Et voilà la dernière partie. Je vous donne rendez vous sur mon site pour découvrir l'illustration bonus lié à cette histoire.


Partie 02

Marshall bâilla tout en s'étirant paresseusement. La fête était maintenant terminée, laissant le jeune homme profiter de la tranquillité ambiante. Emmitouflé dans un plaid, il observait nostalgiquement le paysage depuis la fenêtre de sa chambre plongée dans le noir, attendant que Clyde revienne de sa douche. Plongé dans ses pensées, il se laissa submerger les souvenirs. Il n'en avait pas eu conscience avant aujourd'hui, mais sa famille lui avait manqué. Le rythme effréné de New York n'avait rien à voir avec la vie paisible que lui offrait son foyer. Pour la première fois depuis longtemps, il ne ressentait pas le besoin urgent de consulter sa messagerie, de regarder la télé ou de trainer sur internet pour combler le vide de sa vie.

— Boo, l'appela Clyde. Tu es en train de t'endormir debout, rajouta-t-il en riant.

— Je suis debout depuis cinq heures du matin, je n'en peux plus, soupira le jeune homme en s'étirant à nouveau, faisant tomber la couverture en laine.

Clyde se glissa derrière lui et posa ses mains chaudes et viriles sur ses épaules endolories en les massant légèrement, le faisant honteusement réagir.

— Qu'est-ce que tu fais ? s'étouffa Marshall.

— Détends-toi, tu es tout crispé.

Le jeune homme essaya de fermer les yeux pour se détendre, en vain. Il n'avait pas eu d'amant depuis longtemps et Clyde aussi irritant soit-il n'en restait pas moins un homme terriblement séduisant. Sa proximité le troublait plus que de raison. Faisant semblant de tousser pour cacher sa gêne, Marshall tenta de se soustraire à l'étreinte.

— Ça ira mieux demain, j'ai simplement besoin d'une bonne nuit de sommeil.

— J'essaierais de ne pas prendre toute la place.

— Je n'hésiterais pas à te pousser par terre si jamais tu m'empêches de dormir.

— J'aimerais bien voir ça, rit Clyde.

— Ne me cherche pas, répliqua le jeune homme en souriant.

— Je vais essayer, plaisanta l'héritier en lui frottant l'arrière de la tête dans un geste affectif.

Tout en se glissant sous les draps, Marshall ne put s'empêcher de se demander ce qui était arrivé au Clyde Hamilton qu'il connaissait. Ce dernier se comportait de façon si familière avec lui qu'il allait finir par croire que Clyde l'appréciait… Avait-il changé à ce point ?

— Je réalise que je ne sais toujours pas ce que tu fais dans la vie ? ne put s'empêcher de demander Marshall que le sommeil avait visiblement quitté.

Les deux hommes étaient allongés dans la pénombre, le regard rivé au plafond. Pourtant l'ambiance était détendue et propice aux confidences.

— Rien d'extraordinaire. Je suis dans les affaires familiales depuis que j'ai quitté l'école de commerce.

— Les affaires familiales ?

— Oui, j'aide à la gestion des terres, mais je passe surtout beaucoup de temps dans les banquets et les galas de charité.

— Vous avez toujours votre exploitation d'orge ?

— Oui, oui. Si ça t'intéresse, je te ferais visiter. Il y a eu pas mal de changement depuis la dernière fois.

— Je me rappelle des étés où vous me faisiez travailler à votre place, rit Marshall en repensant à l'époque où Keir et Clyde y avaient dégoté un petit job d'été.

— Tu exagères, sourit l'autre homme.

— Exagérer ? Vous passiez tout votre temps à draguer les saisonnières pendant que je me tapais tout le boulot. Tout ça pour dix malheureuses livres à la fin du mois, gloussa Marshall. Une vraie arnaque.

— On a peut-être un peu abusé, mais tu en redemandais. C'était trop tentant, répliqua Clyde en lui donnant une tape amicale sur l'épaule.

— Tu n'as pas de cœur.

— Pourtant j'ai été élu homme le plus généreux du compté grâce à mon dévouement auprès des associations.

Il y eut un silence avant que les deux hommes ne partent dans un fou rire. Une fois calmé, Marshall fut surpris de s'entendre dire sur le ton de la plaisanterie :

— Riche, beau, impliqué dans les œuvres de charité… C'est toi qu'Elois aurait dû épouser.

— Elle ne m'aurait pas supporté longtemps.

— Je n'en suis pas si sûr. Elle était très amoureuse de toi.

— Je sais, rit-il. Mais c'est parce qu'elle ne me connaissait pas vraiment.

— Comment peux-tu savoir ça ? Elle t'en a parlé ?

— Non, mais elle n'était pas discrète.

— La discrétion ne fait pas partie de ses qualités, se moqua Marshall.

— Alors c'est de famille, répliqua Clyde avec un sourire dans la voix.

Marshall eut une bouffée de chaleur. Est-ce que ? Fermant les yeux très forts, le jeune homme pria intérieurement pour que la dernière phrase ne lui soit pas directement adressée. Il ne pourrait plus jamais regarder Clyde droit dans les yeux si jamais il s'avérait que ce dernier était au courant des sentiments qui l'avaient tourmenté plus jeune. Préférant continuer d'ignorer cette information, le jeune homme resta silencieux et fut doucement – mais surement – emporté dans un sommeil réparateur.


Marshall émergea doucement. Il avait dormi une bonne partie de la matinée et s'était réveillé seul à son grand soulagement. Après la discussion de la veille, il préférait éviter que son compagnon de chambrée ne se pense responsable de son érection matinale – bien qu'il n'aurait pas eu tout à fait tort. Se levant en douceur, le jeune homme prit le temps d'apprécier la douce chaleur de sa chambre, le chant des oiseaux et tous ces petits détails qui le faisaient se sentir enfin chez lui.

Descendant dans la cuisine, il trouva sa mère en train de préparer des scones pour son petit déjeuner. Visiblement elle l'avait entendu se lever et s'était empressée d'aller lui cuisiner quelque chose de « sain ». Pour sa mère, adepte du bio et des repas en famille, l'Amérique était inévitablement synonyme de fast food et de mal bouffe. Elle était persuadée que son petit poussin était incapable de se nourrir correctement sans elle, et peu importe son âge, il était inutile d'argumenter avec elle. Sa sœur était d'ailleurs logée à la même enseigne.

Après avoir copieusement déjeuné – sous le regard vigilant de sa mère – Marshall décida de rejoindre sa sœur dans la grange. La vieille bâtisse, qui leur servait jadis de terrain de jeu, avait été reconvertie en quartier général en vue du futur mariage. C'est là qu'il passa le reste de la journée, entouré d'un groupe de jeunes femmes surexcitées commandé d'une main de fer par Elois.


Il fut sauvé aux alentours de dix-sept heures par Clyde qui vint le chercher, vêtu d'une chemise en flanelle bleu clair et d'un pantalon en denim gris foncé qui lui donnait un air décontracté absolument craquant. Avec la tournure surprenante qu'avait prise leur relation, Marshall avait de plus en plus de difficulté à résister à l'attraction qu'il éprouvait encore pour l'autre homme. C'était plus facile de l'ignorer quand il était un sale con.

— Merci, je commençais à étouffer là-dedans. Qu'est-ce que les femmes peuvent être terribles quand elles s'y mettent !

— Et encore, tu n'as pas vu ma mère ! C'est un exploit qu' Elois et elle ne se soient pas encore battus, plaisanta l'autre homme.

— Tu t'es levé tôt ce matin ? Je ne t'ai pas entendu partir.

— J'avais rendez-vous avec Jay chez le notaire à neuf heures.

— Il n'est pas avec toi ? demanda le jeune homme en réalisant qu'il n'avait pas vu son futur beau-frère de la journée.

— Non il est resté à la maison pour aider à la réception d'un stock de semence pour le mois prochain. Il devrait être là pour le diner.

— Oh, s'étonna Marshall. Pourquoi es-tu venu alors ?

— Comme ça… Pour te voir. Je pensais t'emmener manger un truc en ville. Si tu en as envie bien sûr.

— Heu, oui oui, pourquoi pas, répondit Marshall surprit par sa demande. Mais il n'est pas un peu tôt ?

— Je peux te faire visiter l'exploitation en attendant.

— D'accord, je te suis.

— Tu… Mince, je suis un idiot. Tu n'es pas obligé d'accepter. Tu as sans doute mieux à faire que de diner avec moi. Tu viens de débarquer dans ta famille que tu n'as plus vue depuis cinq ans… J'aurais dû réfléchir…

— Clyde ! le coupa Marshall. Si je n'avais pas envie de venir, je te l'aurais dit. Si je ne donne pas l'impression d'être enthousiaste, c'est uniquement parce que tu me prends au dépourvu. Si un jour j'avais su que tu m'inviterais à sortir avec toi… Heu, c'est une façon de parler hein ! Ce n'est pas comme si c'était un rendez-vous ou quoi que ce soit, rajouta le jeune homme en se maudissant pour sa maladresse.

— Évidement, répondit Clyde en se retenant de rire.

— Tu te fiches de moi ?

— Peut-être, avoua-t-il avec un sourire mystérieux avant de se diriger vers sa voiture. Bon tu viens ?

— J'arrive, laisse-moi juste le temps de récupérer mes affaires.

— Je t'attends, mais dépêche-toi si tu ne veux pas que je parte sans toi !

Marshall se précipita à l'intérieur de la demeure familiale. Une fois à l'abri des regards, il s'adossa contre le mur, prenant le temps de se calmer. Clyde était si différent… Il sentait son béguin d'ado lui revenir en pleine figure. Fermant les yeux, le jeune homme se répéta plusieurs fois qu'il ne devait surtout pas retomber amoureux. Clyde était hétéro et lui-même habitait maintenant à des milliers de kilomètres de là. Il ne voulait pas revivre l'humiliation et la tristesse qui l'avait envahie le jour où Clyde leur avait présenté sa première petite amie, la première d'une longue liste. Et même si aujourd'hui ils étaient deux adultes, c'était une erreur qu'il ne devait pas répéter. Qui sait, peut-être que Clyde était fiancé lui aussi ? Il avait été absent pendant si longtemps qu'il ignorait tout de sa vie.


Le trajet jusqu'à la petite exploitation agricole, tenue par la famille Hamilton depuis plusieurs générations, avait été relativement silencieux. Puis, une fois sur place, Clyde lui avait fait visiter la bâtisse principale ainsi que l'annexe récemment construite, commentant tous les changements ayant eu lieu depuis les cinq dernières années. De temps en temps, les deux hommes s'amusaient à se remémorer quelques un de leurs souvenirs. Et, sans s'en rendre en compte, deux heures s'étaient écoulées.


Attablé à l'une de table du The Galley of Lorne Inn, un hôtel restaurant très apprécié de Lochgilphead disposant d'une magnifique vue sur le lac, Marshall écouta son ami commander une bouteille de vin primé ainsi que le menu du jour.

— Alors, as-tu revu tes amis d'enfance ? demanda Clyde une fois le serveur parti.

— Je suis arrivé hier, rit Marshall. Tu as déjà oublié ? Je n'ai pas eu le temps de faire grand-chose.

— C'est vrai. Je commence déjà à m'habituer à ta présence. Tu comptes rester combien de temps ?

— Jusqu'au mariage.

— Il ne reste déjà plus que trois semaines… constata Clyde, déçu.

— C'est déjà bien plus que prévu.

— Alors c'est vrai, tu comptais vraiment rester aux USA ? demanda l'homme en croisant les bras, le regard soudain sévère.

— Je n'ai pas envie de me justifier avec toi.

— Le diner commence bien… Qu'est-ce qui t'a fait changer d'avis ?

— Alec ne m'a pas laissé le choix.

— Et depuis quand Alec décide-t-il à ta place ?

— C'est mon patron d'accord ? Et il m'a demandé de conclure un contrat pour lui.

— Alors tu es venu pour le boulot ? Ta sœur se marie, tu n'as pas vu ta famille depuis cinq ans et tu ne viens que parce que ton travail t'y oblige ?

— On est obligé de parler de ça ? Premièrement ça ne te regarde pas et deuxièmement je n'ai pas envie d'en parler.

— Pourquoi ?

— Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? Oui, si Alec ne m'avait pas forcé la main, je ne serais pas venu. Peut-être que j'aurais fini par revenir un jour ou peut-être pas.

— Je ne comprends pas. Tu détestes l'Écosse à ce point ?

Marshall resta silencieux. Sans le vouloir, le souvenir de son frère s'imposa à lui. Il ne fallait pas être un génie pour comprendre… Il avait tout quitté seulement un an après sa mort, se débrouillant d'abord pour intégrer une université londonienne avant de partir, diplôme en poche, avec Alec.

— Après la mort de Keir, j'ai eu beaucoup de mal à rester ici. Je n'ai jamais eu beaucoup d'amis et nous étions pratiquement tout le temps ensemble. J'ai eu l'impression de me retrouver complètement seul du jour au lendemain. Ce n'est pas juste, je le sais. On a tous souffert de sa disparition, mais j'avais besoin de changer d'air. Et par la suite… Je ne sais pas ce qui s'est passé. La vie à New York est tellement différente ! Il y a toujours quelque chose à faire, des gens à rencontrer… on ne s'ennuie jamais. Je pense que je n'avais pas envie de revenir parce que j'avais oublié tous les bons souvenirs. Je ne voyais plus que les mauvais. Mais maintenant que je suis là, je me rends compte que j'ai fait une erreur. J'espère que ça te satisfait comme réponse parce que tu n'en auras pas d'autres.

— Keir était mon meilleur ami. Il me manque beaucoup et… toi aussi.

— J'ai toujours pensé que tu me détestais.

— Quoi ? Non ! Enfin je n'ai pas toujours été sympa. On a trois ans de différence et à l'époque ça représentait beaucoup. Je te voyais surtout comme le petit frère de Keir, celui qu'il fallait surveiller et qui nous empêchait de sortir. Mais ça, c'était au début. Après avoir appris à te connaitre, je te voyais comme mon deuxième petit frère. Et si j'ai continué de t'embêter, c'était uniquement parce que c'était trop facile de t'énerver. Tu étais si mignon.

— Je suis désolé.

— C'est moi qui m'excuse. J'aurais dû t'en parler avant. Surtout après l'accident… Peut-être que si je l'avais fait, tu ne te serais pas senti aussi seul. Mais j'avais mon propre deuil à faire…

Le serveur apporta leur plat, les interrompant au grand soulagement du jeune homme. La discussion avait pris une tournure un peu trop intime à son gout, le mettant mal à l'aise. De plus, il n'était pas sûr de savoir comment réagir à la révélation de Clyde. Il était heureux de savoir que l'autre homme ne l'avait jamais méprisé, mais de l'autre, il n'était pas ravi de se savoir vu comme un petit frère.

— Et si on parlait un peu de toi maintenant ? reprit Marshall après le départ du serveur.

— Moi ? rit l'homme. Il n'y a rien d'intéressant à raconter.

— Oh, je suis sûr que si tu cherches bien… En cinq ans il a dû s'en passer des choses non ?

— Pas vraiment. Je me suis impliqué dans les affaires familiales, mais ça, tu le sais déjà. Quant au reste… J'ai failli me fiancer il y a trois ans, mais elle m'a quitté. Depuis c'est le calme plat.

— Te fiancer ? répéta Marshall en tentant de contrôler les battements de son cœur.

Il espérait que sa déception et sa jalousie passeraient inaperçues.

— J'avais précipité les choses. La mort de Keir, ton départ, les responsabilités et Jay presque toujours absent… J'ai moi aussi fait des erreurs. Je voulais construire une famille sans y être vraiment prêt. Elle a compris que ça ne marcherait pas et elle est partie. Fin de l'histoire.

— Je suis désolé, dit à nouveau Marshall.

— Ne le sois pas. Je ne regrette rien.

— Donc… En ce moment tu es célibataire ?

— Oui. Pourquoi ? Tu es intéressé ? plaisanta Clyde.

Le jeune homme baissa la tête en se sentant rougir. C'est juste une blague, reprends-toi ! Un silence gêné s'installa alors que Marshall n'arrivait pas à démentir. Timidement, Clyde posa sa main sur la sienne, le troublant un peu plus.

— Boo, chuchota Clyde.

— Non c'est bon. Ne dis rien.

— Pourquoi ? sourit-il.

— On peut changer de sujet ?

— Si c'est ce que tu veux, susurra-t-il tout en lui caressant le dos de la main avec son pouce.

— À quoi tu joues ?

— Moi ? À rien, répondit innocemment Clyde.

Marshall se sentit soudainement à l'étroit dans son jean. La chaleur de Clyde, ses caresses aériennes et sa façon de flirter avec lui… Il était en train de devenir fou.

— Je…

— Si tu me parlais de ta vie à New York ?

— Attends, tu ne crois pas qu'on devrait plutôt parler de…

— Tu voulais changer de sujet non ? le coupa Clyde. Je veux en savoir plus sur toi. Tu as quelqu'un dans ta vie ?

— N-non personne.

— Tant mieux, sourit-il en commençant à manger.

— Clyde ! paniqua le jeune homme, complètement perdu.

— Je sais Boo, je sais, répondit-il comme s'il avait deviné la tension qui l'avait envahi.

— Je ne comprends plus rien ! s'agaça Marshall en séparant leurs mains.

Clyde se pencha doucement vers lui pour pouvoir lui parler discrètement.

— Si je te dis que je meurs d'envie de t'embrasser, est-ce que ça rend la situation plus claire pour toi ?

— Non ! s'écria-t-il, choqué.

— Alors, dis-moi Boo. Qu'est-ce que tu ne comprends pas ?

— T-tu n'es pas censé…

— Flirter avec toi ? Pourquoi ? Parce que tu crois que je suis hétéro ?

— Bien sûr !

— Oh Boo ! La discrétion n'est peut-être pas une de tes qualités, mais c'est l'une des miennes. J'ai une réputation à tenir, mais ça ne m'a jamais empêché de m'amuser. J'ai eu un tas d'expérience plus jeune ; homme, femme, parfois les deux en même temps. Tu es tellement innocent… Si je te disais ce que nous faisions avec Keir le week-end… je suis sûr que tu rougirais.

— A-avec Keir ?

— Nous ne couchions pas ensemble si c'est là ta question. Keir était hétéro à cent pour cent, mais… il nous est arrivé de partager… ou d'aller dans des backrooms. Je te passe les détails, se moqua Clyde en voyant son air offusqué. Je sais qu'à cette époque tu avais le béguin pour moi, mais je n'avais d'yeux que pour lui.

— Tu étais amoureux de mon frère ?

— C'est un bien grand mot mais oui.

— Merde Clyde ! Je me sens tellement con !

— Tu ne pouvais pas savoir. Personne ne l'a jamais su. Et ne sois pas triste pour moi, je m'en suis remis depuis longtemps.

Il y eut un nouveau silence, moins pesant cette fois-ci. Les deux hommes étaient plongés dans leurs souvenirs respectifs.

— Quoi qu'il en soit, reprit Clyde, tu m'as manqué. J'aimerais vraiment pouvoir passer le temps qu'il te reste ici avec toi. Apprendre à mieux te connaitre, précisa-t-il en pressant à nouveau sa main dans la sienne.

— Tu ne penses pas que c'est trop… précipité ? Je viens d'arriver.

— Merde Marsh… Quand ta sœur m'a dit que tu allais revenir, je n'y croyais pas vraiment. Mais quand je t'ai vu sur le bord de la route… J'ai su tout de suite que je te voulais.

Le jeune homme sentit son sang bouillir dans ses veines. Les paroles pleines de sous-entendus de son compagnon avaient le délicieux pouvoir de le bouleverser. Il n'avait plus qu'une envie : sentir l'étreinte virile de cet homme se refermer sur lui pour savourer la chaleur de son corps et cette promesse bien plus appétissante ; le gout de ses baisers. La bouche sèche et les mains moites, il tenta de faire bonne figure.

— Est-ce que ta famille sait que tu as ce genre de préférence ?

— Oui. Un peu grâce à toi d'ailleurs.

— Moi ?

— J'ai toujours pensé que je ne finirais par me marier. Autant pour faire plaisir à mes parents que pour assumer ma position. En fait j'ai longtemps pensé qu'il était impossible d'avoir une relation sérieuse avec un homme. Puis ta sœur s'est occupée de faire ton coming-out à la famille l'année dernière. Elle a prévenu tout le monde que tu pourrais venir au mariage accompagné d'un potentiel petit ami et que personne n'avait intérêt à faire une quelconque remarque. En dehors de ma grand-mère, tout le monde a très bien réagi. Je voulais être honnête avec eux alors j'en ai profité pour faire le mien. Le fait que je n'ai pas de préférence particulière a aidé à faire passer la pilule.

— Je n'aurais jamais pensé ça de toi, dit Marshall toujours désemparé face à cette révélation.

— Je cache bien mon jeu. Mais si tu le veux bien, tu auras l'occasion de découvrir tout ce que les autres ignorent.

— Comment pourrais-je refuser ?

— Bien alors, chez toi ou chez moi ? À moins que tu préfères louer une chambre ici ? demanda Clyde, taquin.

Le cœur du jeune homme s'emballa. Pouvait-il vraiment faire ça ? Il en mourrait d'envie, mais pouvait-il vraiment renoncer à tous ses principes ? Mais il s'agissait de Clyde après tout, pas d'un simple inconnu abordé dans un bar.

— Hey je plaisante Boo, rit Clyde en voyant la surprise sur le visage de son ami.

— Ici, on peut louer une chambre et y passer la nuit, répondit Marshall, sûr de lui.

Ce fut au tour de Clyde d'être pris au dépourvu.

— Tu es sur ?

— Ouais. Je n'ai pas envie que cette soirée se termine tout de suite.

— Il nous reste trois semaines, nous avons le temps, répondit l'autre homme, lui donnant la chance de changer d'avis.

— Je n'ai pas envie d'attendre. J'ai envie de passer mon temps libre avec toi.

— C'est ce que je veux aussi.


Le diner, pendant lequel les deux hommes évoquèrent leurs vies respectives, fut rapidement expédié. Une fois à l'extérieur, Marshall frissonna d'excitation et d'anticipation. Le temps s'étant rafraîchi, Clyde ôta sa veste pour la lui poser sur les épaules, profitant de son geste pour frôler sa tempe de ses lèvres.

— Tu as froid ? chuchota-t-il.

— Pas vraiment.

— Viens là, ordonna Clyde en l'attirant dans un coin sombre de la cour.

Le poussant doucement contre le mur, il se pencha au-dessus de lui, un bras posé contre la paroi de pierre juste à côté de son visage pour les dissimuler à la vue de tous.

— Je ne suis pas sûr que ça me suffise, annonça Clyde avec une expression indéchiffrable.

— De quoi ? demanda Marshall sans pouvoir dévier son regard de la bouche tentatrice de son ami à quelques millimètres de la sienne.

— Toi. Le temps qu'il nous reste, répondit l'autre homme en prenant son menton d'une main ferme, mais douce, caressant sa joue avec son pouce.

— Je pourrais peut être changé d'avis.

Clyde posa son front contre celui de son ami en soupirant.

— Qu'est-ce que tu veux dire ?

— Je pourrais rester… suggéra-t-il en s'agrippant aux vêtements de l'autre homme.

— Vraiment ?

— Si les négociations aboutissent, ils auront besoin de quelqu'un ici.

— Et si mon père refuse de signer ? demanda-t-il avec un sourire triste.

— Tu es au courant de ça aussi ?

— Bien sûr. C'est moi qui en ai parlé à Elois.

— Alors tu savais déjà la raison de ma présence ici.

— Oui, je plaide coupable.

— Et bien si ça se passe mal… je pourrais toujours postuler comme ouvrier dans ton exploitation agricole ?

— J'en serais ravi.

Caressant une dernière fois son visage, Clyde scella enfin leurs lèvres. Marshall qui avait attendu ça depuis des heures, sans oser vraiment l'espérer, sentit son cœur exploser dans sa poitrine. S'accrochant à son amant, il le pressa contre lui, avide de le sentir encore plus près de lui. Son sang était en ébullition et il avait si chaud qu'il crut un instant arrêter de respirer. Il voulait cet homme. Il le voulait à un point que c'en était douloureux. Et il sut, à ce moment précis, que jamais il ne retournerait en Amérique.