Bonjour :)
Petite surprise du jour : un chapitre de plus avant sa sortie en numérique le mercredi 31 août 2016.
Sortie papier : mercredi 7 septembre 2016
Bonne lecture,
Natalou
Chapitre 6
« L'impatience, vent chaud,
Ou ondée fraîche,
Accélère le temps,
Ou bien le ralentit. »
Yanaël ne dormit pratiquement pas de la nuit. Trop à fleur de peau, il appela son loup et le laissa prendre le pouvoir. Ce dernier était bien moins émotif, beaucoup plus solide. Il lui permettait, si nécessaire, de reprendre pied en le protégeant, lui offrant ainsi la distance dont il avait besoin pour se libérer de ses peurs et de ses douleurs. Loup était très doué pour le recouvrir d'un voile et atténuer ses ressentis. C'était lui qui avait pris sa place lorsqu'il s'était fait tabasser, l'éloignant de la douleur, tant physique qu'émotionnelle. Sans Loup, Yanaël ne s'en serait pas remis.
Dans la soirée, il avait senti Siam venir effleurer son cœur, mais il avait été incapable de lui répondre. La course l'avait épuisé et rendu euphorique, mais ne l'avait pas rassuré.
Lorsque Yanaël se leva, il n'était pas en forme. Le peu qu'il avait cédé au sommeil, grâce à Loup, ne lui suffisait pas. Ses muscles endoloris par son manque de repos le chatouillèrent désagréablement. Il prit une douche, s'habilla, et décida de prendre son petit-déjeuner dans un café. Son besoin d'un repas solide devenait nécessité. Il se trouvait dans la rue quand la demande de Siam vint le cajoler. Il s'isola sur un banc, dans un petit parc pour enfants, et ouvrit légèrement son esprit. Son équilibre n'était pas très stable et ses couleurs oscillaient. Il pouvait maintenir un semblant de bien-être, un bleu, mais ne pouvait pas le dénuer de vert, voire de jaune, la couleur du trouble. Siam allait bien, son orange le réchauffa. La volonté de son ami le poussait à ouvrir un peu plus leur lien. Il se montrait insistant et impatient, ce qu'il n'avait plus fait depuis les débuts de son éloignement. Yanaël voulut résister, mais la tentation fut trop forte. Siam lui manquait horriblement.
— Yanaël, s'il te plaît.
— Je suis là, Siam.
— Génial ! Oh merde ! T'es vraiment là ?
— Ouais. Comment vas-tu ?
— Je vais bien. Et toi ?
— Ça va. Pas de souci.
— Yanaël, ce n'est pas totalement vrai.
— Peut-être, mais je t'assure que je vais bien.
— D'accord. Il faut que je te voie.
— Non !
— Si. Ce n'est plus un problème. J'y suis autorisé.
— Vraiment ?
— Oui.
— … D'accord. Où ?
— Où tu veux. Choisis.
— À la butte. Dix-huit heures.
— J'y serai.
Sans prémices, l'ampleur de ce qui venait de se passer percuta brutalement Yanaël. La tête lui tourna, il s'agrippa au banc. Ce n'était pas possible. Presque deux ans sans échanger un mot, à tenir Siam éloigné, à résister de toutes ses forces pour maintenir fermée la porte de son âme… Loup bougea, ronronna, et se lova dans son antre. Il était heureux, disposé à attendre le soir pour réclamer son dû. Son calme l'apaisa, sa force le consolida. Il se remit sur pied et alla prendre son petit-déjeuner, plus silencieux que jamais. Il accomplit ses tâches de la journée dans un état second, pas sûr d'être capable de maintenir la bride à ses émotions s'il les laissait s'exprimer. Loup l'aida tant qu'il pût, en étant là, serein, plus solide qu'un roc.
À huit heures, Siam frappait à la porte du Second. Adam lui ouvrit et le laissa entrer. Il prit pour guide les odeurs de nourriture. Ses réflexions de la nuit l'avaient amené à lui faire confiance, il décida d'accepter le tutoiement.
— Waouh ! Tu sais recevoir, toi !
— Tu es loup, tu es jeune, tu as faim.
— Ouaip ! Exactement !
— Installe-toi et prends tout ce qui te fait envie.
— Hum… je peux venir habiter chez toi ?
— Tes parents ne te nourrissent pas ?
— Si, si…
— Alors quoi ?
— Oh, tu sais bien, les bonnes manières, ne pas s'empiffrer, se tenir bien à table…
— Je préférerais aussi que tu te tiennes bien.
— Je m'en doutais un peu, mais ça ne coûtait rien d'essayer.
Adam lui fit un sourire et dirigea son regard vers les plats chauds. Lards, œufs sur le plat, pommes de terre grillées, jus d'orange, café, rien ne manquait et ça sentait diablement bon. Siam emplit son assiette, une montagne, et se mit à manger. Adam fit de même, mais de façon plus modérée, il préférait y revenir une deuxième fois. Il le laissa dévorer, patient en surface.
— C'était super bon ! Je peux prendre un autre café ?
— Tu peux.
Sa tasse pleine, Siam l'enveloppa de ses mains. L'ambiance se modifia, l'air se chargea d'attente et d'exigence. Il se retrouva aimanté par le regard d'Adam, sans aucune chance de pouvoir l'éviter. S'il n'y avait pas d'agressivité, le choix n'était pourtant pas permis. Il reposa sa tasse et lui renvoya son regard, n'ayant jamais eu l'intention de faire de la rétention d'informations il savait pourquoi il était là.
— J'ai parlé à Yanaël.
— Parlé ou échangé des couleurs ?
— Les deux.
— Et ?
— Il avait l'air d'aller pas trop mal et il a accepté de me voir. C'est la première fois en presque deux ans. Nous nous sommes donné rendez-vous ce soir.
— Où ?
Siam ne souhaitait pas le lui dire, c'était un lieu qui leur appartenait, un de ceux qu'ils n'avaient jamais partagé. Il se trouvait à proximité de la propriété, mais suffisamment isolé pour qu'ils le préservent un tant soit peu. De plus, il était convaincu que rencontrer Yanaël seul était la meilleure option.
— Je préférerais ne pas te le dire. Je n'ai pas vu Yanaël depuis longtemps et je pense qu'il est important que je le voie seul.
Dans l'absolu, Adam n'avait rien à redire sur ce point, ce qui n'était pas le cas de son loup. Celui-ci tempêtait, sa colère sous-jacente. Il ne voulait pas que Siam soit celui qui le rencontre, il voulait que ce soit lui, eux. Il se montrait jaloux et possessif. Une première qu'Adam n'était pas sûr de savoir gérer et dont il ne souhaitait pas faire une habitude. Entre eux, ce n'était pas vraiment des dialogues, pas comme pour Sihat et son loup, mais lui faire passer ses ordres et ses intentions n'était pas un problème. Des messages en vagues d'énergies et traduisibles.
ꞋStop ! Tu auras d'autres occasions, celle-ci n'est pas la bonne.Ꞌ
Son loup râla de plus belle, mais son courroux se calma. Il savait qu'Adam avait raison.
— Bien, je ne vais pas interférer. Quelles sont tes intentions ?
— Lui donner ce dont il a besoin et lui parler.
— De quoi a-t-il besoin ?
— Je te l'ai dit hier. D'une présence, de chaleur et de contacts.
Son loup rua contre les limites de son corps et ses yeux flamboyèrent à travers les siens. Siam se recula. Adam ferma les yeux, mobilisa son énergie et imposa sa domination. Il lui fallut plusieurs longues secondes, peut-être quelques minutes, car il était partiellement en accord avec son loup, dans cet espace irrationnel, lié à l'instinct et aux forces du destin.
ꞋNous sommes des loups, nous vivons en meute et nous avons tous besoin de ce dont a besoin Yanaël. Tu ne peux pas le lui refuser, alors même qu'il en a été si longtemps privé.Ꞌ
ꞋMoi, à moi de lui donner.Ꞌ
ꞋPas encore. C'est trop tôt. Ce serait une erreur.Ꞌ
Adam verrouilla ses pensées, exigeant son retrait. Quand il rouvrit les yeux, ils avaient retrouvé leur couleur humaine. Siam poussa un soupir de soulagement. Ces quelques minutes avaient été très oppressantes.
— Que vas-tu lui dire ?
— Que notre Alpha est mort, qu'il y en a un nouveau, que les choses ont changé et qu'il peut revenir.
— Bien. Comment va-t-il réagir à ton avis ?
— Je ne sais pas. Ça va dépendre de sa confiance et elle a été pas mal émoussée.
— Il te fait confiance.
— Oui, mais à personne d'autre. Je ne sais pas si ce sera suffisant.
— Propose-lui de me rencontrer.
— Une suggestion ou un ordre ?
— Les deux.
— Bien je le ferai. Pas le choix.
— Y'a un peu de ça…
Siam ne répondit pas et se leva, prêt à partir. Il y avait dans cet échange quelque chose qu'il ne comprenait pas. Il avait vu Adam batailler et tout autant compris que c'était contre son loup. Il aurait aimé connaître leur point de discordance. Cet homme était un mâle dominant doté d'une grande maîtrise. La vague d'énergie qui lui avait donné envie de fuir n'était pas rien, et pourtant, elle était contrôlée. Il lui manquait une donnée importante pour qu'il puisse s'expliquer ce qui le contrariait.
— Tu passeras me voir dès que tu seras revenu de votre rendez-vous.
Aucun doute, cette fois-ci, c'était bel et bien un ordre.
Siam quitta la maison sans un regard en arrière, conscient de celui qui pesait sur son dos. Une fois dehors, il respira un grand coup. L'air frais lui fit du bien et l'aida à relâcher la pression. Il ne s'était pas senti en danger, ce n'était pas cela, mais le sentiment qu'il aurait pu l'être.
Adam prit le temps de ranger sa cuisine, il avait besoin de calmer ses nerfs. Son loup s'était mis dans un coin, tout en lui faisant ressentir sa désapprobation. Son Alpha l'attendait, il le lui avait fait savoir, et s'impatientait. Le faire mariner plus longtemps n'était pas une bonne stratégie. Dix minutes plus tard, il était dans son bureau.
— J'ai bien aimé quand tu as frappé hier.
— Une habitude à ne pas prendre.
— Sûrement. Du nouveau ?
— Un peu. Siam va rencontrer Yanaël ce soir.
— Tu y vas aussi ?
— Non.
— Pourquoi ?
— Ils ne se sont pas vus depuis longtemps et Siam est la seule personne en qui il a confiance. Y aller avec lui ne serait pas une bonne idée.
— Je pense que tu as raison… Crois-tu qu'il va être disposé à revenir ?
— Franchement ? Non. Ne me demande pas pourquoi, je n'en sais rien. Une sorte d'intuition. Il lui faudra plus que de belles paroles.
— Je veux le rencontrer.
— C'est incontournable.
— Attendons ce soir, avant de décider quoi que ce soit.
— Bien… Des nouvelles de ton père ?
— Quelques-unes. Il a eu plusieurs prises de tête avec différents Alphas, ceux qui ne veulent pas s'intégrer plus que nécessaire aux humains. Il n'aime pas trop ce qui se passe en ce moment et il est inquiet aussi.
— Inquiet ?
— Oui. En trois semaines, deux faits divers ont fait la une de certains journaux locaux en Espagne. Il a un mauvais pressentiment.
— De quel ordre ?
— Deux meurtres, sauvages, qui ont été attribués à des chiens de combat à cause de morsures.
— Merde ! Tu crois que…
— Je ne crois rien. Je n'ai pas lu ces articles, je n'ai vu aucune photo, mais j'ai une confiance absolue en mon père. Il est âgé, très âgé, son expérience est énorme, son pouvoir aussi. On ne devient pas Saĝan sans raison. S'il pense que c'est l'un des nôtres, c'est que ça l'est.
— Il a besoin de moi ?
— Il n'a encore rien décidé, mais tiens-toi prêt. À mon avis, ça ne devrait pas tarder. S'il ne trouve pas le responsable très vite, il va avoir besoin de toi.
— Ça tombe plutôt mal…
— Je sais, mais tu n'as pas le choix.
— Je le sais aussi.
— Désolé.
— Laisse tomber. S'il me l'impose, je ne pourrai pas lui dire non et toi non plus. Autant accepter dès le départ. Je viendrai te voir ce soir, s'il n'est pas trop tard, sinon demain matin. Ça te convient ?
— Oui. Je vais aller à la rencontre de la meute, discuter à droite et à gauche. Il est temps que j'apprenne à mieux connaître notre nouveau clan.
— C'est une bonne idée… Il y a peu de mouvements. C'est tout de même étrange que personne ne vienne te voir. Ta maison est vide.
— Ouais, et ça commence à me gonfler passablement. Mon stock de bière ne diminue pas et je n'ai personne avec qui me marrer ou m'engueuler. C'est d'un ennui mortel.
— À qui le dis-tu ! Chacun vit cloîtré chez lui. Jamais vu ça.
— Tu veux venir avec moi ?
— C'est une idée, je m'ennuie aussi, un peu… Quoique…
— Je sais que dans une certaine mesure ce calme te convient. Le problème, c'est qu'il n'est pas basé sur la confiance. Ils ne viennent pas me voir parce qu'ils ont peur.
— C'est en partie vrai, mais ce n'est pas que cela. Les habitudes ont la vie dure. L'ancien Alpha ne voulait pas d'eux chez lui.
— Eh bien, ça va changer. Je veux pouvoir faire venir Nasthia.
— Allons-y, alors.
Pendant que Sihat et Adam partaient à la rencontre de leurs congénères, Siam se forçait à se rendre à la fac. Il n'en avait aucune envie, vraiment aucune, mais ne pas le faire aurait été un mauvais choix. Il avait dû se battre pour que ses parents acceptent qu'il se mélange autant aux humains et convaincre l'Alpha n'avait pas non plus été une partie de plaisir. Il n'avait pas réussi à se faire d'amis, sans être pour autant exclu. Son aura rendait ses camarades anxieux, quels que soient les efforts que Siam faisait pour la rendre la plus sereine possible. Son loup ne pouvait être ignoré et, aussi calme pouvait-il se montrer, il était là et bien là. Ce n'était pas quelque chose qui lui pesait, sauf que depuis quelque temps, une étudiante lui plaisait. Siam se sentait totalement désarmé. Par quel moyen pouvait-il l'approcher sans qu'elle ne flippe ? Il n'avait aucune obligation de se limiter aux louves, bien au contraire, mais garder le secret était une condition absolue. Il n'existait qu'une seule raison possible de le briser, la rencontre d'une compagne ou de l'âme sœur. Il n'en était pas là, il voulait juste avoir une petite amie et qu'elle n'ait pas peur de lui.
Entre ses cours, sa fébrilité face à sa future rencontre avec Yanaël, et cette fille qu'il ne pouvait s'empêcher de regarder, la journée fila vite, puis lentement, puis vite, et encore lentement. Et enfin, il fut l'heure de quitter la fac et de courir, le cœur gonflé d'impatience.
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