...Chapitre 1...

- Bastien! Lève-toi! Tu ne vas pas rester enfermé toute la journée! Allez, bouge-toi!

Un grognement sourd sortit de sous la couette, mais la forme cachée en dessous ne bougea pas. L'homme qui se tenait debout près du lit poussa un soupir excédé en posant ses poings sur ses hanches. Il fixait le monticule de couvertures d'un œil noir.

- Je te préviens que si tu ne sors pas tes fesses de ton lit dans les 10 secondes, je te balance une cuvette d'eau glacée sur le coin du nez, mon p'tit père!

- Ouais, ouais...

Un visage chiffonné fit son apparition et lança un regard mauvais au fauteur de troubles. Le dénommé Bastien se redressa en baillant et s'assit en tailleur au milieu de son lit. Il passa une main dans ses cheveux blonds emmêlés et bailla.

- Tu as vu l'heure? lui demanda le plus âgé d'un ton passablement énervé.

- Trop tôt pour que tu me gueule dessus, frangin, marmonna le jeune homme, encore endormi.

- Trop tôt?! Il est midi passé! répondit Martial en haussant le ton, furieux.

- Ouais, bien c'que j'dis... Et puis qu'est-ce que tu fais là d'abord? lui lança le plus jeune qui se mit à l'observer d'un regard noir.

- J'ai oublié un dossier ce matin et j'en ai besoin pour une réunion avec le conseil d'administration de l'hôpital. Mais là n'est pas la question! Tu comptes faire quoi aujourd'hui? enchaîna le plus âgé qui ne perdait pas contenance sous les iris verts et glacials.

- J'sais pas...

Le plus jeune se leva et enfila son jean et un tee-shirt sous le regard exaspéré de son frère aîné. Bastien passa à côté de lui d'une démarche souple, sans lui prêter la moindre attention. C'était un jeune homme de tout juste vingt ans. Assez grand, il avait un corps fin et nerveux, tout en muscles déliés. À première vue, il paraissait délicat, mais ce n'était qu'une impression. De longues jambes, des hanches étroites, bien que son torse et ses bras soient un peu plus musclés grâce à quelques années d'entrainement au tennis et aux arts martiaux pendant ses années lycéennes. Avec ses cheveux blonds mi-longs, de nombreuses personnes le prenaient, de prime abord, pour un jeune homme fragile. Mais dès que l'on voyait son visage, le doute n'était plus de mise. Malgré sa bouche fine et ses yeux immenses et verts, ses traits étaient marqués, masculins a n'en pas douter. Un nez droit, des joues un peu creuses, mais surtout un regard froid qui retenait l'attention et qui vous glacait le sang. Le caractère du jeune homme se découvrait dans ses yeux et ses expressions : quelqu'un de dur, de froid et de peu aimable.

A l'inverse de Bastien, son frère aîné, Martial, était chaleureux et souriant. C'était le genre d'homme qui inspirait confiance au premier regard. Il était blond lui aussi, mais a vingt-cinq ans, son corps était beaucoup plus développé. Il avait une carrure impressionnante avec ses larges épaules et son torse musclé. Il aimait le sport et cela se voyait. Il ne comptait plus les heures à jouer au squash, entre autres, avec ses collègues de l'hôpital. Son travail au conseil d'administration lui plaisait énormément et il s'épanouissait dans une carrière qui lui promettait de belles opportunités. De plus, son caractère avenant et enjoué lui assurait un certain succès auprès du personnel féminin de l'hôpital.

Mais pour l'instant, le comportement nonchalant de son frère mettait Martial d'humeur assez sombre. Il suivit le jeune homme jusqu'à la cuisine où il le regarda se servir un café et le mettre à chauffer au micro-onde. Martial s'adossa au chambranle de la porte et demanda à son cadet d'une voix déterminée mais plus calme que précédemment:

- Tu comptes chercher du boulot un de ces jours?

- Ouais, marmonna le plus jeune, que la conversation ennuyait au possible.

- Tu avais dit que tu t'y mettrais après les fêtes de fin d'année. Et on est mi-février, là, reprit l'aîné en sentant ses nerfs se tendre.

- Je sais… Pas de ma faute si y'a rien, répliqua Bastien en sortant sa tasse de l'appareil ménager, avant de souffler doucement sur son café avec nonchalance.

- As-tu seulement cherché? insista son frère qui ne voulait pas abandonner tout espoir de faire entendre raison à ce fichu gamin.

- Ouais…

Bastien but une gorgée du breuvage chaud après un long soupir. Il alla s'asseoir à la table tout en jetant un bref regard froid et dédaigneux à son aîné. Ce dernier commençait à lui prendre la tête avec ça dès le matin. Il avait d'autres préoccupations que sa recherche de travail. En fait, pour être honnête, il n'en avait strictement rien à foutre. Il avait d'autres choses qu'il jugeait plus importantes à l'esprit.

- Bastien, tu commences à me taper sur les nerfs, reprit Martial dans un soupir désabusé.

- …

- Tu devais trouver du boulot. À la place, tu sors tous les soirs, tu rentres à l'aube et dors toute la journée! Ce n'est pas comme ça que tu réussiras dans la vie, mon grand! s'exclama l'aîné, qui s'enflammait à nouveau devant le manque de réaction de son frère.

- …

- Mais dis quelque chose, bon sang! explosa littéralement Martial, excédé.

- Tu m'saoules! s'exclama le plus jeune avec hargne.

Bastien se leva brutalement de sa chaise, faisant grincer le parquet sous les pieds de celle-ci, et déposa furieusement sa tasse vide dans l'évier. Il se retourna et se dirigea vivement vers la porte d'où le regardait son frère furieux. Il allait passer à côté de lui, sans baisser son regard flamboyant de colère, quand son aîné lui prit le bras.

- Je te saoule peut-être, mais je suis encore responsable de toi ! On était d'accord sur le fait que si tu arrêtais tes études, c'était pour travailler, pas pour traîner avec je ne sais qui, reprit le plus âgé des deux hommes, essayant de retrouver son calme pour désamorcer la situation plus que tendue.

- J'ai eu mon bac. Et avec mention en plus… Alors qu'est-ce que t'as à me prendre la tête, là? grogna Bastien, qui, lui, se laissait emporter par sa colère froide.

- Ce que j'ai à te prendre... murmura son aîné, ahuri que ce petit con ose lui poser cette question.

- Et mes potes sont des mecs bien. J'm'en branle de ce que tu peux bien penser! le coupa son jeune frère en haussant le ton, tout en se dégageant brutalement le bras d'un geste sec.

- Des mecs biens? Tu parles de cette bande de fils à papa qui jettent le fric de leurs parents par la fenêtre ? Qui s'ennuient tellement qu'ils enchainent les conneries? Certains d'entre eux faisaient partie de l'orgie qui a mal tourné le mois dernier! Certains d'entre eux ont fini complètement camés à l'hôpital il y a quinze jours! hurla Martial, perdant le peu de retenue qu'il avait tenté de garder devant l'attitude de Bastien.

- Et en quoi ça te regarde? cracha ce dernier en se dirigeant furieusement vers les escaliers qui menaient à l'étage et à sa chambre.

- Tu n'es pas comme eux, Bas'! Tu ne te drogues pas au moins? demanda subitement le plus vieux après un temps d'arrêt, sa voix devenue inquiète.

- Lâche-moi, putain ! hurla Bastien qui montait les marches d'un pied lourd, martelant ainsi sa colère et sa frustration.

Martial le regarda faire, désemparé devant le mur qu'était devenu son frère. Il ne le comprenait plus. Toutes leurs conversations se terminaient de la même façon : des cris et une incompréhension totale. Un fossé de plus en plus important les séparait... Mais il devait essayer une fois encore de pousser son jeune frère dans la bonne direction.

- Je te préviens, Bastien. Dans quinze jours au maximum, tu auras du boulot. Tu peux compter sur moi! lui cria son aîné, espérant lui faire comprendre l'urgence de la situation.

Un claquement de porte fut la seule réponse qu'il obtint. Martial poussa un profond soupir. Ou était passé son petit frère fragile qui avait besoin de lui? Est-ce que tout n'était dû qu'à une crise d'adolescence tardive? Ou les évènements qui s'étaient déroulés cinq ans plus tôt le hantaient-ils toujours? Pourquoi n'arrivait-il plus à lui parler, à l'atteindre ? Pour l'instant, peu importait ces interrogations. Il devait éloigner Bastien de cet environnement malsain dans lequel il évoluait. Cette bande de petits cons ne pouvait rien lui apporter de bon. Le jeune homme alla chercher le dossier qu'il avait oublié ce matin et repartit à l'hôpital en se disant qu'il aurait à peine le temps de manger un sandwich avant de reprendre son travail.

Bastien enrageait... Non mais quel connard! De quel droit jugeait-il ses amis? Il savait très bien que ses potes n'étaient pas des anges. Mais, eux, ne le jugeaient pas. D'un coup de pied rageur, le blond envoya une basket, qui trainait par terre, à l'autre bout de la pièce. Et puis le travail, le travail, le travail... Martial n'avait que ce mot à la bouche! Merde, il pouvait bien profiter un peu de la vie, non? Il avait bien le droit, non? Surtout après tout ce qui s'était passé... Le jeune homme baissa les yeux vers ses bras. Il tourna ses poignets vers son visage et ses traits se durcirent un peu plus... Le travail... Est-ce que ça pourrait lui permettre d'oublier? Est que ce serait aussi efficace que les drogues que lui faisaient essayer ses potes? Aussi rapide que le plaisir qu'il pouvait prendre avec les inconnus qui le baisaient? Aussi grisant que l'adrénaline qui le submergeait quand il dépassait les limites de l'interdit? Non, son frère ne pouvait pas le comprendre. Pas le parfait Martial à qui tout souriait.

Le jeune homme baissa ses bras, rompant la vision quasi hypnotique de ses poignets. Il décida de prendre une douche et de se préparer à sortir. Il n'allait pas attendre le retour de son frangin qui en profiterait pour lui faire encore et toujours la morale. Autant l'éviter le plus possible. Et Bastien commençait à devenir très fort à ce petit jeu... Un sourire désabusé étira ses lèvres fines alors qu'il enlevait son tee-shirt, et qu'il se dirigeait vers la salle de bains.

/

Cela faisait six jours que les deux frères ne s'étaient pas croisés. Bastien rentrait quand son aîné partait à l'hôpital et se dépêchait de sortir avant que ce dernier ne rentre du travail. Il s'étourdissait dans des fêtes alcoolisées, dans des parties ou les jeunes étaient aussi défoncés que lui. Il oubliait sa vie en se faisant prendre à la va-vite n'importe où, par des mecs qui ne posaient pas de questions. Sa vie défilait et il s'abrutissait le plus possible. Et que son frère aille se faire foutre, lui et sa morale à la con…

Martial, quant à lui, commençait à s'inquiéter. Il avait bien l'habitude de ne pas voir Bastien pendant plusieurs jours d'affilée, mais leur dernière discussion avait été plus houleuse que d'habitude et il ne pouvait s'empêcher de se sentir un peu coupable. Il savait que son petit frère passait par une phase difficile. Il se rendait compte que Bastien n'allait pas bien, mais il faisait pourtant tout pour faciliter la vie à son petit frère.

Quand son cadet avait fait son coming-out, il y avait cinq ans de cela, Martial avait été très surpris. Il ne se doutait de rien. Certes, Bas' n'avait pas eu beaucoup de petites amies, malgré son physique plus qu'agréable, mais il avait mis cela sur la timidité du blondinet et son jeune âge. Après tout, il n'avait que quinze ans, et toute la vie devant lui. Et puis, Bastien s'était mis à lui poser des questions qui l'avaient troublé. Et enfin, il lui avait avoué qu'il ne savait plus trop où il en était, perdu dans une confusion de sentiments : Était-il attiré par son meilleur ami, ou était-ce juste une forte amitié, empreinte d'une certaine idéalisation. Bastien ne savait plus… et Martial avait essayé de l'aider, en tentant tant bien que mal d'éviter les discours moralisateurs ou de le ramener à tout prix sur le chemin de la normalité qu'était censée représenter l'hétérosexualité. Il avait pris sur lui pour le laisser faire son choix.

Bastien avait fini par admettre l'attirance qu'il éprouvait pour Alban, son fameux meilleur ami, et son homosexualité. Il était resté très discret quant à son orientation sexuelle. Cela n'avait pas du tout étonné le plus âgé des deux frères. C'était dans le caractère de Bastien, il était introverti et manquait d'assurance. Les seuls moments où il semblait s'épanouir était avec son meilleur ami, une vraie pile électrique qui entrainait Bastien à sa suite depuis des années. Après bien des discussions avec Martial, ce dernier avait pris la décision de ne pas faire part de ses sentiments à Alban, préférant garder leur amitié intacte.

Tout allait bien dans le plus parfait des mondes et Martial n'avait pas vu son frère sombrer subitement en enfer. Encore aujourd'hui, cinq ans après les faits, il se demandait toujours à quel moment il avait merdé. Comment avait-il pu ne pas voir son petit frère hurler en silence ? Il l'avait pourtant vu pleurer dans la salle de bains. Il avait vu les bleus sur son corps. Il l'avait pourtant entendu sangloter durant des nuits entières. Alors comment n'avait-il pas pu comprendre? Il n'aurait pas dû se contenter des réponses évasives de Bastien qui expliquait tous ces pleurs par le fait qu'il souffrait de ne pouvoir se confier à son meilleur ami, qu'il ne vivait pas aussi bien que ça son homosexualité. Et les bleus, ce n'était pas grand-chose, il s'était fait mal en faisant une énième connerie avec Alban ou en faisant du sport.

Et puis, Bastien avait changé. Il était devenu encore plus renfermé, plus silencieux, le rejetant sans cesse. De gamin timide, il était devenu adolescent caractériel avec une violence latente qui explosait par crises. Martial s'était senti dépassé par les évènements. Perdu dans ce déchaînement de cris et d'objets brisés. Combien de fois avait-il retrouvé la chambre de son cadet ravagée par une crise de rage ? Jusqu'à ce coup de fil de la police qui avait à son tour entraîné Martial dans un cauchemar sans fin. Bastien et Alban étaient à l'hôpital dans un état critique, se battant entre la vie et la mort. Son frère avait survécu mais pas son meilleur ami. Bastien avait été brisé, détruit, et Alban, enterré. Et lui ? Lui, n'avait rien vu. Trop préoccupé par son travail, ses responsabilités, sa propre vie…

Et, aujourd'hui, il se retrouvait à vivre avec sa culpabilité et son envie d'aider son frère. Il voulait le voir sourire à nouveau, discuter normalement avec lui, rire comme avant. Au lieu de cela, Bastien le mettait dans une situation qu'il ne supportait plus. Martial détestait ce rôle de père fouettard qu'il était obligé d'endosser à chaque fois qu'ils se croisaient. Alors, d'accord pour se montrer compréhensif et à l'écoute, mais pas au point de laisser son cadet enchainer les conneries et détruire sa vie avec cette bande de petits cons, trop riches et blasés de la vie. Si leur seule façon de vivre était de toujours repousser les limites pour attirer l'attention de leur entourage, il n'en était pas de même pour Bastien. Il l'avait, lui, prêt à se sacrifier pour son bonheur. Que lui fallait-il de plus pour qu'il reprenne goût à la vie et arrête de s'autodétruire un peu plus à chaque jour qui passait ?

Martial fut sorti de ses pensées par une série de coups frappés à sa porte. Le visage d'un de ses collègues apparut par l'entrebâillement de la porte.

- Je peux entrer? demanda Minami, un médecin avec qui le jeune homme jouait fréquemment au squash.

- Bien sûr, tu viens demander une revanche? s'amusa Martial, heureux d'être interrompu dans le cours de ses sombres pensées.

- Tu m'as battu de peu et j'avais eu une garde de nuit la veille alors ça ne compte pas vraiment! lui rétorqua l'homme aux cheveux d'un noir de jais dans une grimace dédaigneuse.

- Petit joueur... Accepte ta défaite avec classe, mon ami, rigola Martial en lui désignant un siège face à son bureau.

- C'est toi qui manque de classe de profiter de ma faiblesse! rigola le médecin en s'asseyant avec un grand sourire.

- Que puis-je pour toi? demanda Martial qui se retenait d'éclater de rire face à tant de mauvaise foi.

- C'est plutôt moi qui peux quelque chose pour toi.

- Oh... Tu m'intéresse, là. Comment s'appelle-t-elle? interrogea le blond en posant ses coudes sur son bureau avec un regard pétillant de bonne humeur et d'intérêt.

- Aussitôt! Pour une fois, je ne viens pas te rapporter les derniers commérages des infirmières mais te parler de ton petit frère, répondit Minami en étendant ses longues jambes et en croisant ses bras derrière sa tête.

- Bastien? Qu'est-ce qui se passe? questionna aussitôt le blond en retrouvant son sérieux dans la seconde.

- Pas de panique! C'est à propos de ta recherche de job pour lui. Tu te rappelles que tu m'en as parlé la semaine dernière? le rassura vivement son ami, connaissant l'angoisse de Martial de voir son frère suivre ses « amis » et de finir à l'hôpital comme certains d'entre eux.

- Difficile d'oublier ce problème... S'il pouvait se motiver un peu et arrêter ses conneries, ça m'enlèverait une sacrée épine du pied, marmonna Martial en se passant une main lasse dans les cheveux alors qu'il reposait lourdement son dos contre le dossier de son fauteuil.

- Je crois avoir ce qu'il te faut, lui rétorqua Minami avec un grand sourire avant d'expliquer. J'ai un ami qui travaille dans un centre pour jeunes en difficulté. C'est une clinique vétérinaire tenue par mon pote que j'ai connu sur les bancs de la fac. On a fait nos premières années de médecine ensemble, avant qu'il ne se tourne vers les animaux. Charles a donc ouvert une clinique vétérinaire en Normandie. Et il a aussi acheté pas mal de terrain autour pour recueillir des animaux en souffrance, abandonnés ou maltraités. Enfin, un vrai paradis pour nos amis les bêtes. En fait, au fur et à mesure, c'est plus devenu une véritable ferme si tu veux mon avis. Et pour entretenir son arche de Noé, Charles a besoin de monde. C'est pour cela qu'il accueille des jeunes en réinsertions pendant un mois et les fait travailler avec les bébêtes. Il paraît que ça marche. Tu sais, la fameuse thérapie avec les animaux... Enfin bref, il aurait besoin de quelqu'un de fixe pour aider son gérant. Une personne qui n'aurait pas peur du travail, qui a un bon contact avec les animaux et qui ne sois pas trop con, car il y aura aussi une partie du boulot qui tiendra de la gestion. Ce serait pas mal pour ton frangin, qu'est-ce que tu en penses ?

Martial l'écoutait d'une oreille attentive, un peu surpris d'une telle proposition. Il poussa un soupir fatigué avant de répondre d'une voix emplie de lassitude et de doute :

- Je crains que ça ne lui plaise pas...

- Le gros avantage de cette combine, c'est que ça l'éloignera de ses mauvaises fréquentations. C'est en pleine campagne comme tu t'en doutes. Le grand air va le changer de ses soirées enfumées, argumenta Minami en plongeant un regard très sérieux dans celui indécis de son ami.

- C'est un peu... radical, non? répondit Martial, hésitant.

- Peut-être, mais vois le bon côté des choses. Il sera en contact avec des gamins qui ont de vrais problèmes. Pas comme ces fils de riches. Se frotter à eux pourrait lui faire ouvrir les yeux, enchaîna Minami qui semblait avoir réfléchi attentivement à cette proposition avant de la lui soumettre.

- Hum... Hum... Tu marques un point, plusieurs en fait, murmura le blond qui commençait à entrevoir les bénéfices de l'opportunité.

- Réfléchis-y. Je te propose et tu disposes, comme dirait l'autre! Bon il faut que j'y retourne, tiens-moi au courant, d'accord? demanda le brun en se levant et en s'étirant avec un grand bâillement sonore.

- Bien sûr, merci Minami.

- Pas de problème. N'oublie pas que tu me dois une partie de squash, mec! rigola le médecin en ouvrant la porte du bureau avant d'en sortir.

Martial sourit en voyant la porte se refermer sur la blouse blanche de son ami. Une clinique vétérinaire en pleine campagne? Il sourit en imaginant son frère au milieu des vaches.

/

Les journées passaient à toute allure. Enfin, plutôt les soirées dans le cas de Bastien. Il se trouvait dans une de ces dernières boites à la mode où les jeunes se pressaient sur la piste de danse. Grâce à un de ses potes, ils avaient pu avoir une table assez facilement et ils avaient commandé plusieurs bouteilles. Il leva son verre et but une longue gorgée de Whisky coca. Sa tête commençait à lui tourner, mais c'était agréable. Il écoutait ses connaissances parler de la dernière fille qu'ils avaient repérée. Les paris étaient engagés à savoir lequel arriverait à la mettre le premier dans son lit. Ça ne l'intéressait pas plus que ça, mais s'il devait miser, il donnerait Lucas gagnant. Ce dernier, avec son charme ténébreux, ne laissait personne indiffèrent. Lucas savait jouer de ses atouts typiquement asiatiques pour faire tomber ces demoiselles. L'aura de mystère qui l'entourait excitait la curiosité et les hormones féminines.

Bastien commençait à trouver la discussion ennuyeuse et il releva la tête. Son regard sonda la salle puis le bar. Il aperçut alors un jeune homme qui l'observait. Parfait, la soirée s'annonçait moins chiante que ce qu'il craignait. Il accrocha ses iris verts au regard du brun et leva son verre, saluant discrètement le jeune homme brun au bar. Celui-ci sourit et lui rendit son geste. De mieux en mieux... Le jeune blond se leva après s'être excusé auprès de ses amis. Il se dirigea vers celui qui ne le quittait pas des yeux. Il appuya une de ses hanches contre le bar et fit face au jeune homme avant d'entamer la conversation avec une nonchalance soigneusement calculée et qui avait maintes fois fait ses preuves :

- Tu t'ennuies?

- Pas vraiment. J'attends des amis, répondit son vis-à-vis avant de porter son verre a ses lèvres.

- Tu veux que je te tienne compagnie en les attendant? proposa Bastien, ancrant un regard sans équivoque dans celui du brun.

- Pourquoi pas... Je m'appelle Jonathan, lui répondit le jeune homme avec un sourire, en lui tendant la main.

- Ça ne te dirait pas qu'on se trouve un endroit un peu plus... tranquille ? demanda le jeune blond, sans répondre à son sourire, en remontant ses doigts le long du poignet qu'il avait saisi.

- Tu ne veux pas que je t'offre un verre ? s'étonna le dénommé Jonathan en haussant un sourcil surpris devant cette entrée en matière plus que directe.

- Ils n'ont pas ce dont j'ai besoin dans ce bar, murmura Bastien sans lâcher les yeux noisette de son interlocuteur afin de bien lui faire comprendre son envie.

- Eh bien, t'es du genre rapide, toi ! ricana Jonathan qui avait très bien saisi où voulait en venir le mignon petit blond qui se tenait à ses côtés.

- Si ça ne te dit rien, je repars d'où je viens, grogna Bastien en lui lâchant le poignet, agacé de perdre son temps.

- Wow ! Tout doux ! Je ne refusais rien du tout, bien au contraire ! Suis-moi...

Le jeune homme que Bastien venait d'aborder se leva, après avoir vidé son verre d'une traite. Il lui saisit l'avant-bras et l'entraina à travers la piste de danse, vers la porte de sortie. Il glissa quelques paroles à l'oreille du videur qui acquiesça de la tête avant de leur ouvrit la porte. Ils se retrouvèrent sur le trottoir. Le blondinet frissonna. Il ne portait qu'une chemise à manches longues et il ne faisait pas très chaud par cette nuit de février, surtout après l'air surchauffé de la boite. Son compagnon d'un soir l'entraina vivement vers une rangée de voitures garées un peu plus loin, contre le trottoir. Un bip sonore et le clignotement des phares indiquèrent à Bastien quelle voiture appartenait au brun.

- Monte, proposa directement Jonathan en faisant un signe au mec qui le suivait.

Le jeune blond ouvrit la porte et s'installa sur le fauteuil passager avant. Il ne savait pas ce que son futur amant avait à l'esprit et il s'en fichait. La fraîcheur de l'air l'avait un peu dégrisé et maintenant, il était impatient de remplacer une ivresse par une autre. La porte côté conducteur claqua une fois que Jonathan eut pris place derrière le volant. Il sourit à Bastien avant de se pencher vers lui, tendant le bras vers la boite à gants. Il l'ouvrit et en sortit un sachet qui renfermait des petites pilules bleues. Il en saisit une et la porta à ses lèvres avant de l'avaler. Puis il en tendit une à Bastien.

- T'as rien contre? demanda-t-il avec un demi-sourire en la lui proposant.

Pour tout réponse, ce dernier baissa son visage vers la paume ouverte, où reposait la gélule, et d'un petit coup de langue, il l'attrapa, léchant la peau a portée de lèvres.

- T'es chaud bouillant, toi, marmonna le brun, que ce simple geste commençait à faire bander.

Bastien sourit en se redressant tout en avalant la drogue. L''habitude faisait qu'il n'avait même plus besoin d'eau ou d'une quelconque autre boisson pour avaler le cacheton tel quel. Il sentait l'envie de se faire prendre monter irrépressiblement et lui ravager le ventre. Il avait envie, non, besoin d'une queue en lui. Alors, il s'installa plus confortablement et, se penchant à nouveau, il posa sa main sur la cuisse de son compagnon. Celui-ci eut un petit sourire en coin et défit vivement sa braguette. Il en sortit un sexe déjà gonflé par l'excitation.

- Tu veux la goûter? proposa Jonathan, allumé par ce mec qui savait ce qu'il voulait.

Le jeune blond se pencha un peu plus, jusqu'à avoir le sexe de l'autre devant son visage. Il le prit en main et sortit la pointe de sa langue pour en lécher la petite fente humide. Il commença alors à sucer le gland de ce sexe offert pendant que Jonathan se calait plus confortablement dans son siège. Il sentit une main se poser sur sa tête, appuyant légèrement pour lui faire accélérer le mouvement. Bastien engloutit enfin, avec gourmandise, la queue dressée. Il la prit totalement en bouche, ses lèvres s'ouvrant en grand tout contre le pubis. Il fit jouer tout doucement ses dents sur la base, resserrant ses lèvres alors qu'il remontait le long du sexe, jouant de sa langue autour du gland. Il fit plusieurs allers et retours, alternant la cadence, avalant voracement la large queue, pour remonter doucement en la tétant goulument. Il continua cette caresse pendant plusieurs minutes, faisant profiter le brun de tout son savoir-faire en laissant l'excitation, l'impatience et le besoin grimper en flèche dans son corps.

- Putain, t'es bon... Continue comme ça, grogna le brun dans un souffle saccadé.

La prise sur ses cheveux devint plus dure, et le mec qu'il pompait donna quelques coups de hanches, essayant de s'enfoncer plus loin dans sa gorge. Cela ne lui plut pas. Il arrêta de bouffer le sexe bandé et se dégagea sèchement de cette main avant de se redresser.

- Tu comptes prendre ton pied tout seul ou tu me baises? demanda-t-il d'un ton cassant, en s'essuyant la bouche.

- Holà, mon mignon ! T'inquiète pas, tu vas l'avoir dans le cul, ma bite! ricana le brun, se moquant de l'impatience de ce mec en chaleur.

- Alors magne-toi, grogna Bastien en lui lançant un regard noir.

- Pas ici...

Bastien regarda le type en face de lui se rajuster et sortir de la voiture. Il l'imita, un peu surpris par ce revirement de situation. L'autre ferma la voiture et se dirigea vers une ruelle sombre, perpendiculaire à la rue ou ils se trouvaient. Le blondinet le suivit, perplexe, mais sans avoir l'intention de laisser tomber cette opportunité de se faire baiser.

- C'est la voiture de mon vieux, si je la salis je vais me faire engueuler, expliqua le jeune brun en regardant autour de lui, à la recherche d'un endroit discret.

- Je vois… marmonna Bastien qui s'en foutait royalement, plus ennuyé par ce contretemps qu'autre chose.

- Là, c'est très bien. Viens là, reprit Jonathan en se tournant vers le blondinet.

Bastien s'approcha de son amant qui avait trouvé une porte renfoncée dans le mur, ce qui leur permettait d'être cachés de la rue principale. Jonathan le saisit par la nuque et voulut l'embrasser mais le jeune homme détourna légèrement son visage, de façon à ce que le baiser de l'autre arrive au coin de ses lèvres. Il défit rapidement le pantalon du brun et reprit son sexe en main pour le branler.

- T'embrasses pas? lui demanda Jonathan, incrédule.

- Non, lui répondit son coup d'un soir d'une voix coupante.

- T'es quoi, une pute? reprit le brun, vexé du ton employé par Bastien.

- T'occupe... Tant que je te fais pas payer… grogna ce dernier, en lui baissant sous-vêtement et pantalon dans un même geste impatient.

Le beau blond s'agenouilla rapidement et reprit sa fellation, savourant ce sexe qui allait le pénétrer dans les minutes à venir. Sa propre queue commençait à se sentir à l'étroit dans son pantalon et il défit sa braguette afin de se mettre plus à l'aise.

- C'est bon, grogna son compagnon, tourne-toi avant que je décharge dans ta bouche.

Bastien se redressa et fouilla dans la poche de son pantalon. Il en sortit une capote qu'il tendit au brun. Il lui dit en le regardant froidement :

- Je fais rien si tu ne la mets pas.

- Ok, ça me gêne pas.

Le jeune brun déchira l'emballage et déroula le préservatif sur son sexe pendant que Bastien baissait son boxer et son pantalon, dénudant ainsi ses fesses. Il appuya les paumes de ses mains contre la porte en bois et écarta le plus possible les jambes, cambrant le dos et offrant son cul au mec derrière lui. Enfin... le moment était arrivé. Il allait se faire prendre et ressentir ce plaisir qui allait le déconnecter pendant quelques instants de cette réalité qu'il haïssait. Il sentit son amant prendre place derrière lui. Ce dernier cracha sur le bout de ses doigts avant de caresser rapidement l'anus du blond afin d' y déposer sa salive. Celui-ci poussa un grognement face à ce geste qui lui envoyait des picotements de plaisir le long de sa colonne vertébrale. Il se détendit, attendant avec impatience la suite. Il sentit Jonathan réitérer son geste, avant de lui saisir une hanche et de présenter son sexe contre son entrée. D'une brusque poussée, l'autre le pénétra jusqu'à la garde, lui faisant relever le visage et creuser les reins sous l'assaut. La douleur fit serrer les dents du blondinet qui chercha sa respiration pour se détendre.

- T'as l'air de l'utiliser souvent ton cul, marmonna son amant d'un soir, un peu surpris de ne pas rencontrer plus de résistance.

- Putain, baise-moi, grogna Bastien qui n'en pouvait plus d'attendre le bon vouloir du mec dans son dos.

Sous l'encouragement de son amant, le jeune homme saisit les hanches fines à pleines mains et se retira avant de s'enfoncer profondément entre les chairs chaudes. Bastien poussa un gémissement rauque sous le coup de butoir qui le transperçait. Il se sentait envahi par cette queue qui le fouillait sans lui laisser le temps de s'ajuster, allant et venant en lui avec force. Et il aimait ça… Il aimait qu'on le prenne sans ménagement. À vrai dire, il ne connaissait que cette façon de faire et il en retirait du plaisir. Il sentait un feu dévorant monter de son bas-ventre. Son sexe, qui avait perdu son érection sous la violence de la pénétration, bandait à nouveau et commençait à suinter de désir. Soudain, une plainte rauque lui échappa quand son amant claqua brutalement son bas-ventre contre ses fesses. Des éclairs de plaisir purs lui traversèrent le corps. Il sentait sa tête tourner et sa vue se brouiller. Le jeune blond secoua la tête, mais ne s'attarda pas sur ce léger désagrément, tout à la recherche de son plaisir. Les coups de reins du brun se firent plus rapides et plus profonds. Bastien comprit que son partenaire allait jouir. Il saisit son sexe et se mit à se branler au même rythme que les pénétrations qui lui ouvraient le cul. Il se laissa aller en haletant à ses sensations, accueillant toujours plus profondément la queue chaude de son amant d'un soir. Ce dernier poussa un grognement sourd alors qu'il éjaculait et Bastien jouit quelques instants plus tard, son sperme maculant la porte sur laquelle était appuyée sa main.

Le brun se retira doucement du blondinet frissonnant, encore au prise avec son orgasme. Le souffle court, le brun s'adossa au mur alors que Bastien posait sa tête sur ses avant-bras, tentant de reprendre sa respiration. Voilà, c'était ça. Ce trop bref instant où il se sentait maître de son corps, où sa tête se vidait de toutes ces pensées parasites. Son amant retira le préservatif usagé et le lança plus loin dans la ruelle. Il se rajusta et regarda le jeune blond, toujours immobile.

- Ça va? demanda-t-il, encore essoufflé.

- J'ai la tête qui tourne, marmonna Bastien en se baissant lentement, saisissant son boxer et son pantalon pour se rhabiller.

- T'inquiète, c'est ce que je t'ai donné dans la voiture qui commence à faire son petit effet. Tu te sentiras bien d'ici une quinzaine de minutes, ricana Jonathan en l'observant.

- …

- C'était sympa, reprit-il en caressant la nuque du blond qui se dégagea vivement de cette main indésirable.

- …

- C'est quoi ton nom? insista Jonathan, perturbé par le silence du mec qu'il venait de baiser.

- On s'en fout, grogna Bastien que cette pseudo-discussion faisait chier, maintenant qu'il avait eu ce qu'il voulait.

Jonathan grimaça sous la réponse dure de Bastien. Celui-ci finit de se rhabiller et se tourna vers son amant en lui jetant un regard froid, avant de lui dire d'une voix indifférente :

- On rentre?

- Ouais, marmonna le jeune homme, vexé par le mépris de Bastien.

Ils repartirent en direction de la boite sans dire un mot de plus. Le brun se fit repérer par le videur à qui il avait parlé avant de sortir. Il lui glissa un billet et ils purent entrer à nouveau dans l'atmosphère surchauffée qui fit suffoquer Bastien pendant quelques instants. Sans une parole, son amant d'un instant le laissa aux abords de la piste de danse pour aller rejoindre ses amis qui étaient arrivés entre temps.

Bastien regarda autour de lui, un peu perdu dans cette masse de corps anonymes. Il avait du mal à se repérer. Il se sentait bizarre, comme s'il était fébrile. Il se décida à traverser la foule qui se déhanchait au rythme de la musique pop-électro qui passait à plein volume. Il esquiva tant bien que mal les danseurs, sentant son cerveau se brouiller. Chaque impact musical se répercutait en lui, comme des dizaines de vagues qui le submergeaient. Il repéra enfin le groupe avec qui il était venu, toujours attablé. Il alla les rejoindre, avançant difficilement, ses jambes ayant du mal à lui obéir et à se coordonner. Il s'installa sur le bout de banquette que lui libéra une de ses connaissances. Avec des gestes saccadés, le jeune homme se servit un verre de whisky coca car il avait soudain la bouche sèche. Il en avala une bonne gorgée.

- T'étais ou, Bas'? demande Lucas qui venait de s'apercevoir du retour du beau blond.

- Sorti prendre l'air, marmonna Bastien, avec la désagréable impression que sa langue était beaucoup trop grande pour sa bouche.

- Avec le petit brun que t'as rejoint au bar?

- Ouais, grogna-t-il, les mots dansant une sarabande de tous les diables, tels des feux multicolores dans sa tête.

- C'est un bon coup? s'amusa le seul ami qu'il avait dans ce groupe de jeunes.

- …

- T 'es sûr que ça va? T'es tout pâle d'un coup, s'inquiéta soudain Lucas en fronçant les sourcils.

Non, justement ça n'allait pas. Bastien sentait ses mâchoires se crisper, ses paumes devenir moites. La musique électro lui emplissait les oreilles, dictant un rythme effréné à son cœur. Sans compter les sensations bizarres et étranges que lui renvoyaient ses cinq sens. Putain, c'était quoi ce délire? C'était la première fois qu'il ressentait ça… Et ça ne lui plaisait pas, mais alors pas du tout. Il sentait son cerveau, ses pensées, son esprit tout entier partir, décoller vers un ailleurs. Mais son corps refusait de suivre la même route que son esprit, désespérément ancré dans cette réalité merdique. Bastien jeta un regard apeuré à Lucas. Ça n'allait pas, mais il lui était impossible d'émettre le moindre son, tant ses mâchoires étaient contractées.

- Oh! Bastien qu'est-ce tu nous fais, là? l'interrogea l'asiatique avec une inquiétude non feinte dans la voix.

Lucas commençait à paniquer en voyant le regard de Bastien devenir vague et la tête de son ami qui se mettait à dodeliner sans que celui-ci ne réagisse. D'un geste vif, il saisit le visage de Bastien entre ses mains et fixa ses yeux dans le regard vide de son ami. Il s'exclama alors :

- Putain, mec! T'as les pupilles explosées! Qu'est-ce que t'as pris?

- …

- Oh! Tu m'entends?! cria-t-il, en claquant doucement les joues du blond qui ne réagissait toujours pas.

Une gifle plus forte que les autres atterrit sur la joue du jeune drogué qui ne broncha pas, son visage retombant sur le haut de son torse dès que Lucas relâchait son menton. Le geste de l'asiatique ne passa pas inaperçu auprès des autres membres du groupe. Un des garçons, Kevin, demanda ce qui se passait à Lucas.

- J'sais pas, il est scotché, je crois, lui répondit le jeune brun d'une voix paniquée.

- …

- On ferait mieux d'aller lui faire prendre l'air avant qu'il tourne de l'œil ici, reprit-il, énervé par le manque de réaction du dénommé Kevin.

- Ouais, 'fait chier, répliqua mollement celui-ci qui se bougea à contre-cœur.

Les deux jeunes hommes saisirent Bastien par les bras et, moitié le soutenant, moitié le trainant, ils se dirigèrent tous les trois vers la sortie. Devant le regard interrogateur d'un videur, Lucas expliqua que son ami avait trop bu. Pour la seconde fois de la soirée, Bastien se retrouva dehors dans le froid. Mais cette fois-ci, son corps réagit violemment au changement de température, se mettant à frissonner puis à trembler brutalement. Les deux hommes qui le soutenaient, l'adossèrent au mur et essayèrent de le faire réagir. Mais aucun appel ni aucune gifle n'eurent un impact quelconque. Lucas voyait le corps délicat se contracter de plus en plus violemment.

- Merde, il fait un bad trip, le con! marmonna Lucas entre ses dents serrées par une inquiétude de plus en plus vive.

- Qu'est-ce qu'il a pris? demanda Kevin qui sentait la panique de son ami se répercuter en lui.

- Aucune idée! Il est revenu comme ça, il n'a quasiment pas parlé et...

La phrase du jeune asiatique fut brutalement interrompue quand le corps de Bastien s'écroula sur le sol. Ses jambes s'affaissèrent sous son poids et son dos glissa le long du mur qui le soutenait. Sa tête heurta violemment le béton de l'habitation avant que ses deux compagnons n'aient le temps de réagir.

- Bordel! Qu'est-ce qu'on fait? demanda Kevin, affolé.

- On va pas le laisser ici quand même, répondit l'asiatique en s'accroupissant aux côtés du blond.

- On s'en fout. Il n'avait qu'à pas déconner! s'exclama l'autre jeune qui ne pensait qu'à fuir pour éviter les problèmes.

- Attend, ça pourrait aussi nous arriver. Et il ne nous laisserait pas tomber, lui, marmonna Lucas en lui lançant un regard noir.

- Alors, tu veux faire quoi? questionna Kevin, d'une voix où perçait une pointe d'agressivité.

- On n'a pas trop le choix. 'Faut appeler les urgences. On sait pas ce qu'il a pris! On va quand même pas le laisser crever comme un chien! riposta l'ami de Bastien qui commençait à s'énerver face au comportement du second jeune homme.

Lucas sortit vivement son téléphone portable de la poche arrière de son jean, avant que Kevin n'ait le temps d'émettre la moindre protestation. Ça craignait... Mais Bastien était son pote et il ne se voyait pas le laisser comme ça, au mieux inconscient, au pire en pleine overdose. Il devait l'aider. Le jeune homme fut rapidement mis en relation avec les urgences les plus proches à qui il expliqua la situation. La personne qui lui répondit lui conseilla d'allonger le jeune homme inconscient sur le côté, la tête tournée le plus possible vers le sol afin qu'il ne s'étouffe pas s'il vomissait. Il devait rester près de lui et attendre l'équipe de secours qui partait immédiatement.

Le jeune asiatique raccrocha et observa un bref instant son ami devenu immobile. Il allongea Bastien comme lui avait indiqué la standardiste, où il ne savait qui, avec l'aide de Kevin et posa doucement la tête sur ses genoux, prêt à réagir au moindre signe de nausée. Lucas prit le pouls de son ami et sentit son inquiétude augmenter encore d'un cran quand il sentit le rythme cardiaque irrégulier sous ses doigts. La situation dérapait grave et il se sentait impuissant. Il ne pouvait rien faire d'autre qu'attendre l'ambulance. Il se mit à caresser lentement les cheveux blonds et doux d'un geste apaisant, priant pour que son état ne s'aggrave pas.

Kevin piétinait à côté de lui, mal à l'aise. Lucas l'envoya chercher leurs manteaux, sentant qu'il allait perdre patience face au comportement de ce dernier. Quelques instants après, les sirènes d'une ambulance retentissaient dans le silence hivernal. Le jeune homme reposa doucement la tête du blondinet à même le trottoir, pour se relever et faire signe aux ambulanciers. Dès leur arrivée, les secouristes prirent le pouls et la tension du jeune homme. L'un d'eux souleva une paupière de l'inconscient puis il se tourna, le visage grave, vers Lucas qui se tenait anxieusement en retrait.

- Quelle drogue a-t-il ingérée? questionna-t-il d'une voix sèche.

- Je ne sais pas, murmura Lucas, son angoisse ayant atteint des sommets à la vue du visage fermé de l'ambulancier.

- Nous ne sommes pas de la police. Vous n'aurez pas de problème avec nous, mais nous devons savoir ce qu'il a pris pour le soigner le plus rapidement possible, insista le secouriste en posant un masque à oxygène qui couvrait la bouche et le nez du blondinet.

- Je ne sais vraiment pas. Il est sorti avec un autre mec. Il est revenu une demi-heure après et il a commencé à se trouver mal, répondit l'asiatique d'une voix un peu plus assurée.

- Ça fait longtemps qu'il est dans cet état? questionna l'homme qui prodiguait les premiers soins.

- Il a perdu connaissance il y a une quinzaine de minutes.

Lucas répondait le plus honnêtement possible aux ambulanciers, mais à son grand désespoir, il ne savait rien. Kevin arriva sur ces entre-faits et lui tendit leurs affaires, soulagé de se débarrasser de cette corvée et priant pour que Lucas ne lui demande rien de plus. L'asiatique enfila son pardessus afin de se protéger du froid mordant qui le faisait frissonner pendant que les secouristes déposait son ami sur un brancard et le faisait monter dans l'ambulance.

- Je peux venir? C'est mon ami, supplia-t-il, mort d'angoisse.

- Oui. De toute façon, il va nous falloir des informations sur lui pour les papiers d'admission, répliqua l'ambulancier d'une voix autoritaire.

Le jeune adulte prit place aux côtés de Bastien dans le véhicule. Après être monté à sa suite, le secouriste referma les portes de l'ambulance, dont le moteur tournait déjà, et le conducteur se mit en route. Kevin, soulagé de les voir partir, regarda les lumières bleues disparaître au coin de la rue, avant de retourner dans la boite de nuit avec ses amis.

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Yop pop!

Et bien, comme promis, me revoilà. Avec une fic toute neuve, et assez longue je vous préviens ;)

C'est l'histoire de Bastien, mon écorché vif qui commence. J'espère avoir votre compagnie et votre soutien tout le long de cette fic...

Au programme:

Des cris, des pleurs, des rires, des gémissements, des soupirs...

De l'amitié, de l'amour, de la haine, de la douleur, de la bêtise...

De l'intolérance, de la compréhension, de la jalousie, du sexe...

Une guérison, une maladie, un bébé, un départ, une mort...

Et pleins de promesses ;)

N'hésitez pas à envoyer une review, ça fait toujours plaisir et, honnêtement, ça donne envie de continuer à écrire et à poster...

Bonne lecture et à bientôt...

AurElisa...