Voici la première partie d'une courte nouvelle écrite à l'occasion de la Saint Valentin. Une petite comédie romantique sans prétention :) J'espère qu'elle vous plaira !


Partie 01

Marshall consulta sa montre, s'impatientant de voir un jour le feu piéton passer au vert. Slalomant entre la foule, il tentait de garder en équilibre la boite de beignet et les quatre gobelets de café achetés un peu plus tôt et qui menaçaient de se renverser à chaque bousculade. Heureusement pour lui, il avait l'habitude de naviguer entre le flot de salariés se pressant dans les rues de New York. Après trente minutes de marche, il arriva enfin dans les bureaux de States Immobilier où il s'engouffra dans l'open-space chauffé avec soulagement. Déposant sa précieuse cargaison, il se débarrassa de son bonnet en laine, sa paire de gants et son manteau avec un petit soupir satisfait avant d'ébouriffer son épaisse tignasse brune.

— Marsh' ? C'est toi ?

Une jeune femme se précipita sur lui pour l'étreindre chaleureusement avant de se jeter sur son café écrémé avec un soupir de contentement.

— Enfin ! murmura-t-elle les yeux fermés en savourant sa boisson chaude.

— Des fois je me demande ce que tu apprécies le plus ? Moi ou le café ? demanda Marshall en riant.

— Tu me poses vraiment cette question ? Le café sans hésiter ! répondit-elle en souriant.

— Alec est déjà arrivé ?

— Oui, il est déjà dans son bureau, il t'attend. Je crois qu'il veut te parler d'un truc important.

— Ouais je sais, il m'a envoyé au moins trois sms pour me demander quand est-ce que j'allais, je cite : « ramener mon cul ici ! »

— Bon courage. Il va t'en falloir pour le supporter de bon matin, plaisanta-t-elle.

Alec, le responsable de l'entreprise, était un homme complexe. Ancien fiancé de sa sœur Elois, il était venu s'installer à New York après leur rupture. Marshall n'avait pas hésité à le suivre, sautant sur l'opportunité de quitter son village natal au fin fond de l'Écosse. Au fil des années, Marshall et lui étaient devenus bons amis, rapprochés par les souvenirs communs des années qu'ils avaient passées à Argyll and Bute. Marsh ne s'était jamais senti à sa place là-bas. Alec quant à lui n'y était resté que par amour pour sa sœur. Américain pur souche, habitué au rythme fou des grandes villes, il avait difficilement supporté l'isolement et le calme de son ancien village.

— Entre ! Installe-toi !

Le jeune homme entra dans le bureau et prit place sur l'un des confortables fauteuils en cuir destinés aux clients.

— Alors, qu'est-ce qu'il y a de si urgent ?

Alec le regarda silencieusement en jouant avec son stylo en argent, ce qui ne lui ressemblait pas.

— Parle ! Tu commences à me faire flipper.

— Je cherche les bons mots pour t'annoncer quelque chose d'important. Laisse-moi deux minutes.

— Tu sais bien que je suis capable de tout imaginer ! Laisse tomber la diplomatie.

— Très bien, si tu le prends comme ça… Tu retournes chez toi. En Écosse, rajouta-t-il comme précision.

— Comment ? Pourquoi ?

Marshall avait du mal à s'exprimer. Il avait du mal à réfléchir tout court. Il n'était plus retourné chez lui depuis plus de cinq ans maintenant. Ses parents le lui reprochaient d'ailleurs à chaque anniversaire oublié, chaque Noel négligé ou à l'occasion du Saint Andrew's Day.

— Elois se marie avec le fils cadet Hamilton.

— Je sais, mais… Je me suis déjà excusé auprès d'elle en lui disant que je ne pourrais pas venir. Avec le projet Roswelt et…

— Je reprends le projet Roswelt.

— Quoi ? Attends Alec, qu'est ce qui te prend ?

— Tu sais que les Hamilton possèdent la moitié de la ville ?

Marshall acquiesça. Tout le monde connaissait les Hamilton. C'était l'une des familles les plus riches et les plus influentes d'Argyll and Bute, descendant de la noblesse du comté d'Argyll et propriétaire de nombreux commerces et terrains en plus de leur somptueux manoir sur les bords du Loch Fyne, situé non loin de la modeste demeure des Steward. Elois et Jay Hamilton, nés la même année, avaient fini par lier une forte amitié avant le départ d'Elois en Amérique pour son année universitaire – année où elle avait rencontré Alec. L'annonce de ses fiançailles avec Alec avait surpris tout le monde, en particulier Jay. Après tout ils formaient un couple parfait dont les journaux se voyaient déjà titrer l'annonce de leur mariage, aussi était-il tombé de haut. Sa propre famille aussi avait été extrêmement déçue par cette nouvelle et personne – en dehors de Marshall – n'avait jamais vraiment accepté Alec.

Finalement Alec et Elois avaient fini par rompre et Marshal et lui avaient fui à New York, chacun pour des raisons bien différentes.

Quant à sa relation personnelle avec les Hamilton… Marshall n'avait aucun problème avec Jay. Au contraire, l'homme était quelqu'un de simple, insouciant, mais téméraire, à l'image de sa sœur. Non il n'avait aucun problème avec Jay. Avec Clyde Hamilton en revanche… c'était une autre histoire. Le grand frère de Jay n'avait eu de cesse de lui pourrir la vie durant des années. Quand il ne se moquait pas de lui, il n'avait le droit qu'à son regard froid et méprisant. Personne ne comprenait l'hostilité qui semblait couver entre les deux hommes. Mais en vérité… même Marshall ne comprenait pas les raisons de cette animosité à son égard. Clyde était l'une des raisons qui l'avaient poussé à refuser d'assister au mariage de sa sœur – décevant sa mère une fois de plus. L'autre étant que le mariage serait l'un des principaux évènements de l'année. Tout le gratin d'Écosse serait sans doute présent. Et, comme Clyde le lui avait fait remarquer à plusieurs reprises, il n'avait pas sa place dans ce monde argenté. Un gars comme lui, manquant de classe et n'ayant aucune notion de savoir vivre ?

— Je ne vois pas le rapport avec le mariage… finit-il par répondre en émergeant doucement de ses souvenirs.

— Il y a des rumeurs sur le patriarche Hamilton. C'est Elois qui m'en a parlé en me faisant jurer de ne pas le répéter. Tu connais ta sœur… Bref, on dit qu'Hamilton aurait décidé d'agrandir son patrimoine en faisant construire plusieurs hôtels dans la région et qu'il chercherait un nouveau gestionnaire. Un marché de plusieurs millions de dollars !

Le jeune homme soupira en se passant une main dans les cheveux.

— Ne me dis pas que…

— Si. Je veux que tu profites du mariage pour l'approcher et le convaincre de nous laisser la gérance de son patrimoine immobilier.

— Quoi ? Alec je ne peux pas faire ça !

— Elois et Jay sont d'accord, ils sont prêts à appuyer notre offre.

— Tu es sérieux ? Tu veux vraiment que ton ex-fiancée et son nouveau mari t'arrangent un contrat avec le futur beau-père ?

— Tu sais qu'elle et moi on est resté ami.

— Foutaise !

— Je ne plaisante pas. Et puis un contrat comme ça, ça ne se refuse pas ! Mais comme tu l'as souligné, je ne peux pas mener les négociations moi-même. Mais toi…

Tu oublies Clyde… pensa amèrement Marshall.

— Mais… Pourquoi l'Écosse ? On n'a pas déjà assez de boulot ici ?

— Plusieurs millions de dollars ! répéta Alec en faisant les gros yeux. Millions de dollars ! Qu'est-ce que tu ne comprends pas dans cette phrase ?

— Tu comptes faire quoi ? Ouvrir une succursale là-bas si ça marche ?

— C'est le plan. Et Marsh ? Ça marchera ok ?

— Super…

— Après ça, tu pourras décider de revenir ici ou prendre la direction de notre cabinet écossais. Nous pourrions même nous étendre sur la côte Est… Tu n'imagines pas les possibilités…

— Non tu as raison… La seule chose que je peux imaginer pour l'instant c'est moi en train d'essayer de convaincre Hamilton – qui m'a vu en couche-culotte je te rappelle – de me céder la gestion de son patrimoine immobilier le jour du mariage de son fils…

Et accessoirement Clyde cherchant une façon de me faire disparaitre proprement de leurs vies, rajouta-t-il mentalement.

— Tu verras, tout va bien se passer ! Et puis… tu n'auras pas seulement le jour du mariage pour le convaincre. Tu pars dans une semaine.

— Dans une semaine ? Mais le mariage n'aura lieu que le mois prochain !

— Ça te laisse un mois complet pour te rapprocher de la famille Hamilton, étudier le projet et trouver une tactique d'approche. Ça fait quoi ? Quatre ans que tu n'es pas rentré au pays ?

— Cinq…

— Raison de plus !

Marshall soupira bruyamment en s'affalant dans le fauteuil. Alec sourit. Il avait gagné, comme toujours.

Une semaine plus tard,

L'avion en provenance de New York cumulait déjà plusieurs heures de retard à cause d'un problème de vérification obscur quand Marshall arriva enfin à Glasgow. Bienvenue en Écosse, pensa Marshall en constatant qu'aucune navette ne passerait avant le lendemain. Le jeune homme n'avait pas le choix, à moins de passer la nuit sur place, il était dans l'obligation de prendre le bus pour Lochgilphead. L'Écosse possédait un très bon service d'autobus, desservant la plupart des villes du pays, mais il en avait horreur.

Il finit néanmoins par aller réserver son billet et se retrouva, quelques minutes plus tard, au fond d'un bus bondé, assis à côté d'une inconnue empestant le parfum bon marché. Quelque part au fond de lui, Marshall se rendait compte qu'il ne faisait qu'exagérer la situation, mais il ne pouvait s'empêcher de déprécier injustement le moindre petit contretemps, aussi futile soit-il. Rien ne pouvait trouver grâce à ses yeux. Pourtant il avait aimé son pays... Il avait aimé sa vie ici, sa campagne et les longues balades en forêt, le silence apaisant du lac près de chez lui… Il avait juré que non, jamais il ne partirait, que sa vie était ici. Alors pourquoi ? Qu'est-ce qui avait si mal tourné ? Marshall avait beau se poser la question en contemplant le paysage défilant sous ses yeux, il refusait d'affronter les vraies raisons qui lui avaient fait fuir sa famille. Était-ce la mort de son frère survenue lors de ses dix-neuf ans ou les souvenirs aujourd'hui douloureux d'un temps révolu qui lui avait fait porter un regard aussi critique sur son pays ? Un peu des deux sans doute. Tout avait changé du jour au lendemain après son décès. Et Marshall, très proche de son frère bien plus que de n'importe qui, n'avait pas supporté la solitude effroyable qui ne l'avait plus quitté jusqu'à son départ pour New York. Peu importe où son regard pouvait se poser, tout lui rappelait Keir, son sourire, sa joie de vivre...

Secouant la tête, Mashall enfonça ses écouteurs dans ses oreilles et augmenta le volume de la musique, essayant de se changer les idées.

Une fine pluie s'était abattue dans la région de Lochgilphead à son arrivée dans la ville. Il n'était que seize heures, mais les rues étaient désertes. Certes Lochgilphead n'était pas à proprement parlé une grande ville avec ses deux milles et quelques habitants, mais quand même. Passer du tumulte de New York au calme plat de Lochgilphead était une expérience surprenante. Tirant de mauvaise grâce sur sa valise, Marshall eut pour premier réflexe de chercher un taxi, en vain. Ses parents n'habitaient qu'à quelques kilomètres de là, aussi se refusa-t-il à en commander un. Sortant son téléphone portable, il chercha dans son répertoire le numéro – bien trop souvent oublié – de sa mère. Mais au moment où son doigt se pressa sur la surface de l'écran, le téléphone émit un bip inquiétant avant de s'éteindre.

— Quelle merde ! jura-t-il entre ses dents.

Son portable dernier cri – dont le prix aurait fait pâlir sa mère – n'avait qu'une faible autonomie et n'avait de toute évidence pas supporté les longues heures de voyages. Il n'aurait pas non plus du jouer à ces applications stupides qu'il avait téléchargées la veille… Debout au beau milieu de la rue, Marshall semblait en proie à un intense dilemme. Que faire ? Se résoudre à faire venir un taxi jusqu'ici ? Ou rejoindre à pied la demeure familiale ? Son impatience l'emporta et, s'armant de courage, Marshall entreprit de faire le reste du voyage à la seule force de ses jambes.


Vingt minutes plus tard,

Marshall pesta tout en donnant un coup de pied dans un caillou qui n'avait rien demandé. Faisant rapidement un tour sur lui-même, il finit par s'assoir sur sa valise en essayant désespérément de rallumer son téléphone. Cinq ans ! Cinq ans qu'il n'était plus venu ici. Et il devait se rendre à l'évidence : une fois hors de la ville, impossible pour lui de reconnaitre quel était le bon chemin. Au début il s'était entêté, s'enfonçant un peu plus dans les petites rues campagnardes, espérant que le lac finirait par apparaitre au prochain détour, derrière un arbre...

Frissonnant sous la pluie, Marshall tenta de se protéger sous son manteau. Il était fatigué par son voyage, énervé contre lui-même, contre cette ville, contre Alec qui l'avait fait venir ici…

Le bruit tonitruant d'un klaxon qu'on maltraite le fit sursauter. Une luxueuse voiture noire passa à ses côtés avant de s'arrêter quelques mètres plus loin. Le conducteur lui fit un appel de phare, mais Marshall ne bougea pas, se contentant de lancer un regard noir de sous son manteau. Le chauffeur de la Porsche cabriolet noir n'avait surement pas dû le reconnaitre, mais Marshall lui l'aurait reconnu entre mille : Clyde. Quand la voiture fit marche arrière pour arriver à son niveau, le jeune homme garda la tête basse, les dents serrées. Qu'avait-il fait pour mériter ça ? D'abord le retard, puis la pluie et maintenant ça ? Sérieusement ? Il essaya de rabattre un peu plus sa veste sur son visage tout en ignorant ostensiblement le conducteur, mais ce dernier insista, baissant la vitre pour l'appeler.

Excédé, Marshall finit par enlever sa veste pour le fusiller du regard. Il ne s'était pas trompé. Clyde se tenait devant lui, visiblement choqué de le voir devant lui. Arborant un costume trois-pièces venant sans doute d'un célèbre couturier – ce que Marshall trouvait passablement ridicule puisque la famille Hamilton habitait en pleine campagne – Clyde n'avait pas changé. Il devait maintenant avoir dans les trente ans, peut être trente-et-un. Du haut de son mètre quatre-vingt-dix, tout en muscle, Clyde en avait brisé des cœurs… Il avait même été, l'espace de quelques mois, le béguin d'enfance de sa sœur. Aujourd'hui il portait ses cheveux mi-longs coiffés en arrière de manière désordonnée. Une coupe qui lui allait bien mieux que celle d'il y a cinq ans. Il avait l'air plus mature, plus adulte. Mais Marshall le connaissait assez pour savoir que tout ça n'était que physique. Et à en voir par le petit sourire sardonique qui commençait à naitre sur ses lèvres, il avait raison.

— Marsh ? C'est vraiment toi ? Mais qu'est-ce que tu fabriques sous la pluie ? Ne me dis pas que tu t'es perdu ? s'esclaffa-t-il.

— Ça se voit non ? Je prends l'air. Connard !

— Monte, l'invita-t-il d'un geste de la main.

— Non merci. Je fais juste une pause, je suis bientôt arrivé.

— Bientôt arrivé ? Marsh ! Ta maison est à l'opposé !

Le jeune homme grinça des dents avant de se lever sous le regard moqueur de Clyde.

— Allez ! Ne te fait pas prier Boo !

Marshall grimaça en entendant le surnom qu'on lui donnait enfant. Plein de mauvaise volonté, il tira sa valise jusque sur la plage arrière de la voiture avant de prendre place sur le siège passager.

— Ne m'appelle pas comme ça ! Je n'ai plus dix ans !

— Comme tu veux. Je dois passer faire une course à Loch' avant de te ramener.

— Humm.

Repliant une de ses jambes, Marshall appuya sa tête contre la vitre gelée de la portière, se murant dans le silence. Après un rapide coup d'œil, Clyde décida de le laisser tranquille pour le moment et redémarra en direction de la ville.

Assailli par l'odeur du vieux cuir, du parfum familier de l'homme à ses côtés, par le silence apaisant et par ce paysage qu'il avait vu des centaines de fois, Marshall se détendit. Perdu dans ses pensées, le jeune homme ferma les yeux sans s'en rendre compte. Il fut réveillé quelques minutes plus tard par une douce caresse dans ses cheveux et le parfum délicat du café noir.

— Hummm ? gémit-il en oubliant où il se trouvait.

— Salut belle au bois dormant, murmura la voix grave et chaude de Clyde.

Marshall sursauta violemment en se remémorant les derniers évènements. Dans sa maladresse, il heurta Clyde qui renversa le gobelet de café brulant sur ses cuisses.

— Putain ! s'écria Marshall en sursautant à nouveau.

Clyde récupéra un vieux pull à l'arrière pour éponger le liquide, exaspéré par la réaction de son passager.

— Et bien, je pensais que tu avais muri avec le temps, mais au final tu n'as pas changé. Le même gamin capricieux qu'autrefois.

— Toi non plus tu n'as pas changé, grinça Marshall. Toujours à me rabaisser.

— Dire que j'essayais d'être gentil. Tu es impossible ! s'agaça Clyde en tapotant le jean souillé.

Marshall repoussa brusquement la main de l'ainé Hamilton en le sentant se rapprocher un peu trop près de ses parties intimes. Roulant des yeux, l'homme lui jeta le pull mouillé à la figure.

— Tient, débrouille-toi.

Il se rassit à sa place avant de plier et déplier sa main plusieurs fois. Intrigué, le jeune homme le regarda avec plus d'attention. Des légères rougeurs étaient apparues sur sa peau et une partie de sa manche avait changé de couleur.

— Tu t'es brulé ? demanda-t-il en se calmant.

— Aucune importance, répondit Clyde irrité en faisant claquer sa langue.

— Désolé, marmonna Marshall en baissant la tête.

Clyde – Sa Majesté Hamilton – lui avait apporté du café ! Enfin, il avait essayé du moins. C'était un geste auquel il n'était pas habitué. L'homme était plutôt du genre à se faire servir, en particulier par Marshall. Fatigué, il se laissa glisser dans le siège en soupirant. Les épaules affaissées, il rejeta la tête contre l'appui-tête en fermant les yeux.

— Je suis de mauvaise humeur, fatigué et avec des courbatures partout. Je ne voulais pas être désagréable… C'est juste que… ce n'est pas le moment.

— Je comprends, répondit platement Clyde sans le regarder.

— C'est… Je sais qu'il me reste encore à affronter l'enthousiasme débordant de ma mère. Telle que je la connais, elle a dû organiser une réunion familiale alors que tout ce dont j'ai envie c'est d'une douche chaude et dormir pendant les deux prochains jours.

— Tu ne peux pas en vouloir à tes parents d'être heureux de te revoir.

— Tu ne peux pas comprendre à quel point ils peuvent être… étouffants.

— Non tu as raison je ne te comprends pas. Tu as des parents adorables qui t'aiment et toi… tu les appelles combien de fois par an ? Deux fois ? Trois fois ?

— Super… Je vois qu'elle a su te rallier à sa cause. Si toi aussi tu veux me faire la morale, achètes un ticket et attends ton tour. Là maintenant j'aimerais qu'on me foute la paix.

— Très bien !

Les deux hommes ne prononcèrent plus un mot jusqu'à que Clyde le dépose devant le petit cottage appartenant à sa famille depuis trois générations. Après un rapide « à bientôt », le conducteur de la Porsche s'empressa de repartir. L'espace d'un instant, Marshall se sentit coupable. Clyde avait essayé de se montrer agréable et il l'avait repoussé. Mais était-il vraiment à blâmer ? Cet homme l'avait déprécié sans raison pendant des années. Il avait bien le droit de se montrer injuste à son tour non ? Pas si tu veux convaincre son père, lui chuchota la petite voix imaginaire d'Alec.

Comme il l'avait prédit, sa mère avait organisé un copieux repas familial, invitant ses oncles et tantes ainsi que le voisinage. Il n'eut le temps de dormir que quelques heures avant que les premiers invités ne fassent leur apparition.

— Maman, tu ne crois pas que tu en fais un peu trop ? demanda-t-il en se réfugiant dans la cuisine.

— Peut-être que si tu rendais visite à ta maman un peu plus souvent, je n'aurais pas besoin de faire tout ça, répondit-elle en souriant.

— Vous pourriez très bien venir à New York avec papa.

— Tu sais bien qu'il déteste prendre l'avion ! Allez, arrête un peu de te plaindre et amène ça aux invités, ajoute-t-elle d'un ton autoritaire en lui fourrant un plateau de petit four dans les mains.


— Hey Boo !

La voix grave et suave chuchotant son surnom à quelques millimètres de son oreille le fit sursauter, lui faisant presque renverser les apéritifs. Déposant le plat sur une table à proximité, il se retourna vers l'autre homme.

— Clyde… Quelle surprise.

— N'est-ce pas ? se réjouit l'héritier Hamilton avec un sourire moqueur.

— Qu'est-ce que tu fais ici ?

— Je suis venu avec Jay et ta sœur.

— Pourquoi tu ne m'as pas dit que tu serais là ?

— Pourquoi je l'aurais fait ?

— Et bien… Amuse-toi bien, annonça Marshall avant de s'éloigner.

— Attends ! s'exclama Clyde en le retenant par le coude.

— Oui ?

— Mon verre est vide, plaisanta l'homme en secouant l'objet devant lui.

— Va te faire foutre Hamilton !

Mashall se faufila entre un couple de voisins et sa tante sous le regard espiègle de l'autre homme. Apercevant sa sœur au loin, il s'empressa de la rejoindre.

— Lo', comment tu vas ?

— Merveilleusement bien, répondit-elle me le serrant dans ses bras. Tu m'as manqué.

— Toi aussi. Jay…

Les deux hommes se serrèrent la main avec un sourire.

— Tu as vu mon frère ?

— Oui, il traine du côté de la cuisine.

— Super, je le cherche depuis qu'on est arrivé. J'ai oublié de lui dire qu'il devrait rentrer seul.

— Vous restez dormir à la maison ?

— Oui, je compte bien profiter de chaque minute de ta présence ici, répondit Elois en serrant son frère contre lui.

Jay lui lança un regard désolé avant de disparaitre.

— Alors, c'est l'amour fou entre vous ? demanda Marshall en riant.

— Oui, Jay est un amour, soupira la jeune fille avec des étoiles dans les yeux.

— Tu disais la même chose d'Alec, et de Stephen avant lui, se moqua-t-il.

— Tait toi homme ! Tu pourras parler d'amour avec les grandes personnes quand tu nous présenteras enfin quelqu'un.

— Présenter un éventuel soupirant à la famille ? Merci, mais non merci, rit-il.

— Dois-je comprendre que tu seras seul pour le mariage ?

— Oui. Et n'essaie pas de me présenter un de tes amis gay, ça ne m'intéresse pas.

— Mais c'est si triste, répondit-elle sur le ton dramatique. Venir seul à un mariage, tu ne te rends pas compte.

— Je sais. Une vraie tragédie.

— Je n'arrive toujours pas à croire que tu seras finalement présent à mon mariage, s'exclama la jeune fille en redevant sérieuse.

— Moi non plus. Aie, se plaignit-il en recevant un léger coup dans l'épaule.

— J'espère que tout ira bien.

— Il n'y a pas de raison pour que ça se passe mal, la rassura-t-il.

— Si tu savais… Tous ses préparatifs me font tourner la tête.

— Épouser un Hamilton n'est pas de tout repos. Il fallait y réfléchir à deux fois avant de dire oui, sourit-il en évitant une deuxième attaque.

— Je ne regrette qu'une seule chose : que Keir ne soit pas là.

Marshall resta silencieux. Parler de son frère était une chose encore trop difficile pour lui.

— Tu sais que Clyde a insisté pour nous accompagner ? demanda la jeune fille pour changer de sujet.

— Je me demande bien pourquoi ?

— Je crois que tu lui as manqué.

— Manqué ? s'étouffa Marshall.

— Il n'avait plus personne à tourmenter le pauvre.

Le jeune homme leva les yeux au ciel.

— Bizarrement il ne m'a pas manqué à moi. Je suis même content de ne plus avoir à le supporter.

— Menteur ! Est-ce que je dois te rappeler que tu avais le béguin pour lui ? Tu faisais n'importe quoi pour attirer son attention. Je dois même dire que tu étais pathétique frérot.

— Quoi ? s'étonna Mashall en rougissant. Comment est-ce que tu es sait ça ?

— Fais-toi à l'idée que rien ne m'échappe, dit-elle avant de rire.

— C'était il y a des années et je n'étais pas le seul ! Est-ce que Jay est au courant pour ton amour de jeunesse ?

— Non. Et je compte bien faire en sorte qu'il continue de l'ignorer.

— Ce sont des menaces ? s'esclaffa le jeune homme. Comment comptes-tu acheter mon silence ?

— Mieux vaut pour toi que tu n'aies pas à le découvrir.

— De quoi parlez-vous ? les interrompit Jay en revenant accompagné de son frère.

— Du mariage, répondit Marshall avec précipitation.

— Tu as chané d'avis et tu n'oses pas me le dire ? plaisanta le futur marié en embrassant la jeune fille.

— Hey Boo, tu vas être ravi, annonça fièrement Clyde avec un large sourire.

— Pourquoi est-ce que j'ai du mal à te croire ?

— Je tiens à décliner toute responsabilité, ricana Jay en continuant d'enlacer sa future femme.

— Ta mère a proposé de m'héberger ce soir.

— Pardon ?

— Elle m'a surpris en train de dire à Clyde que nous restions ici cette nuit, je n'ai rien pu faire, s'excusa Jay.

— Quoi ? Tu n'es pas heureux Boo ?

— Si, je rayonne de bonheur. Ça ne se voit pas ?

— On est tous réunis, comme au bon vieux temps, constata Elois.

Il ne manque que Keir, pensa tristement Marshall.

— Tu vas dormir où ? réalisa Marshall. La chambre d'amis est prise par la famille.

Clyde sourit mystérieusement alors que Jay évitait consciencieusement son regard.

— Génial, soupira le jeune homme. Gé-nial !

— Ton rêve se réalise Marsh, se moqua Elois en éclatant de rire sous l'incompréhension des deux autres hommes.

Marshall rougit, entrouvrit la bouche comme pour parler avant de la refermer.