Le train filait à toute allure. Un cœur battait la chamade. Enfin le moment tant attendu.

Je regardai par la fenêtre et m'abîmai dans la contemplation du ciel bleu. Cette journée, quoiqu'un peu trop chaude, avait été agréable pour tous. Les oiseaux s'amusaient à se répondre d'un arbre à un autre. Les enfants sages jouaient tranquillement sur la pelouse des parcs, tandis que les plus agités se courraient après en une effusion de cri.

Du moins, je l'imaginai ainsi, cette belle journée. Dans le wagon, de nombreuse personnes jouaient sur leurs téléphones, ou lisaient. Moi, je rêvais, mes écouteurs vissés sur les oreilles. Je changeais de piste sur mon lecteur lorsque le train se mit à freiner. Je regardais l'heure et me mis debout pour attraper mon sac à dos dans lequel je fourrai mes affaires. Je me dirigeai vers la porte qui s'ouvrit après quelques secondes, et je descendis enfin de ce train.

Je me dirigeai tant bien que mal dans cette ville que je ne connaissais pas. Nous avions choisi cette ville car elle se trouvait à mi-chemin entre nos deux villages. Elle était venue en voiture, un parent l'avait déposée. Nous nous étions donné rendez-vous sur la place de l'horloge. Le crépuscule et le peu de personne qui se trouvait encore dans la rue ne m'aidaient pas...

J'aperçus le clocher de loin et la place se profila au fil de mes pas. Arrivé sur la place, je marchai moins vite et la cherchai des yeux. Et je la vis, ma Muse aux cheveux de sang, assise sur un banc, juste en face de la tour de l'horloge. Elle me vit et se leva, marchant puis courant. Je courrais aussi, même si mes lourdes rangers ne me permettais pas de courir aussi vite que je le voulais. Les gens nous regardaient effarés, les enfants s'arrêtèrent de jouer et les pigeons fuirent.

Enfin face-à-face, nous nous regardâmes un bon moment, les yeux dans les yeux. Qu'elle était belle ! La grâce qui se dégageait d'elle m'envoûtait. Ses yeux profonds me transperçaient. La seule photo que j'avais d'elle n'était vraiment pas représentative. Trop d'émotions me submergeaient. Le silence devenant pesant, je la pris dans mes bras, savourant son odeur, sa chaleur et sa présence. Je posai ma tête sur son épaule et posai mon nez contre son cou. Je l'entendis renifler et me redressai.

« Tu pleures ? lui demandai-je.

— Oui. Désolée.

— Oh, ne pleure pas ma belle !

— Je suis désolée, ce sont des larmes de joie. Je suis tellement contente d'être avec toi, de te voir enfin... fit-elle en ravalant ses larmes.

— Moi aussi je suis content », dis-je en souriant.

Je la pris par la taille et l'attirai contre moi. De ma main libre, je tournai son visage afin qu'elle me regarde. J'essuyai ses larmes de mon pouce.

« Je t'aime Mélissande, la rassurai-je d'un murmure.

— Merci, je t'aime aussi.

— Tu veux que nous allions nous assoir quelque part ?

— Oui, je veux bien ! »

Elle se tourna et fit le tour de la place d'un regard. Aucun banc n'était libre, nous décidâmes donc de trouver un endroit plus calme, plus loin de tout. Nous marchâmes silencieusement, main dans la main. Arrivés à la sortie de la ville, nous nous trouvions près d'un ruisseau.

« C'est l'endroit parfait ! Viens on va s'assoir dans l'herbe ! »

Je me dirigeai vers un coin dégagé, suivi de près par Mélissande. Nous nous y assîmes, toujours main dans la main. Nous avons beaucoup discuté, de sujets divers, avec joie, tristesse ou rage. Deux heures plus tard, je vis ma Muse vaciller de fatigue. Je la fis se coucher dans l'herbe fraiche et posai un baiser sur son front. Je restai assis et riais nerveusement. J'avais trop peur de la perdre pour ce que j'étais...

« Qu'est-ce qu'il y a ? me demanda-t-elle.

— Rien, je t'aime. »

A mon tour, je me couchai dans l'herbe, au plus près d'elle. Les nuits d'été étaient fraiches, surtout à proximité du point d'eau ; je ne voulais pas que Mélissande n'ait froid. Nous regardâmes le ciel, et je me couchai sur le côté, passant mon bras autour de mon amie. Je la regardai, et elle avait du le sentir, car elle tourna son visage vers le mien. Ainsi face-à-face, nous endormîmes l'un après l'autre.

Je me réveillai alors qu'il était encore tôt, la respiration régulière de Mélissande me prouvait qu'elle dormait encore. Je décidai donc de ne pas bouger, pour ne pas la réveiller. Plus tard, elle se réveilla, mais je feignis de dormir pour pouvoir encore être contre elle, la tête tout contre son cœur... Et profiter de nous deux, au bord de ce ruisseau, témoin de notre amitié.