Cet OS a été écrit dans le cadre d'une Nuit du lemon organisée par la Ficothèque Ardente. Le thème était ici les sortilèges, avec comme mots imposés « clair de lune », « Toussaint », et « légende ». Il fallait également utiliser le thème du voyeurisme.
Petite précision, cette légende existe réellement, ainsi que toutes les autres qui sont citées, je l'ai juste un peu arrangée à ma sauce… Bonne lecture !
La légende du lac
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Il ne devrait pas être là. Il n'a rien à faire là. Il devrait être dans sa couche de paille, en train de se reposer avant sa journée du lendemain. Mais on est à la Toussaint. La veille du jour de la Samain. Il est sûr qu'elle viendra ce soir. Certain même. Elle ne peut pas rater un tel jour. Pas avec le sortilège qu'elle utilise pour être si fabuleuse.
Gabriel le sait, il ne s'agit pas que d'une légende. Ce ne sont pas que des contes pour enfants. Certes, il les a entendus toute son enfance, comme tant d'autres du folklore breton. Il faut dire que ça n'est pas ce qui manque, par ici. Il ne sait pas si c'est la même chose ailleurs mais les gens d'ici sont friands d'histoires de korrigans, de fées et d'elfes. Ils aiment modifier la nature des choses, attribuer des pouvoirs aux pierres et aux mots prononcés les soirs de pleine lune.
Les gens d'ici sont superstitieux. Ils connaissent la valeur de la demeure protégée une fois la nuit tombée. Ils connaissent le pouvoir des églises sur les créatures des Enfers. Ils connaissent aussi la bienveillance des Korrigans et de celui qu'on appelle Barba Gwen, leur chef. Ils connaissent les aspirations du Diable à s'approprier ces terres fertiles et ces hommes qui s'acharnent au travail. Ils connaissent la frayeur quand on entend le son de la charrette de l'Ankou au creux de la nuit. Ils savent ce que tout ça signifie.
Gabriel ne prétend pas ne pas croire en tout ça. Lui aussi a peur une fois la nuit tombée, que le diable vienne le tenter. Il a peur du son de cornemuse des Korrigans les nuits de ripaille près des menhirs. Pourtant, ce soir, il est sorti. Malgré sa peur. Parce que s'il croit à toutes ces légendes, alors pourquoi ne pas croire à celle-ci ? Il est sûr qu'il la verra. Sûr et certain qu'il pourra l'admirer.
Il a quitté son poste à la bergerie. Après tout, ça n'est pas ce soir qu'un loup attaquera son troupeau, cela fait une éternité que ça n'est pas arrivé. Et ça n'est pas ses bras frêles qui vont protéger les bêtes de quoi que ce soit. Alors il a enfoncé un bonnet sur sa tête pour le protéger du froid et resserré son gilet autour de lui. Il marche d'un pas rapide vers le lac à quelques centaines de mètres. Ses bêtes vont y boire parfois pendant la journée. Ce soir, c'est pour un tout autre spectacle qu'il s'y rend.
Il se cache derrière un buisson et attend. Il lui semble que les minutes s'égrènent comme des heures et que le temps devient si long qu'il en perd le fil. Il a peur de s'endormir. Il ne faut surtout pas. Il rattrapera son sommeil plus tard. Il compte guetter jusqu'à l'aube s'il le faut.
Heureusement, il n'a pas à attendre aussi longtemps. Il n'aurait pas été sûr de tenir de toute façon. Il se serait sans doute endormi comme une loque contre son vallon et s'en serait voulu pendant l'année à venir d'être aussi bête. Là, il ne peut que garder les yeux grands ouverts.
Elle est là, devant lui. La femme cygne. Elle se pose doucement sur le lac et en apparence, elle n'est qu'un oiseau comme un autre, le plus majestueux certes, mais toujours un volatile. Mais lui sait. Il sait qu'elle n'est pas que ça. Il attend encore et la voit enfin. Elle a enlevé sa parure de plumes. Elle l'a déposée sur le bord du rivage et se baigne nue à présent. Elle est incroyablement belle. Ensorcelante. Et s'il se sent un peu voyeur, il ne parvient pas à en avoir honte. Elle est magnifique.
Il sent son pantalon le serrer. Ça n'est vraiment pas le moment. Pourtant, il ne peut détacher le regard du spectacle qui se joue devant lui et celui-ci lui fait de l'effet. Lentement, sa main descend à la lisière de sa chemise de vieille toile et défait son bouton. Il la glisse entre les couches de tissu, le long de sa peau et empoigne son ardeur.
Sa caresse est timide d'abord. Il n'y est pas tellement habitué et préfère fréquenter la couche d'une femme plutôt que d'y recourir. Surtout avec son jeune âge. Pourtant ce soir, ça lui paraît presque naturel dans ce tableau si surnaturel. Il s'enhardit et sa main devient plus pressante. Son sexe durcit encore et il pense alors qu'un tel plaisir est impossible. Il se retient de gémir pour ne pas se faire repérer ou faire fuir l'apparition. Ce côté voyeur ajoute à son excitation et le rend plus actif encore.
Bientôt, il ne pourra plus se retenir, c'est trop intense, trop fort, trop agréable. Et cela fait trop longtemps qu'il n'a pas ressenti tel plaisir. Son désir explose enfin dans sa main et c'est un soulagement pour tout son corps. Il s'essuie brièvement la main sur l'herbe avant de se rajuster.
Cette femme est si belle. Il voudrait capturer sa peau de plumes pour la garder auprès d'elle, mais il n'en a pas le droit, n'est-ce pas ? Et que voudrait-elle faire d'un pauvre berger sans le sou, de toute façon. Elle est trop ensorcelante pour lui. Il se jure de revenir la voir l'année suivante, et celle après, et toutes les suivantes encore.
Pour l'admirer encore depuis son buisson.