Note de l'auteure : Me revoilà ! Cette fois-ci je n'ai pas été trop longue, mon emploi du temps de cette année me laisse beaucoup de temps pour l'écriture, et je compte bien en profiter. Je vous remercie de continuer à me lire, chacun de vos commentaires est une petite bulle de bonheur pour moi ! J'ai créé une page facebook dont vous trouverez le lien sur mon profil pour vous tenir au courant de l'avancée de mes publications, et vous conseiller d'autres lectures (parce que le monde du yaoi est vaste !). Ce chapitre devait à l'origine faire avancer l'intrigue, et puis finalement, pas tant que ça… Promis je me rattrape sur le prochain chapitre ! Il y aura des voyages, des rencontres, des combats, des révélations… et d'ici là, je vous souhaite une excellente lecture !
Avec tout mon enthousiasme,
La Sorcière
Conseil musical : Pour accompagner la lecture de ce chapitre, je vous recommande d'écouter Land of Immortality (Eternia Town Theme) du jeu Bravely Default, c'est la musique d'une cité couverte de neige.
Réponses aux commentaires :
Aevy :
Bonjon Aevy et merci infiniment pour tes reviews immenses et tellement agréables à lire, si tu savais comme ça me fait plaisir que cette histoire t'intéresse comme ça !
Alors pour Médéric, il va falloir attendre le chapitre prochain, il va réapparaître, et tu pourras en apprendre plus sur lui et te faire ta propre idée. Mais il correspond aussi beaucoup à l'image que je me fais d'un bon roi et d'un homme qui respecte les codes de la chevalerie comme Arthur, Roland ou Perceval.
Concernant le côté historique, c'est aussi quelque chose que j'adore ! Je pense que les relations entre les personnes sont très influencées par l'histoire de leur nation, comme c'est le cas dans le monde réel. Mais je ne voudrais surtout pas déborder le lecteur d'informations sur le passé des royaumes, les guerres, les alliances politiques... J'ai peur que cela ennuie et desserve l'histoire. En outre, si ma chronologie est pleine de trous, c'est parce qu'il y a de nombreuses périodes de l'histoire de Locult que je révèlerai au fur et à mesure que je publierai des histoires. Au fond, je préfère que chaque grande période de trouble fasse l'objet d'un récit, même court, que d'écrire une mythologie qui pourrait sembler aride et inintéressante. Mais je note néanmoins ton intérêt, et je vais réfléchir à quelques fiches informatives que je pourrais rédiger sur l'univers pour les lecteurs qui voudraient plus de précisions. Merci pour l'idée !
Pour la relation entre Arbeld et Grimoard, je suis vraiment, vraiment rassurée de savoir que ça te plaît et que tu n'as pas trouvé ça mièvre. Parce que c'est ma hantise ! Moi-même je lève toujours les yeux au ciel devant les récits qui sentent le romantisme niais lorsque c'est inapproprié. Mes personnages sont des barbares au sens strict du terme, ce sont des hommes qui ont vécu des épreuves terribles, c'est ce que je me repère à longueur de chapitre. Maintenir une distance entre la tendresse et le romantisme que je voudrais écrire et l'aspect réaliste de leur psychologie est un combat de tous les instants ! Ah ah !
Mais bon, pour vous prouver que j'adore faire ça, j'en ai retartiné une épaisse couche dans ce chapitre, et j'espère quand même que ça vous plaira ! Après, promis, je me calme et on repart à l'aventure !
Merci encore mille fois pour tes encouragements, et surtout merci de me lire, je t'embrasse fort et j'espère que cette suite te plaira !
AruBiiZe :
Ah ma Aru-moelleuse ! Merci de me suivre avec le même enthousiasme, malgré mes longues absences et mes retards ! Je suis vraiment très contente que cette suite t'aie plu. Médéric est un personnage important que j'avais hâte de vous présenter et je suis contente que tu l'apprécie.
Concernant leur union ça a été un défi à écrire et je suis vraiment rassurée que tu aies trouvé ça crédible. C'est un vrai tournant dans leur relation et ça va changer pas mal de choses pour Arbeld (et pour moi aussi, parce que je ne me lasse pas d'approfondir leur relation, ah ah !)
J'espère que ce chapitre te plaira, je te souhaite une bonne lecture, plein de bisous !
BlancheAurea :
Bonjour et merci énormément pour ton commentaire ! Je suis très contente que cette histoire trouve de nouveaux lecteurs. Grimoard est effectivement un personnage très torturé et c'est d'ailleurs l'une des difficultés les plus fréquentes pour moi : je dois le montrer bienveillant et aimant avec Arbeld, tout en gardant à l'esprit qu'il a vécu des choses très dures et que ces quinze dernières années de souffrance ne s'effaceront pas comme ça. Mais je suis vraiment contente si j'ai pu retranscrire la complexité de son caractère et j'espère que la suite t'a autant plu ! Je te souhaite une bonne lecture et encore un merci pour tes encouragements, ça me fait chaud au cœur.
Guest :
Bonjour et merci pour ton commentaire ! Je suis ravie qu'Eresh te plaise, c'est aussi l'un de mes personnages préférés, et elle aura un rôle très important dans l'avenir. Dans un univers de guerres où il y a une majorité d'hommes, elle est rafraîchissante et c'est une façon pour moi d'adoucir un peu les scènes de tension.
Le lemon peut effectivement être surprenant mais il était important que ce soit les paroles d'un étranger qui défasse les liens noués par d'autres étrangers. Pour cesser de culpabiliser et accepter son désir pour Grimoard, Arbeld avait besoin d'être rassuré par une personne de Locult. Et puis c'était le chapitre 9, ils se tournaient autour depuis trop longtemps, ça commençait à faire long et certaines lectrices avaient déjà menacé de s'en prendre physiquement à moi, ah ah !
J'espère que ce dixième chapitre te plaira et je te remercie encore pour ton adorable commentaire et tes encouragements, c'est un vrai bonheur d'en recevoir. Bonne lecture !
Cacadeschamps : Bonjour ! Tu es l'une de mes lectrices les plus assidues, merci infiniment ! Je suis contente que ce lemon t'ait plu (et c'est pas fini !), je te souhaite une excellente lecture et j'espère que ce chapitre sera à la hauteur de tes attentes ! Merci encore et à tout bientôt !
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Que tombent les Neiges
Chapitre X ~ L'océan sans rivages
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« Et, alors que j'arrive au terme d'une longue vie, mon esprit d'érudit est obscurci d'idées sombres. J'ai copié et retranscrit tant de récits de batailles dévastatrices, de traités de paix inefficaces et de registres de décès qu'il me semble qu'au bout de ma plume coule une encre de sang. Je me souviens pourtant de mon enthousiasme lorsque pour la première fois j'ai posé les yeux sur l'antique bibliothèque de la forteresse de Hautecombe. La vue de tous ces livres fut un enchantement. Une nuit, à la lueur d'une chandelle, je lus un récit des guerres d'Hyperborée, au-delà de l'Océan de l'Eternelle Dérive, où les mœurs des barbares sont d'une grisante sauvagerie. La littérature m'offrit les voyages que je ne pouvais faire moi-même, et assis devant mon pupitre, je rêvais de palais de glace, de montagnes blanches, de profondes forêts de cristal, et de secrètes cavernes gelées où des guerriers vêtus de fourrures se livraient à de mâles étreintes dans la lueur surnaturelle des aurores boréales. Les plus beaux souvenirs, sont ceux que l'on s'invente. »
Par Eraste de Grand-Fond, Moine de l'Ordre Ancien
Mémoires des Havres Froids
Achevé en 915 du Calendrier des Havres
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Arbeld inspira profondément et l'air glacé coula dans ses poumons comme de l'eau fraîche. Une bourrasque balaya la neige autour de lui et un tourbillon d'étoiles de givre dansa devant ses yeux, minuscules éclats de cristal scintillant faiblement dans la pâle lueur des étoiles. Le ressac lointain semblait démultiplié, il n'entendait plus un seul bruit uniforme mais des milliers de sons : la rumeur du vent survolant l'eau et la glace, les clapotis, les heurts des vagues, les grondements de la banquise, le chant vaporeux de l'écume… C'était une symphonie inlassable et bouleversante.
L'Hyperboréen fit quelque pas dans la neige en écoutant ses craquements doux et il regarda ses pieds nus. Toute sa peau était brûlante, et dans son sang coulait une magie si pure qu'elle semblait faite de lave indomptable. Arbeld avait le sentiment de redécouvrir son corps. C'était le sien mais il était pourtant différent. Il était mille fois plus sensible, encore fébrile de l'effort physique que l'union lui avait imposé et une chaleur intime et douce habitait toujours le creux de ses reins là où Grimoard l'avait fait sien.
Il leva la tête vers la brise froide qui acheva d'emmêler ses cheveux et ferma les yeux de plaisir. L'odeur de l'océan et la mélodie des flots étaient un baume qui apaisait son cœur. Le monde semblait le miroir de sa paix intérieure.
Arbeld sourit. Il percevait l'esprit du tÿgre et un calme profond mêlé d'amour s'écrasait contre son âme avec une violence tendre. Il pouvait le sentir à quelques distances derrière lui. Grimoard était devenu une présence infaillible, comme une part de son être dont il avait conscience en permanence.
Le tÿgre se rapprocha et referma ses bras autour des épaules d'Arbeld qui rouvrit les yeux. Très loin, un vol d'oiseaux blancs s'abattait sur les flots noirs pour en remonter des poissons et d'immenses rochers de glace dérivaient lentement sur les eaux comme des spectres d'albâtre.
– Vois-tu toujours le monde comme ça ? demanda Arbeld sans détourner les yeux.
– Je le vois mieux, sourit le tÿgre. Je ne t'ai pas donné autant de magie que j'aurais pu, j'attends que ton corps y soit habitué.
Une main glissa sur son torse et caressa les muscles de son bas-ventre. Habitué ? Arbeld sentit sa chaleur augmenter encore quand le souvenir du corps de Grim plongé dans le sien s'imposa à ses sens avec une netteté surnaturelle. Comment pouvait-on s'habituer à ça ? Cette intensité renversante n'était certainement pas quelque chose qu'on pouvait maîtriser ou contenir, c'était violent comme une tempête et Arbeld pressentait qu'il en serait ainsi à chaque fois.
Le tÿgre fut secoué d'un rire silencieux en sentant la forte hausse de température de l'humain et il pressa son corps nu contre le sien. Arbeld renversa la tête en arrière et s'appuya sur l'épaule de Grim le temps de tempérer son enthousiasme. Jamais il ne s'était senti aussi heureux, aussi complet, aussi vivant. Il avait l'impression de percevoir la trame fine de l'univers. Tout son corps, jusqu'à la racine de ses cheveux, vibrait de chaleur et de magie, et les battements de son cœur qui étaient pour l'heure calqués sur ceux du tÿgre unissaient leur pulsassions lentes et régulières au souffle des astres.
– Il faut dormir, l'invita le tÿgre. Demain la journée sera longue, il va falloir convaincre Morden de rencontrer ton roi humain, et ne compte pas sur mon aide pour défendre les étrangers…
La voix de Grim ne communiquait aucune trace d'humour mais Arbeld décela dans son cœur un mélange compact de sentiments contraires : la peur persistante qu'il avait ressentie après son départ, son désir de le faire sien et de le protéger, la crainte et la défiance qu'il éprouvait toujours à l'encontre des hommes de Locult, sa rancœur aussi, et son soulagement quand il l'avait retrouvé, sa fierté quand il avait compris qu'Arbeld venait de négocier une paix avec de potentiels alliés, tout cela confondu avec le plaisir dominateur et taquin qu'il éprouvait à le contrarier… L'Hyperboréen fut encore une fois surpris de pouvoir lire tant de choses en lui, Grimoard qui cachait habituellement ses sentiments se livrait à lui à travers leur lien avec une confiance touchante.
Ils regagnèrent la petite caverne où le vent sifflait et s'endormirent dans le manteau de peau, blotti l'un contre l'autre. Pour la première fois depuis longtemps Arbeld n'eut pas froid un seul instant. La chaleur douce du tÿgre coulait en lui et ne le quittait plus. Il ne fit pas de cauchemar non plus. Il eut le sentiment de s'être dérobé au regard noir qu'il sentait constamment dans son dos depuis qu'il avait rêvé d'Yzebel. Désormais le seul esprit lié au sien était celui de Grimoard. Il était son tÿgre, son compagnon, son ami, son amant, sa famille, et l'écho de son cœur.
*.*.*.*.*
Lorsque les lunes se levèrent à nouveau quelques heures plus tard, ils se remirent en route. Arbeld était parfaitement reposé et il goûta au plaisir de chevaucher sans plus ressentir le froid. Ils atteignirent le campement des éclaireurs avant que les lunes ne soient couchées. Les tentes sombres étaient silencieuses et une neige fine et cristallisée par le froid s'était remise à tomber.
– Arbeld !
Une petite chose blanche couronnée de cheveux roux se précipita dans sa direction avant même que le reste du campement ait eu le temps de s'enquérir des arrivants. Le sourire d'Eresh se figea et elle s'immobilisa devant son ami. Arbeld mit pied à terre et posa la main sur la joue de la fillette dans un geste tendre. Sa peau était glacée mais un intense courant d'énergie courrait sous la surface.
Elle le regardait comme si ses yeux de cristal voyaient à travers lui. Une sagesse profonde et un sérieux inappropriés à son visage d'enfant transfiguraient ses traits et leur conféraient une splendeur de statue. Lors de leur première rencontre, comment avait-il pu la prendre pour une enfant ordinaire ? Maintenant qu'il la voyait à travers le filtre de la magie des tÿgres, il percevait sa beauté et sa fragilité, la noblesse sacrée de son sang, et la magie sublime et ancienne de son héritage.
Elle finit par sourire timidement.
– Tu es impressionnant Arbeld… J'ai du mal croire que tu es le garçon que j'ai rencontré à Boisprofond. Tu sembles né pour être un cavalier.
Arbeld sourit et étreignit son amie.
– Morden n'est pas trop furieux ?
– Si, reconnut-elle en lui rendant son étreinte avec un petit rire, mais je crois que Kravenn et Isolde sont si désobéissants que cela finit par ne plus le surprendre… Il a beaucoup crié, mais il a l'air résigné, personne ne dompte les jeunes tÿgres. Et au fond il semblait soulagé de savoir que nous avions parlé aux étrangers et que la paix était possible. Je crois que nous lui avons rendu service.
Arbeld retira son manteau et le donna à Grim qui venait de se transformer. Le léger contact de leurs doigts eut un effet électrisant sur l'humain et il essaya vainement de ne pas penser au tÿgre, à son regard, à sa peau, à ses caresses brûlantes... Il détourna le regard avec une légère gêne qui amusa Grimoard.
Le pas lourd et décidé de Morden fit craquer la neige gelée. Le chef de la Griffe venait à leur rencontre et Arbeld s'attendait à chaque seconde à ce qu'il éclate dans une fureur noire. Après tout, il était le gamin téméraire qui avait emmené des membres de son clan à la rencontre de dangers potentiellement mortels, contre sa volonté.
– Père, je m'inquiétais, déclara le chef de la Griffe en serrant l'avant-bras de son père à la manière des Hyperboréens. La Haute Vouivre nous a raconté votre rencontre avec les étrangers et l'attaque des bêtes, je craignais que vous en rencontriez d'autres…
– Tout va bien, assura Grimoard. Et ici ? Il n'y a pas eu de nouvelles catastrophes ?
Morden envoya un regard ironique à Arbeld.
– Pas depuis qu'une tÿgresse et son cavalier se sont enfuis avec la Haute Vouivre et un enfant sans protection magique pour aller au-devant d'un danger qui aurait pu leur coûter la vie à tous…
Arbeld baissa les yeux honteusement.
– Je vous demande pardon, Morden. Je n'aurais pas dû mettre en danger les membres de votre clan.
– Ni désobéir à mes ordres, confirma Morden avec un mélange d'autorité et d'amusement qui le faisait ressembler à s'y méprendre à Grimoard.
Arbeld releva la tête et croisa le regard du chef de la Griffe. Morden avait compris au premier coup d'œil qu'il était devenu le cavalier de son père, et il le regardait avec une insistance troublante, mélange de curiosité et de reconnaissance. Puis au terme de cet examen silencieux auquel Arbeld se soumit sans ciller, il les invita à regagner sa tente et leur servit un repas chaud.
Vendric accueillit Arbeld avec une tape sur l'épaule et un petit hochement de tête moqueur.
– Alors tu es en vie ! On n'a pas idée d'affronter le froid sans protection, je croyais que mon exemple désastreux t'aurait servi de leçon !
La chaleur de son sourire réchauffa le cœur d'Arbeld. Il n'y aurait pas de condamnation en fin de compte. Les Hyperboréens, malgré les règles de société qui unissaient leurs clans, semblaient se souvenir que dans le cœur de chaque tÿgre sommeillait une bête indomptable, et que chaque humain conservait un irrépressible désir de liberté. Il existait ici un équilibre subtil entre la discipline et la sauvagerie.
– Je n'apprends pas vite, reconnut Arbeld. Mais les risques en valaient la peine.
Il croisa le regard de Grim qui l'observait distraitement tout en discutant avec son fils et il réalisa qu'en fait, tout en avait valu la peine. Tous les risques qu'il avait pris depuis qu'il s'était enfui du campement des pionniers, son errance dans les bois, sa rencontre avec Grimoard, leurs périples dans le froid, leurs combats contre les bêtes, même leur rapide et douloureuse séparation et surtout leurs retrouvailles… Tout avait été un enseignement unique, un nouveau souffle, une découverte excitante et effrayante. C'était comme s'il n'était vivant que depuis qu'il avait quitté les colons, il était enfin à la place qu'il était né pour occuper.
Vendric profita de la discussion entre Grim, Eresh et Morden pour lui glisser à l'oreille :
– Alors ? Comment était-ce de s'unir à un tÿgre ?
Arbeld rougit jusqu'à la racine des cheveux.
– Pardon de t'avoir posé la question Vendric, je ne pouvais pas savoir.
Il se souvenait maintenant de la gêne de l'Hyperboréen quand il lui avait posé la même question quelques jours plus tôt et il la comprenait parfaitement ! Comment aurait-il pu résumer une union aussi intime, profonde et bouleversante, avec de simples mots ?
Vendric se contenta de rire gentiment puis il s'assit près du feu et s'affaira à tailler des flèches à l'aide d'un couteau en os pendant qu'Arbeld et Grim mangeaient un repas de viande et de fruits secs.
Un tÿgre et son cavalier entrèrent dans la tente. C'était des hommes d'âge mûr à l'air austères. Ils déclarèrent que leur tour de garde s'était passé sans heurts et qu'ils avaient pu ramener une proie mais que le gibier se faisait rare dans la forêt, comme si une présence sinistre effrayait les animaux.
Arbeld repensa aux ours qui les avaient attaqués la veille. Les choses s'accéléraient. Combien de temps encore le petit campement serait-il en sécurité ? Et les hommes de la plage ? Ils n'avaient qu'une seule magicienne pour les défendre. Est-ce que ses pauvres runes tracées dans la neige les garderaient de la magie sombre qui les cernait ?
Eresh le tira de ses réflexions en venant se blottir contre lui. Il termina rapidement son repas puis s'installa en tailleur et fit assoir la fillette entre ses jambes. Ses cheveux étaient doux comme de la laine et ils sentaient la neige et la mer. Il aurait voulu l'emmener dans un lieu protégé, à l'abri de la guerre et de la sorcellerie, y vivre auprès de Grimoard, ne jamais prendre le risque de les perdre, et que leur union efface leurs douleurs passées. Il n'aurait pas assez de toute une vie pour apprendre à appartenir à cet homme sauvage et tendre, possessif et exigent.
Les deux éclaireurs ressortirent et Morden s'assit à côté de Vendric.
– Alors ce roi ? La Haute Vouivre dit qu'il fera un allié puissant et loyal. Mais tu connais mieux les étrangers qu'aucun d'entre nous. Quel est ton avis ?
Arbeld ne s'attendait pas à ce que Morden l'interroge et son regard perçant le mit mal à l'aise. Il jeta un coup d'œil rapide à Grimoard et réalisa au passage que son tÿgre était bien plus effrayant que le chef de la Griffe. Ses yeux pâles à la pupille oblongue, son visage dur, la cicatrice oblique qui barrait son œil et fendait son sourcil dans une expression de fureur figée, la masse importante de ses muscles et son port droit et noble… Il s'était donné à cet homme de la plus intime des façons, plus personne n'aurait dû être en mesure de l'impressionner.
Mais Grimoard était particulier. Il était effrayant, c'était indéniable, mais aussi loin que remontait sa mémoire défaillante, il avait toujours éprouvé un profond sentiment de sécurité en sa présence. Grim était un immense tÿgre redoutable mais il était doux, il était courageux, son autorité indiscutable était rassurante, et ses sourires étaient éblouissants. Arbeld éprouvait pour lui une admiration sans borne et jugeait tous les hommes à l'aune de ce modèle.
– Je partage l'avis d'Eresh, déclara-il finalement en caressant distraitement les cheveux de la petite vouivre. Le roi de Merenord est un homme d'honneur. Il a eu la bravoure de traverser l'océan en personne, il ne porte pas dans son cœur la Compagnie du Levant et le royaume d'Osgholt en général. Et sa culture ne semble pas très différente de la nôtre. Les Merenoriens n'ont pas oublié le temps où nos deux peuples n'en formaient qu'un et alors que les Osgholtois haïssent l'Hyperborée, Médéric est prêt à jurer allégeance à la Haute Vouivre.
– Et si rien de tout cela n'était vrai ? S'il t'avait menti pour nous piéger et attendre que nous leur tournions le dos ?
– Alors son talent serait indéniable et il me faudrait reconnaître que j'ai été complètement trompé.
Arbeld défia Morden du regard. Le chef de la Griffe formulait tout haut ses craintes les plus sombres et l'Hyperboréen était forcé de reconnaître que cette alliance comportait des risques pour tout le monde. Mais en dépit de cette triste possibilité, Merenord demeurait leur allié le plus puissant et le mieux armé. Si les guerriers du nord de Locult se joignaient à eux, il était permis d'espérer que les autres clans hyperboréens en fassent autant. Arbeld avait besoin de croire en cet espoir.
– Les envahisseurs sont maintenant sur deux fronts : à l'Ouest et à l'Est, reprit Morden. Ce serait de la folie de risquer la vie des membres de mon clan et la mienne en rencontrant un roi d'un pays inconnu sur une plage qu'il a fait sienne et où ses forces surpasseront les nôtres. Surtout maintenant…
– Vous refusez de le rencontrer ? s'écria Arbeld horrifié.
Il se leva d'un bond en faisant tout de même attention à ne pas heurter Eresh. Une fureur aussi soudaine qu'incontrôlable déferla dans ses veines.
– Et qu'allez-vous faire ? Croyez-vous tenir cette position éternellement ? Un pauvre campement à la merci des bêtes ? Si vous refusez de fonder une alliance avec Merenord nous serons seuls dans cette guerre ! Seuls contre la Compagnie du Levant, les Sorcières de l'Astre Eteint et peut-être contre le roi Médéric que vous aurez froissé ! Nous ne pourrons pas nous battre contre tout un continent, et Locult dispose de bien plus de guerriers et de ressources que nous n'en aurons jamais !
– Je n'irai pas sur cette plage, Arbeld. Tu ne me feras pas changer d'avis.
Morden était d'un calme glacial qui mit l'humain hors de lui. Comprenait-il seulement à quel point son refus était stupide ? Une colère de plus en plus brûlante s'empara d'Arbeld et voila momentanément sa raison alors qu'une chaleur suffocante irradiait de son corps. Il se sentit prêt à exploser d'une seconde à l'autre.
– Arbeld, calme-toi.
L'Hyperboréen sursauta. Aveuglé par la fureur, il n'avait même pas vu Grimoard se lever et s'approcher de lui. Sa voix était d'une autorité indiscutable et sa présence à ses côtés fit rentrer Arbeld en lui-même, suffisamment pour qu'il réalise que sa fureur n'était pas naturelle.
Grim lui toucha le visage dans une tentative de caresse apaisante mais le corps de son cavalier réagit avant sa raison et Arbeld saisit son poignet et le serra si fort que l'articulation craqua. La puissante magie du tÿgre se déchaînait dans ses veines et à travers leur lien mental, il perçut la douleur qu'il venait d'infliger à Grimoard et un sentiment de panique et de honte le bouleversa.
– Calme-toi, ce n'est rien, regarde-moi.
Grimoard venait de prendre sa tête entre ses mains et de plonger son regard dans celui de l'Hyperboréen effrayé par sa propre réaction. Les deux orbes de glace du tÿgre emplirent tout sans champ de vision et Arbeld sentit la fureur refluer.
– Ma magie est un peu puissante pour toi, tu vas devoir apprendre à la contrôler. Ferme les yeux, fais-moi confiance.
Arbeld obéit immédiatement. S'il y avait une chose qu'il pouvait faire sans réfléchir, presque d'instinct, c'était faire confiance à Grimoard. Une fois plongé dans le noir, ses autres sens prirent le dessus. Son odorat lui apprit que Grim qui était tout près n'était ni effrayé ni en colère, il n'y avait donc aucune raison de l'être, le crépitement du feu et le silence de la neige qui tombait dehors étaient les seuls bruits immédiats, avec les battements de son cœur affolé, et sur sa peau brûlante, la peau de Grim semblait presque fraîche. Il garda les paupières closes jusqu'à être certain d'être à nouveau lui-même.
– Pardon, souffla-t-il en rouvrant les yeux lentement pour les plonger dans le regard de son tÿgre.
Il relâcha sa prise sur le poignet de Grim et le caressa furtivement à l'endroit où il avait serré en guise d'excuse. Il se sentit honteux d'avoir perdu le contrôle.
– Je vous demande pardon Morden, je ne voulais pas vous manquer de respect, s'empressa-t-il d'ajouter en cherchant des yeux le chef de la Griffe qui était toujours assis tranquillement aux côtés de Vendric.
– Si tu avais connu Morden lorsqu'il était adolescent tu comprendrais que tu n'as pas besoin de t'excuser, le rassura Grim en riant. Ses sautes d'humeur étaient cent fois plus dévastatrices. Notre famille est puissante et notre magie l'est tout autant. Je t'apprendrai à te maîtriser.
Morden confirma d'un sourire amusé par le souvenir de ses frasques et hocha la tête pour accepter les excuses d'Arbeld.
– Au cours de mon premier siècle d'existence je pouvais entrer dans des colères à faire trembler les murs du Manoir des Neiges. Je me suis battu physiquement contre mon père un nombre inimaginable de fois. Je lui ai cassé une côte un jour. Si tu arrives à faire mieux je te nommerai à la tête des chasseurs de la Griffe, promit-il solennellement.
Arbeld sourit timidement. Il espérait ne jamais en arriver à de telles extrémités ! Son regard glissa sur Vendric. Le compagnon de Morden semblait se contrôler bien mieux que lui.
– Je suis plus âgé que toi, lui expliqua le brun qui avait deviné ses pensées, c'est plus facile pour moi.
Il marqua une pause. Morden lui lança un regard chargé d'ironie. Vendric haussa les épaules.
– Et… j'ai coupé du bois pendant six heures hier, pour me calmer.
Morden éclata d'un rire franc et vibrant et l'atmosphère se détendit complètement.
– Mais en fait c'est à cause de toi si tout le gibier a fui ! s'exclama le chef de la Griffe. Moi qui croyais devoir redouter l'attaque d'un tempestaire…
Le regard hautain que lui lança Vendric redoubla l'hilarité de Morden qui s'appuya sur l'épaule de son amant le temps de se reprendre. Arbeld en profita pour lancer discrètement un regard de reconnaissance à Grimoard. Le tÿgre lui répondit à travers leur lien par un courant de tendresse et l'humain se rassit près de la petite vouivre qui secouait ses boucles avec consternation.
– Et pour Médéric ? demanda-t-elle.
– Je vais le rencontrer, répondit Morden. Mais pas sur une plage déserte et battue par les vents où nous serons tous deux vulnérables. Je vais l'inviter à la citadelle, il sera reçu avec les honneurs qui siéent à un roi et pourra assister aux fêtes de l'hiver avec nous. Si ses intentions sont aussi louables qu'il le prétend, il ne refusera pas de me rencontrer sur mes terres.
Arbeld n'aurait jamais cru que Morden montrerait une telle volonté de rencontrer un roi étranger. Il en demeura coi et s'en voulut d'autant plus de s'être mis en colère. Inviter officiellement Médéric sur ses terres, était la plus grande marque de respect et de confiance qu'il pouvait lui offrir. Et il s'assurait en outre de se trouver dans une posture avantageuse si le roi de Merenord décidait de le trahir. Sans parler de la perspective de quitter ce campement où ils étaient de moins en moins en sécurité. Morden était sage, il avait eu Grimoard comme exemple, Arbeld n'aurait pas dû douter de lui.
– Merci, Morden, souffla-t-il.
Le chef de la Griffe inclina la tête et sourit avec bienveillance. Arbeld l'appréciait de plus en plus. Ce sentiment fugace disparu rapidement quand Morden déclara que la conversation était terminée et les chassa de sa tente sans douceur pour s'isoler avec son cavalier.
– Je vais rejoindre Kravenn et Isolde, annonça Eresh une fois qu'ils furent dehors. Ils surveillent l'orée de la forêt. Ils seront rassurés d'apprendre que vous êtes revenus et que Morden a finalement accepté de rencontrer le roi Médéric.
Arbeld acquiesça et l'embrassa sur le front, juste avant qu'elle y replace son escarboucle. Elle laissa tomber son manteau de fourrure dans la neige et redevint un grand reptile ailé. Puis elle ramassa le vêtement et le serra délicatement entre ses dents acérées avant de prendre son envol. La lumière des étoiles dansa sur ses écailles avec un millier de miroitements subtils. Arbeld demeura immobile à observer les jeux d'ombres et de lumières jusqu'à ce qu'elle disparaisse entre les arbres blancs.
Grim se pressa dans son dos et enserra sa taille de son bras. Il posa sa tête sur l'épaule de son cavalier et Arbeld réalisa qu'il avait beaucoup plus froid. Sa violente colère avait provoqué en lui une brutale explosion de chaleur et son corps avait ensuite refroidi considérablement. Il referma ses doigts sur la main de Grim.
– Il va falloir que tu m'apprennes à me contrôler. Quand nous devrons nous battre je serai inefficace si je suis submergé par la colère.
– Je ne sais pas si j'ai vraiment envie de t'apprendre… Tu étais terriblement excitant tout à l'heure, avec tes pupilles dilatées, ton cœur battant et ta peau brûlante.
Arbeld frissonna.
– Kss… C'est merveilleux que tu aimes, parce que je me sens à nouveau prêt à me mettre en colère.
Grimoard gloussa en embrassant sa nuque.
– Tu ne pourras pas, tu as brûlé toute l'énergie que je t'ai donnée, c'est pour ça que tu as froid.
– Je n'ai pas besoin de ta magie, Grimoard le Vaniteux, pour me mettre en colère. Les humains font ça très bien sans l'aide des tÿgres !
Il repoussa Grim d'un petit coup d'épaule désinvolte.
– Mais avant j'ai surtout besoin de me laver…
Le tÿgre plissa les yeux et fit claquer ses dents les unes contre les autres pour manifester sa frustration, révélant au passage des canines plus longues et tranchantes que celles des humains, à l'exception d'une, qui était brisée.
Arbeld s'enfuit rapidement en direction de leur tente. Il n'était pas très fier d'avoir repoussé son tÿgre, mais il avait tellement envie de Grim qu'il se sentait effrayé. Est-ce que dorénavant toutes ses émotions allaient être brutales et écrasantes comme ça ? Il prit quelques inspirations profondes. L'air froid pénétra ses poumons et sa marche dans le vent glacé fit encore chuter sa température. Il commençait à avoir vraiment froid mais c'était presque agréable, et cela l'aidait à oublier les lèvres de Grim contre sa peau, sa main qui s'était attardée sur son bas ventre, sa voix rauque près de son oreille…
Il atteignit rapidement leur tente et entreprit de remplir un petit chaudron de neige. Grim rentra après lui et alluma un petit feu au centre de leur habitation de fortune. L'Hyperboréen lui fut reconnaissant de respecter son silence et de le laisser reprendre contenance. Il s'abîma dans ses réflexions au sujet de la conversation qu'ils venaient d'avoir avec Morden tout en essayant d'oublier que son semblant de contrôle volerait en éclat à l'instant où Grim recommencerait à le toucher. Il avait besoin de quelques minutes pour se rassurer, pour sentir qu'il pouvait être maître de lui-même et de ses émotions.
Il finit néanmoins par avoir froid et se rapprocha du feu. Grim était assis sur un petit tas de couvertures et il tendit le bras dans sa direction pour l'inviter à le rejoindre. Arbeld s'accorda quelques secondes pour le regarder avec ses yeux humains, la lumière chaude du feu l'éclairait par en-dessous, sculptant ses traits d'ombres noires menaçantes. Pourtant il était beau, il n'avait pas besoin de magie pour le trouver terriblement désirable.
Il sentit ses émotions s'éveiller en lui et il leur céda cette fois. Il franchit la distance qui les séparait et vint presser ses lèvres avec délice contre la bouche du tÿgre. Il avait un goût merveilleux, une odeur d'embruns et de musc, mâle, sauvage, enivrante. Il glissa ses mains dans sa chevelure tigrée et massa le crâne de son amant. Grim n'hésita pas un instant à réclamer le contact de son corps, il souleva la tunique du jeune homme et glissa ses mains chaudes contre la peau sensible de son ventre. Arbeld entrouvrit les lèvres pour laisser le passage à une langue intrusive.
Il soupira de plaisir et répondit au baiser avec rage et passion. Grimoard agrippa et serra ses fesses à travers les multiples couches de cuir de ses vêtements épais et cette étreinte avide lui arracha un gémissement.
Grim s'assit en tailleur et le prit sur lui. Son cavalier le chevaucha et referma ses jambes autour de sa taille tout en le laissant mordre sa gorge avec application.
– Les Hyperboréens ne sont pas avenants au premier abord, dit soudain le tÿgre. Nous sommes méfiants et renfermés sur nous-mêmes. Nous protégeons notre famille, notre clan, notre terre. Morden n'aurait sans doute pas voulu s'approcher des hommes de Locult. Pourtant il fallait le faire, qu'ils soient destinés à être nos alliés ou nos ennemis, nous avons besoin de les connaître. Tu as eu le courage de désobéir et je t'admire pour ça.
Arbeld frissonna. Il plongea ses yeux dans le regard de son amant. Il l'admirait ? Lui ? Le petit humain inexpérimenté qui le mettait toujours dans l'embarras ? Alors qu'il était une créature magique ancienne et puissante ? C'était difficile à comprendre. Mais Grimoard ne mentait pas. Sa manière de le regarder et de le caresser parlait pour lui.
Il le fit basculer en arrière et Arbeld se retrouva allongé sur les couvertures, sous le corps de Grim. Il écarta le manteau du tÿgre et chercha le contact de sa peau chaude, il caressa les muscles de son corps, redessina le contour d'une cicatrice et s'attarda sur son cœur. Il allait s'unir à lui à nouveau se dit-il avec un sentiment d'euphorie. Les battements de leurs cœurs allaient s'accorder à nouveau, la magie du tÿgre allait couler dans ses veines, il percevrait ses émotions, sa présence, il ferait partie de lui.
Arbeld coopéra avec enthousiasme pour aider Grim à les déshabiller tout deux malgré le froid. Mille caresses glissèrent sur sa peau trop sensible. Grim s'appropriait son corps d'une manière féline. Il le mit entièrement nu et le toucha partout, le pétrit de longues caresses appuyées, lécha sa peau, la mordit, la griffa. Mille petites douleurs engendrèrent mille insupportables décharges de plaisir. Grimoard cessa de la torturer quand sa proie abandonna définitivement toute résistance et toute illusion de contrôle.
Quand il rendit les armes, l'eau du chaudron était chaude et le tÿgre les lava tous les deux à l'aide d'un linge un peu rêche et du savon qui sentait la résine. Arbeld frotta le dos de Grim tout en restant près de lui pour partager sa chaleur. Puis il descendit ses mains jusqu'au fruit du péché et flatta d'abord timidement la hampe. Grim était déjà terriblement dur, et son anatomie était toujours aussi intimidante.
Le tÿgre ne bougea pas. Il ferma les yeux de plaisir pendant une longue seconde puis il plongea son regard embrumé de désir dans celui d'Arbeld qui se sentit puissant. C'était lui qui plongeait Grimoard dans cet état de transe. Il était sien, ce terrifiant chasseur, ce chef, cette bête, il était son compagnon et il lui appartenait. Il n'avait pas de mots pour décrire la tempête d'émotions que déclenchait ce constat. Sous son masque de profonde sérénité il sentait vibrer la plus pure sauvagerie, celle-là même qui allait s'enfoncer entre ses reins dans très peu de temps.
Grim expira lentement et son sexe tressauta dans la main d'Arbeld. Il contenait sa jouissance à la perfection mais l'expression de concentration presque douloureuse qui contracta son visage, la bouche pincée en une ligne mince et le frémissement de ses paupières closes acheva de perdre l'humain.
– Je te veux, souffla-t-il.
Grimoard rouvrit les yeux et un sourire victorieux qu'il ne parvint pas à réprimer joua sur ses lèvres. Il l'attira à lui et l'embrassa passionnément, torse contre torse, avant de reprendre le dessus et de le repousser gentiment pour l'allonger sous lui. Il rinça sommairement le savon sur leurs peaux à l'aide d'eau chaude. Arbeld frissonna quand Grim saisit sa cheville et écarta sa jambe pour s'attaquer à son intimité. Il le lécha longuement, sa langue était légèrement râpeuse et Arbeld crut devenir fou. Son bassin se soulevait d'impatience et les sensations étaient tellement puissantes qu'elles en étaient presque douloureuses.
– Tu te souviens que tu m'as demandé de t'apprendre à gérer l'effet de ma magie sur tes émotions ?
Arbeld avait fait sa crise de colère il y avait moins d'une heure, bien sûr qu'il s'en souvenait ! Mais il se contenta d'un hochement de tête en réponse parce que s'il desserrait les lèvres maintenant, il allait gémir, c'était certain.
– J'ai canalisé mon fils en me battant contre lui à chaque débordement d'émotions. Mais si je me bats contre toi je vais te mettre en pièces, même avec le soutien de ma magie. On va devoir s'y prendre autrement. Tu ne vas pas aimer…
La menace resta suspendue entre eux et Arbeld sentit tout son corps se crisper d'une façon délicieuse. Un courant de magie pure hérissa la racine de ses cheveux et chaque poil de son corps.
– Tu as interdiction totale de bouger jusqu'à ce que je t'en donne l'autorisation, expliqua le tÿgre avec un sourire cruel dans la voix. C'est un effort de volonté plus difficile qu'il n'y paraît, concentre-toi.
L'humain sourit d'anticipation et se mordit la lèvre. C'était ça qu'il aimait le plus. Grimoard était protecteur et tendre, mais il était aussi inquiétant, implacable et dangereux. Et il ne l'épargnait pas.
Grim poussa sur la cheville d'Arbeld jusqu'à ramener la jambe contre le torse du garçon et libérer son intimité. Son autre main appuya sur la cuisse de son cavalier pour l'ouvrir et il fit glisser sa langue sur l'anneau de chair sensible.
Arbeld sursauta et Grim émit un claquement de langue en signe de mécontentement. Le jeune homme se mordit la lèvre un peu plus fort et il renversa la tête en arrière. Il allait être très difficile de ne pas bouger. Surtout que Grim le forçait doucement pour entrer en lui. Il soupira lorsqu'elle y parvint. C'était incroyablement intime et tout aussi fort que la première fois. A bien y réfléchir, il n'était pas sûr de pouvoir s'habituer un jour aux sensations que lui procuraient Grimoard.
Tout son corps s'embrasa peu à peu et il finit par ne plus retenir les gémissements provoqués par le passage insistant et répété de la langue râpeuse entre ses chairs sensibles. Il commit sa première erreur lorsqu'il ramena sa main à lui pour serrer son poing contre sa bouche. Les dents de Grim se refermèrent sur l'intérieur de sa cuisse. Il mordit fort, enfonça ses crocs tranchants sans la peau fragile et le relâcha juste avant de la perforer. Arbeld fut si surpris qu'il cria avec un léger temps de retard.
– Je t'ai interdit de bouger, lui rappela le tÿgre avec un amusement cruel. Repose ton bras sur les couvertures. Si tu dois gémir ou crier, fais-le, j'ai besoin d'entendre ce que ton corps a à me dire.
Arbeld obéit en tremblant légèrement. Il reposa sagement son bras le long de son corps et lança un regard inquiet à Grim. Sa cuisse l'élançait à l'endroit où il venait de le mordre. Il savait que toutes les marques qu'il pourrait lui faire disparaîtraient quand il recevrait sa magie. Mais la douleur n'en était pas moins réelle. Et c'était un jeu terrifiant et excitant, qui lui rappelait à quel point il était difficile d'être entièrement maître de lui-même. Contrôler ses émotions et la magie que son tÿgre partageait avec lui serait un entraînement de longue haleine.
Grimoard donna un dernier coup de langue à son petit trou puis il se redressa sur un coude et pressa son visage contre la cuisse d'Arbeld à l'endroit où il l'avait mordu. Sa main vint caresser le visage du cavalier, de ses doigts il effleura ses lèvres et l'Hyperboréen comprit. Il ouvrit la bouche et lécha ses doigts avec application. Il sentit ses joues s'empourprer parce que la main libre du tÿgre errait entre ses cuisses, taquinait son entrée palpitante et redessinait le contour de ses bourses. Son regard de glace pure enflammait sa peau sans la toucher et se délectait du spectacle de ses doigts disparaissant entre les lèvres de l'humain.
Puis les doigts glissèrent hors de ses lèvres et Arbeld se tendit légèrement d'anticipation. C'était encore nouveau pour lui, il n'avait fait tout cela qu'une seule fois et Grim ne le ménageait pas. On ne pouvait pas se donner à moitié quand on se donnait à un tÿgre, commençait-il à comprendre.
Un premier doigt caressa son entrée puis s'enfonça un lui. Arbeld expira lentement. Les échos de son cœur battaient dans ses tempes et tout son corps était fébrile et tremblant. Cela ne faisait pas mal pourtant, Grim savait être tellement doux. Ses muscles se crispèrent à la seconde intrusion et il expira un râle de plaisir. Son amant le surveillait du coin de l'œil, ses doigts l'élargirent délicatement à l'aide de petites pressions insupportablement douces qui le tiraillèrent de l'intérieur.
La troisième intrusion fut tout aussi simple. Arbeld eut le sentiment de ne jamais avoir été aussi détendu et abandonné de toute sa vie. Il tremblait comme une feuille et sa respiration était ample mais son corps obéissait à son tourmenteur avec un plaisir presque innocent.
Puis Grim caressa un petit point dur et atrocement sensible au fond de lui et le calme d'Arbeld vola en éclats. Il poussa une exclamation de surprise et se cambra involontairement.
Les crocs de Grim se refermèrent sur sa hanche cette fois en lui arrachant un sifflement de douleur. Cette fois encore il le mordit très vite et très fort avant de le relâcher.
– Tu es une proie très divertissante, lui apprit le tÿgre avec un sourire. Tu réagis exactement comme je m'y attends, je pourrais te torturer pendant des heures…
Arbeld échappa un petit rire étranglé, sa hanche et sa cuisse étaient douloureuses, mais au fond de lui le point sensible était tendu et réceptif, et Grim l'effleurait à chaque passage. Le pauvre humain qu'il était en aurait pleuré. Il avait mal, il avait un peu peur, mais il avait aussi confiance, il était excité, et le plaisir était presque intolérable… Une tempête d'émotions déferlait en lui, et il ne devait surtout pas bouger.
– C'est trop difficile, Grim…
Le tÿgre lui répondit en glissant un quatrième doigt au fond de lui. Le tiraillement fut plus douloureux que les autres et il grogna de mécontentement. La langue râpeuse vint taquiner la pointe de son gland et ses doigts se crispèrent sur les couvertures dans une tentative désespérée pour ne pas bouger.
– Grim, supplia-t-il, perdu entre douleur et plaisir.
Il ignorait lui-même s'il l'implorait de rendre ses attouchements plus ou moins bons, la souffrance était imbriquée si profondément dans la jouissance que tout était flou. Grimoard repoussait les frontières des choses, il n'y avait plus de barrière entre le plaisir et la douleur, entre la liberté et l'oppression, entre la douceur et la cruauté. Il n'y avait plus de limite entre leurs corps non plus. Grimoard était une partie de lui, parfois effrayante et par certains aspects inconnue, mais il était lui, il lui appartenait, comme ils appartenaient à ce monde. L'Univers était multitude, et il était unité, et toutes ces contradictions lui semblaient logiques quand elles lui étaient enseignées avec un amour aussi profond.
Le tÿgre le tirailla de l'intérieur tout en le frottant à l'endroit qui le rendait fou. Il engloutit sa hampe tendue à l'extrême dans sa bouche brûlante et humide et Arbeld cria et bougea exactement comme il l'avait prévu. Il était trop tard quand il réalisa qu'il s'était redressé. Il était à moitié assis, appuyé sur un coude, son autre main était posée sur le front de Grimoard. Il y eut une longue seconde d'immobilité où le tÿgre releva lentement le regard vers son cavalier. Puis il libéra son membre et partit d'un rire mâle et chaud qui tira un sourire au garçon.
– Si tu pouvais voir ton expression ! On va travailler ça, promit Grim en se redressant.
– Ce n'est pas particulièrement rassurant…
Grim sourit et retira très doucement ses doigts. Arbeld resta immobile pour le laisser faire. Le tÿgre se rapprocha de lui avec un éclat dangereux dans le regard. Il lui devait une morsure et l'Hyperboréen frissonna mais ne se déroba pas. Il était indiscipliné, mais il était courageux, et il aimait tout ce qui venait de son amant, les félicitations, les encouragements, et même les punitions.
Grim atteignit sa gorge et l'humain la lui offrit en renversant la tête. La morsure fut aussi brutale et douloureuse que les autres mais cette fois il serra les dents et n'émit aucune plainte. Tout son corps fut parcouru d'un courant de désir et d'appréhension. Grimoard l'embrassa à l'endroit où il venait de le blesser, puis il remonta jusqu'à sa bouche dont il s'empara avec avidité.
– C'est très bien, Arbeld.
Le garçon pouffa.
– Je viens d'échouer ! Tu m'as mordu trois fois.
– Non, tu m'as laissé te mordre trois fois. Et tu n'as pas bougé.
Arbeld mit plusieurs secondes pour comprendre qu'effectivement, la punition aussi pouvait être un aspect de l'exercice. Grimoard était un professeur adroit et exigeant, et il était toujours aussi déroutant d'apprendre avec lui.
Le tÿgre ne lui laissa pas trop le temps de réfléchir, il le retourna et lui indiqua d'une pression sous le ventre qu'il devait se mettre à quatre pattes. Arbeld garda la position en frissonnant. Il avait froid dès qu'il n'était plus en contact avec Grim. Son amant lui écarta largement les fesses et il s'attendit à sentir le contact de son sexe contre son entrée, mais ce fut à nouveau sa langue qui se présenta à la place. Arbeld soupira de plaisir. Une humidité chaude se répandit en lui il fut reconnaissant au tÿgre de le préparer avec autant d'application.
– Je vais te prendre, Arbeld. Tu as à nouveau le droit de bouger. Je vais te donner plus de magie qu'hier. Détends-toi.
L'Hyperboréen obéit à ce dernier ordre et relâcha ses muscles. Le gland imposant du tÿgre se pressa contre son petit trou et glissa facilement. La pénétration fut moins difficile que la veille, mais tout aussi éprouvante pour Arbeld. Il était écarté au-delà du supportable autour de l'énorme sexe du tÿgre, son corps tremblait et un filet de transpiration recouvrait sa peau.
– Grim, souffla-t-il pour le supplier d'attendre.
– Je sais, la rassura-t-il tout de suite. Je ne bouge pas, prends le temps de t'habituer.
Il caressa doucement ses fesses et ses reins et Arbeld ferma les yeux. Il se concentra sur l'énorme volume de chair qui le soudait à son amant. La douleur refluait déjà et il se sentait en sécurité. Grimoard comprenait ses besoins sans qu'il ait à les exprimer et il éprouva un sentiment immense de confiance et de gratitude. Il abaissa peu à peu ses barrières internes. Ses muscles se firent plus lâches et il laissa la magie du tÿgre entrer en lui.
Comme la première fois, il eut l'impression d'entrer dans un bain d'eau chaude. Grimoard soupira de contentement dans son dos et caressa ses flancs avec tendresse. Arbeld bougea le bassin, il se dégagea lentement du membre brûlant et vint à nouveau à sa rencontre. La douleur était supportable et Grim prit le relai. Il recula et le prit fermement en lui tirant un son rauque.
Les minutes qui suivirent furent une tempête de feu. Grim libéra progressivement son pouvoir alors que ses coups de reins devenaient brutaux et un courant continu d'énergie pure se déversa dans le corps de son cavalier. Arbeld aurait été incapable de dire ce qu'il éprouvait exactement. L'échange de magie soumettait son corps à une tension électrique beaucoup trop intense, la hampe dure le labourait sans ménagement, frottant d'une façon toujours plus vive ses chairs sensible. Les cris qui emplissaient ses oreilles étaient sans doute les siens et il remercia la magie de Grimoard de renforcer son corps parce qu'il était certain que sans elle, il n'aurait pas résisté à ce traitement sauvage et se serrait écroulé.
Il se sentit de plus en plus plein jusqu'au point de rupture où il lui sembla qu'il ne pouvait pas prendre plus. Grim lui donnait trop d'énergie, trop de plaisir, il le prenait trop profondément…
Arbeld se dégagea brusquement, il s'écarta comme s'il avait été brûlé et dévisagea le tÿgre avec stupeur. Le regard de Grimoard se fit dangereux et Arbeld aperçut la bête en lui.
– Pardon… Je ne sais pas… C'était trop… Je ne voulais pas…
Arbeld bredouilla, les mots lui manquaient. Il lui semblait que son corps agissait par moments de sa propre volonté et c'était un constat angoissant.
Grimoard l'attira à lui et le fit se remettre à quatre pattes. Il n'était pas en colère du tout, mais il était très ferme et ses gestes autoritaires le rassurèrent au lieu de l'effrayer.
– Pose ta tête…
Arbeld hésita mais il fut contraint d'obéir quand Grim appuya sur son épaule. Il posa sa joue sur la couverture de fourrure douce. Sa croupe était toujours offerte et c'était une position vraiment gênante mais il n'eut aucunement envie de protester, être guidé pouvait être tellement réconfortant.
Il le pénétra sans douceur mais Arbeld ne se plaignit pas, ses chairs étaient suffisamment assouplies pour le recevoir facilement malgré la sensation d'invasion qu'il éprouva.
– Tu sens comme c'est facile ? demanda Grim en le prenant très lentement. Tu te rappelles comme tu as eu mal hier quand tu m'as pris en toi pour la première fois ? C'est la même chose avec la magie que tu reçois. Il faut que ton corps s'habitue. Hier je t'ai donné juste ce que tu pouvais prendre. Et c'était très peu. Je vais t'en donner un peu plus aujourd'hui.
Arbeld comprit mieux le sentiment oppressant d'être envahi de l'intérieur qu'il venait ressentir et il soupira de plaisir parce que le membre entre ses reins le frottait parfaitement au bon endroit. L'énergie brûlante du tÿgre l'effleura à nouveau de l'intérieur et Arbeld se tendit.
– C'est difficile à supporter mais si tu fais l'effort ce sera moins douloureux à chaque fois, jusqu'à ce que tu puisses recevoir toute ma magie. Tu acceptes ?
L'énergie du tÿgre cherchait un chemin en lui et Arbeld tressaillit. Il lui laissait le choix. Il suffisait qu'il dise non et il n'insisterait pas. Il le connaissait bien maintenant. Grimoard était autoritaire mais il ne lui aurait jamais rien fait contre son grès, les mois qu'il avait passé à attendre qu'il soit près en attestaient bien assez.
Arbeld aurait pu se convaincre qu'il acceptait cette torture brûlante au nom de la guerre qui approchait, de son rôle de cavalier, de son désir de devenir plus puissant… Mais la raison était bien plus simple. Lorsqu'il dit « oui », ce fut seulement parce qu'il voulait recevoir tout ce qui Grim pourrait lui donner, même ce qui était douloureux ou effrayant. C'était l'aspect le plus intime de sa quête personnelle. En s'unissant à son tÿgre, il renouait avec sa nature, avec son destin, avec son héritage. Et rien ne lui ferait renoncer à ce sentiment de plénitude.
La magie coula à nouveau en lui, envahissante, oppressante et son premier réflexe fut une fois encore de se redresser pour se dégager. Mais Grimoard le contint cette fois-ci. Il appuya d'une main sur son épaule droite et saisit de l'autre son poignet gauche pour l'empêcher de prendre appui dessus. Arbeld gémit et sentit les larmes lui monter aux yeux. Les coups de reins amples véhiculaient une force brutale qui se répandait en lui sans douceur, qui le remplissait au-delà de sa capacité.
Un sanglot finit par franchir ses lèvres et il se mordit la langue pour le réprimer. Grimoard relâcha son poignet et glissa son bras sous le ventre de son cavalier pour l'attirer à lui. Il inversa leur position et Arbeld se retrouva allongé sur son tÿgre, dos à lui, leurs jambes emmêlées les unes aux autres et sa tête appuyée sur l'épaule de son amant.
Une main tendre vint effacer ses larmes. Grim baisa sa joue, caressa sa peau.
– Tu résistes, Arbeld. On se bat l'un contre l'autre.
Sa voix était très douce, d'une tendresse touchante qui calma instantanément l'Hyperboréen.
– Je n'y arrive pas… Je suis désolé.
Le tÿgre mordilla son oreille et Arbeld soupira. Grimoard se redressa, emportant l'humain dans son mouvement. Il se retrouva assis sur le tÿgre et il lui fut reconnaissant d'être resté dans son dos parce qu'il aurait été difficile de se sentir observé quand il lui demanda de bouger les hanches.
– Tu vas le faire toi, lui expliqua-t-il. Il suffit que tu appelles ma magie à toi. Si cela vient de ta volonté, ça devrait être beaucoup plus supportable.
Arbeld s'appuya sur ses cuisses et ferma les yeux. Les premiers mouvements de va-et-vient, il se contenta de ressentir la hampe dure et brûlante qui ravageait ses reins. Il avait une conscience tellement aigüe du corps de Grimoard en lui qu'il était incapable de dire où finissait son corps et où commençait celui du tÿgre.
Grim eut un petit rire chaud, amusé de sentir l'humain se perdre dans le plaisir. Il glissa sa main jusqu'au sexe de son amant qu'il caressa avec ferveur. Arbeld se concentra et quand il se sentit prêt, il appela la magie de Grimoard à lui. La réponse fut immédiate, un courant d'énergie pure coula à travers sa peau et il éprouva un sentiment renversant de vertige. La magie de Grim était chargée de chaleur, de force, d'amour. Arbeld battit lentement des paupières et recommença. C'était toujours un peu étouffant et oppressant mais il s'y fit progressivement. Il comprit qu'il aurait pu recevoir beaucoup plus de magie, plus d'amour, plus de connaissance, plus d'étreintes comme celle-ci. Grim ne lui montrait qu'un infime fragment de ce qu'il avait l'intention de lui offrir, leur union était un océan sans rivages que le temps prendrait le soin d'étendre à l'infini, d'approfondir, d'intensifier.
Il prit encore et encore, malgré ses tremblants irrépressibles et l'impression étrange que son corps s'ouvrait de l'intérieur, devenait élastique et souple, et incroyablement réceptif.
Grimoard caressa ses flancs et Arbeld frissonna.
– Tu es allé bien plus loin que je ne le pensais, sourit Grim au bout d'un moment. Je ne t'aurais pas transmis autant d'énergie si tu m'avais laissé faire. Tu viens de me montrer une maîtrise et une force de caractère à laquelle j'osais à peine rêver.
Il embrassa sa gorge et mordilla sa nuque.
– Je ne t'ai pas attendu pendant quinze ans Arbeld, je t'ai attendu des siècles. Je n'espérais plus qu'il existe un jour un humain avec qui je sois si fier de m'unir.
Arbeld répondit à ces mots par un courant de magie pure, il commençait à comprendre comment leur échange fonctionnait et il renvoya à travers leur lien une onde de chaleur et d'amour à Grimoard qui gémit faiblement, pris au dépourvu. Il le souleva doucement et ce fut à Arbeld de gémir quand le membre du tÿgre quitta le creux de son ventre. Il se sentit vide et insatisfait. Heureusement la sensation ne dura pas. Grimoard l'allongea sur le dos et le prit à nouveau en le regardant dans les yeux. Son regard trop pur, trop déterminé le brûlait mais il n'en détourna pas les yeux, il s'agrippa à ses bras forts, à son dos sous la peau duquel roulaient des muscles parfaitement dessinés et il s'abîma dans le plaisir intense qui labourait ses reins. Grim reprit son membre en mains et Arbeld ne put se retenir plus longtemps et il jouit entre ses doigts avec des râles rauques. Il emporta son amant après lui dans le torrent de plaisir il sentit la semence brûlante se déverser en lui au rythme des pulsions violentes qui battaient ses chairs.
Il lui fallut plusieurs minutes pour retrouver une respiration moins laborieuse. Grimoard se dégagea de lui avec précautions, le retourna sur le côté et l'enlaça. Il le sentit inspirer profondément son odeur et sourit au souvenir du jour où il lui avait ordonné de ne pas porter d'autre odeur de la sienne.
– La marquage de ton territoire est-il satisfaisant ? demanda-t-il en souriant.
– Assez oui, reconnut le tÿgre. Mais dans la mesure où nous allons rencontrer le clan de Morden au grand complet, je me réserve le droit de le réitérer. Par mesure de précaution…
Arbeld laissa échapper un petit rire. Il ignorait si le sentiment d'euphorie léger et vibrant qu'il éprouvait était dû à la perspective du voyage qui s'annonçait, de la possible alliance avec Merenord, de la rencontre avec le clan du Nord, de leur espoir de reprendre leurs terres aux envahisseurs, ou de la puissance magique qu'il venait d'acquérir… Lorsqu'il interrogea son cœur, il lui répondit qu'une joie aussi pure ne pouvait naître que du sentiment d'être aimé sincèrement. Et il s'endormit le sourire aux lèvres.
A suivre…
Ecriture achevée le 05/10/14