Note : Bon, bah ça y est voici le dernier chapitre de Bonnie. Je ferai mon blabla quand je posterai l'épilogue dans quelques minutes.
Bonne lecture !
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10.
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Ce matin, comme celui d'avant et le précédent j'ai traîné les pieds. Comme à mon habitude j'ai parcouru le chemin du parking souterrain jusqu'à la librairie à pieds. Mais ce matin, comme les deux derniers matins, je n'ai pas humé l'odeur du pain frais qui émanait de la boulangerie du coin de la rue. Je n'ai pas regardé les rayons du soleil qui s'étaient à peine levés traverser les arbres qui bordaient l'avenue. Je n'ai même pas pris la peine de saluer le magasinier, alors qu'il ouvrait sa boutique, comme chaque matin au moment où je passais devant. Non, rien de tout ça.
Ces derniers matins avaient de semblable mon comportement des jours suivant ma rupture avec Isa. J'effectuais les gestes machinalement, ceux que l'on m'avait appris, mais seulement lorsqu'ils étaient nécessaires. Le reste du temps j'étais planquée derrière ce comptoir à attendre. Attendre que la douleur passe ou qu'elle m'engloutisse complètement.
L'adage qui assure que les peines passent avec le temps ne me paraissait plus si vrai. Comment le temps, une chose aussi invisible, pouvait-il combattre ce genre de mal ? Cette douleur était physique, morale, psychologique. Elle m'entourait, me suivait à chacun de mes pas tel un tourbillon infernal.
J'avais survécu au meurtre de papa par maman. À sa maladie. Au foyer. J'avais survécu aux gardes à vue. À la taule. À la jalousie. J'avais survécu à ma guérison. Mais je n'avais pas survécu à Adam.
Je m'étais torturée mentalement, blessée physiquement, mais jamais aucune de ces douleurs n'a atteint la souffrance que je ressentais aujourd'hui.
Maman s'était trompée, mon prénom ne me donnait aucune force.
Et même si elle avait existé, cette force m'avait quitté à la lecture de ce ridicule morceau de papier orné d'un « Pardon ». Parce que vous-voyez, ce n'était pas comme ce jour où je suis partie. Ce n'était pas comme ce jour où il a crié tellement fort ces mots si destructeurs que ça a déclenché mon départ. Non, c'était bien plus douloureux. Ça faisait bien plus mal. Parce qu'il m'a trahi. Il a trahi notre amitié, nos promesses. Celles qui disaient : « Je ne te ferai jamais de mal ». Celles qui implicitement disaient : « Je ne jouerai pas avec tes sentiments. Je ne prendrai pas ton cœur pour le piétiner et cracher dessus. »
J'étais déçue, abattue, dévastée, ravagée, mais aucune colère ne m'habitait. Je n'avais plus la force d'en vouloir à qui que ce soit. J'allais assumer cette douleur et je la traînerai à bout de bras tout le reste de ma vie. Comme il avait fait partie de moi depuis le début, la souffrance qu'il venait de me procurer me pourchasserai jusqu'à la fin.
En aimant quelqu'un, on choisit par qui on souffre. Adam m'avait foutu à terre, mais l'amour n'avait pas disparu. Il n'avait même pas diminué.
Quelque soit la douleur j'aimerai Adam jusqu'à la mort.
« Bonnie ? » A tenté de m'interpeller Camille qui était juste à mes côtés.
Je n'ai pas bougé, je n'ai pas tourné la tête pour lui répondre. Non, la seule chose qu'elle a reçu fut un clignement de paupière qui signifiait à peu près : Je t'écoute. Mais ne t'attends pas à ce qu'un mot sorte de ma bouche.
« C'est bizarre. Regarde, dans le fichier des commandes, il y en a une à ton nom ? C'est bien toi ça, non ? Avec ton adresse ? »
J'avais pas envie de bouger ma deuxième paupière. Encore moins de me redresser pour observer par moi-même ce qu'elle venait de découvrir. Mais elle a dit : « Bonnie, tu devrais vraiment voir ça. » Alors j'ai combattu la déconnexion pour faire partie du monde une seconde. Camille était une fille excessive, mais je commençais à la connaître. Lorsqu'elle employait ce ton là, on était en général jamais déçu par ce qui suivait.
J'ai donc puisé dans les quelques forces qui devaient être dans mes réserves pour jeter un œil à l'écran devant moi et voir de plus près ce qu'elle avançait.
Oui, il y avait mon nom. Oui, c'était bien mon adresse sur ce bulletin de commande. Ça m'intriguait, alors j'ai pris la souris en main pour faire apparaître les détails. Sous mes yeux est apparue une liste conséquente de titres de livres, que j'ai lus, consciencieusement, un par un. Puis s'est produit l'inattendu. J'ai senti l'énergie ressurgir dans mon corps. J'ai senti la chaleur, réchauffer mes membres.
Tous ces livres avaient pour thème : les fourmis. Tous sans exception.
« Adam. » J'ai laissé échapper.
Ça ne pouvait être que lui. Des images sont apparues dans mon esprit. Cette souche d'arbre sur laquelle je m'agenouillais pour les observer. Ce livre qu'il m'a tendu. Ce même bouquin qui me fut prêté neuf années plus tard alors que j'allais entrer dans cette voiture. Celle qui m'emmènerait là où on m'enfermerait pendant un an. Celui qui m'a aidé à tenir lorsque j'étais si loin, seule. Cette fourmilière artificielle qui a trôné pendant des années sur notre table basse et que nous observions avec des yeux d'enfant alors que nous avions passé l'âge.
« Bonnie, regarde, il y a un commentaire. »
J'ai dévié mon regard alors que Camille pointait du doigt l'écran.
Te souviens-tu de la première fois où nous nous sommes rencontrés ? C'est ici que tu retrouveras celui qui ne t'a jamais fait de mal. Celui que tu as tant aimé. Je t'attendrai tous les jours à midi. Je t'en prie, laisse-moi une chance de m'expliquer.
C'était bien Adam.
Avec ce type de message et la mise en scène qui avait été organisée autour il s'attendait probablement à ce que j'accoure. Que je le retrouve et que je l'écoute s'expliquer. Mais expliquer quoi ? Qu'il était désolé de m'avoir laissé seule dans ce lit quelques jours plus tôt. Désolé d'avoir piétiné mes sentiments. Désolé parce qu'il allait se marier, que c'était une erreur et que je resterai malheureuse toute ma vie.
Ce qui était sûr c'est que ce message a réveillé une colère qui ne s'était pas manifesté jusqu'ici. Il avait piétiné mon cœur. Qu'il me laisse maintenant vivre avec ce mal. Je suis seule, il m'a trahi. Voici les seuls faits qui comptent. Non ?
« Bonnie tu devrais y aller. Maintenant. Il est bientôt midi »
J'ai tourné la tête vers Camille. Décontenancée. Elle ne semblait pas d'accord avec mon soudain excès de colère.
Et croyez-moi, lorsque vous êtes aussi bas que terre vous savez que ce que disent les autres a plus de pouvoir que ce que vous pensez. Ça doit être un instinct de survie ou quelque chose dans ce genre.
« Vas-y. Arrête de réfléchir. Cours ! Je tiendrais la boutique. Tu es amoureuse de lui. Ton esprit mouline j'en suis sûre, mais je suis aussi persuadée qu'il faut que tu écoutes ce qu'il a à te dire. »
Alors j'ai arrêté de réfléchir. J'ai embrassé furtivement Camille sur la joue pour la remercier. Et je suis partie. Je suis partie à une vitesse folle. Elle avait raison. Tout ça, ça ne pouvait pas se finir ainsi. Je devais entendre ce qu'il avait à dire. J'en avais besoin.
Les clés de ma voiture n'ont jamais été aussi compliquées à trouver. J'avais peu de temps. Il ne fallait pas que je le rate. J'ai roulé comme une dingue dans le centre ville. Honnêtement j'ai failli mourir et tuer deux fois. Mon esprit n'était absolument pas clair.
En garant ma voiture dans le parking du parc le cadran du tableau de bord affichait : 11:57. Il fallait encore que je le traverse. Que je passe l'air de jeu pour atteindre l'orée du bois. Je n'avais plus une seconde à perdre car courir n'allait pas être aisé, je n'avais pas mangé correctement depuis quelques jours et ma recherche de sommeil sur mon canapé avait été conclu par de violentes courbatures.
Néanmoins j'ai couru aussi vite que je le pouvais. Et je suis arrivée à temps.
Adam était là.
Il était là, assis sur cette souche d'arbre. Il était là où je me trouvais la toute première fois. Les derniers mètres se sont fait au pas et il en a profité pour se relever et me faire face.
« Tu es venue. »
J'étais partagée. Par ceci j'entends que deux sentiments m'habitaient. La colère et l'amour. J'avais autant envie de le frapper au visage de toutes mes forces, que de l'embrasser comme si ma vie en dépendait. Le voir me bouleversait.
J'étais partagée, mais je n'ai rien fait. Je n'ai pas bougé, je suis restée là, les bras ballants, muette.
« Merci d'être venue Bonnie. »
- Tu as dis que tu avais des choses à me dire.
- Oui.
- Alors je t'écoute. »
Qu'il dise ce qu'il avait à dire. J'étais prête. Ça ne pourrait de toute façon jamais être pire que ce que je ressentais depuis quelques jours.
Alors il a commencé.
« J'ai paniqué. Christie m'a envoyé un message. Je suis parti, parce qu'honnêtement j'étais complètement perdu. Ce mot ridicule j'en suis désolé. Je te dois beaucoup plus. C'est pour ça que je suis là aujourd'hui. Il a déblatéré très vite.
- Alors tu es là pour t'excuser ?
- Oui. Il le faut. Je t'ai fait du mal.
- C'est bon c'est pas la peine tu ferais mieux de te tirer. D'aller l'épouser et de ne plus jamais revenir. »
Comment j'avais pu être aussi idiote ? Ce n'est pas que je ne voulais pas accepter ses excuses. J'ai toujours pensé qu'une excuse c'est mieux que rien. Mais là on parlait d'Adam. On parlait d'Adam et de mon cœur. Après tout ce que l'on avait vécu ensemble, des excuses ça ne suffisait pas.
Je ne voulais pas en entendre plus. Je ne savais même pas ce que j'attendais en venant. À vrai dire je n'avais pas eu le temps d'y réfléchir, tout ça avait été bien trop soudain. Mais je savais que l'on méritait bien mieux qu'une excuse. Quoi que ça puisse être, une excuse de ce type ce n'était pas suffisant. J'aurai préféré ne plus jamais recevoir un signe de lui et tenter de survivre avec un cœur blessé, mais en étant sûre que l'on y touchera plus jamais.
Alors j'ai tourné les talons et j'ai amorcé mon départ. Je n'avais rien à entendre de plus. C'était déjà bien assez dur comme ça.
« Bonnie la seule chose pour laquelle je dois m'excuser c'est de t'avoir laissé seule dans ce lit il y a trois jours.
- Ah, tu crois que c'est tout ? Que c'est la seule chose ? » J'ai demandé, indignée, en stoppant ma marche pour lui refaire face.
Comment pouvait-il oublier que c'était mon amour qu'il avait écrasé. Que c'était mon cœur qui avait souffert. Il ne m'avait pas juste laissé seule dans un lit. Ça allait bien plus loin que ça. Il n'avait pas le droit de me traiter comme une fille qu'il aurait baisé un soir et laissé seule le lendemain.
« Tu penses que je devrais m'excuser d'être retourné voir Christie pour lui dire que j'annulais ce mariage ? Lui dire que je la quittais pour tenter de vivre la vie que j'aurais toujours du avoir. Avec toi.
- Je dis que … . Quoi ? »
Avais-je bien entendu ?
« J'ai quitté Christie il y a deux jours. »
J'étais sans voix. De quoi me parlait-il ? Je ne comprenais absolument rien. Il s'excusait. Puis ne s'excusait plus. Il avait quitté Christie, alors qu'ils devaient se marier. Cette même Christie qui était folle amoureuse de lui, qui aurait tout fait pour le garder à ses côtés.
« Mais pourquoi ?
- Bonnie. Je suis amoureux de toi.»
Son ton était calme et son regard attaché au mien. Il venait d'énoncer ce que j'avais toujours voulu entendre et je restai muette. Mon esprit fatigué ne parvenait pas à remettre les choses à leur place.
« Peut-être que maintenant tu me détestes. Peut-être que finalement toute notre vie n'aura été que des instants manqués. Mais j'ai décidé de prendre le risque. Je viens de tout quitter pour être avec toi. Même si, maintenant trop de mal a été fait et que tu ne veux plus de moi. » Il a ajouté, les yeux baissé et d'un ton bien moins assuré.
Alors c'était le moment. Ce que j'avais toujours souhaité était en train de se réaliser.
« Je regrette que ça ce soit passé comme ça. Je regrette tellement. J'suis un garçon bête, idiot et peureux. J'ai paniqué. Complètement. Mais aujourd'hui je veux tout réparer. Je veux te rendre heureuse.
- Vraiment ?
- Oui, vraiment.
- Tu m'aimes ?
- Je t'ai toujours aimé Bonnie. On s'est toujours aimé. Depuis qu'on était que des gamins. Mais aujourd'hui c'est bien plus que ça. Je ne sais pas comment ça fonctionne, je ne sais pas pourquoi il a fallu que ça prenne autant de temps. J'en sais rien. Je crois qu'il a fallu que nous soyons séparés pour que je comprenne que tu étais la seule personne qui comptait dans ma vie. Quand on s'est revu il y a quelques semaines, ça a été tellement puissant. Tu m'avais tant manqué. Au départ je pensais simplement que c'était le manque, puis tu m'as expliqué comment tu avais compris que tu étais amoureuse de moi et ça m'a terriblement remué. Je ressens la même chose Bonnie. Je te veux pour la vie. Je te veux à mes côtés à chaque secondes. »
Ce fut comme si mon corps se délestait d'un poids qui l'oppressait depuis quelques jours. Une sorte de délivrance incroyablement douce, accompagnée de larmes de bonheur.
Puis ça a été lent. Très lent. Adam a franchi les quelques mètres qui nous séparaient. Puis sa main s'est élevée pour arriver à la hauteur de ma joue afin de glisser ses doigts dans mes cheveux, là juste derrière mon oreille. C'était doux, c'était bon.
Il ne me restait plus qu'à poser une question pour clore cette vie et en démarrer une nouvelle.
« Alors c'est notre moment ?
- C'est plus que ça. C'est le début de notre vie. Mais cette fois-ci l'évidence on la vivra plutôt que de passer à côté. Si tu veux d'un garçon idiot et amoureux, je suis ton homme. Est-ce que je peux espérer avoir ton pardon, ton amour ?
- Adam. J'ai attendu ça toute ma vie. Il n'y a plus une minute à perdre. »
L'air frais du printemps. L'odeur des arbres. L'oxygène qui remplissait mes poumons. Tout revenait. Je respirais. Et ce baiser qui m'a ramené à la vie. Ce baiser si doux qui a scellé cet amour que j'avais tant attendu, que j'avais fini par ne plus espérer.
Ici, dans ce parc où tout avait commencé j'ai donné mon cœur à Adam. Je lui ai donné et en retour j'ai reçu le sien.
Adam et Bonnie, c'était une évidence.
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FIN
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Alors ? :)