il n'y croyait pas. Et le désir qu'il ressentait pour cette fille qui ressemblait encore à une gamine suffirait. Il ne savait pas ce que c'était d'être amoureux. Et croyez-le ou non, il s'en foutait comme de son premier préservatif. Rien à foutre de ces conneries qu'on raconte aux enfants pour justifier les contes et les baffes, les disputes et les fausses réconciliations.

Et à ce qu'il pouvait en juger, ça suffisait aussi à celle qu'il avait entre les bras. Elle avait déjà crocheté les siens à son cou, tendant son corps contre lui. Ne résistant pas le moins du monde à son baiser. Alors qu'il allait l'allonger sur le lit, il vit en les retournant un miroir en pied. Elle devait l'utiliser pour s'habiller. Parfait. Ça serait parfait. Elle allait l'utiliser pour se déshabiller à présent.

Il la guida vers l'objet et la plaça face à lui. Elle leva le visage vers le sien, interrogatrice. Sans répondre, il se mit derrière elle. Et continua à l'embrasser, sur la tempe, le cou, l'oreille, doucement, presque amoureusement. Presque. Ça n'était qu'un jeu. Une vaste plaisanterie. Il posa délicatement ses mains sur son corps, une sur son ventre et l'autre plus bas, sur sa cuisse droite. Elle prit sa tête entre ses mains pour qu'il continue son manège. Pendant ce temps, sa main droite remontait lentement, très lentement, en de petits cercles, effleurant de la pulpe de ses doigts le fin collant qui protégeait les jambes de sa partenaire d'un soir. Petit à petit, elle remontait sous la robe noire qui bien que courte devenait gênante.

Celle-ci se froissait et le tissu, trop raide, se coinçait. Il poussa un juron, faisant sursauter la demoiselle. Pas très malin. Il avait oublié qu'il était encore dans ses cheveux, toute son attention s'était focalisée sur sa main droite à partir du moment où elle s'était approchée de lieux intéressants. Ni une ni deux, sans égard pour le vêtement il le déchira du mieux qu'il put. Il fallait se casser les doigts mais ça valait le coup. Ras-le-bol d'attendre. Fallait pas pousser non plus, il avait été suffisamment patient comme ça. Elle ne protesta même pas. Pas si farouche que ça, l'innocente. Elle enleva d'elle-même son collant tandis qu'il déboutonnait sa chemise. S'il attendait qu'elle le fasse, il n'avait pas fini.

Une fois ceci fait, il la plaqua contre lui et la regarda à travers le miroir. Elle était belle. Il la trouvait belle. Elle n'était pas tout à fait comme les autres. Elle n'avait pas ce côté faux des autres. Il sentait qu'elle était naturelle, juste naturelle. D'ailleurs, elle était très peu maquillée. Elle avait juste ce qu'il fallait de formes et rien de plus. Elle le dérangeait. Elle le mettait mal à l'aise. Elle n'avait pas le droit d'être comme ça. Elle n'avait pas le droit d'être différente de toutes les autres, de ces numéros qu'il retenait parfois. De ces visages qu'il oubliait souvent et qui n'avaient pas de nom. Elle n'en avait pas le droit. Il ne l'y avait pas autorisée.

Elle se retourna vers lui pour l'embrasser. Enfin elle prenait l'initiative. Il était temps. Là, il retrouvait plus les filles habituelles. Le côté poupée siliconée en moins. Elle s'attaqua aux boutons de son jean pendant qu'il enlevait son soutien-gorge. Celui-ci avait beau être très joli, il n'en était pas moins relativement gênant. Il s'arrêta soudain quand il sentit une main contre son sexe. Il ne l'avait pas vue venir, celle-ci. Mais il n'allait pas se plaindre. Il la sentait la caresser doucement, timidement presque. Il n'allait pas la manger tout de même. Il n'avait qu'une envie, la presser. D'abord parce qu'il allait mourir de désir ou le voir retomber, au choix. Ensuite parce que cette douceur la différenciait des autres. Et qu'il n'en était pas question. Elle était comme les autres.

Il se dégagea rapidement de son jean, levant une jambe après l'autre après l'avoir laissé glisser et se dégagea de ses chaussettes par la même occasion. C'était jamais très sexe les chaussettes. Il lui retira sa culotte et en profita pour faire de même avec son propre caleçon. Il la replaça dans la même situation qu'auparavant, face au miroir, le dos plaqué contre son torse. Il était déjà bien excité mais voulait qu'elle aussi le soit. Il avait beau être un connard, il voulait être un connard lisse.

Il descendit le long de sa colonne vertébrale, déposant un baiser de temps à autre, se contentant de souffler légèrement sinon. La faire frissonner. La faire vibrer. Il estimait y arriver plutôt bien. Il posa ses mains sur ses seins, les effleurant de la même façon, voulant la sentir venir vers lui. Ce qu'elle fit rapidement. Il la sentit s'appuyer plus franchement contre lui d'un côté tout en tendant son corps vers ses mains de l'autre. Tout en se regardant dans le miroir. Un sacré effet, se dit-il.

Il ne se fit pas prier et accentua ses caresses. Il la voulait, ça n'était pas la peine de s'en cacher. Elle avait un corps parfait à ses yeux. Le reste n'avait pas d'importance. Il fit rouler entre ses doigts le mamelon gauche, se contentant de larges cercles autour de l'autre sein. Sa bouche arrivait en bas de son dos et techniquement, il ne pouvait pas aller plus loin sans risquer la déchirure musculaire.

Il lui glissa deux mots à l'oreille. Elle rougit. Mais elle fit ce qu'il lui demandait. Elle détacha lentement ses doigts de ses hanches qu'elle avait agrippées de plaisir pendant ses caresses. Et alors qu'il la maintenait au creux de ses bras, il la vit diriger ses mains plus au sud. Elle gémit doucement, rougissant de moins en moins de gêne et de plus en plus de plaisir. Malgré le fait d'être devant un miroir. Cependant, après à peine quelques minutes, il n'y tint plus. Ça n'était juste plus possible de tenir sans rien faire, juste à la regarder comme ça.

Il régla le problème en la portant, en princesse, sur le lit. Elle aurait au moins eu une fois un instant de conte de fées dans cette histoire. Là, une fois au creux de ses draps, il recommença ses attouchements. De manière de plus en plus poussée. Mais rapidement, il arrêta. Elle releva la tête, surprise, sans doute frustrée aussi. Mais changea bien vite d'avis quand il se positionna correctement entre ses cuisses. Elle tendit la main vers la table de nuit pour lui donner un préservatif. Comme s'il allait oublier. Des gosses sur le dos, très peu pour lui. Il l'enfila et reprit sa tâche. Il la pénétra brusquement avant de s'immobiliser. Pas longtemps cependant. Il prit quelques secondes pour trouver son rythme et à partir de ce moment, eut du mal à ne pas penser qu'à son plaisir. Sérieusement, cette fille, il s'en fichait, non ?

Il continua à cette cadence avant d'exploser son désir en elle. Elle cria aussi et il sut qu'il avait rempli son contrat. Oh pas celui qu'elle voulait, mais celui qu'il s'était fixé. Il l'avait fait jouir. Il n'avait rien de plus à lui donner. Il prit quelques minutes pour se reprendre. Ça avait beau être une partie de baise, c'était peut-être l'une des meilleures. L'une des plus étranges. La première qui l'ait un peu perdu. Dommage.

Ça ne se reproduirait plus. Jamais deux fois avec la même fille. Même les meilleurs coups. Une règle à laquelle il n'avait jamais dérogé. Et ça ne commencerait pas avec cette fille, aussi adorable soit-elle avec ses grands yeux qui le regardaient chercher ses vêtements dans la pièce. Les filles adorables, ça n'était pas son crédo. Elle aurait dû le comprendre dès le début. Elle allait le maudire. Et le pire, c'est qu'il n'en avait pas grand-chose à foutre. Il retrouva enfin une de ses chaussettes sous le lit, après avoir enfilé le reste de ses vêtements.

Il ne comptait pas rester dormir. Pas son genre non plus. On dort avec les filles qu'on aime. On dort avec les filles auxquelles on tient. On dort avec celles à qui on accepte de montrer ses faiblesses. On dort pas avec une fille rencontrée le matin et baisée le soir. On dort pas avec un numéro parmi une liste. Ça n'avait pas de sens. Pas pour lui en tout cas.

Il leva le regard vers elle. Elle était là. Allongée sur le lit. Un drap sur elle comme pour se protéger. Comme si elle avait peur. Comme s'il allait la frapper. Comme s'il allait lui faire du mal. Ne comprenait-elle pas, cette petite idiote, que le mal était déjà fait ? Qu'il n'avait plus rien à lui faire ? Il accrocha son regard, quelques secondes. Quelques secondes de tristesse à laquelle ne répondait que du mépris. Quelques secondes d'incompréhension à laquelle ne répondait que du fatalisme. Il n'y pouvait rien. Il était comme ça. Et il ne comptait pas changer. Ça ne servirait à rien. Chassez le naturel, il revient au galop, dit-on. Eh bien voilà. Pas la peine de chercher à le changer.

Il était un connard et il le resterait. Sans aucun remords. Juste le regret de ne pas encore être parvenu à être un connard lisse et propre. Il avait cru pourtant. Ça n'était pas encore pour cette fois. Tant pis, il y en aurait d'autres. Les occasions ne manqueraient pas.

Il referma les portes les unes après les autres derrière lui. Sans se retourner. En repensant au déroulement de la soirée, il se rendit compte d'une chose. Il avait oublié de lui demander son prénom. De toute façon, il l'aurait oublié. Elle n'était rien. A peine un numéro. Il ne savait rien d'elle. Et elle ne savait rien de lui. Il s'en foutait complètement. Il avait été dérouté quelques instants, juste au début, mais il s'était retrouvé.

Lui, Jay Starlight, était un connard presque lisse, bientôt propre. Ça n'était plus qu'une question de nuits.