Comme un cheveu sur la soupe !

Camille souffla. Le voyage s'était avéré particulièrement pénible entre un jeune homme d'allure gothique et une femme à moitié hystérique. Si le premier avait écouté sa musique si forte que chacun pouvait en profiter, l'autre s'en était pris à tout bout de champ à l'une ou l'autre des hôtesses.

Celles-ci étaient pourtant tout à fait charmantes. Très professionnelles, elles avaient su garder leur calme. S'il n'avait tenu qu'à lui, hop ! Un Beretta et il l'aurait fait taire définitivement tellement elle lui portait sur les nerfs et lui donnait mal à la tête !

C'est donc avec un certain soulagement qu'il posa enfin le pied sur le sol grec. Il avait hâte de rejoindre son hôtel, prendre une bonne douche le revigorerait. Il aurait peut-être même le temps de faire une courte sieste. Il déballa un bonbon. Un Arlequin, ses préférés, qu'il suça avidement pour se détendre. Il s'engouffra dans un taxi dont la radio marchait à tue-tête, observant la ville à travers la vitre crasseuse. Sur le trajet, il aperçut un groupe de hippies et leurs logos « peace and love » contrôlés par les policiers. S'amusa de croiser un plombier, qui menaçait de sa ventouse à la main un autre automobiliste, qui lui était rentré dedans alors qu'il stationnait en double file.

Une heure et demie plus tard, en caleçon, il fit voler une pantoufle au loin, l'autre ayant déjà atterri comme par miracle sous le lit. Il venait tout juste de se réveiller à la bourre et s'il ne se dépêchait pas d'enfiler son costume de pingouin et ce ridicule nœud papillon, il serait définitivement le dernier arrivé à ce cocktail de bienvenue. Un coup de déo plus tard, le cheveu encore mal discipliné - mais il ne tirerait rien de plus de ses boucles-, il quittait sa chambre. Faillit se ramasser contre une poussette qu'il croisa au détour d'un couloir. Une fois tout obstacle écarté, il put enfin accéder à l'ascenseur.

Comme chaque année, il participait au concours du meilleur cuisinier avec média à l'appui et renommée assurée pour le gagnant, entre autre. Le grand prix était tout de même une somme substantielle dont il aurait grandement besoin pour injecter dans son resto. Il avait de grands projets qu'il ne pouvait réaliser à 100 % n'ayant pas tous les fonds nécessaires. Il venait donc tenter encore une fois sa chance. Non pas qu'il aimait se ridiculiser, mais c'était une solution assez facile, et après tout finir 2ème ou 3ème avait tout de même des avantages également.

Chaque pays envoyait un représentant. Cette fois-ci, il avait encore fini premier aux qualifications. Il avait fait la sourde oreille quand il avait entendu quelques commentaires peu flatteurs par certains de ses compagnons. Peut-être qu'il allait encore perdre. Peut-être pas.

En attendant, ce soir il pouvait se permettre de prendre une coupe de champagne. Le concours était pour demain et il avait besoin de déstresser. Il reconnut deux types avec qui il avait sympathisé à l'hôtel, deux concurrents mais extrêmement sympathiques. Il les rejoignit et se mêla à leur groupe. Stephan, l'Anglais, le présenta. La conversation était parfois laborieuse. Mêlant le langage des signes, ils utilisaient l'anglais. Mais tous n'avaient pas le même niveau, et ils eurent de nombreux fous rires. La soirée avançait et les coupes défilaient jusqu'à ce que l'un d'eux lance la merveilleuse idée d'une promenade sur la plage.

La lune les éclairait et Stephan se lança dans un striptease avant de se jeter à l'eau pour un bain de minuit, suivis par les autres dans de grands cris. Camille cessa d'arroser Stephan quand un Apollon grec qui s'était approché sans bruit et qui les avait observés quelques minutes, jeta sa chemise. Hypnotisé, il le regarda finir d'ôter chacun de ses vêtements et avancer dans l'eau.

« Qui a son brevet de secourisme ? Camille se sent mal ! » Cria l'Anglais en pouffant.

L'inconnu sourit et vint encore plus près de Camille, sans se soucier du regard des autres. Leurs corps se touchaient, se frôlaient. Camille sentait son sang bouillir malgré la fraîcheur. Ce soir, il voulait se laisser aller. Lui qui retenait et contrôlait toujours tout, avait terriblement envie de céder aux avances évidentes de cet homme qui n'avait apparemment pas froid aux yeux.

Son cœur battait furieusement dans sa poitrine. Il le voulait et lui aussi. Il posa son bras sur l'épaule et caressa la peau jusqu'au biceps musclé. Il n'eut que faire des sifflements autour d'eux. Seule la bouche qui prenait possession de la sienne et les mains qui encadraient son visage retenait son attention. Il se tendait comme un arc contre lui, quémandant encore plus.

D'un coup, il n'eut plus que la sensation de se noyer. Leurs camarades venaient de les plaquer dans l'eau dans les hurlements de rire. Ils se relevèrent, riant comme des baleines, pour ensuite riposter.

La nuit s'acheva… Camille se réveilla dans des draps en bataille, légèrement endolori mais apaisé. Il se redressa sur les coudes, faisant le tour de la pièce des yeux, n'entendant aucun bruit dans la salle de bain. Il se glissa de nouveau sur le matelas en soupirant, légèrement déçu. Il n'avait pas laissé de nom, pas de numéro de téléphone. Juste un prénom. Pourtant, il aurait aimé le revoir avant de rentrer en France.

Cette fois, ils y étaient. Chacun dans leur bulle, on les fit entrer dans des box individuels sans qu'ils se croisent, une caméra les suivant dans leurs moindres gestes. Puis le début des épreuves vint. Face à eux, le rideau se leva sur une table emplie de victuailles avec lesquelles ils devraient composer leur menu et surtout le réaliser à la perfection. Ils avaient dix minutes pour réfléchir et se servir. Il fallait être rapide pour se décider et ensuite choisir les meilleurs morceaux.

Il enregistra chaque ingrédient à leur disposition, les neurones en hyperactivité. Au bout de quelques minutes, il avait déjà déterminé ce qu'il allait concocter. Ce serait « petit pigeon sur lit de champignons et flan de courgette, accompagné de sa fameuse sauce Camille ». Cette dernière avait bonne réputation chez lui. Les fruits du verger étaient très appétissants. Il visualisait déjà son gâteau, avec une bonne chantilly, un coulis, des amandes effilées… Au fur et à mesure, il remplissait son panier. Une fois qu'il eut récapitulé et vérifié qu'il avait bien tout ce qui lui fallait, il fit demi-tour pour reprendre son poste et se cogna contre un torse d'athlète.

Son Grec était là, devant lui, fier dans sa tenue blanche, prêt à servir les couleurs de son pays. Léandro lui envoya un clin d'œil, souriant sans malice.

« Léandro… mais que ? » murmura-t-il du bout des lèvres. Il se sentait légèrement trahi. Pourquoi ne lui avait-il pas dit qu'il participait également. Jamais il n'aurait couché avec un ennemi potentiel, du moins… pas avant l'annonce du gagnant.

« Camille »

Oh mince, quand il prononçait son nom de façon si sensuelle avec son petit accent, il fondait littéralement.

« C'est pas important… Enfin cette nuit, si, ça l'était. Ce qui l'est aussi, c'est que je te retrouve à la prochaine pause, dans les toilettes du 1er étage. »

Leandro le couvait de son regard de braise. Les fours n'étaient pas encore allumés, la chaleur allait devenir intenable. Ils durent regagner leur place. Leurs mains se touchèrent sur leur passage, Camille respira l'odeur musquée qui l'enivrait.

Il allait avoir un mal fou à se concentrer maintenant. Il n'était pas prêt de gagner ce concours à ce rythme-là. Ce qui lui fit plaisir, c'est qu'à l'opposé, son amant ne semblait pas en meilleure posture.

Le dos au mur, retenu sous les fesses, il gémissait à tout va. Peu lui importait qu'on les entende. Seuls comptaient les coups de reins de Léandro dont la force le plaquait contre le froid de la mosaïque. Et cette langue qui léchait sensuellement son cou avant de venir taquiner la sienne. Haletant. Frissonnant. Jouissant à l'unisson.

Finalement, même s'il souhaitait toujours être le vainqueur, il voulait bien céder à Léandro encore une fois.

A suivre…