Yop Pop!
Bon voilà ma contribution à la dixiéme nuit des lemons de la Ficothéque Ardente. Alors attention, cet OS n'a rien à voir avec ce que j'écris habituellement. C'est beaucoup moins léger que mes précédents OS... Le défi était le Moyen-Age tardif: De 1280 à 1492, avec les mots: Chaleur/ Lumière/ Luxe...
Voilà ce que cela donne...
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Douce Hérésie
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Novembre 1307...
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Il était seul dans ce cachot...
L'obscurité...
Le froid...
L'humidité...
Les hurlements...
La douleur...
Il ferma les yeux et appuya sa tête contre le mur de pierre.
Il laissa son esprit sur le point de rompre face à la torture s'échapper.
La carrière militaire. Pour Guillaume, cela avait été une évidence. Dés son plus jeune âge. Il se rappelait les bagarres avec Jehan, son ami d'enfance et voisin. Leurs duels au bâton au bord des falaises qui bordaient leur petit village de Bretagne. Leurs chevauchées sur les plages fouettées par les vents violents. Les longues soirées d'hiver passées dans la chaleur bienfaisante au coin du feu à rêver de batailles lointaines. Les années qui s'écoulaient au rythme des aventures de grands guerriers qui arrivaient jusqu'à leurs oreilles d'enfants, puis d'adolescents.
Il se souvenait encore de cette nuit où ils avaient fui en direction de la capitale. De ce jour où ils s'étaient engagés sous les ordres des Templiers alors qu'ils étaient tout jeunes hommes. Du regard flamboyant de fierté de son ami. De Jehan qui portait le manteau de bure à croix rouge avec tant d'impertinence et de morgue. De leur vie aussi...
Ensemble, ils avaient accompli maints périples... Leur quotidien était rythmé par les prières, l'entraînement militaire, la vie en communauté, l'entretien de leurs chevaux. Ils avaient remplis leur devoir, accompagnant et protégeant de riches pèlerins qui avaient toujours vécu dans le luxe, récoltant les taxes et les impôts, contrôlant le travail des paysans dont les terres appartenaient à l'ordre du Temple. Ils avaient passé leur vie sur les routes et les chemins... Libres, heureux et fiers de leur serment...
Guillaume se remémorait avec précision du moment précis où sa vie entière avait basculé dans le péché et le mensonge. De ce jour où la guerre s'était rappelée à eux. De cette folie hurlante et déferlante qui s'était déchaînée autour d'eux, emportant la vie de leur compagnons d'armes. De ces cris qui leurs glaçaient le sang autant qu'ils leurs donnaient cette force meurtrière de s'en sortir vivant. De cette terreur qui l'avait saisit quand il avait vu Jehan à terre. De cette fureur avec laquelle il s'était jeté dans le combat pour protéger son ami d'enfance. De ce hurlement qui lui avait déchiré la gorge à la simple pensée que Jehan puisse être mort. De ce sentiment dévastateur qui l'avait étreint pour la première fois à la vue du corps ensanglanté de cet homme qu'il connaissait si bien...
Guillaume s'était perdu à cet instant où il avait cru Jehan mort. Il avait compris que ce qui le rattachait à cet homme était bien plus qu'une même terre natale, que des souvenirs communs, qu'un quotidien partagé...Il avait pris conscience que sa vie s'était arrêtée quand il l'avait vu s'écrouler à terre... Et que son sang s'était remis à circuler librement dans ses veines quand il avait vu Jehan respirer entre ses bras. Il aurait donné sa vie pour sauver la sienne s'il l'avait fallu... Il lui avait déjà donné son cœur sans même s'en rendre compte...
Le retour à la vie ordinaire n'arriva jamais pour Guillaume... Comment aurait-il pu ? Il ne pouvait détacher son regard de son ami d'enfance. Obsédé par cet homme à la stature imposante, sculptée par le maniement de l'épée et les longues chevauchées. Par ce visage volontaire et souriant, toujours mangé par une barbe de plusieurs jours mais qui ne gâchait en rien la clarté de ses yeux pétillants de vie. Par cette âme droite et pure, qui ne s'était jamais égarée depuis leur départ de leur village de Bretagne.
Comment supportait une telle obsession, une telle souillure ? Alors durant les mois qui suivirent, Guillaume s'acharna à l'entraînement, épuisant ce corps indigne afin qu'il n'ait plus la force d'éprouver ce désir qui corrompait son esprit. Il mit de la distance entre lui et l'objet de sa perte. Il évita Jehan autant qu'il le put. L'ignorant, refusant même de le regarder... Jusqu'à ce jour qui signa leur déchéance.
Ce jour où Jehan l'avait arrêté alors qu'il revenait de la rivière où il s'était baigné. Ce jour où le désir avait été plus fort que sa raison. Ce jour où il avait abdiqué, abandonné toute fierté. Guillaume se souvenait avec précision des seuls mots qui furent échangés ce jour là... De cette question empreinte de douleur et de souffrance. De ce pourquoi... De Jehan qui ne comprenait pas cet abandon. Et de lui... Lui, empoignant le manteau de bure avec brutalité pour prendre violemment les lèvres tant désirée et tant honnies. De ce baiser sauvage au goût de sang. De la stupéfaction de son ami qui ne put réagir sous cet assaut farouche...
Et ce fut le déchaînement... en un instant tout ne fut que violence alors que les gestes se faisaient brutaux et que les vêtements se faisaient arrachés. Les peaux dévoilée se firent mordre, griffer, lacérer. Rien n'auraient pu arrêter cette folie qui les gagnait alors qu'ils se retrouvaient nus, comme au premier jour de leur vie. Et le calme soudain. Leur respirations haletantes. Leurs corps tremblants. Leurs regards désireux. Leurs sangs qui s'égouttaient doucement de leurs entailles. Et l'hésitation qui s'empara d'eux devant l'imminence de la faute qu'ils allaient commettre. Et Jehan enfin... Qui s'approcha doucement de lui et le saisit par la nuque pour initier un baiser d'une tendresse ravageuse alors qu'ils les menaient à l'aveugle sous la couverture des arbres, à l'abri des regards et de leurs compagnons d'armes.
Guillaume avait frémit sous cette avalanche de désir qui l'avait ravagé. Il s'était réchauffé dans la chaleur de ces bras aimés et désirés. Il était alors parti à la découverte du corps de Jehan. D'abord avec incertitude. Puis, sentant son ami approfondir son baiser sous le plaisir qu'il retirer de ses caresses, Guillaume s'était enhardi. Jamais il n'aurait cru ses mains, capables de manier une épée avec tant de haine, capables de tendresse. Et pourtant, il se fit doux face à son obsession. Il sentit ses mains calleuses parcourir le corps masculin et pourtant tellement désirable de son ami d'enfance. Il découvrit des épaules qu'il savait musclées, un ventre ferme, des cuisses puissantes qui le firent frémir.
Il s'était allongé sur le tapis de mousse du sous-bois. Et Jehan avait recouvert son corps. Leurs érections s'étaient frôlés, et leurs esprits s'étaient enflammés comme jamais jusqu'alors. Même sur un champ de bataille, au plus fort des combat. Guillaume s'était senti vivant sous la lumière du regard clair de son compagnon d'armes, alors que celui-ci le caressait à son tour. Mais déjà, il en voulait plus. C'est d'une main qui ne tremblait plus, assurée du désir réciproque de Jehan, qu'il avait saisit leurs sexes. Guillaume avait entamé ce lent mouvement qui les avait fait soupirer et gémir... Ses doigts les avaient entourés de plaisir alors qu'ils allaient et venaient langoureusement. Et Jehan avait répondu, donnant des coups de hanches pour aller plus fort, plus vite.
Sans un mot, Guillaume s'était soumis à cet autre homme. Celui qui avait partagé toute sa vie. Jehan l'avait longuement observé et il avait eu peur. Peur de sa hardiesse, peur du rejet. Puis Jehan avait craché sur ses doigts et les avaient portés au creux de ses cuisses. Il avait humidifié cette place honteuse, diabolisée par les hommes d'Église qu'ils servaient. Et il avait eu peur. De cette peur viscérale. Peur de l'enfer qui leur était désormais promis... Et c'est avec cette peur au ventre qu'il avait sentit son ami d'enfance entrer en lui. Alors la douleur le submergea et le noya.
Guillaume se rappelait avec précision de Jehan au dessus de lui. De Jehan autour de lui. De Jehan en lui. De Jehan et seulement lui... Son amant l'avait pénétré jusqu'à la garde en une seule et douloureuse poussée. Et il s'était arrêté. Cet acte d'amour n'était que souffrance pour tout les deux. L'un écartelé par un sexe d'homme, l'autre étreint par des chaires bien trop serrées. Alors Guillaume avait ouvert ses yeux noyés de larmes pour être frappé par la douleur qui tordait les traits de son compagnon. Et cette vision l'avait étrangement réconforté... Ils étaient unis de par leurs corps, mais de par leurs âmes aussi. Ils ressentaient la même chose. Que ce soit le plaisir ou la souffrance. Il avait alors respiré profondément, se détendant inconsciemment. Et il avait cherché la bouche de son amant, fusionnant leurs lèvres alors que leurs langues se rejoignaient pour une danse tendre et aimante.
Le templier se remémorait la douceur dont avait fait preuve Jehan lors de cette première union. Il avait patienté, plongé au plus profond de lui, qu'il se détende. Et le corps de Guillaume avait finit par s'habituer, l'acceptant dans son entièreté. Les premiers mouvements avaient été douloureux, mais rien ne l'aurait fait renoncer à la présence de cet autre homme qui l'obsédait nuit et jour. Puis le plaisir s'était immiscé en lui. Lentement, il s'était senti submergé par ces vagues de chaleurs qui l'engloutissait toujours plus à chaque coups de reins. Il avait écarté un peu plus les jambes, s'ouvrant pour Jehan. Et son compagnon s'était allongé plus confortablement sur lui, soutenu par ses avants bras, appuyés de chaque côté de sa tête. Jehan l'avait enveloppé de chaleur, le rassurant par cette étreinte intime. Ils avaient gémit à l'unisson, au rythme de leurs ventres, de leurs hanches, de leurs sexes... Et la jouissance les avaient emportés, leur faisant goûter un bout de paradis, leur permettant de voir cette lumière que seuls les amants connaissaient...
Guillaume se rappelait tout cela. Et tellement plus encore. Des sourires de Jehan. De ses regards tantôt tendres, tantôt fous de désir. De ses rires tonitruants. De cette joie de vivre qu'il répandait autour de lui. De ces journées passées à faire comme si de rien n'était. De leurs rencontres fugitives dés qu'ils le pouvaient. De ces rares nuits à se consumer entre ses bras, sous ses baisers... De ses mains abîmées et pourtant tellement douces sur lui. De sa barbe qui lui caressait le ventre. De sa bouche qui lui donnait tant de plaisir. De sa langue qui le faisait gémir éperdument.
Le templier ouvrit des yeux noyés de larmes qui coulaient sur son visage amaigri. Que cette époque lui semblait lointaine aujourd'hui. La folie s'était abattue sur eux. Eux, qui avaient peur d'être un jour surpris, démasqués, jugés, condamnés et brûlés sur le bûcher pour leurs vices contre nature et leurs pratiques sodomites... Mais rien de cela ne s'était produit. La foudre était venu du ciel, de leur Roi. Philippe IV le Bel qui avait donné l'ordre d'arrêter les Templiers et de les interroger. Qui avait donné son accord pour que les inquisiteurs aient recours à la torture et à l'effusion de sang pour faire avouer aux Chevaliers leurs péchés...
Guillaume avait été arrêté ainsi que Jehan. Son ami d'enfance, son compagnon d'arme, son amant... Ou était-il à l'heure actuelle ? Etait-il enfermé dans un cachot identique au sien ? Etait-il affamé comme lui ? Subissait-il les mêmes interrogatoires, les mêmes tortures ? Était-ce lui qui hurlait à cet instant ? Ou est-ce qu'il était aussi fort que lui ? Lui, n'avait rien dit, rien avoué de leur amour, de cette hérésie. Au point où il en était, il pouvait bien confesser tout les péchés que les inquisiteurs lui suggéreraient du bout de leurs tenailles. Mais il ne trahirait pas l'homme qu'il aimait. Leur Roi les avait fait arrêter, jeté en pâture à ces maîtres de la question. L'Église les avait promis à l'enfer éternel. Mais seul Jehan lui avait offert ce bout de paradis. Il lui avait fait touché le ciel du bout des doigts...
Alors, il brûlerait demain sur le bûcher, sous les cris et les hurlements de la foule... De cette foule qu'il avait défendu de son bras armé, qu'il avait protégé au péril de sa vie. Mais il se fit le serment de se montrer fort. Il ne supplierait pas. Ses lèvres resteraient scellées face à cette chaleur qui le submergerait, à ces braises qui le brûleraient, à ces flammes qui le dévoreraient. Il n'espérait plus qu'une chose de sa geôle... Il priait ce Dieu qu'il avait servi sa vie durant de lui permettre de retrouver Jehan. Sur le bûcher ou en enfer. Il espérait juste qu'ils soient réunis... Et partager cette mort et cette vie d'après avec le seul homme qu'il ait aimé... Douce hérésie...