Ce texte est un défi proposé par la Ficothèque Ardente qui comportait les contraintes suivantes :
Thème : les tueurs en série
Pas de PWP
Récit au passé
Interdiction d'employer : sang, crime, arme, cruauté, assassin
Obligation d'utiliser : faribole, excrément, calamité, merveille, luminosité
Avertissement : âmes sensibles, s'abstenir. Descriptions violentes et macabres à prévoir.
Exorcisme
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Il avait patienté. Longtemps. Presque un mois. Il l'avait retrouvée. Suivie. Observée. Il allait prendre soin d'elle. Les autres ne comptaient pas. Les autres ne l'intéressaient pas. Les autres n'étaient que des vieilles rombières, qui auraient dû rentrer chez elles au lieu de faire encore le trottoir. Il ne comprenait même pas qu'elles aient eu encore des clients. Pour les avoir vus, leurs corps n'étaient plus attirants depuis longtemps. Les rides avaient creusé le visage de certaines. Le temps avait fait son travail. La vie dans les rues de Londres n'était pas facile. Certains hommes se contentaient vraiment de peu.
Elle, elle était différente. Elle s'appelait Mary Jane Kelly. Un nom de princesse. Une princesse déchue. Une merveille au milieu des immondices. Elle avait vingt-cinq ans. Il la connaissait bien. Elle avait été son amie d'enfance. Elle avait été sa petite sœur en quelque sorte, celle qu'il avait protégée de ses bras maigres. Elle avait été son premier amour, aussi. Ils avaient joué ensemble, dans les rues de Whitechapel, pendant des années. Ils avaient été inséparables. Jusqu'à ce qu'elle prenne ce chemin. Jusqu'à ce qu'elle fasse des bêtises. Jusqu'à ce qu'elle rejoigne celles qui les intriguaient autant qu'elles les dégoûtaient quand ils étaient gamins. Jusqu'à ce qu'elle le trahisse.
Il avait tenté de la sortir de cette impasse. Il avait tenté de lui faire ouvrir les yeux. Il se souvenait encore de son sourire triste quand elle avait répondu qu'ils étaient bien ouverts et qu'elle n'avait pas d'autre choix, qu'à présent elle était condamnée. Qu'elle resterait prostituée. Qu'elle était pire que pestiférée et qu'il ne devrait plus l'approcher, plus jamais, s'il ne voulait pas être lui aussi sali. Il se souvenait de chacun de ses mots. Durs. Implacables. Résignés. Ils avaient gravé son esprit, l'avait marqué au fer rouge comme ces bêtes qu'on tatouait encore barbarement.
Pendant des jours après l'avoir appris, il avait voulu la suivre. Il avait voulu voir de ses propres yeux ce travail honteux qu'elle accomplissait. La façon dont elle se couchait devant ses hommes, rampant dans les excréments et la boue pour avoir ne serait-ce qu'un penny, qui lui permettrait de survivre un peu plus longtemps seulement. Il avait vu l'horreur de sa situation. Il avait vu le comportement de ces hommes sans scrupules avec elle. Il avait vu ceux qui profitaient de sa jeunesse, ceux qui tiraient parti de sa pauvreté, ceux qui la traitaient comme la moins que rien qu'elle était devenue. Elle avait fini par le découvrir et par le chasser. Il faisait fuir les clients. Voilà l'explication qu'elle lui avait donnée. C'était tout ce qu'elle avait trouvé à dire, tiens.
Il n'en dormait plus la nuit. Ses gestes devenaient moins précis le jour. Ses tailles sur la viande étaient moins méticuleuses. Son patron avait fini par le voir et par le houspiller plusieurs fois. S'il ne s'appliquait pas plus, il allait finir à la porte. N'était pas boucher qui le voulait et ça n'était pas les futurs apprentis qui manquaient. Il le savait bien. Il était rentré dans cet établissement dès ses quinze ans, et il avait eu de la chance.
Avant il s'était contenté de tirer quelques bourses, quelques fruits à portée de main sur les étals, de rapporter à sa mère ce qu'il trouvait dans ses pérégrinations dans les rues de Londres. Le boucher du coin avait bien voulu le prendre à l'essai. Il avait fini par y faire son trou, travaillant durement, ne comptant pas ses heures. Se perdant dans ce travail qui ne lui apportait aucune gratification sinon l'argent qu'il dépensait à nourrir sa mère vieillissante.
Au début, il n'avait pas vu Mary Jane changer. Il n'avait pas vu qu'elle avait quitté sa petite place de brodeuse dans une usine proche de Whitechapel. Il n'avait pas vu que la mécanisation des ateliers l'avait jetée dehors, et qu'elle n'avait trouvé d'autre solution que cette profession qui n'en était pas une à ses yeux. Lui qui l'adorait s'était mis à la détester quand il l'avait appris. Lui qui l'idolâtrait s'était mis à la haïr. Pourtant, il n'arrivait toujours pas à la mépriser.
Il l'aimait. Il l'aimait encore. Plus que jamais, même. Les années étaient passées, et elle avait embelli. Malgré le travail déplorable qu'elle exécutait chaque journée et chaque soir, son corps était de plus en plus épanoui. Il avait essayé de sortir avec d'autres femmes, de petite condition comme lui, qui se fichaient bien de la morale et de leur virginité, mais il n'avait jamais ressenti autre chose pour elle qu'une attirance modérée. Jamais il n'avait ressenti ce qu'il éprouvait en la voyant. Ce frisson qui le parcourait, ça n'était pas humain. Surtout, ça n'était pas moral.
Il ne devait pas l'approcher. Comme elle le disait, elle était pestiférée. Elle était en marge de la société quand lui n'aspirait qu'à être dedans. Elle contrevenait à toutes les règles de la morale, avec celles de son espèce. Elle faisait le mal, elle était le mal, à l'ensorceler de cette façon. Elle n'avait pas le droit. Pas le droit de lui faire ça. Pas le droit de le rendre ainsi fou, de compromettre ainsi son âme. Ça ne devait plus jamais arriver.
Alors il l'avait suivie, il devait l'avouer. Il savait qu'il n'en avait pas le droit, qu'elle le lui avait interdit. Mais il ne devait plus rien à celle qu'elle était devenue. Il ne devait plus rien à la Ginger, puisque c'était ainsi qu'on l'appelait désormais. Il avait épié le moindre de ses gestes, ces dernières semaines. Elle l'obsédait. Il avait découvert où elle habitait. Quelles étaient ses habitudes. Certains diraient sans doute qu'il était devenu fou mais il n'en avait que faire. Bien sûr, il restait suffisamment discret et n'opérait qu'après ses heures de travail pour ne pas être suspecté de quoi que ce soit. Cela laissait moins de temps pour l'observer mais suffisamment tout de même, puisqu'elle vivait essentiellement la nuit.
Présentement, il se trouvait devant son domicile. Sur Miller's Court. Elle venait de rentrer. Il ne savait pas bien pourquoi il avait choisi cette journée. Le 9 novembre 1888. Il savait que des rumeurs circulaient. Il lisait la presse, comme tout le monde. Il savait en déchiffrer quelques lignes, du moins. Les plus importantes. Son éducation ne lui permettait pas d'en savoir plus. Le calendrier lunaire. Oui, c'était peut-être ça. Il aurait plutôt dit une sorte d'instinct qui lui soufflait que c'était le moment. Il attendit encore quelques minutes avant de s'avancer à la lumière des quelques fenêtres encore éclairées à la bougie malgré le soir qui tombait. Ils parlaient d'installer bientôt des réverbères à électricité dans toutes les rues de Londres, pour rendre la ville plus sûre. Ça n'était pas encore le cas et l'ombre des immeubles et des maisons rendues sales par la suie et la pollution le cachait encore.
Il rajusta son pardessus. Il faisait froid, à cette époque de l'année. Encore une année où tous les miséreux ne survivraient pas. En tant que gamin des bas quartiers, il avait vu de nombreuses personnes mourir sous ses yeux, de froid ou de faim. Ça ne l'émouvait plus. Il remonta le col de son manteau et chaussa ses gants de cuir tout en marchant. Il ne fallait pas qu'il laisse de traces, le moins possible. Enfin il arriva à sa porte et frappa avec vigueur. Il entendit du remue-ménage de l'autre côté. Il savait qu'elle était seule. Qu'elle vivait seule, aussi. Elle devait être en train de se préparer pour sa nuit. Elle ne faisait jamais venir aucun client chez elle. Sans doute une question de sécurité.
Enfin, elle ouvrit la porte, et son si beau visage se tordit dans une moue surprise. Elle ne l'attendait pas. Cette fois-ci, elle n'avait pas remarqué sa surveillance. Il sentit qu'elle s'apprêtait à le chasser dehors, alors il entra de force, se débarrassant sans effort du barrage de ses bras. Elle n'eut d'autre choix que de refermer la porte, sans mot dire.
Son bouiboui n'était pas très luxueux. Il fallait croire que faire le trottoir ne rapportait pas tant que ça, pensa-t-il en reniflant, dégoûté. Les fariboles qu'il voyait çà et là, sur son lit, sur une armoire, dépassant du tiroir d'une commode, lui sautaient aux yeux. C'était donc à ça que se résumaient ses charmes. A ça que se résumait toute sa vie. Quelques sous-vêtements affriolants, quelques vêtements provoquants. Pathétique.
Il posa son regard sur la jeune femme. Elle était si belle. Elle avait détaché ses cheveux roux qui lui cascadaient dans le dos. Elle s'était à peine maquillée et parée contrairement à toutes celles dont il avait déjà fait la connaissance. Elle n'en avait pas besoin. Ces babioles ne servaient à rien. Elle était simplement belle. Il baissa le regard vers son corps. Elle avait passé une sorte de robe de chambre bleu pâle, un peu usée, légère. Elle avait dû la passer précipitamment car elle était à peine fermée et elle tenait encore à la main le nœud de la ceinture, comme si elle voulait se protéger. Il pouvait deviner sous le tissu ses formes si attirantes. Le galbe de ses seins, la courbure d'une hanche fine. Les jambes interminables que lui conférait sa grande taille pour une femme.
Il plongea ses yeux dans son regard. Son étonnement avait disparu, elle s'était faite à sa présence ô combien incongrue. Il voyait une lueur dans ses yeux. Une petite étincelle d'inquiétude. D'appréhension. De défi, également. Elle l'avait prévenu. Elle lui avait montré ce qu'elle était. Elle lui avait dit de ne pas venir. Et à présent, il était confronté à sa réalité. Celle qu'il abhorrait.
Soudain ses pulsions furent plus fortes que tout le reste. Il se sentit envahi d'un sentiment qui ne lui était pas connu. L'adrénaline lui brûla les veines. Il bouillonnait. Son cœur battait plus fort dans sa poitrine. Ses mains gantées tremblaient. Sa bouche s'assécha. Mais pas elle, non, pas elle. Il ne fallait pas. Pourtant, n'était-ce pas ce dont il avait toujours rêvé ? N'était-ce pas pour elle qu'il était devenu comme ça ? N'était-ce pas pour elle qu'il avait tué toutes les autres ? Tout ça pour en arriver là. Tout ça pour être chez elle. Face à elle. Face à celle qui peuplait ses rêves et ses fantasmes. Celle qui fanfaronnait dans ses cauchemars.
Il n'eut qu'un pas à faire pour la prendre violemment dans ses bras et écraser ses lèvres sur les siennes. Elles avaient un léger goût de pomme, elle finissait peut-être de dîner avant de retourner dans les rues. Sa langue caressa ses lèvres, ses dents les mordillèrent avant de la mordre réellement, lui arrachant un cri. Il profita de l'ouverture de cette bouche tant désirée pour l'envahir. Sa langue chercha la sienne, joua avec, mena la danse, caressant son palais, affamée. Il y avait tellement longtemps qu'il la désirait. Tellement longtemps que cette envie le démangeait. Tellement longtemps qu'il n'en dormait plus.
Son corps à elle ployait sous le sien. Il passa une main dans ses boucles rousses. La marque de la sorcellerie. Elle l'envoûtait. Il fit un pas sur le côté, leur fit éviter une chaise qu'il poussa contre la table, et l'allongea sans ménagement sur le lit qu'il débarrassa de ses affaires d'un balayement de bras. Un instant, il la lâcha. Enleva ses gants et son pardessus, les posant minutieusement près de la porte.
La démarche rapide, il retourna vers elle et s'allongea entre ses jambes. Il l'embrassa encore. Les mains de la jeune femme s'agrippèrent à son pull noir, sans qu'il sache si c'était pour le retenir ou le repousser. Il ne voulait pas savoir. Il ne voulait qu'elle. Une de ses mains s'arrima à sa hanche à peine couverte. L'autre monta vers un sein. Il le prit en coupe, le caressa doucement d'abord. Presque religieusement. Ses mouvements circulaires du pouce firent durcir le mamelon et le sein se tendit à travers le tissu. Cette réaction l'excita. Il accentua ses mouvements, se faisant plus violent, malaxant plus qu'il ne caressait. Cette violence contenue l'excitait.
La main qu'il avait posée sur la hanche alla chercher le nœud de la robe de chambre. Le tissu ne recouvra bientôt plus la jeune femme. Il prit appui sur ses deux mains, qui abandonnèrent le corps tant désiré, et se redressa un peu. Dieu qu'elle était belle. Ou Lucifer, il ne savait plus qui invoquer. Cette femme était la tentation pure. Elle était la perfection. Elle était belle, si belle. Sa peau d'albâtre n'était pas encore entachée par les mains des hommes. Ses seins hauts étaient enveloppés dans une gangue de coton rose qui moulait sa poitrine. Son mont de vénus était enfermé dans une très fine culotte du même acabit. Sa respiration saccadée affolait son cœur.
Soudain, l'idée le traversa qu'il n'était pas le premier à avoir eu cette vue. Pas le premier à avoir admiré ces monts et vallées magnifiques. Pas le premier à les avoir touchés. Pas le premier à avoir caressé cette peau de satin. Soudain l'envie de posséder ce corps qui lui vrillait les sens se fit plus pressante. Il fallait qu'il la possède. Il fallait qu'il se débarrasse de ce fantasme. Il fallait qu'il se débarrasse de cette malédiction. Cette calamité.
Sa bouche s'arrima à son cou. Il le mordilla, le lécha, l'embrassa. Rapidement, elle descendit vers une épaule, passa une main dans son dos pour défaire son soutien-gorge et embrassa sa poitrine. Sa langue malmena un sein tandis que sa main torturait l'autre. Il accentuait toujours plus ses gestes, devenant presque violent, finissant par mordre ce fruit défendu. Elle cria. De douleur ou de plaisir, il ne sut pas. Il s'en moqua. Il descendit encore, se mettant à genoux et s'appuyant sur ses chevilles, pétrit ses hanches de ses mains, traçant un sillon de sa langue jusqu'au nombril dans lequel sa langue tournoya.
Ses mains descendirent le fin tissu qui retenait captif ce mont qui l'attendait. Goûtant la saveur de cette femme qu'il avait tant espérée, il se rendit compte que ses attouchements ne l'avaient pas, malgré elle, laissée indifférente. Son désir enfla dans son pantalon et alors que certains doigts se dirigèrent vers sa ceinture, d'autre s'aventurèrent plus encore dans cette intimité dévoilée. Rapides, ils en fouillèrent l'extérieur, malaxant ses lèvres tandis qu'il léchait son bouton de plaisir avec avidité.
Brusquement, il entra deux doigts en elle, la faisant crier à nouveau. Les doigts qui avaient défait sa ceinture et son pantalon s'occupaient à présent de son propre sexe qu'il avait empoigné vigoureusement. Il se caressait avec impatience. La vision qu'il eut en relevant la tête manqua de le faire jouir. Elle haletait, le regardant, n'osant l'arrêter tout en sachant que ce qu'ils faisaient étaient mal. Tout en voyant la lueur folle qu'il avait dans les yeux. Ses mains agrippaient les draps tandis que sa main la fouillait encore, exploraient son sexe.
Il n'y tint bientôt plus et s'enfonça d'une poussée en elle. Brusque. Violent. Imperturbable. Ses mouvements devinrent désordonnés. Il s'enfonçait de plus en plus profondément en elle. Agrippait ses cuisses, les écartaient, l'une à angle droit, l'autre à angle obtus. Il poussait en elle toute sa violence, toute sa passion, toute sa morgue. Il détruisait cet attachement qu'elle avait créé par son corps maléfique. Il détruisait les liens qui les unissaient. Il les piétinait de son empressement à la posséder. Il griffa ses hanches, son cou, et même son visage.
Enfin la jouissance les prit tous les deux. Il se déversa en elle, ne prenant même pas la peine de se retirer. Se retiraient-ils, les autres qui la possédaient nuit et jour depuis des mois, des années ? Le plaisir monta en flèche et vrilla ses sens. Un instant, il eut l'impression de perdre conscience tant la sensation fut forte. Plus forte qu'elle ne l'avait jamais été. Plus forte qu'il était possible qu'elle soit. La jouissance de la folie. L'œuvre du diable.
Repus, il se retira rapidement. Dans son plaisir, elle avait écarté les doigts d'une main, fermé l'autre poing le plus fort possible. Comme si elle ne savait que décider. Lui savait. Lui allait bientôt être totalement délivré. Il se rajusta, ne lui laissant pas le temps de reprendre ses esprits. Sa main trouva naturellement le couteau qu'il avait caché dans son pardessus. Elle n'eut pas le temps de réagir. Sa tête était tournée vers la gauche, vers lui, mais elle ne vit rien. Il lui trancha la gorge sans regrets.
A présent, il avait tout le temps qu'il voulait. Personne n'allait venir. Il ne serait pas interrompu cette fois-ci. Tant mieux. Car c'était pour elle, qu'il avait fait tout ça. Pour elle, qu'il s'était entraîné. Pour elle qu'il avait débarrassé Londres de cette vermine. Alors il fallait qu'il la soigne. Soudain, il redevint calme.
Il repoussa méticuleusement les quelques mèches de cheveux roux qui lui barraient le visage. Referma ses paupières. Il ne fallait pas qu'elle regarde. Il ne fallait pas qu'elle l'observe pendant qu'il purifiait leurs âmes. Il allait commencer par le haut et descendre petit à petit. Oui, c'était bien comme ça.
Il rendit méconnaissable son visage. Personne ne devrait plus jamais contempler ses traits parfaits. Personne ne devrait plus jamais être envoûté par son charme dévastateur. Il taillada ses bras qu'elle ne devrait plus jamais montrer tant ils étaient attirants. Ces bras qui avaient enlacé tant d'hommes qui ne le méritaient pas. Coupa délicatement et avec précision ses seins, fruits tentateurs et défendus. Ouvrit son abdomen. Il ne pourrait pas l'embaumer, il n'en avait pas les moyens. Mais il fallait au moins enlever tout ça, que ça ne pourrisse pas en elle. Elle ne le méritait pas. Son souvenir ne le méritait pas. Il enleva petit à petit tous les viscères, et les répandit autour d'elle. Voilà. Comme ça, c'était bien. Il laissa ses jambes comme elles étaient. C'était bien, cette position. Méthodiquement, il écorcha la peau si douce de ses cuisses. Ça aussi c'était trop tentateur.
Il contempla son travail, satisfait. Bien sûr, ça n'avait pas été fait sans salissures, et il avait fallu tuer celle qu'il aimait, mais c'était pour leur bien, pour le salut de leurs deux âmes. Elle comprendrait. Il positionna son bras gauche le long du corps et l'avant-bras sur son abdomen. Cela cachait un peu la fente mais ça n'était pas grave. Il coupa l'autre bras. C'était mieux comme ça. Infirme, elle devenait nettement moins attirante. Il se redressa totalement. C'était parfait. Le tableau était comme il l'avait imaginé. C'était ce qu'il fallait. C'était ce qui était nécessaire. Il avait été envoyé pour ça. Il le savait.
Tranquillement, il alla se laver les mains dans le lavabo au fond de la pièce. Rinça le couteau. Alla le ranger dans son pardessus qu'il enfila ainsi que ses gants. Calmement. Pris d'un doute, il revint en arrière. Déposa les lambeaux de chair enlevés sur la table. Là, c'était mieux. Referma la porte. Il ne fallait pas qu'on le voit. Il devait partir avant la fin de la nuit.
Bien sûr, les autres ne comprendraient pas ce qu'il avait fait. La luminosité du jour baignerait la chambre et le spectacle serait découvert par un quelconque passant. Cela ferait encore les gros titres des journaux. Les titres qu'il pouvait lire. Un nouveau méfait de Jack L'éventreur, comme on l'avait surnommé. On se demanderait s'il allait encore continuer.
Ne comprendraient-ils jamais, tous, qu'il avait terminé sa mission ? Le reste de Londres ne lui appartenait plus. A charge d'un autre de reprendre son flambeau. Lui n'était là que pour elle. Que pour Mary Jane Kelly. Dans sa poche, son cœur lui rappelait sa présence. Elle était là, avec lui. À jamais. Sauvée.
NdA : ce texte est inspiré de faits réels. Celui qu'on a appelé Jack L'Éventreur a bel et bien existé et a bien tué Mary Jane Kelly, dite « Ginger », le 9 novembre 1888. Elle fut sa dernière victime officielle et contrairement aux autres prostituées quarantenaires qu'il a tuées, et éviscérées pour la plupart, elle n'avait que vingt-cinq ans. Il a mis dans ce crime la plus grande violence, son mode opératoire fut poussé à son paroxysme et les descriptions de cet OS sont les constatations légales de l'époque. Les principaux éléments que je me suis permise d'inventer sont la profession de cet assassin puisqu'elle n'est pas connue (de nombreuses hypothèses convergent vers la chirurgie, j'ai choisi la boucherie) ainsi que les liens qu'il avait avec sa dernière victime. Pour plus de précisions, je vous renvoie aux informations qu'on trouve aisément sur internet et notamment sur la page Wikipédia, très bien faite.