Petit texte pour relever le défi de la Ficothéque Ardente ayant pour thème Athènes et avec les mots imposés: Pauvreté (cherchez pas, je n'ai pas réussi à le caser), amour et favori.

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Il le regardait s'éloigner, tête blonde baissée vers le sol, ses épaules ployant sous un fardeau invisible. Il ne le connaissait pas et pourtant, il sentait cette part de lui, depuis trop longtemps inconsciente, se réveiller peu à peu. Il ne comprenait pas pourquoi il réagissait à ce point à ce gamin. Trop de choses les séparaient. Ils n'avaient rien en commun, rien à partager, si ce n'est cette histoire d'association. Il avait bien du mal à supporter son caractère lunatique, ses sautes d'humeur et sa vulgarité et pourtant... Pourtant il se retrouvait à le suivre des yeux alors qu'il s'éloignait. Pourtant, il se surprenait à attendre un appel sur son téléphone pour savoir quand ils pourraient se voir pour continuer leurs recherches et visiter d'autres associations similaires à celle que voulait créer ce jeune homme.

Benjamin se passa une main dans ses courts cheveux noirs. Il ne savait plus trop où il en était depuis qu'il avait commencé à fréquenter Bastien. A vrai dire, s'il avait accepté de l'aider, c'était avant tout pour faire plaisir à deux de ses amis, David et Jérémy. Ce dernier s'était montré particulièrement persuasif quand il avait plaidé la cause de son ami et Benjamin n'avait pas eu le cœur de refuser. Il lui avait alors juste promis de rencontrer Bastien, ne s'engageant pas plus loin car il se méfiait du jeune blond. Il l'avait déjà vu à l'œuvre et il n'était pas plus chaud que ça pour avoir à faire à ce genre de mec. Et puis, il y avait eu leur première rencontre et cette envie folle de lui tordre le cou. Et ensuite, il avait découvert ce qui se cachait sous cette apparence de froideur, d'agressivité et d'arrogance. Il avait été surpris par sa prévenance, ses hésitations, sa persévérance et ses sourires à peine esquissés.

Le jeune homme s'assit sur les bords du fleuve où il était en train de faire son jogging quand il était tombé sur un Bastien perdu dans ses pensées. Il n'aurait jamais cru le trouver ici et il s'était arrêté pour le saluer. Il ne s'attendait pas à tomber dans cet immense regard vert empli de souffrance. Il avait été choqué de voir la douleur qui se cachait derrière le masque. Benjamin avait essayé de savoir ce qu'il se passait, mais bien vite Bastien s'était refermé sur lui-même et l'avait laissé seul avec ses interrogations.

Benjamin avait conscience de se faire envouter petit à petit par cette belle gueule blonde. Et cela le déroutait. Il pensait ne plus jamais retomber sous le charme d'un homme. Cela lui était arrivé une seule et unique fois... Jorys... Il n'avait rien compris quand cette tornade grecque lui était tombée dessus pendant ses études. Il était en deuxième année de sa fac d'économie, à se demander encore ce qu'il allait faire après son diplôme. Il avait suivi cette filière parce qu'il était bon en éco et que le commerce lui plaisait. Il aurait du faire une école de commerce, mais cet univers clos, basé sur le fric et la compétition n'était pas fait pour lui. Alors, il poursuivait son cursus universitaire avec assiduité, entre les cours, les potes et les partiels. Et puis, Jorys avait débarqué au début de sa deuxième année et s'était imposé dans son groupe d'amis à coups d'éclats de rire, de grands gestes, et de jovialité bruyante et remuante.

Le jeune brun se rappelait ses cheveux noirs, ses yeux noisettes, pétillants de rire, les deux fossettes qui creusaient ses joues, son teint hâlés de méditerranéen. Jorys suivait un programme étudiant d'échange universitaire. Il devait passer un an en France avant de retourner chez lui. Mais bien vite ce détail avait été oublié et Benjamin s'était laissé entraîner par cet homme qui était son total opposé. Jamais il ne s'était senti aussi vivant que lorsqu'il partageait la vie de ce Grec. Il en avait aimé chaque instant, chaque minute partagée que ce soit sur les banc de la fac ou lors de leurs fréquentes soirées universitaires. Il ne savait pas encore à ce moment là qu'il était en train de tomber amoureux. Pour lui, ce n'était qu'une amitié plus forte que les autres.

Et puis, il y avait eu cette nuit qui avait changé sa vision des choses. Un peu trop de fumette, un peu trop d'alcool sans doute et il s'était retrouvé suspendu aux lèvres de Jorys. Il n'avait même pas songé à le repousser et pourtant, ça aurait dû être sa première réaction, mais il était trop sonné pour le faire. Son ami s'était reculé et l'avait longuement regardé, attendant son rejet. Au lieu de cela, Benjamin l'avait à nouveau embrassé, plus profondément, plus longuement, savourant cette découverte le cœur battant. Tout s'était enchaîné très vite, trop vite pour qu'il prenne en compte sa peur du lendemain.

Cette nuit- là, seules les mains de Jorys avait été importantes, seules ses lèvres avaient été essentielles. Il avait découvert le corps d'un autre homme de la façon la plus intime qui soit. Il l'avait frôlé, embrassé, redessiné de ses doigts et de ses lèvres. Il n'avait pas pu lui rendre sa fellation, ce geste l'effrayait trop pour sa première fois avec un homme. Cependant, il n'avait que peu hésité face aux caresse de son amant qui lui avait écarté les cuisses pour atteindre le creux de ses fesses. Il n'était peut-être pas encore prêt à lui rendre certaines attentions, mais il voulait lui offrir son corps. Complétement, totalement. Il avait gémi quand il avait senti Jorys le pénétrer lentement, souffrant quand son corps s'était ouvert. Il avait alors plongé son regard dans ces yeux noisettes qui avaient perdues leur habituelle lueur joviale et il avait su qu'il était en train de tomber irrémédiablement amoureux de son ami. Lui qui avait toujours connu l'amour physique avec des femmes, l'avait accueilli en lui et avait jouit sous les coups de reins de son amant.

Les six mois qui avaient suivi cette nuit, lui avait laissé un gout de plénitude totale. Il n'avait pas hésité à présenter Jorys à ses parents, assumant leur relation aux yeux de tous. Benjamin avait perdu des amis, mais pouvait-on appeler des amis des personnes qui n'arrivaient pas à se réjouir de votre bonheur? Il n'avait regretté aucune des personnes qui lui avait tourné le dos, trop heureux de vivre pleinement son amour avec Jorys. C'était surement le principal défaut de Benjamin, il ne savait pas faire dans la demi-mesure: C'était tout ou rien. Quand il donnait son amour à quelqu'un, il le faisait entièrement et il attendait la même chose de son partenaire. Il était entier, possessif, jaloux mais aussi prévenant, démonstratif, doux. Un homme amoureux en somme.

Le retour à la réalité fut brutale. Jorys n'était en France que pour un an et quand les vacances d'été arrivèrent, elles sonnèrent la fin de leur histoire. Benjamin avait bien retrouvé son amant en Grèce, à Athènes, où ils avaient passé quinze jours ensemble, mais ce n'était plus pareil. Jorys avait retrouvé sa famille, ses amis intimes et son cercle de connaissances pour la plupart gays, comme lui. Benjamin ne s'était rendu compte de rien au début. Ils avaient passé leur temps à visiter l'Acropole et ses monuments, à manger des fruits de mer sur la côte sud du Pirée, dans un des restaurants favoris de Jorys, à se balader sur les plages deVoula ou Vouliagméni. Et puis, il y avait eu les sorties le soir. L'enchaînement des bars et des boîtes de nuit dans la chaleur étouffante qui s'apaisait à peine la nuit venue. Peu à peu, Benjamin avait ouvert les yeux et s'était rendu compte que Jorys n'était plus le même que celui qu'il avait connu en France. Ici, il était chez lui dans son univers et Benjamin n'en était plus le centre, loin de là.

Benjamin comprit que leur histoire était finie quand sa curiosité le poussa à lire les messages que son amant avait reçu la veille au soir sur son portable. Un de ses amis lui proposait de venir le rejoindre plus tard dans la nuit pour se retrouver sans "l'autre Français". Jorys avait répondu à son ami qu'il ne leur restait que deux jours à attendre avant qu'il puisse se retrouver de façon plus intime, s'ensuivait des détails crus de leur future retrouvailles. Benjamin avait senti le sol s'ouvrir sous ses pieds quand il avait enfin comprit que Jorys ne lui était plus fidèle depuis qu'il était rentré en Grèce, d'ailleurs l'avait-il réellement été en France? La jalousie avait ravagé le Français qui avait exigé des explications et Jorys lui avait clairement expliqué que leur histoire ne les mènerait nulle part. Ça avait été un agréable intermède, mais il était temps pour eux deux de reprendre le cours de leurs vies avec de bons souvenirs en prime.

Benjamin était rentré en France complétement dévasté par cette rupture brutale, empli d'amertume et de colère. Il lui avait donné son corps en pensant que ses sentiments étaient partagés, même s'il ne les avait jamais dit à haute voix. Mais est-ce que mettre des mots sur ce qu'il ressentait aurait changé quelque chose? Ne disait-on pas qu'il n'y avait pas d'amour mais que des preuves d'amour? Et lui, il s'était offert corps et âme à son amant, il s'était mis à dos certains membres de sa famille et des amis l'avait rejeté, mais cela n'avait pas suffit à retenir Jorys.

Aujourd'hui, il était assis, là, sur les bords de ce fleuve et il pouvait dire, avec le recul, que Jorys n'avait peut-être pas eu tord. Peut-être qu'une rupture franche et définitive avait mieux valu qu'une longue histoire à distance où ils n'auraient pu se voir que quelques jours tout les trois ou quatre mois. A n'en pas douter, il aurait bien plus souffert de ce genre de relation que d'une séparation. Avec son caractère, il n'aurait pas pu supporter d'être séparé aussi longtemps de l'homme qu'il aimait, et s'établir en Grèce n'était tout simplement pas envisageable. Certes, il parlait Anglais, mais vivre dans un pays étranger, sans maîtriser la langue et avec un amant qui se serait de toute façon révélé volage? Non, il avait peut-être souffert de leur rupture, mais au final, elle se révélait un moindre mal. Seule la trahison lui laissait encore ce gout amer en bouche.

Et maintenant, il y avait ce petit mec qui avait fait une entrée fracassante dans sa vie. Benjamin ne le connaissait pas et pourtant... pourtant il se laissait ensorceler par ces immenses yeux verts, il prenait plaisir à être à ses côtés et à l'aider, il ressentait ces frissons depuis si longtemps absents quand leurs corps se frôlaient par inadvertance. Bastien était aux antipodes de Jorys. Il était renfermé, avec cet air grave limite renfrogné quand il fronçait les sourcils, il avait aussi et surtout un sale caractère. Et pourtant... pourtant, il était le premier depuis longtemps à réveiller cette part de lui qu'il avait cru avoir perdu pour toujours lors de ses vacances en Grèce...

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Petit OS Spécial et pas du tout prévu sur le passé de Benjamin et sa première histoire d'amour avec un homme. Cette fois aucun spoil, juste un petit bout de voile levé sur cet homme que va bientôt rencontrer Bastien. Une façon de dévoiler un peu son caractère...

Bisous tout le monde! N'oubliez pas de me dire ce que vous en pensez^^

AurElisa.