MAJ et reprise d'une fic commencée il y a 10 ans (oui ça respire l'adolescence tout ça) et terminée pendant le confinement.
Les commentaires pour me signaler fautes et coquilles sont bienvenus.

TW : M/M explicite / BDSM / Viols / Usage de drogues...

Want more salt ?

- Est-ce que tu reprendras un peu de gigot Anne-Cyrielle ?
- Non merci maman.

Anne-Cyrielle triturait ses mains, en proie, depuis plusieurs minutes, à une gêne grandissante que seul Lysandre avait remarquée. Il n'était même pas sûr que sa sœur ait conscience des mouvements que sa lèvre faisait, lorsqu'elle la mordillait pour essayer de calmer sa nervosité. Lysandre n'était pas seulement observateur, il était aussi curieux. Quel dilemme pouvait bien tirailler sa sœur de la sorte ?

- Dans ce cas, Cathy, voulez-vous bien rapporter le dessert, s'il vous plait ?
- Tout de suite madame.

Alors que l'employée de maison de sa mère s'éclipsait vers la cuisine, Anne-Cyrielle considéra l'opportunité. Elle s'éclaircit la gorge et se jeta à l'eau.

- Papa, maman, j'ai quelque chose d'important à vous dire.
- On t'écoute ma chérie, répondit le père en s'essuyant la bouche avec distinction.

Ses parents savaient parfaitement gérer leur paraître et leur attitude ne changea donc pas d'un pouce. Pourtant, Lysandre les savait surpris. Ce n'était pas dans les habitudes d'Anne Cyrielle de faire preuve d'autant de théâtralité. Son annonce devait être sacrement importante.

- J'ai rencontré quelqu'un. Je sors avec lui depuis un petit moment. J'aimerais vous le présenter avant que l'on se fiance.

Sa voix tremblait, incertaine. Mais elle acheva sa phrase dans un sourire attendri. À l'opposé de la table, Lysandre ne put retenir un hoquet de surprise. Dans son mouvement, il fit malencontreusement tomber sa serviette par terre.

S'il avait été seul avec sa sœur, il n'aurait pu se retenir de lâcher un : « Quoi ? Comment ça tu as rencontré quelqu'un ? Mais tu veux dire un homme ? Tu sais cette espèce d'être bizarre avec une bite entre les jambes… Tu veux te fiancer avec ça ? »

Néanmoins, Lysandre fit l'effort de rester muet devant ses parents. L'insinuation aurait été bien trop grossière. Il se contenta de ramasser sa serviette. Quand il se releva, il trouva que la scène qui se déroulait devant lui ressemblait fort à une pièce mal jouée. Mais il était coincé là, sur son siège de spectateur, entre l'enthousiasme de ses parents et le malaise de sa sœur.

#

Avant de poursuivre le repas de famille, une petite remise en contexte s'impose. L'étonnement de Lysandre était à la hauteur de toutes les croyances qu'il s'était fermement ancré dans la tête depuis des années et qui venaient, dès lors, de s'écrouler. Entendre sa sœur exposer sa relation avec un homme l'avait plus surpris que la découverte du mensonge du père Noël quinze ans plus tôt.

Et pour cause. Anne-Cyrielle avait vingt-neuf ans et c'était, sans conteste, une femme sublime. En dépit des origines italiennes de la famille, son physique s'apparentait plutôt à celui d'un mannequin russe anorexique. Même si, son anorexie était guérie depuis la fin de l'adolescence. Grande et blonde, son visage était orné de pupilles bleues scintillantes. D'une allure froide aux premiers abords, Anne-Cyrielle était en réalité une fleur timide qui craignait de se briser, à la moindre intrusion dans son espace vital. Son frère le savait bien et était, par voie de conséquence, l'une des rares personnes à pouvoir traverser cette carapace et décrocher sur les lèvres de sa sœur, des sourires sincères.

En dépit de cette beauté à damner tout homme normalement constitué, Anne-Cyrielle était, depuis vingt-neuf ans, une célibataire endurcie. Elle n'était pas asociale, même si Anne-Cyrielle n'aimait pas beaucoup les gens en général, elle savait parfaitement faire semblant de se comporter correctement en société. L'hypocrisie était une qualité héréditaire. Elle n'était pas non plus fière de son physique au point de se montrer exécrablement exigeante. Bien au contraire, elle doutait même souvent de sa personne et c'était, chaque fois, son petit frère qui s'escrimait à la rassurer et à regonfler ce manque d'estime de soi. Elle n'était pas non plus, une princesse solitaire et éplorée qui attendait l'arrivée du prince charmant.

Non. Si Anne-Cyrielle n'avait jamais présenté le moindre petit-ami à ses parents, c'était parce qu'Anne-Cyrielle aimait les filles.

Lysandre n'en avait jamais parlé avec elle. Il n'en avait pas besoin. Sa sœur avait suffisamment laissé planer les sous-entendus lors de leurs conversations en tête à tête pour qu'il n'y ait plus de doutes quant à son orientation sexuelle. Jamais Anne-Cyrielle ne s'était montrée intéressée par les regards sulfureux des Don Juan qui venaient la courtiser ni par la musculature avantageuse des gigolos qui tentaient de s'attirer ses faveurs. Elle n'avait d'yeux que pour la douceur des attraits féminins.

Gamin, Lysandre surprit Anne-Cyrielle échanger un baiser avec une camarade de classe. Elle se justifia en disant qu'elle faisait cela pour « essayer ». Puis elle le supplia de ne rien dire aux parents. Lysandre garda le secret. Des années plus tard, lors d'un diner mondain, il vit sa sœur fuir en catimini avec Marielle, une cadre supérieure qui bosse dans l'entreprise familiale et, plus exactement, dans le service qu'Anne-Cyrielle dirigeait depuis peu.

Aujourd'hui, Lysandre avait dix-neuf ans et, puisque les rumeurs de la haute circulaient à vitesse grand V, il s'appliquait à démentir, bec et ongles, toutes les insinuations et autres ragots qui s'abattaient sur le dos de sa sœur et de cette Marielle.

Il ignorait si ces mêmes rumeurs avaient atteint les oreilles de ses parents : Marie-Chrisitne et Antonio Farnèse. Ces derniers pouvaient bien être des intégristes catholiques racistes et homophobes convaincus, ils n'étaient pas sourds pour autant.

Lysandre aimait à penser qu'ils faisaient simplement semblant. Ils passaient outre ce sujet délicat et scandaleux tant que leur fille restait suffisamment discrète pour pouvoir démentir et éviter d'éclabousser l'honneur de la famille.

Ridicule.

Quoi qu'il en soit, Lysandre était persuadé qu'Anne-Cyrielle avait délibérément choisi d'exprimer d'emblée le sexe masculin de son partenaire… avant que les parents ne s'imaginent un coming-out.

À table, le dessert était arrivé. Et tandis que Cathy faisait le service, les questions au sujet de l'amant inconnu fusaient.

Anne-Cyrielle le décrivit avec un entrain non simulé. Il avait tout l'air d'un bellâtre. Âgé de trente-cinq ans, Dorian était un garçon mature et simple. Grand, brun, un regard doux, il avait su faire fondre l'armure de glace d'Anne-Cyrielle après qu'ils se soient rencontrés à un gala d'entreprises. À ce genre d'événements, davantage organisés dans le but de conclure des accords commerciaux que de s'amuser, se retrouvaient d'importants dirigeants et actionnaires. Préciser d'emblée que son gentleman était invité à ces réceptions était donc un bon point selon les critères de leurs parents.

Il avait un sens de l'humour fabuleux, une attention remarquable et surtout, ils avaient eu le coup de foudre. Anne Cyrielle justifiait donc, qu'en dépit de la jeunesse de leur relation, ils souhaitaient officialiser leur couple au plus vite.

Mais cet enthousiasme n'était pas suffisant pour convaincre les parents. Marie-Chrisitne pinçait les lèvres. Depuis un moment, une question brûlait d'en sortir. En mère inquiète, elle avait ce besoin pressant d'être rassurée. Dès qu'Anne-Cyrielle marqua une pause dans son éloge, Marie-Chrisitne se jeta sur l'occasion.

- Et ce garçon… D'où vient-il ? Que fait-il dans la vie ? Questionna-t-elle, le cœur battant, appréhendant une réponse décevante.

Heureusement, c'est avec un sourire confiant qu'Anne-Cyrielle répondit.

- Il s'appelle Dorian Huet de Froberville, il est issu d'une ancienne famille noble, mais qui a investi son héritage. Aujourd'hui il est actionnaire majoritaire de Delcon et a aussi des parts chez Fraquis et Delanoye.
- Oh !
- Huet de Froberville… Ce nom me dit quelque chose.
- Sans doute a-t-on déjà croisé sa famille...

Marie-Chrisitne jubilait. Son mari arborait plus de retenue, mais son admiration était tout aussi perceptible. Lysandre s'émerveillait chaque fois un peu plus, lorsqu'il voyait la fébrilité que causait à ses parents, la réussite sociale ou le sang bourgeois. S'il n'y avait que cela pour les exciter, Lysandre ne préférait pas imaginer à quoi leurs jeux sexuels devaient ressembler.

Le déjeuner de famille se conclut donc sur une note de joie. Les parents firent promettre à Anne-Cyrielle de leur faire rencontrer ce Huet de Froberville au plus vite. Mais elle décréta qu'elle préférait faire d'une pierre deux coups en l'invitant à une soirée qui réunirait la famille et les connaissances proches, et annoncer dès lors leurs fiançailles. En effet, elle argumentait que son cher et tendre avait un emploi du temps chargé.

Les parents ne s'en offusquèrent pas. La tablée se leva. Anne-Cyrielle et ses parents se dirigèrent vers le patio pour aller prendre un café. Lysandre, un peu usé par cette comédie, prétexta des devoirs à finir et se rendit dans sa chambre.

#

Lysandre réfléchissait aux implications de cette nouvelle situation tandis qu'il parcourait le long chemin jusqu'à ses quartiers. La maison familiale était immense. Si le terrain avait été un peu plus vaste, on aurait presque pu appeler cela un manoir. Mais hélas, coincée dans la chic banlieue de Paris Est, la propriété ne pouvait raisonnablement s'étendre à l'infini.

Il s'écroula sur son lit et laissa ses yeux divaguer au plafond. Il avait ses idées et ses doutes. Plutôt que les garder pour lui, il décida de les partager avec sa confidente préférée : Victoire, sa petite amie.

Il composa rapidement le numéro sur son portable et l'amena à son oreille tout en restant allongé. De son autre main, il avait allumé une cigarette. Ses parents lui en voudraient s'ils savaient qu'il fumait. D'un autre côté, il y a peu de chances qu'ils l'apprennent. Ils ne rentraient jamais dans sa chambre, envoyant Cathy le chercher ou lui téléphonant dès qu'ils avaient besoin de lui.

- Allo ?
- Quatre sonneries ? Tu m'en veux tant que ça Vi ?
- Ouais, j'avoue avoir voulu balancer le téléphone plutôt que répondre. Mais je suis une femme faible… Non je déconne, je prenais une douche…
- À cette heure ?
- Oui, à cette heure. Je sors ce soir.
- Oh il est comment ?
- Tss ! Curieux va… Je te raconterai si ça s'est bien passé.
- Honnêtement Victoire, comment cela pourrait-il mal se passer alors que tu es la plus belle fille que je connaisse ?
- Tu as quelque chose à me demander ?

Lysandre hésita. D'abord, il roula sur le côté et attrapa un cendrier pour éviter de décorer son dessus de lit avec de la cendre. Puis il se lança.

- Non, du tout. J'ai simplement un scoop à te faire partager.
- Oh oh ! Tu parles donc à la bonne personne. Dis-moi tout.
- Tu te souviens quand on a décidé de sortir ensemble pour faire taire les rumeurs sur mon homosexualité ?
- Si je m'en souviens ? Tu me fais des piqûres de rappel assez souvent à ce sujet…
- Et bien ma sœur a eu la même idée. Elle va se fiancer… avec un mec.

Un silence se fit à l'autre bout du fil. Puis Victoire finit par le rompre en éclatant de rire.

- Non t'es pas sérieux ? Et pour sa copine alors ? Comment elle s'appelle déjà…
- Marielle ? J'en sais rien. Je la côtoie pas. Mais j'imagine qu'elle est au courant…
- Enfin… il s'appelle comment ?
- Dorian Huet de la Fortrucmuche… Un noble, un riche, un financier, tout ce qui fait bander mes parents…
- Jamais entendu parler… Mais on dirait qu'elle l'a bien choisi. Bon et toi alors ? Je te sens boudeur. Serais-tu vexé qu'elle ait copié ton idée ?
- Non, je suis vexé parce qu'elle ne m'a pas mis dans la confidence avant ! Elle m'a annoncé ça en même temps qu'aux parents, avec sa joie hypocrite habituelle… Ça me vexe qu'elle me croit assez stupide pour gober son histoire de coup de foudre !

Lysandre mâchouillait nerveusement sa cigarette plus qu'il n'aspirait la fumée. C'est en disant cela qu'il réalisait à quel point le gouffre entre Anne-Cyrielle et lui s'était élargi. Autrefois, ils étaient copains comme cochon avec sa sœur. Ils se racontaient toutes leurs histoires et leurs soucis. Ils mettaient un point d'honneur à se confier des secrets qui ne seraient jamais répétés aux parents. Aujourd'hui, il apprenait son mariage imminent en même temps que ses géniteurs.

- En même temps Lyly… Tu ne lui as pas dit non plus que toi et moi, c'était pour de faux. Un point partout donc.

Lysandre soupira. Victoire avait ce don de lui faire ouvrir les yeux et de ne jamais prendre de pincettes avec lui. Il dut se rendre à l'évidence.

-Tu as raison. En plus… j'aurais dû m'y attendre. Cela devenait compliqué ces derniers temps…
- Ah oui ?
- Les rumeurs allaient de bon train. Le mois dernier, un type un peu fouineur a pris une photo d'elle et Marielle en train de s'enlacer. Le geste n'était pas équivoque, mais suffisamment ambigu pour attiser tous les commérages une fois que le cliché avait le tour sur Instagram.
- Je crois que même moi je l'ai vu cette photo ! Étonnant que tes parents n'en aient pas entendu parler.
- Heureusement pour elle, ils ne sont pas férus de technologie.

Victoire poussa un soupir qui se répercuta dans le grésillement en bruit de fond du combiné. Elle connaissait bien la famille Farnese, à force de jouer, depuis deux ans, la parfaite future épouse du fils cadet. Ils avaient décidé de leur relation en carton d'un commun accord. Le deal les avantageait tous deux. Lysandre pouvait prétendre être hétérosexuel bien qu'il soit gay comme un pinson et Victoire avait, de son côté, la paix avec ses parents qui n'avaient de cesse d'essayer de la caser avec tous les jeunes rencontrés lors des rallyes, considérant le bon parti qu'elle faisait.

Au fil des mois, c'était un lien au-delà de l'amour qui s'était forgé entre eux. Ils étaient complémentaires et plus soudés qu'un véritable couple.

Victoire comprenait donc Lysandre, mais aussi, par connexion, le reste de sa famille. Il y avait tout de même une chose qu'elle avait encore du mal à concevoir.

- Quand même, je n'arrive toujours pas à croire que vous soyez prêts à faire tout cela, toi et ta sœur, simplement à cause de vos parents. Okay, je veux bien qu'ils soient un peu homophobes, mais ils ne sont pas non plus complètement intolérants. Je ne pense pas qu'ils vous renieront si vous venez à faire vos coming-out.

Lysandre écrasa sa cigarette à la moitié et s'efforça de trouver les mots pour expliquer son point de vue à Victoire. Après tout, ses questions à ce sujet étaient légitimes. Mais l'explication était simple.

- C'est parce qu'on aime nos parents. Ils ont quelques défauts, mais ils sont géniaux. Ma sœur et moi passons notre temps à leur mentir pour une raison : on ne veut pas les décevoir.

Victoire se contenta de cette explication. Elle comprenait. Sa situation était plutôt semblable après tout. La conversation téléphonique se poursuivit donc sur des banalités. La jeune fille demanda à Lysandre de la tenir au courant dès qu'une date serait fixée pour la cérémonie d'intronisation du futur beau-frère.

- Pourquoi tu veux savoir ?
- Pour prévoir quelque chose ce jour-là qui m'empêchera de venir.
- Je te jure que si tu fais ça, tu ne pourras plus compter sur moi pour venir aux anniversaires de tes harpies de tantes.
- Oh arrête, elles t'adorent ! Tu t'amuses bien avec elles, non ?
- Ah ça pour m'adorer… Elles passent leur temps à me pincer les joues en répétant à quel point je suis mignon. Erk… je ne suis pas un hamster ! Et j'ai bientôt vingt ans !

Victoire éclata de rire et promit à Lysandre d'être là pour la soirée de fiançailles.

#

Le soir S était arrivé bien trop vite. À peine une semaine après l'annonce d'Anne-Cyrielle, les parents avaient déjà convoqué l'ensemble de la famille, leurs amis et leurs associés. Il était impressionnant de voir l'enthousiasme que leur aînée avait déclenché. Elle avait fait mentir les pronostics qui avaient déclaré qu'elle finirait vieille fille.

Pour sûr, si un jour Lysandre se marie avec Victoire, il n'y aura certainement pas autant de curieux.

La majeure partie de la fête, enfin tout dépend de la définition que l'on donne à un buffet d'apéritifs servi sur fond de musique jazz, se déroulait entre la véranda et le salon, ce qui laissait quand même un espace de quatre-vingts mètres carrés à disposition.

À l'autre bout de cette pièce immense, Lysandre aperçut Anne-Cyrielle. Son cher et tendre n'étant pas encore arrivé, elle jouait nerveusement avec les bords de sa robe de soirée. Lysandre se disait qu'elle devait avoir une sacrée pression sur les épaules. S'il voulait pouvoir gober des informations et vérifier ses soupçons sur la vérité derrière ce couple, pourquoi ne pas commencer en jouant les frères attentionnés.

- Un petit toast ?

Elle tourna la tête lentement vers son jeune frère. Elle s'efforçait de masquer un haut-le-cœur à l'évocation de la nourriture en esquissant un sourire timide. Mais Lysandre n'était pas dupe.

- C'est à quoi ?
- Hum… calamar je crois.

Puis il engloutit le toast lui-même. Il connaissait trop bien Anne-Cyrielle pour savoir que la seule pensée de la nourriture lui donnait des nausées en période de stress comme celles-ci.

- En tout cas, cha crouchtille, articula-t-il en l'avalant. Aller Anne-Cy, détends-toi. Les parents sont sur un petit nuage. Ils en ont redescendront pas de si tôt ! Alors, profite… Enfin sauf si ta moitié débarque en Twingo. Il roule pas en Twingo au moins ?

Anne-Cyrielle rigola pour la forme. Mais Lysandre voyait bien que ses pensées étaient accaparées ailleurs. Pour preuve, sa sœur aperçut dans la nouvelle vague d'arrivants, sa copine de toujours, Marielle.

- Oh excuse-moi, Marielle est arrivée. Je vais aller lui parler.

Lysandre lui donna son consentement, même si elle ne l'attendait absolument pas.

Anne Cyrielle se leva et alla saluer Marielle. Les jeunes femmes se sachant surveillées restèrent parfaitement discrètes : pas d'accolade, pas de geste tendre, ni de ton enflammé. D'un point de vue extérieur, on pouvait penser que leur conversation était parfaitement banale et inintéressante. Lysandre savait qu'il n'en était rien. Il aurait tout donné en cet instant pour savoir lire sur les lèvres.

- Tu vas te faire un torticolis si tu continues à les regarder comme ça.

Il se retourna et tomba nez à nez sur Victoire. Superbement apprêtée dans une robe fourreau Versace bleu nuit, Victoire lui souriait. Grandie sur ses talons, qui mettaient en valeur le fuselage de ses jambes, sa petite amie le dépassait presque en taille.

Lysandre l'attira vers lui et lui offrit un baiser tendre. Lorsque leurs têtes entrèrent en contact, il reçut une bouffée enivrante de son parfum et ses cheveux épais et bouclés s'emmêlèrent autour de ses doigts. Il n'avait pas besoin de mentir quand il lui dit :

- Je préfère te regarder toi, Vi. Tu es magnifique.

Elle esquissa une révérence exagérée avant de revenir l'enlacer. Elle lui chuchota au creux de l'oreille.

- Dommage que cela ne te fasse aucun effet.
- Je suis gay, mais pas insensible.

Victoire eut un petit sourire, puis s'excusa en prétextant aller chercher des boissons.

Lysandre soupira, en se demandant ce qui se cachait derrière cette déception. Ce n'était pas comme si les choses n'avaient pas été claires entre eux dès le début… Alors où était le problème ?

Ses pensées furent interrompues par le chahut qui provenait depuis le hall d'entrée. Il y avait du rebondissement de ce côté-là, Lysandre se rapprocha donc. Un petit attroupement s'était formé. Pour cause, l'invité d'honneur arrivait enfin.

Il était là. Cet homme, décrit comme parfait, qui avait su faire flancher le cœur de glace de l'aînée des Farnese. Rien que ça !

Lysandre s'était bien sûr demandé à quoi pouvait bien ressembler ce Dorian Huet de Machinchose. Il était allé chercher des informations sur le net. Mais à aucun moment, il n'avait trouvé de photos. Seulement des articles obscurs sur la finance. Même pas un profil Facebook !

Néanmoins, il était finalement heureux de ne pas s'être divulgâché la surprise. L'effet n'aurait pas été le même s'il avait vu ce dieu derrière un écran d'ordinateur.

S'il avait cru être surpris, le jour à sa sœur avait annoncé ses fiançailles avec un inconnu, alors ce n'était rien en comparaison du choc de voir ledit inconnu.

Dorian Huet n'était pas seulement sublime, il dégageait un charisme et une allure telle qu'il avait réussi l'exploit d'attirer en un quart de seconde l'attention de toute la salle.

En guise de salut à la foule, il esquissa un sourire charmeur. Même si Lysandre n'avait pas été gay, nul ne doute qu'un sourire comme ça l'aurait quand même fait fondre.

Dorian avait fière allure dans son costume trois-pièces. Bien loin de le faire ressembler à un pingouin trop apprêté, il mettait en valeur sa silhouette et laissait deviner les courbes d'une musculature nerveuse. Il portait la trentaine en poupe, comme une force motrice et le signe évident d'une réelle maturité, plutôt que comme le calvaire du début de la vieillesse. Ses cheveux étaient bruns, rasés courts sur les côtés, mais plus longs au-dessus du crâne, ils étaient ramenés en arrière et coiffés ainsi avec classe et netteté. Son visage était dégagé, ce qui laissait le loisir de s'attarder sur ses traits. Ils étaient anguleux, son menton pointait fièrement en avant, son nez était fort, mais s'insérait si bien dans le tableau que l'on ne pouvait le juger que parfait dans cette harmonie. C'est comme si toute une force de caractère se dessinait sur ce visage à la fois beau et viril. Enfin, pour poser la touche finale à ce tableau, deux yeux d'un bleu froid et clair perçaient comme deux fentes de lumière. Cette couleur détonante fit courir un frisson dans l'échine de Lysandre.

Question : Peut-on considérer qu'il est mal de draguer le mec de sa sœur même si celle-ci forme un faux couple avec l'Apollon en question ?

Parce que là, rien qu'à le regarder, Lysandre sentait la chaleur monter dans son corps et se répandre jusqu'à ses extrémités. Il se félicita d'avoir enfilé un pantalon large pour cacher sa trique naissante. Se faire pendre en flagrant délit dans un tel public aurait été gênant.

Enfin, pour l'heure, il n'en était pas à l'assaut. Bien au contraire, après l'admiration devant le panorama, une autre émotion prit place. Une sensation de malaise féroce grandit en lui. Une connexion s'enclencha quelque part dans son cerveau entre des pans de souvenirs qu'il avait oubliés. La sensation grandissait en lui, devenant petit à petit une certitude effroyable…

Il avait déjà vu cet homme.

Lysandre n'avait pas à paniquer ainsi. Bien sûr, il avait surement déjà dû l'apercevoir à un cocktail mondain, à une fête privée quelconque… Même s'il s'étonnait de ne pas se rappeler une pareille présence, il était possible qu'il l'ait déjà vu et oublié après plusieurs verres.

Pourtant, la nausée ne se calmait pas. Il ne l'avait pas vu dans ces circonstances. C'était ailleurs… mais où ? Rien à faire. Le souvenir ne revenait pas. Et cette frustration de ne pas parvenir à mettre le doigt dessus l'agaçait au plus haut point.

Anne-Cyrielle brisa le cercle qui s'était formé autour de Dorian. Elle lui prit les mains et déposa un baiser chaste sur ses lèvres. L'homme répondit à l'attention avec un sourire charmeur. Lysandre avait beau adorer sa sœur, à ce moment-là, il mourait juste d'une envie incontrôlée de prendre sa place.

Enfin… À quoi bon espérer ? Lysandre poussa un soupir évident. Et c'est à moment là que Victoire revint, chargée de deux verres.

- Ba dis donc… Arrête de le mater comme ça Lyly ! Tu vas fondre comme une glace au soleil…

Lysandre attrapa une coupe de champagne dans les mains de Victoire et lui jeta un regard de chiot abandonné.

- Est-ce que tu crois qu'il y a une mini mini chance pour que ce type soit homosexuel ?

Victoire éclata de rire devant la mine déconfite de son ami.

- La vache, je veux bien admettre qu'il est canon, mais au point de te retourner le cerveau de la sorte… Enfin peu importe qu'il soit gay ou non, n'importe quel hétéro retournerait sa veste avec toi.
- Tu crois ?

Victoire lui fit un clin d'œil, mais se ravisa ensuite en se rappelant d'un détail.

- Oui… Enfin euh… évite quand même d'aller l'allumer ouvertement ce soir, on ne sait toujours pas si leur relation est vraiment fausse. Il serait donc malvenu de tenter de rendre Anne-Cyrielle cocue dès maintenant, tu ne crois pas ?

Lysandre soupira avec tristesse. Bien sûr, Victoire avait raison. Quel idiot faisait-il à fantasmer sur ce type précisément ? Et le respect pour sa sœur dans tout ça ?

- Essaye quand même d'aller lui parler. Ce sera un début sage.

Parler ? Lysandre n'avait pas vraiment l'habitude d'aller « parler » aux hommes avec qui il désirait coucher. D'un autre côté, il n'avait encore jamais rencontré des hommes qui correspondaient à ses critères aux soirées chics de la haute. D'ordinaire, il s'ennuyait même devant la pauvreté des profils qui y défilaient. C'était bien pour cela que la présence de Victoire aidait pour beaucoup à surmonter ces événements barbants à souhait.

Parler. Très bien, il tenterait l'expérience.

#

La soirée suivit le cours d'une normalité démoralisante. À croire qu'un imbécile s'était amusé à établir un programme parfaitement construit et s'appliquait à le faire respecter à la lettre en évitant le moindre petit débordement qui aurait pu animer la soirée.

Lysandre descendait coupe sur coupe. Peut-être la désinhibition de l'alcool lui donnerait-elle un aperçu plus chatoyant de l'ambiance…

Plus tôt, il était allé se présenter. Sa sœur n'avait bien évidemment pas tari d'éloges sur son petit frère adoré. Même si l'exercice était d'une conformité exaspérante, Lysandre appréciait quand même l'effort qu'avait fait sa sœur pour ne dire que des choses sincères à son sujet.

Lysandre félicita l'union des tourtereaux avec humour et espérait ne pas avoir laissé transparaître trop d'amertume dans sa bénédiction. Dorian le remercia dans un sourire charmeur et cela lui fit monter le rouge aux joues comme une adolescente en fleur. Il s'éclipsa et décida d'aller noyer sa retenue et son manque de confiance dans l'alcool.

Cela marchait plutôt bien. Au fil de l'avancement de la soirée, il ne se ressentait plus la gêne. Il avait trouvé un jeu amusant. Il discutait avec Victoire, mais sans jamais la regarder. Il maintenait son regard fixé sur Dorian et ne le détournait plus même lorsque le sien s'attardait sur lui.

Au début, Lysandre ne pouvait le supporter, trop intimidé par ces yeux bleus glacés. Mais au bout de plusieurs essais, il parvint à le soutenir. S'en suivirent alors de longues minutes, intenses et totalement surréalistes, où leurs regards ne se détachaient plus. Comme aucun des deux ne voulait être le premier à abandonner et se soumettre, la joute durait, ce qui semblait être, une éternité.

Souvent, c'était l'intervention de Victoire, côté Lysandre, ou d'Anne-Cyrielle, côté Dorian, qui interrompait ces duels à la fois puérils et excitants.

Après une énième réprimande de Victoire, Lysandre se dit qu'il était peut-être temps de passer à la vitesse supérieure. Si Dorian n'était pas stupide, il avait dû comprendre les signaux que Lysandre lui envoyait depuis un moment.

Il tenta donc sa chance. Il s'excusa auprès de Victoire et quitta le salon, se rendit vers les cuisines, passa nonchalamment sous les regards absents du traiteur qui s'affairait, puis il descendit les marches vers la cave à vin.

Lysandre aimait bien ce lieu pour sa tranquillité, sa fraicheur et l'impression qu'il offrait de rentrer dans un monde différent passé le seuil de la porte. Fervents œnologues, ses parents collectionnaient le vin en bouteille, en tonneau, ils amassaient aussi de rares et succulents échantillons de champagne.

Il s'assit justement sur un fût et alluma une cigarette. Il avait à peine pu profiter de quelques taffes qu'une voix retentit à l'entrée.

- Drôle d'endroit pour fumer… On ne t'a jamais dit que l'alcool et le feu ne font pas bon ménage ?
- J'aime vivre dangereusement, rétorqua Lysandre avec un sourire large comme une pastèque.

Il avait joué à pile ou face en venant ici et en espérant que sa cible le suivrait. Il avait gagné.

Dorian s'avança vers lui. Il n'était plus qu'à quelques centimètres et Lysandre devait se faire violence pour résister à l'envie fulgurante de le toucher.

- Dans ce cas, si monsieur aime le danger et l'interdit, sans doute aimera-t-il ceci.

Et par ceci, il voulait parler du sachet blanc qu'il avait sorti de la poche de sa veste. Il déballa la poudre sur une carte, posée à même le tonneau. Il se servit d'une autre carte de crédit pour tracer deux traits parallèles. Ceci fait, il amena la gold mastercard à ses lèvres et lécha avec une délectation exagérée, le surplus de poudre qui était resté collé sur la tranche. Y'a pas à dire, Lysandre aurait aimé être une carte de crédit en cet instant.

Dorian prit ensuite deux billets dans son portefeuille griffé. Il en tendit un vert à Lysandre et garda l'orange pour lui. Se faire une paille avec un billet de cent euros. Lysandre aimait cet aspect de sa vie de gosse de riche.

Il laissa à Dorian l'honneur de commencer et se pencha à son tour pour aspirer le deuxième trait.

Ce n'était assurément pas la première fois qu'il goutait à la cocaïne. Il n'avait aucun dealer et ne consommait pas régulièrement, mais il acceptait avec plaisir quand ses amis ou amants d'un soir lui faisaient ces petits cadeaux pour s'attirer quelques faveurs.

Tandis qu'il se demandait si Dorian avait ce même genre d'idée derrière la tête, il sentit le produit monter le long du nez, droit vers le cerveau. La sensation était piquante, explosive même. L'effet était agréable. Dans quelques minutes, tous ses sens seraient alertes et décuplés.

Dans cet état à mi-chemin entre l'ébriété et l'excitation, il craquait. Dorian était presque collé derrière lui. Il n'avait qu'à se retourner…

Ce qu'il fit. Puis, il attrapa sa bouche et l'embrassa langoureusement. Le fiancé de sa sœur, surpris par cette intrusion, ne résista pas tout de suite. Il laissa même le passage grand ouvert à cette langue qui le sondait et l'enivrait dans une onde de plaisir éphémère. La phase de stupéfaction passée, Dorian se rappela à la raison. Il referma la bouche, prit Lysandre par les épaules et le repoussa délicatement.

- Je suis désolé. Tu te méprends sur mes intentions.

Loin de faire d'un refus une tragédie, Lysandre esquissa au contraire un grand sourire éméché. Il ne s'attendait pas à ce que cela soit aussi simple.

- Vraiment ? Un baiser contre un rail. Je ne faisais que te remercier.
- Ce n'était pas nécessaire. J'ai cru comprendre que tu t'ennuyais. Moi aussi. J'ai voulu partager parce que je n'aime pas taper seul.
- Quelle motivation égoïste…

Lysandre était un peu déstabilisé par les propos crus de son interlocuteur. Il ne s'attendait pas à ce type de franchise désarmante de la part d'un bourgeois. Mais il se ressaisit, sachant pertinemment qu'il avait plus d'un atout dans sa manche. Au jeu de la manipulation, Lysandre était le meilleur… Sauf qu'il ignorait encore que Dorian n'était pas un adversaire qu'on pouvait manipuler.

Ce dernier se pencha vers Lysandre, jusqu'à ce que ses lèvres frôlent son oreille. Le plus jeune frissonna quand il sentit ce souffle sur sa nuque.

- Merci tout de même pour le baiser.

Après ces propos sensuels qui laissaient cruellement Lysandre sur sa faim, Dorian fit volte-face et s'apprêta à remonter l'escalier.

Il était en train de s'échapper. Si Dorian avait été n'importe quel autre homme, Lysandre l'aurait laissé faire. Il aurait pris son mal en patience et attendu une autre opportunité. Mais Dorian n'était pas n'importe quel autre homme. Et s'il fallait en passer par des astuces dégradantes pour l'attirer à lui, alors Lysandre s'avilirait.

Il l'attrapa par le bras et essaya de le rejoindre en titubant sur ses pattes.

- Une minute là ! Tu donnes de la coke à un gamin bourré sans même penser aux conséquences… Je pourrais faire des bêtises si tu me laisses seul dans cette cave, dit-il d'une voix pâteuse.
- Le seul risque que tu encours, c'est de t'endormir dans un tonneau de vin. Mais je ne te crois pas assez saoul pour cela.

Le refus froid de Dorian commençait à l'irriter un peu. Il valait mieux passer à la vitesse supérieure.

- Très bien captain obvious ! Il y a plus à faire là-haut, alors tu m'excuseras, mais je vais aller m'enfiler encore quelques verres…

Lysandre usa d'années d'expérience en matière d'ivresse et d'une bonne dose de son talent d'acteur pour pouvoir grimper les escaliers en trébuchant d'une manière réaliste. Dorian semblait marcher dans la combine. Il rattrapa Lysandre de justesse avant qu'il ne tombe et lui dit :

- Okay. Je ne crois pas que tu aies besoin de verres supplémentaires. Tu ferais mieux de te reposer…
- Non ma chambre est loin. Je veux rester ici…

Lysandre relâcha tous ses muscles et fit mine de s'écrouler par terre. Il n'était retenu que grâce à la force des bras de Dorian. Ce dernier grimaça et râla :

- Je croyais que tu voulais faire aller faire la fête… Il faudrait savoir.
- Je suis pas bourré.

Cette phrase, pourtant vraie, n'avait jamais sonné aussi faux qu'en cet instant. Aussi Dorian poussa un soupir exaspéré.

- Je te ramène à ta chambre.

Ils passèrent devant les cuisines, mais Cathy ne fit aucun commentaire. Fort heureusement. Puis ils s'engagèrent dans les couloirs vides. Lysandre s'appuyait plus que de nécessaire dans les bras de son sauveur. Dorian protestait en argumentant qu'il pouvait quand même faire un effort. Lysandre n'écoutait pas, bien trop heureux de pouvoir se frotter allégrement sur son costume délicat. Il sentait si bon…

La chambre de Lysandre était au premier étage. Or lorsqu'ils arrivèrent devant l'escalier et que Dorian essaya de faire passer son boulet en force, les pieds de Lysandre refusèrent de se soulever. Il était quand même difficile de jouer ainsi la comédie alors que la cocaïne était en train d'exploser tous ses sens et le faisait frémir intérieurement.

Dorian dut se résoudre à le porter pour le faire passer les marches.

- Non lâche-moi ! Je peux encore marcher !

Ces protestations étaient aussi molles qu'hypocrites. Pour rien au monde, il n'aurait voulu que ces bras puissants le reposent. Certes, sa fierté venait de dégringoler au trente-sixième sous-sol, mais le jeu en valait la chandelle. Dorian grommela et continua à le porter, même après l'escalier, jusqu'à sa chambre. Lysandre lui indiqua la bonne porte et le brave gentleman alla jusqu'à déposer Lysandre sur son lit.

- Maintenant endors-toi, je dirais à ta sœur que tout va bien.

Il le lâcha et s'en alla brusquement, par peur que Lysandre ne se raccroche encore à lui. Mais ce dernier n'avait pas besoin des gestes pour le retenir. Dorian était désormais, d'une manière plutôt ambigüe et inconsciente, sous l'emprise de jeune garçon. Sa voix l'arrêta sur le pas de la porte. Ce n'était plus celle d'un garçon bourré, les propos étaient clairs et intelligibles.

- Allons Dorian… Tu m'as offert de la coke et tu veux que je dorme ? Es-tu au courant que ce produit est un stimulant ? Je vais avoir besoin d'une aide pour me calmer…

La main de Dorian restait plantée sur la poignée de la porte, ne sachant pas si elle devait l'actionner ou non. Pendant ce temps, Lysandre retirait ses chaussures et jetait des regards délibérément fiévreux qui appelaient à la luxure.

- Tu ne m'as pas suivi dans cette cave par hasard, tu n'es pas monté ici sans arrière-pensée. Alors maintenant, sois un homme et profite de l'occasion.

Le sourire de Lysandre était irrésistible. Dorian renonça à chercher une échappatoire. Au lieu de cela, il répondit avec un sourire énigmatique.

- Nous allons le regretter tout le deux.
- Et alors ? Les regrets sont faits pour venir après. N'y pense pas avant.

Dorian se saisit de la poignée de la porte, mais seulement pour pouvoir mieux la refermer. Il tourna le verrou et retourna ses pas vers ce corps qui lui était offert en pâture.

Il se saisit avec brutalité des lèvres de Lysandre, comme d'un plat qu'il se serait raisonnablement interdit de gouter et sur lequel il craquait finalement. Le baiser fut long et passionné. Il en profita pour déboutonner et défaire complètement la chemise du plus jeune. Lysandre en fit de même.

Quand Dorian lâcha enfin sa bouche, ce fut pour pouvoir mieux l'allonger sur ce grand lit. Ils réalisèrent bien vite qu'ils étaient tous deux bien trop excités pour continuer à perdre ainsi leur temps en caresses, même si de l'avis commun, ces embrassades étaient plus qu'agréables. Il leur fallait plus.

Lysandre prit l'initiative, il approcha une main experte et se débarrassa en un clin d'œil de la ceinture du smoking. Il ne sortit pas immédiatement la friandise de son emballage, il s'amusa d'abord à caresser la bosse au-dessus du boxer.

Alors qu'il s'apprêtait finalement à passer la main sous la barrière du tissu, Dorian s'empara de ses poignets et les ramena de part et d'autre de la tête de Lysandre. Ainsi prisonnier, il le laissa l'embrasser une nouvelle fois. Le regard de Dorian était sulfureux. Dire que quelques minutes auparavant, il avait fallu le supplier alors qu'il mourrait d'envie de le prendre… Finalement, il s'était trompé : il était bel et bien un hypocrite de plus dans ce monde bourgeois. Lysandre relégua cette pensée pour plus tard, préférant plutôt se focaliser sur l'instant présent.

Dorian n'avait pas lâché ses mains et dévalait son torse avec une multitude de petits baisers épars. Il commença par s'attaquer à ses clavicules, les mordillant, tantôt gentiment, tantôt plus voracement. Puis, il atteignit les tétons. Il le suça avec une lenteur méticuleuse. Le plaisir était là, mais la frustration grandissait jusqu'à devenir intenable. Lysandre appréciait, mais il n'aimait pas rester longtemps inactif. Il se mit à gigoter sous le corps massif de Dorian. Ce dernier le réprimanda aussitôt en mordant son téton un peu plus fort. Lysandre laissa échapper un gémissement plaintif.

- Chut… Doucement. Ne sois pas aussi impatient.

Dorian lâcha les poignets de Lysandre, mais ce dernier ne chercha pas à les bouger. Il était plutôt fasciné par le spectacle du corps de Dorian qui se mouvait sur lui. Il ne s'était pas trompé en l'imaginant sous son costume. Il était magnifique. Ses mains étaient descendues jusqu'à ses hanches et tiraient sur son pantalon. Lysandre remua en harmonie, pour l'aider dans sa tâche. Il se retrouva finalement nu comme un vers devant cet homme somptueux qui était supposé épouser sa sœur.

Rien qu'à le voir en pleine contemplation, Lysandre sentait le sang affluer vers son bas-ventre. Son érection grandit encore quand Dorian se pencha vers son sexe. Il ne le toucha pas tout de suite, embrassant d'abord avec délicatesse son entrejambe sans s'aventurer sur ses parties intimes. L'attention était touchante. Mais Lysandre était affamé et il ne tenait plus en place.

D'un coup sec, il se redressa et fit basculer Dorian. Sous le coup de la surprise, il ne réagit pas tout de suite et se retrouva sur le dos, Lysandre le chevauchant armé d'un sourire triomphant qui signifiait quelque chose comme : Maintenant, c'est moi qui suis aux commandes.

- J'espère que tu n'es pas en train de croire que j'accepterai d'être en dessous, protesta Dorian.
- Ne t'inquiète pas. Tu seras au-dessus. Fais-moi confiance pour le moment.

Dorian se laissa donc faire, intrigué. Lysandre descendit de son trône et recula jusqu'à pouvoir atteindre le sexe de son partenaire. Il le caressa, mais comme Dorian était déjà tout dur, il ne perdit pas son temps. Il prit son sexe contre le sien et commença à les branler ensemble.

La sensation était merveilleuse. Plus que le plaisir charnel que ce geste lui procurait, Lysandre savourait plus encore sa victoire. Il ne connaissait rien de mieux que le sentiment grisant du pouvoir lorsqu'il obtient, finalement, sur un homme qu'il s'est appliqué à séduire toute une soirée durant.

Dorian n'avait pas été une proie difficile, en revanche, il faisait un mets particulièrement appétissant.

Lysandre finit par se pencher plus en avant et prit en bouche cette queue bien dressée. Cette dernière était d'une taille juste appréciable, d'après les critères de Lysandre. Elle était bien proportionnée, suffisamment longue et large, mais pas trop pour qu'il puisse l'avaler entièrement. Il lécha le gland et joua en passant sa langue dessus pendant un petit moment, puis, d'un coup sec, il prit le reste dans sa gorge. Il lui fallut plusieurs essais avant de l'avoir complètement en bouche, mais quand il y parvint, Dorian laissa échapper un soupir de satisfaction qui ravît Lysandre. Il poursuivit la fellation jusqu'à ce que Dorian le stoppe en faisant barrière d'une main. Il voulut se redresser et s'emparer de Lysandre. Mais ce dernier n'avait pas encore terminé son tour.

- Ne bouge pas ! Mis en garde Lysandre tout en se reculant.

Il se contorsionna pour pouvoir fouiller dans sa table de nuit. Là, il trouva un préservatif et du lubrifiant. Par chance, Dorian l'avait écouté et était resté passivement allongé. Lysandre déroula le préservatif sur le pénis de son partenaire. Pendant ce temps, Dorian l'observait, amusé. Il le trouvait véritablement mignon ainsi concentré sur sa tâche. En d'autres circonstances, il aurait tout de suite arrêté les manigances d'un pareil impertinent. Mais Lysandre ne ressemblait pas à ces garçons malhabiles qui voulaient se donner l'illusion d'être actifs en essayant de faire quelque chose… Non Lysandre avait carrément l'habitude de prendre les commandes. Ce qui n'était pas du tout au goût de Dorian qui détestait devoir faire l'étoile de mer.

Mais pour une fois, ce soir-là, la situation était suffisamment plaisante et intéressante pour qu'il mette de côté son envie de se redresser et de prendre ce garçon sauvagement. Il se laissa plutôt aller sous les caresses expérimentées de ce gosse à peine adulte.

S'il continuait d'ailleurs ainsi, il se sentait capable de jouir sous ses gestes. Mais Lysandre anticipa. Il s'appropria ses doigts et étala dessus une couche de lubrifiant. Un simple regard échangé était plus explicite que des paroles. Dorian, qui accueillait avec joie l'idée d'avoir une activité ludique à accomplir, dirigea ses doigts vers ce trou offert et commença à le masser. Lysandre se cambra et se pencha pour lui offrir un baiser. Il avait une façon tout à fait exquise d'étouffer ses gémissements dans sa bouche.

Dorian enfonçait ses doigts plus profondément et plus voracement. Finalement, le plus jeune dut céder. Il s'extirpa des mains habiles du fiancé de sa sœur et vint enfin se placer sur son sexe dressé.

Dorian ne s'y attendait pas, du moins pas sans prévenir. Il laissa échapper un cri de surprise quand le jeune blond vint s'empaler sur sa queue. Lysandre savoura la sensation quelques secondes avant de commencer à bouger dessus. Dorian détestait sa position. Qu'est-ce qu'il n'aurait pas donné pour pouvoir le retourner, le prendre en levrette et le pilonner sans ménagement ?

Mais il choisit de prendre son mal en patience. Son moment viendrait. Pour l'instant, Lysandre avait l'air de prendre son pied ainsi. Dorian, aussi, devait reconnaître que les mouvements habiles de son partenaire lui faisaient un bien fou.

Il agrippa les hanches de Lysandre pour faire accélérer les mouvements, pour se donner l'impression de maitriser la cadence. Ses gémissements se faisaient de plus en plus fort, se transformant même en cris.

Il se saisit de son sexe et commença à se toucher. Dorian devinait qu'il n'allait probablement pas tarder à jouir. Il ne voulait pas que cela arrive maintenant. Du moins, pas dans cette position.

Il coinça les jambes de Lysandre entre ses hanches pour entraver ses mouvements. Puis il fit basculer son corps jusqu'à se retrouver à nouveau sur lui. À aucun moment il ne rompit le contact physique.

- Hey non attends…

Dorian saisit le visage de Lysandre d'une main, tandis que de l'autre, il plaquait ses hanches contre le lit. Ensuite, il l'embrassa pour étouffer ses protestations.

Lysandre abandonna bien vite la lutte. Dorian le pénétrait lentement, mais en profondeur. À chaque coup, il s'enfonçait un peu plus loin et un peu plus vite. Lysandre se sentait défaillir un peu plus. Néanmoins, il se retint de jouir maintenant, il voulait attendre Dorian. Ce dernier tenait longtemps… un peu trop même. Finalement Dorian lui donna le coup de grâce et ils jouirent tous deux de concert.

Dorian le laissa aller de tout son poids sur le corps de Lysandre, sans se soucier de l'écraser. Il était essoufflé. Lysandre ne s'en plaignit pas, il appréciait cette proximité et enlaça son étalon avec tendresse. Il leur fallut un moment avant de pouvoir remettre en place leurs pensées. Finalement, Dorian roula sur le côté, retira le préservatif et dit :

- Pour un type bourré, tu savais plutôt y faire.
- Mettons ça sur le compte de la cocaïne qui a fait effet.

Lysandre se leva et alla se nettoyer en vitesse dans la salle de bain à proximité. Quand il revint, Dorian était assis sur le lit et lui lançait un regard sombre.

- Lysandre Farnese… M'aurais-tu manipulé dans le but de coucher avec moi ?

Lysandre ne put s'empêcher d'éclater de rire face à cette mine déconfite. Il s'étonnait de cette prise de conscience un peu tardive. D'un autre côté, il pouvait comprendre que sa réflexion était partie en vadrouille pendant l'acte. Il lui rendit un sourire mesquin.

- Oh pauvre chou…

Lysandre se dirigea vers lui et se pencha juste assez pour pouvoir lui caresser les cheveux et déposer un baiser sur son front.

- J'ai eu envie de coucher avec toi à la seconde où je t'ai vu. Quand je veux quelque chose, je l'obtiens. Peu m'importe les moyens.

Il s'éloigna et poursuivit son discours tout en rassemblant ses vêtements éparpillés.

- Et puis, tu ne vas quand même pas t'en plaindre, non ? Tu as sauté dans la combine à pied joint et ça n'avait pas l'air d'être une épreuve si déplaisante.
- Là n'est pas la question. Je n'apprécie pas l'idée de m'être fait mener par le bout du nez par un gamin.

Lysandre qui s'était rhabillé haussa les épaules.

- Et alors ? Tu n'avais qu'à refuser, avoir une prise de conscience ou même penser à ma pauvre sœur que tu viens allègrement de tromper. C'est facile de me blâmer après coup.

Dorian se releva et avança jusqu'à Lysandre. Il lui saisit le menton et l'amena à relever à la tête. Ses yeux froids n'avaient jamais été plus intimidants. Il ouvrit la bouche et prononça de façon détachée chacun des mots qui suivirent.

- Merci pour la baise. Mais la prochaine fois, je jure que c'est toi qui seras à mes genoux.

Lysandre trembla avant de ressaisir. Il se recula et retrouva son assurance avant de tourner les talons. Avant de passer définitivement la porte, il répondit une dernière fois :

- Il n'y aura pas de prochaine fois. J'ai obtenu ce que je voulais de toi, maintenant tu peux retourner flirter avec ma sœur comme si de rien n'était. Je ne t'importunerai plus. Au revoir Dorian.

Il claqua la porte et laissa le fiancé d'Anne-Cyrielle, à moitié nu, seul dans sa chambre.