Bonjour,

Noël est la période des cadeaux : Cette nouvelle a été écrite pour mon amie Jeannine, dans le seul but de lui faire plaisir. Au cours d'une de nos nombreuses discussions, elle m'a fait part de son envie de lire une histoire avec un fantôme. Sans rien lui promettre (je ne suis pas très copine avec ces êtres transparents) je lui ai demandé de me dire ce qu'elle souhaiterait : un fantôme, un amoureux qui serait le seul à pouvoir l'entendre, le voir et le toucher, de l'humour, de l'amour, et encore de l'amour. Pas de clash, pas de dispute, pas de situation pouvant faire éclater cette bulle de romance romantique.

J'ai essayé et L'esprit fantôme est né.

Avec son accord, je suis heureuse de la partager avec vous.

Bonne lecture,

Natalou

A vecémoticôn


Prologue

Hébété, Clément regardait le corps étendu à ses pieds et, l'esprit confus, tentait vainement de remettre en place les pièces du puzzle. Il leva la tête, regarda autour de lui et s'inquiéta davantage. La rue était sombre, bien plus qu'à son arrivée. Les lampadaires de la ville crachaient leur lumière jaune sur l'asphalte et des insectes s'ébattaient dans ce voile peu rassurant. Des pas résonnèrent dans le silence et des cris lui assourdirent les oreilles. Son cerveau carbura à plein régime.

Quelques minutes plus tôt, à ce qu'il lui semblait, il se trouvait devant un distributeur automatique de billets, en prévision de sa soirée avec Maxence. Il avait reçu un choc violent à la tête… Il était tombé… La douleur l'avait vrillé de la tête aux pieds, puis… plus rien… jusqu'à ce qu'il se retrouve debout à contempler… son corps immobile.

— Une ambulance, appelez une ambulance !

— Non, les pompiers, il faut appeler les pompiers !

— Et les flics, les flics aussi !

Clément se pencha et voulut toucher cette monstruosité qu'il reconnaissait comme sienne, mais qu'il ne réussissait pas à interpréter. Sa main passa au travers du bras, il hurla. Il se redressa et se retourna vivement, personne ne sembla réagir à sa présence, ni à son cri.

« Faites quelque chose ! Aidez-moi ! Je suis là, il faut m'aider. »

On ne l'écouta pas, on ne le voyait pas, ne l'entendait pas. Il vociféra aussi fort qu'il le put et tenta de saisir une épaule, une main, ou d'effleurer un visage. À chaque fois, le constat était le même : ses doigts ne faisaient que traverser ce qu'il voulait attraper. Il n'existait pas ou plus. C'était inconcevable.

Il entendit et vit arriver les pompiers, puis la police. Il les écouta annoncer, sans émotion particulière, qu'il était mort, une mort due à un choc à la tête. Il ne pouvait pas y croire, il n'arrivait pas à y croire.

On enferma son corps dans un sac mortuaire et il fut porté dans le camion des pompiers. Clément les suivit, s'installa dans un coin et attendit. Il resta collé près de ce corps qu'il savait être le sien, ne lâchant pas du regard ce sac qui lui donnait envie de pleurer. Il ne le quitta pas et resta trois jours à la morgue. Ses parents passèrent l'identifier et, malgré tous les ressentiments qu'il pouvait avoir à leur encontre, il ne douta pas de la sincérité de leur peine. Elle rejaillit sur lui, il ne put s'empêcher de pleurer et de sangloter.

Clément quitta ce lieu dans le corbillard, se retrouva à l'église, puis au cimetière où il vit défiler un tas de monde. Il ne savait pas qu'il avait un si grand nombre d'amis, ni que ses parents et sa famille fréquentaient autant de gens. Il s'attarda sur les plus proches, le cœur en miettes, même s'il n'était plus sûr d'en posséder encore un. Ses larmes dégoulinèrent de nouveau. Clément n'avait que vingt-huit ans et toute la vie devant lui. Il avait un travail intéressant, dont il n'avait pas fait le tour, et il n'avait pas eu le temps de tomber amoureux. Non, c'était faux. Ce qu'il n'avait pas eu le temps de vivre, c'était son grand amour. Son regard se focalisa sur son meilleur ami, celui qu'il connaissait depuis dix ans et avec qui il partageait un appartement depuis sa troisième année d'études. Sa douleur le bouleversa : ses yeux cernés et rouges, ses difficultés à se tenir droit et sa manière de s'enlacer de ses bras comme s'il avait peur de se disloquer.

Adossé à un arbre, caché malgré la stupidité de cette précaution, Clément voulut donner un coup de poing rageur dans le tronc et… passa au travers, comme avec tout ce qu'il voulait toucher. Le désespoir le transperça, il ne savait pas vers qui ou quoi se tourner et ne comprenait pas ce qu'il faisait là. Il n'avait rencontré aucun autre… fantôme, ce qui signifiait que ce n'était pas une norme, qu'il était un cas à part, une anomalie, une exception.

Clément n'avait pas envie de quitter ce monde, son monde. Ce qu'il voyait lorsqu'il regardait au loin, c'était une errance, une errance horrible, sans attache et sans personne avec qui discuter, partager, rire ou pleurer, ou faire l'amour. Son regard retrouva le corps ployé de Maxence, sa souffrance et ses larmes. Il ne le quitta plus des yeux jusqu'à ce que le cimetière se vide, que la nuit tombe et que l'horreur des lieux le fasse trembler d'une peur inexplicable et incontrôlable. Il partit en courant, se demandant pourquoi il ne volait pas ou ne se retrouvait pas par une simple pensée là où il le voulait. Apparemment, il était toujours le même, sauf qu'il était invisible, totalement, qu'il n'avait ni faim ni soif, qu'il n'avait pas nécessité d'aller aux toilettes ni de se laver, pas même de dormir. C'était un enfer, il vivait un enfer.

Le regard absent, il quitta cet endroit morbide et laissa ses pas faire le reste. Sans surprise, il se retrouva aux pieds de son immeuble, puis devant sa porte et, enfin, dans sa chambre où rien n'avait bougé. Il se coucha sur son lit, étonné de ne pas passer au travers : il y penserait plus tard. Dans l'immédiat, il voulait juste faire le vide, le vide complet, dans cette tête qui possédait encore un cerveau. Il se calfeutra en dedans de lui-même, n'entendit pas Maxence rentrer, pas plus que le bruit de sa porte qui s'ouvrait. Il ne vit pas non plus le visage ruisselant de son ami alors qu'il contemplait la pièce, le regard déchiré par le chagrin.

Clément était mort, mais toujours là, et il était incapable d'en saisir le sens. La vie avait quitté son corps et, pourtant, il la sentait toujours fourmiller. Il devait résoudre cette énigme et le plus vite possible. Il ne pourrait pas rester dans cet entre-deux sans devenir dingue : à quoi pouvait bien ressembler un fantôme fou ?

A SUIVRE...