Deuxième partie : Point de vue Gabriel.

CHAPITRE 3: Sauce Chili


Ça n'aurait pas dû se dérouler comme ça. Elle n'était pas censée venir à cette stupide fête et lui offrir un putain de cadeau. Noah aurait dû aussi mieux savoir : elle n'était pas libre.

Enfin, si, officiellement, elle était libre. Mais pas libre libre.

Bon, s'il faut tout étaler de long en large, autant commencer par le début.

Début avril: Première réunion des huit personnes choisis pour le voyage en Allemagne. Ça avait cliqué tout de suite. Enfin, cela dit, pour moi. J'étais peut-être juste un beau-parleur qui avait imaginé que son intérêt pour une jolie fille rendrait le voyage plus intéressant mais c'était tout. Ça devait s'arrêter juste après le voyage. Je ne devais même plus me souvenir de son nom.

Après tout, j'étais Gabriel Morreau. Beau-gosse du lycée, surnommé « Gab », drôle, cool et irrésistible. Ma classe m'admirait, mes amis m'appréciaient et la gente féminine m'adorait.

Et puis voilà que cette fille débarque comme une tornade dans mon existence et commence à me faire douter des mes valeurs.

Le premier jour où nous somme arrivés en Allemagne, j'étais invité avec elle à une fête. On a appris à se connaître et moi j'ai profité de cet instant pour sympathiser avec elle. Nous étions les deux seuls Français. Jusqu'à l'arrivée de Bruno, qui faisait partie du voyage. Bon j'avoue que quand il est arrivé, j'ai un peu lâché Johanna. Et elle n'a pas pris beaucoup de temps à s'en remettre car deux minutes plus tard, elle était déjà en pleine conversation avec un groupe de correspondants italien.

Donc le voyage s'est déroulé de manière totalement banale. On faisait partie d'un grand projet qui rassemblait les élèves de différents lycées de différents pays. J'ai flirté avec les Belges, pris des photos avec les Tchèques et dansé avec les Slovaques. Elle, elle a sympathisé avec des Autrichiennes, partagé des glaces avec un Belge (le seul garçon de son groupe) et fait les magasins avec une Danoise.

On était séparé la plupart du temps. J'avais mon « cercle » elle avait construit le sien. Au bout du compte, on s'est éloignés. J'aurais même dit qu'elle m'a lâché mais je préfère penser que c'était moi qui prenais mes distances. Je n'aime pas croire que c'est elle qui s'est éloignée de moi, ça froisse mon ego. Je suis arrogant, je le sais bien, mais c'est ça que les filles aiment chez moi. (Enfin, la plupart.)

De retour en France, je lui avais reparlé une seule fois. Pour lui dire bonne chance pour son contrôle de Latin. Et puis basta, fini. Je n'en avais plus rien à faire d'elle.

Enfin, c'était ce que je me répétais. Mais c'est alors que je me suis rendu compte que je la suivais inconsciemment et de plus en plus avec mes yeux. Peut-être même que je la cherchais quand la sonnerie annonçait la récré. Je me suis dit que c'était parce que je voulais voir comment elle se portait. Si elle repense de temps en temps à la soirée qu'on a partagé comme je le fais : avec l'envie de retourner en arrière pour la faire durer plus longtemps.

Très vite est arrivée la fête de Noah. Je m'étais comporté comme un idiot en insistant comme un dératé sur la consistance du cadeau qu'elle lui avait offert. Plus elle niait, plus j'étais curieux. Et comme elle refusait de me le dire, j'étais furieux. Le fait qu'elle ait partagé quelque chose avec Noah, même que ce soit un cadeau, et qu'elle ne voulait pas m'en faire part me rendait fou. Donc j'ai réagi comme un gamin de cinq ans : je lui ai fait la gueule.

Puis, quand j'ai réalisé que mon comportement était totalement anormal –je ne fais jamais la gueule à une fille, ma manière de faire c'est de l'oublier et attendre qu'elle revienne s'excuser, ce qui se passe la plupart du temps - j'étais en colère contre moi-même. Ne sachant pas comment m'excuser envers elle, j'ai plutôt opter pour l'option « rester rancunier » ce qui n'a pas marché, à mon plus grand désastre. Moins j'essayais de penser à elle, plus je le faisais.

Et pendant que je faisais ma femmelette blessée dans son amour-propre, Noah en a profité… pour, si on le dit de manière familière, changer son statut amoureux de « Célibataire » à « En couple » avec la fille de laquelle j'étais peut-être un peu amoureux. Cet abruti n'a même pas voulu me dire un seul mot sur le cadeau, comme quoi c'était « intime » et « personnel ».

Tss… Ouais, c'est ça ! « Intime » ! Ça veut dire quoi, qu'entre lui et elle, c'est « intime et personnel » maintenant ? Oui, ils sont en couple, et alors ? Ils ne l'étaient pas quand elle le lui a offert le cadeau.

Il faut que je pense à autre chose pour me calmer, je n'aurais pas envie de m'énerver au milieu d'un cours de SVT sur les conséquences d'une ablation des testicules sinon la prof risquerait de m'en faire « personnellement » la démonstration…


Mon anniversaire arrivait à grands pas. Et les grandes vacances aussi.

Et qui disait « grandes vacances », disait aussi « soleil », « plage » et « voyages » !

« Allez ! Tu ne vas pas me dire que pour tes 17 ans, tu ne vas pas faire la fête ! Ça tombe un week-end en plus. Profites-en !

S'il y avait bien une personne qui voyait une fête à toute occasion, ce serait Noah. D'ailleurs, le voilà déjà en train de me proposer sa liste des invités et le planning de la soirée.

- Mec, je ne sais pas si j'ai vraiment envie de faire une soirée. Je n'ai pas envie que ça dégénère comme la dernière fois. Tu t'en souviens ?

Noah me regarde comme si je venais de lui annoncer que la cocaïne était un médicament –ce qui est vrai, elle a des propriétés médicinales- ou que j'avais été témoin d'une apparition de la Vierge.

- Comment ça t'as pas envie de faire une fête ? Quand Angie a cassé son bras, ce n'était pas de ta faute !

Je compte répliquer que ma mère a failli m'égorger quand elle l'a appris mais mes yeux se posent sur Johanna et ma langue se noue. Je fais comme si je n'avais pas remarqué qu'on a échangé un regard pendant trois bonnes secondes. Elle fait un sourire à Noah et s'assit à côté de lui.

- Jo ! Dis à Gab qu'on a 17 ans qu'une fois dans notre vie ! Il ne veut pas faire de fête ! se révolte Noah.

Je suis tenté de lui répliquer que quel que soit l'âge, on ne l'a aussi qu'une fois dans sa vie mais Johanna me jette un regard et je me tais, attendant son point de vue.

-Je pense que si Gab…-riel (rajoute-t-elle et j'ai honte quand je repense à ce qui la pousse à m'appeler comme ça) ne veut pas faire de fête, c'est de son droit. Après tout, on ne peut pas lui forcer la main », raisonne-t-elle.

Je lui fais un mini sourire et je vois qu'elle est surprise. C'est si surprenant que je lui sois reconnaissant ?

Noah lève les bras en l'air en signe de capitulation. Je soupire de soulagement : pas de fête. C'était mieux ainsi.


« SURPRISEEEEEEEEEEE !

J'avais beaucoup trop sous-estimé la détermination de mon ami.

Avant même que j'aie le temps de dire « ouf », un troupeau de personnes saute sur moi comme si je venais de leur sauver la vie (à vrai dire je ne sais pas combien de temps cela fait qu'ils sont accroupis dans le noir, donc en quelque sorte, mon arrivée signe leur libération).

Je ne vois pas Noah mais quand il me passera sous la main, ça va barder pour lui.

Heureusement, il a au moins eu la décence d'organiser la fête chez lui. Je ne pense pas que ma mère aurait été si indulgente si elle retrouvait ma maison saccagée une deuxième fois…

- Joyeux anniversaire ! me crie Fiona, une fille que je reconnais est partie avec moi en Allemagne.

Tiens, je me rends compte que tout le groupe du voyage a été aussi invité. Sympa.

- Merci.

La fête débute : la musique est à fond et l'ambiance est la même que celle d'une boîte de nuit.

Chacun son tour, les invités me saluent et me souhaitent les meilleurs vœux que je remercie par politesse. Noah est introuvable alors qu'il est censé gérer cette soirée. Du coin de l'œil, je vois Angie et je prie pour qu'elle ne se casse rien –en ce qui concerne son corps, du moins- au terme de cette fête.

- JOYEUX ANNIVERSAIRE ! me crie-t-on soudainement dans l'oreille.

Je me retourne, prêt à envoyer un coup de poing à l'idiot qui a pris mon tympan pour un micro et m'arrête au dernier moment. Noah me fait un sourire de toutes ses dents et sort un chapeau pointu qu'il m'accroche sur la tête.

- Noah… je dis, menaçant, mais il ne m'écoute pas il met son bras autour de mon épaule et me serre amicalement.

- Surprise !

Oui merci, j'avais compris.

- Moi et Jo, on a pensé que même si tu ne voulais pas te faire une fête, on allait t'en faire une quand même. Parce que c'est ton anniversaire et que tu le mérites, mon pote !

Jo. Je n'y crois pas. C'est même elle qui a défendu mon choix. D'ailleurs, où est-elle ?

- Écoute, je sais que tu n'es pas passionné par cette soirée mais je peux t'assurer, tu changeras d'avis quand tu verras ce que je t'ai offert…

Ça, j'en doute fort.

Il s'éclipse avec un verre à la main et je me retrouve avec des personnes avec qui je n'ai aucune motivation de faire la conversation. Alors je réponds avec des « Mm hm. » et des « Ah vraiment ? » polis et saute sur la première occasion pour prendre la tangente.

Finalement, au bout d'une heure, je me cache dans la chambre de Noah, sentant la fatigue me gagner. Il doit être environ onze heures passé à présent. Et toujours aucun signe de Johanna.

Je me reprends : ce n'est pas comme si je la cherchais !

C'est alors que j'entends la porte s'ouvrir et saute dans le placard, pensant que c'était quelqu'un qui avait vu que je m'étais planqué ici.

Je reprends ma respiration quand c'est Johanna qui entre, mais pas parce qu'elle est venue, parce que je ne suis pas découvert.

Ok.., alors peut-être aussi parce qu'elle est venue…

Je sors du placard en la faisant sursauter.

- Mon Dieu, Gabriel ! Mais qu'est-ce que tu fabriques dans ce placard ?! Ah… je sais, tu te venges de la fête surprise ? Excuse-nous mais on pensait que ça allait te plaire, finalement.

Donc elle aussi était dans le coup. Avec Noah.

- Tu viens juste d'arriver ?, je lui demande en remarquant qu'elle a toujours son manteau.

- Dur dur de trouver un gâteau à cette heure du soir… Ça valait la peine d'être en retard, vu son succès.

Je me rapproche d'elle, comme si un fil invisible me tirait en avant. Elle me regarde avec des yeux curieux. Elle enlève son manteau et le dépose sur le lit. Je me renfrogne à l'idée qu'elle restera dans cette chambre cette nuit, avec...

- Qu'est ce que tu fais caché ici ? Tu sais que dans quelques minutes, il sera minuit et que tout le monde te cherches ? C'est la tradition de crier « Joyeux anniversaire » à la dernière minute du jour apparemment, elle dit en soupirant.

- J'ai t'ai déjà dit que je ne voulais pas de fête, je reproche en croisant les bras. Il a quand même fallu que toi et Noah aient le dernier mot, bande de têtus.

Elle soupire de nouveau.

- Ce n'est pas à moi qu'il faut te plaindre. Quand j'ai appris qu'il comptait te faire une fête surprise, la moitié du lycée était déjà au courant. C'est impoli de rejeter les gens alors qu'on vient de les inviter donc je l'ai aidé à organiser pour que la soirée reste sobre… Crois-moi, si je l'avais laissé faire, tu aurais beaucoup plus de catastrophes sur les mains que l'année dernière.

- Les boissons gazeuses à la place d'alcool, c'est toi…, je réalise.

Elle hoche de la tête.

- Et puis Noah voulait te payer une strip-teaseuse. Il a fallu que je lui rappelle que c'est illégal avant la majorité…

Sacré Noah.

Le silence s'installe dans la chambre. Nos yeux se croisent un instant et on détourne rapidement le regard. Puis, nos regards se retrouvent et j'ai l'impression que la température est montée.

- Et mon cadeau ?, je demande sur un ton malicieux.

Elle me regarde avec de gros yeux et je comprends qu'elle a oublié. Une idée me vient à l'esprit.

- Tu peux encore te racheter. Je sais ce que tu peux m'offrir.

J'ai l'impression qu'il y a des engrenages imaginaires qui tournent à mille à l'heure dans mon cerveau. Je sais que ce que je vais faire est dangereux, pour elle comme pour moi. Si j'hésite une seconde de plus, je vais me dégonfler.

Allez, Gab, c'est le moment idéal. Tu n'auras pas une seconde chance alors prend la. Prend. La.

Alors qu'elle me regarde, l'air perdu, je la prends subitement par les hanches, la colle à moi et l'embrasse avant même d'avoir réfléchit une deuxième fois.

Ce qui est incroyable, c'est que seul ce contact me fait ressentir comme si je venais de pousser des ailes. Vous savez quand les gens disent qu'ils ressentent des étincelles dans leur cœur quand ils embrassent la personne qu'elles aiment ? Moi, j'ai plutôt l'impression qu'on fait exploser un pétard dans mon ventre. Littéralement.

- JOYEUX ANNIVERSAAAAAAAAAAAAAAAAAAIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIRE ! crie-t-on à tue-tête au rez-de-chaussée.

Minuit. Je venais officiellement d'avoir 17 ans.

Elle me regarde de ses grands yeux bleus, ne sachant pas quoi dire.

- C'est trop tard pour te souhaiter un joyeux anniversaire ?

Je lui souris. Avait-elle vraiment besoin de demander ?

- Bien sûr que non, dis-je doucement en lui caressant les cheveux. Pourquoi est-ce que je faisais ça ?

- Joyeux anniversaire,Gab

Je ressens un frisson agréable me parcourir et elle met ses bras autour de mon cou et scelle ses lèvres aux miennes pour la deuxième fois.

Puis, comme si elle s'était soudainement brûlée, elle se recule de moi et cherche des mots qui ne lui viennent pas.

- Je ne dirais rien. On peut garder ça entre nous. Il n'a pas besoin de savoir ce que tu m'as offert…vu que moi non plus je ne sais pas ce que tu lui as offert.

Elle semble prête à me dire quelque chose mais se reprend.

- On est quittes.

Et c'est parfait ainsi. Je lui prends par la main pour l'entraîner en bas et j'ignore même que je la tiens encore en arrivant au pied des marches. En voyant Noah arriver, elle la retire subitement et fais genre de contempler un tableau représentant deux oies et un chien avec grand intérêt.

Quand je me retourne vers Noah pour lui sourire, je remarque qu'il nous fixe avec une lueur dans le regard que je n'arrive pas à discerner. Je me dis qu'il sait. Qu'il nous a cramés dès qu'ils nous a vus. Mais au lieu de venir me régler mon compte, il sourit comme si rien n'était et la lueur d'horreur dans ses yeux disparaît.

- Bah alors, vous étiez cachés où ? Tous les deux ?

Je le fixe et comprends qu'il force son sourire. Il a compris. Il a vu. Et maintenant, je ne sais pas ce que j'allais faire ou dire pour essayer de réparer ce qui venait de se briser.

- Je posais mon sac dans ta chambre… Et il se trouve que Gab…-riel y était caché ! Hahaha ! dit Johanna nerveusement. »

Il sourit et, d'un geste fluide, la ramène vers lui et l'embrasse ardemment. Je sais très bien ce que ça signifie. Il marque son territoire et me montre où est ma place.

Je force un sourire, dégoûté, et après m'être excusé, décide de rentrer chez moi. Et surtout, sans faire un regard en arrière.


Ne me tuez pas .! Je suis désolée si après tout ce temps j'ai fini par faire sortir un nouveau chapitre de cette histoire mais l'autre est encore en écriture (ça rame un peu, non, beaucoup) et j'essaye de trouver du temps pour faire avancer petit à petit les deux en même temps...

XOXO,

ChillinSmoothie