Chapitre 1

Le jeune homme ouvrit les yeux avec précaution. Le lycan qui l'avait attaqué un peu plus tôt ne l'avait pas raté, pensa-t-il en sentant une vive douleur à l'arrière du crâne et à la base de son épaule. Clignant des yeux, il regarda autour de lui. Il était dans une chambre inconnue, sobrement meublée. Le jeune homme ne s'attarda toutefois pas sur la tapisserie d'époque, ni sur la commode ancienne sur laquelle reposait une vieille télé. Essayant de se relever pour pouvoir fuir cet endroit, il retomba dans le matelas deux-places en étouffant un gémissement de souffrance. Son corps entier le faisait souffrir à cause des courbatures et des hématomes. Reprenant son souffle, il essaya d'analyser la situation : il était à moitié nu et son bras gauche avait été bandé et soigné. Il restait encore de petites plaies au niveau de son abdomen et de sa clavicule droite mais elles ne saignaient plus. Il était en meilleur état qu'il ne le pensait.

C'est en cherchant à s'asseoir, plus doucement cette fois, qu'il remarqua l'entrave à son poignet. Une menotte en fer, accrochée au montant du lit, l'empêchait de sortir du lit. Il conservait toutefois assez de liberté pour bouger à son aise. Par principe, Araël essaya de s'en défaire, tirant sur la chaine sans succès. Il n'avait plus aucune force. Après une autre tentative, le jeune homme tenta de faire glisser sa main prisonnière mais à peine eut-il touché le métal qu'il ressentit une vive brûlure. Jurant, il se laissa retomber sur les coussins en regardant sa main blessée. Il s'agissait de fer forgé à l'aide de la magie : impossible pour lui de s'en défaire.

Pourquoi le démon ne l'avait-il pas tué ? Il repensa à ce baiser échangé et frissonna à nouveau, une mauvaise intuition lui broyant l'estomac. S'il était encore en vie, c'était signe que le démon avait d'autres projets pour lui. Et de toute évidence, ça n'allait pas lui plaire.

Pourquoi était-il parti sur un coup de tête sans prévenir de son absence ? Personne ne s'inquièterait pour lui avant des jours… Il n'aurait jamais dû accepter cette enquête.

Il entendit un très léger bruit de pas à proximité de la chambre, le faisant se redresser, les sens en alerte. Quelques secondes plus tard, la lourde porte en bois grinça et s'ouvrit sur la silhouette d'un homme. Araël retint son souffle. Il s'agissait bien du démon, les mêmes yeux arrogants, cette bouche railleuse, ces cheveux mi-longs noirs striés rouges. Il avait l'air plutôt jeune mais Araël savait qu'il ne pouvait pas se fier à son apparence. L'homme en face de lui pouvait avoir une vingtaine d'année tout comme il pouvait avoir dépassé la trentaine. S'il était plus grand que lui, il était aussi plus musclé avec probablement quelques kilos supplémentaires.

Il s'attarda sur son visage plutôt fin au teint halé, sur ses yeux flamboyants à la couleur si particulière, sur cette bouche charnue qui l'avait embrassé... avant de détourner les yeux devant son expression moqueuse.

Il aurait voulu lui demander pourquoi il était ici mais il était encore bien trop faible pour ne serait-ce qu'ouvrir la bouche. Ne le quittant pas du regard, le jeune homme le vit s'approcher avant de s'asseoir sur le bord du lit à ses côtés, déposant un petit sac en papier par terre. De l'index, il lui souleva le menton et le dévisagea avec mépris. Pourquoi un tel changement d'attitude alors qu'il l'avait de toute évidence sauvé et soigné ? Il l'avait embrassé et maintenant, il se comportait de façon si hautaine, si froide, que le jeune homme était perdu.

— Alors, princesse ? Bien dormi ?

En souriant, l'homme se baissa pour ramasser le paquet et en sortit lentement du baume Crisalite, comme pour le défier.

— C'est ça que tu veux ?

Le démon ricana avant d'éloigner l'onguent. Araël foudroya l'inconnu du regard. Comment pouvait-il s'amuser avec lui de la sorte ? Il sentit la main du démon agripper fermement son menton pour lui relever le visage.

— Si je te donne ça… Il va falloir être très gentil ! Un geste de travers et je n'hésiterai pas à me débarrasser de toi, chasseur d'Ombre !

Le jeune homme ancra à nouveau son regard dans celui du démon en essayant de ne pas paraître surpris. Il connaissait sa véritable identité. Pourquoi le garder en vie dans ce cas ? Ils étaient des ennemis héréditaires de par leur nature. Au moins, il comprenait maintenant son attitude envers lui.

Les yeux de son oppresseur, rougeoyant comme la braise, avaient tendance à le déstabiliser et Araël eut l'impression que l'homme en face de lui pouvait lire à travers son âme. Ce qui était bien sûr totalement faux. Mais alors pourquoi réagissait-il ainsi en face de lui ? Il n'en était pas à son premier démon mais celui-là le mettait mal à l'aise. Sans doute parce qu'il n'arrivait pas à comprendre ce qu'il attendait de lui…

Il le taquina encore un petit moment puis, las de jouer avec lui, le démon versa enfin un peu de crème dans sa main. Sans aucune douceur, l'homme appliqua le baume sur ses blessures. Malgré son manque de tact, Araël se sentit instantanément soulagé par la fraîcheur du remède. Les propriétés magiques de l'essence de Crisalite rendaient la cicatrisation bien plus rapide que n'importe quel autre remède.

Mais ce genre d'onguent était rare et extrêmement couteux. Araël fut étonné que son ravisseur daigne l'en faire bénéficier, ajoutant à son trouble. Il essaya de parler mais l'air sévère du démon l'en dissuada. Aussi préféra-t-il se taire, fermant les yeux pour mieux apprécier les massages – quoi qu'un peu trop vigoureux – de l'autre homme.

Une fois sa tâche finie, le démon jeta un dernier regard méprisant à son captif avant de quitter la pièce, sans un mot. Araël sentit soudainement ses dernières forces l'abandonner et il sombra dans un sommeil réparateur.


Araël fut réveillé par la sensation d'une main fraîche sur son front. Il n'avait pas senti l'aura du démon et hésitait à ouvrir les yeux. Il finit néanmoins par faire savoir qu'il était éveillé et comprit la raison de sa méprise en tournant son visage vers l'inconnu. Un homme, qui n'avait rien d'un démon, à la masse musculaire impressionnante, se tenait à ses côtés. Il lui souriait avec calme tout en regardant l'état de ses blessures.

— Bonjour, je suis Karl, dit-il doucement avec un accent allemand prononcé.

— Araël, réussit à dire le jeune homme avec la voix enrouée par sa gorge asséchée.

— Tes blessures sont presque cicatrisées mais tu sembles avoir un peu de fièvre. Je te conseille de te reposer encore un peu.

— Ai-je le choix ? demanda ironiquement Araël en soulevant son poignet toujours retenu par la chaîne.

— Je suis désolé pour ça mais vu ton statut… particulier, nous avons dû prendre quelques précautions, expliqua l'homme.

— Suis-je prisonnier ?

— Non. Tu pourras partir… dès que tu seras en état. D'après ce que Night m'a dit, tu as mis certains de mes congénères en colère.

Araël déglutit. L'homme en face de lui était un lycan ? Et il était attaché ici, faible devant lui ? À sa merci. Il eut un mouvement de recul qui n'échappa pas à son hôte.

—Tu n'as pas à avoir peur de moi. Si je t'avais voulu mort, tu le serais déjà. Je n'aime pas particulièrement les personnes comme toi, mais… Il n'est pas dans mes habitudes de laisser quelqu'un mourir sur le pas de ma porte.

— J'ai bien de la chance alors…

— Oui, répondit l'homme en riant doucement. Heureusement pour toi que Night n'a pas découvert ta nature de chasseur d'Ombre avant de t'emmener ici… Je crois qu'il t'aurait laissé là-bas. Il déteste les gens de ton espèce encore plus que moi.

— Super ! soupira Araël.

Il n'avait pas besoin de s'attirer les foudres de Night, puisque c'est comme ça qu'il s'appelait. Il repensa à leur baiser et fut gêné. C'était lui qui avait décidé de le sauver et de l'embrasser… Et maintenant il regrettait ? Araël sentit l'agacement monter.

— Ne t'inquiète pas. Il ne t'arrivera rien ici. Tu peux te reposer tranquillement. En ce qui concerne tes chaînes, tu m'en vois désolé mais tu devras les garder le temps que l'on se renseigne un peu plus sur toi.

— Merci, répondit sincèrement Araël.


Cela faisait maintenant deux jours qu'Araël avait été recueilli par Karl. Deux jours qu'il avait passé dans ce lit à dormir et à regarder la télévision dans un état semi-comateux. Il n'avait pas revu Night depuis. Celui-ci devait sans doute être réticent à l'idée d'héberger un chasseur d'Ombre mais Araël ne pouvait pas le blâmer. Dans d'autres circonstances, il aurait été le premier à essayer de le tuer. Démon et chasseur étaient, après tout, des ennemis naturels depuis des millénaires. Pourtant il était là, toujours vivant. Menotté à un lit mais traité avec respect, nourri et soigné.

Karl, avait beau être un lycan de presque deux mètres de haut, il était inoffensif. Il tenait plus de la grosse peluche que des loups meurtriers qu'il avait brièvement rencontré quelques jours auparavant. Il lui avait apporté de copieux repas plusieurs fois dans la journée et avait massé ses plaies à l'aide de l'onguent à plusieurs reprises.

Bien qu'il fût plus doux, Araël se surprit à regretter la présence de Night. Sa fierté ne supportait pas d'être ignorée de la sorte. Cette même fierté qui lui interdisait de demander des nouvelles du démon.

— Comment ça va aujourd'hui ? lui demanda la voix grave du lycanthrope.

— Très bien. La Crisalite a fait des miracles, je ne sens presque plus rien, répondit Araël en étirant son bras puis en bougeant son épaule.

— Peut-être pourriez-vous partager notre repas ce soir ? Night vous ramènera juste après. Je suppose que vous avez hâte de retrouver votre chez vous.

— J'en serais ravi, déclara poliment Araël en cachant son émotion suite à l'évocation du démon. Est-ce que cela veut dire que vous ne me considérez plus comme un danger ?

— Nous sommes entre personnes civilisées, n'est-ce pas ? Nos opinions divergent sur certains sujets mais j'ai bon espoir que nous puissions nous entendre l'espace de quelques heures. Ma femme prépare un merveilleux rôti. Vous aimez le rôti, monsieur… ?

— Araël. Je ne suis pas difficile. Donnez-moi de la viande et je serais l'homme le plus heureux du monde.

— Parfait !

Son hôte s'approcha des entraves qui retenaient Araël et, avec précaution, les lui retira. Le jeune homme s'assit sur le lit et frotta ses poignets endoloris.

— Je vais vous montrer la salle de bain et vous faire porter des vêtements propres, déclara l'homme-loup. Nous n'avons pas votre taille mais ceux de Night devraient convenir.

— Vous êtes sûr ? grimaça le chasseur.

— Vous préférez peut-être ceux de ma femme ? plaisanta Karl. Votre T-shirt est en lambeau et votre pantalon taché de sang, vous ne pouvez décemment pas vous balader ainsi.

Merde ! Fait chier, pensa Araël. Lui qui prenait particulièrement soin de ses affaires, il était bon pour en racheter. Il n'avait pas fait attention à l'état de ses habits jusqu'à maintenant. Heureusement qu'il ne portait pas sa vieille veste en cuir à laquelle il tenait comme à la prunelle de ses yeux. Il aurait mal supporté qu'un loup-garou la mette en pièces comme celle qu'il portait ce soir-là.

— Vous avez raison, mes vêtements sont fichus.

Araël se leva difficilement. Si ses blessures étaient presque entièrement cicatrisées, son corps était encore courbaturé à cause de l'agression et de son alitement forcé. Debout, il s'étira de tout son long, faisant craquer ses articulations. Son torse nu dévoilait sa musculature et le long tatouage tribal qui parcourait sa poitrine et son pantalon tenait à grande peine sur ses hanches, menaçant de tomber à tout moment. De plus, il n'avait pas pris de douche depuis plus de deux jours et une légère barbe commençait à faire son apparition. Il devait avoir l'air beau apprêté de la sorte. Inconsciemment, ses pensées dérivèrent vers le démon et Araël fut heureux qu'il ne le voie pas dans cet état. Il était déjà assez arrogant sans que le jeune homme ne lui donne de nouvelles raisons de le mépriser davantage.

Le chasseur suivit Karl jusqu'à une salle de bain toute simple en en bois. Prenant congé, le lycanthrope laissa son invité seul devant la glace. Ce dernier enleva avec précaution son bandage, constatant que ses blessures étaient presque guéries. Il contempla les quatre marques rosées qui s'étendaient de la clavicule jusqu'au bas de son dos et une autre, plus importante, le long de son bras gauche. Il plia et déplia sa main, fit jouer ses muscles avant de se déshabiller complètement. Empruntant un des rasoirs jetables disposés à côté de l'évier, sûrement une attention de Karl, il se glissa sous le jet brûlant de la douche.

Pendant plus d'une vingtaine de minutes, Araël profita de la quiétude de la pièce pour réfléchir, prenant le temps de se raser. Une fois satisfait il se contempla en face du miroir de plain-pied. Sa peau blanche, débarrassée du sang et de la boue, contrastait avec le noir de son tatouage et faisait ressortir les bleus sur son corps. Ses cheveux, qu'il n'avait plus coupé depuis plusieurs mois, lui tombaient maintenant jusqu'en bas de la nuque et quelques mèches venaient parfois lui chatouiller les yeux. Ses pupilles dorées, signe de son rang dans la confrérie des chasseurs d'Ombre, souffraient d'hétérochromie ; celle de droite était partiellement tâchée de noir, signe d'un défaut héréditaire associé de plus à une mauvaise vision suite à des problèmes de santé dans son enfance.

Sortant de la cabine, il remua ses orteils sur l'épais tapis disposé juste devant la douche, appréciant son moelleux tout en jetant un œil autour de lui à la recherche d'une serviette. Il en trouva une sur le lavabo, juste à côté de vêtements propres grossièrement pliés. De toute évidence, Karl était passé et, perdu dans ses pensées, il ne l'avait pas entendu. Il s'habilla avec empressement, découvrant au passage qu'on ne lui avait pas apporté de sous-vêtements et que les siens, tout comme ses affaires d'origine, avaient disparu. Le pantalon en stretch noir, trop large, glissait sur ses hanches malgré une ceinture en cuir. Le T-shirt en coton rouge de taille standard avait, quant à lui, été légèrement déformé par la stature de son propriétaire. Sans doute que le lycanthrope avait cherché des habits adaptés à sa taille, ce qui était plutôt difficile vu la différence de corpulence entre les deux hommes. Mais, Araël devait bien l'avouer, il était beaucoup plus à l'aise dans cette tenue.

En sortant de la salle de bain, le jeune homme bouscula Night qui descendait visiblement pour dîner. Sa réaction, que le chasseur trouva démesuré, ne se fit pas attendre et Araël se retrouva douloureusement plaqué contre un mur.

— Putain, tu peux pas faire gaffe ? aboya le démon en lui jetant un regard mauvais.

Son visage n'était qu'à quelques centimètres du sien, à tel point qu'Araël pouvait sentir son souffle jouer dans les mèches de ses cheveux.

— Désolé, j'étais distrait, s'excusa le jeune homme en espérant calmer la situation.

— Et c'est ce qu'on appelle un chasseur ? Pas étonnant que tu te sois fait à moitié bouffer la nuit dernière. Si tu es aussi discret en chasse que maintenant, je ne donne pas cher de ta peau.

— Pourquoi avoir pris la peine de me sauver alors ? demanda l'invité du lycanthrope qui commençait à se sentir agacé par l'attitude de l'autre homme.

Il se dégagea d'un coup d'épaule et se tint bien droit, soutenant le regard de son agresseur. Il était peut-être maladroit, pas très attentif, mais il n'était ni lâche ni intimidé.

— À ton avis ? Je pensais que tu étais humain et je t'ai pris en pitié, déclara Night en essayant de le pousser à nouveau contre le mur.

— Bien sûr, tes intentions étaient sans aucun doute les plus innocentes du monde, se moqua le jeune homme en évitant l'assaut et en se dirigeant vers les escaliers.

— Pour qui tu me prends ?

— En dehors du fait que tu es un démon ? Pour un sale con !

Excédé par l'attitude de celui qui lui avait probablement sauvé la vie Araël décida de lui tourner le dos pour montrer que la discussion était close. Karl était quelqu'un d'adorable, enfin aussi adorable que pouvait l'être un lycan, mais Night… Night n'était qu'un abruti avec des manières de rustre. Un démon dans toute sa splendeur. Il avait suffi de quelques secondes à peine pour qu'il perde patience. Il ne pouvait déjà plus le supporter.

— Va te faire foutre, murmura-t-il entre ses dents en descendant à l'étage.

— J'ai entendu !

Araël soupira de dépit et continua son chemin jusqu'à arriver dans ce qui semblait être l'entrée. Regardant autour de lui, il nota la présence de deux portes à l'opposé l'une de l'autre. Examinant la pièce, faisant appel à ses sens, il se dirigea d'un pas décidé vers celle de droite et l'ouvrit.

Son don d'observation et ses capacités de chasseur – qu'il avait su cultivé pour compenser ses problèmes de vu – ne l'avaient pas trompé ; le jeune homme venait de toute évidence de trouver le salon/ salle à manger. La pièce, spacieuse, était sobrement meublée, faisant ressortir les murs beiges et la moquette anthracite.

Karl lui sourit en l'invitant à s'installer autour de la table basse en teck sur laquelle reposait un lourd plateau d'argent rempli apéritifs. Sa femme, assise à ses côtés, lui tournait le dos, occupé à servir quatre verres de kvas, de la bière traditionnelle russe.

Répondant à l'invitation, Araël pris place sur le canapé d'angle gris en face de son hôte. Quand ses yeux s'attardèrent sur la femme de Karl qu'il salua, son sourire se crispa. Trois grandes entailles parcouraient son fin visage et venaient mourir à la naissance de son cou. Elle conservait malgré tout une beauté particulière. Ses longs cheveux descendaient en cascade jusqu'à sa poitrine généreuse et ses yeux d'un bleu immaculé illuminaient son visage. Sa bouche pulpeuse était mise en valeur par un sourire éclatant. La femme d'apparence fragile était tout le contraire de son impressionnant mari. Il était aussi grand qu'elle était petite, aussi musclé qu'elle était fine, et aussi brun qu'elle était blonde. Il semblait marqué par une vie de labeur tandis qu'elle conservait la grâce et la fraîcheur d'une jeune femme privilégiée. Ils formaient un couple atypique et, pourtant, il suffisait d'un simple coup d'œil pour se rendre compte de l'amour qui les unissait.

Night arriva alors que Karl était en train de présenter sa femme : Ielena, une humaine. Le démon, les mains dans les poches, s'efforça de ne pas croiser le regard du jeune homme qui ne put s'empêcher de rire discrètement face à son comportement. S'installant confortablement sur le canapé, posant nonchalamment un bras sur le dossier et croisant les jambes, il prit le verre que lui tendait Ielena, une moue boudeuse sur le visage. Souriant avec bienveillance, Karl se pencha en avant, les mains croisées devant son visage, avant de demander sur le ton de la confidence :

— Alors Araël, que faisiez-vous si tard le soir pour vous retrouver poursuivi par certains de mes confrères ?