Bonjour,
Voici une nouvelle histoire qui, je l'espère, va vous plaire. On y retrouve des personnages du « tournis des cadences » et « le tournis des serres » mais elle peut être lue sans soucis séparément des autres histoires. Vous y découvrirez la vie d'Aquing, jeune libraire et prostitué.
Je rappelle qu'il s'agit d'un yaoi, rating M. Beaucoup de scènes de sexe entre hommes, quelques-unes de violence.
Résumé : Aquing, 19 ans, navigue entre sa vie de libraire dans la boutique de ses grands-parents à Camden Town et ses ambitions de luxe dans le monde de la prostitution. Le jeune homme aux yeux de chat traînera bien des joies et désillusions pour se retrouver. Yaoi
At the Unicorn
Comme souvent –comme chaque soir diraient certains- je me retrouve pousser au Unicorn, boîte gay de la capitale bien connue pour ne pas être très regardante sur la drogue et les billets circulant de mains en mains.
Il est à peine minuit et la boîte est pratiquement vide. J'en profite pour m'asseoir sur un des fauteuils rouges clinquants, sachant que d'ici une heure ou deux il n'y aura plus moyen de poser mon derrière sur quoi que ce soit, à part sur une queue, et observe avec attention la clientèle du jour. Ouais, pas grand-chose à se mettre sous la dent, que des mecs mal fringués, la petite vingtaine, sûrement arrivés par le métro (comme moi) et donc sans sou (comme moi…). David, un serveur hyper efféminé que je connais bien, vient m'accoster.
« - Salut, ça va ? Je te sers quelque chose mon petit Azou ? »
Je le fixe d'un air las, presque ennuyé et lui rends son salut.
« - Je te ramène un verre d'eau, chéri. »
Vu le prix des consos au Unicorn et la semaine n'ayant pas été fameuse, je ne peux vraiment pas me permettre d'aligner les verres à mes frais ce soir. En plus la vendeuse m'a dit qu'elle ne pourrait pas laisser plus longtemps la veste de côté au magasin, alors pas question de dépenser du fric pour rien ! Putain, on ne sacrifie pas une veste Hyalouchi pour un foutu cocktail coupé à moitié d'eau et de jus d'orange bon marché.
Alors que je scrute de nouveau la salle, sirotant mon verre d'eau comme si il s'agissait d'un délicieux nectar, je remarque trois jeunes à quelques mètres qui me regardent : deux filles et un mec au milieu. Les filles caquettent pendant que le garçon rougit gêné. Plutôt mignon. Il doit avoir mon âge, dix-huit ou dix-neuf ans, avec une coiffure sage du gentil premier de la classe mais un beau visage. Les filles, je ne les regarde pas. Je parie qu'elles l'ont forcé à venir le pauvre, lui trop timide pour se ramener dans une boîte gay et qu'elles ne sont même pas lesbiennes mais plutôt voyeuses.
Enfin bon, je ne suis pas là pour me trouver un copain, surtout ce genre de mec pas le style à fréquenter une pute, mais pour me payer ma superbe veste. Non mais c'est vrai quoi, il fait foutrement froid dehors, tu parles d'un printemps. J'en ai besoin de cette veste…
Je vide d'un trait mon verre… d'eau… Et m'amuse à regarder les premiers intrépides sur la piste de danse, deux couples passablement ridicules, en me disant que décidément la musique de ce soir est vraiment merdique.
Une bonne heure passe ainsi. David me ramène un autre verre d'eau avec un air désolé de ne pas pouvoir m'offrir mieux. Je ne lui en veux pas. Moi non plus je n'offre pas des bouquins à mes clients préférés à la librairie où je bosse la journée. Normal, ça serait à moi de rembourser mon patron (même si celui-ci s'avère être mon grand-père…).Les gens se toisent, pas mal dansent maintenant, et moi-même hésite à y aller, la musique s'étant nettement améliorée. J'aimerais quand même bien me trouver un micheton avant, histoire de ne pas avoir l'impression de perdre mon temps à ne rien foutre. Seulement les mecs présents sont trop jeunes, trop pauvres et pas encore assez désespérés ou alcoolisés pour se payer mes services.
J'observe, amusé, le petit premier en train de danser avec les deux filles. Il les fait tournicoter l'une après l'autre. La fille à son bras se met à me regarder et fait signe à son ami. Je me retourne d'un coup, un peu honteux de m'être fait remarquer. Je fais signe à David quand le premier vient s'asseoir à côté de moi. Et merde.
« - Je vous sers quelque chose ? nous demande David, à tous les deux. Ouais, merci bien David, mets-moi bien la honte devant le gosse, je la retiens.
- Euh, une vodka orange s'il vous plaît, demande l'autre.
- Comme d'habitude ? demande mon serveur détesté en appuyant bien son regard.
- Une despé. »
Despé comme désespérément cher pour vingt-cinq malheureux centilitres de bonheur liquide. Je fais ma tête du gars qui n'en a rien à foutre et qui d'ailleurs ne voit pas du tout qu'un mec s'est assis à côté de lui. Tranquille, calme.
Lui n'est pas calme, il respire vite, regarde autour de lui, gêné, interroge du regard ses copines qui gloussent (quand je vois ça je me dis quel bonheur d'être gay, les filles parfois sont vraiment trop connes). Je me dis qu'il est tellement timide qu'il ne va même pas réussir à me dire bonjour et va bientôt se casser.
Perdu.
« - Heu… Salut. »
Oui c'est ça, parle à mon ombre.
« - Euh… Tu viens souvent ici ? me demande-t-il un peu plus fort. »
Je souffle. Bon j'ai deux choix: faire semblant de ne pas l'avoir entendu ou lui parler. Bon allez, fais pas ta méchante pute Aquing, ce n'est pas la faute de ce garçon si t'es de mauvais poil, et puis il est encore tôt, tu vas bien le trouver ton parfait pigeon.
« - Assez souvent. Et toi ? »
Il me sourit.
« - Non, c'est ma première fois. »
Tu m'en diras tant… Je parierai même qu'il est vierge. Quoiqu'il a du cran, je ne devrais peut-être pas faire ce pari.
« - Tu ne danses pas ?
- J'attends mon tour. »
Devant son regard interrogateur, j'ajoute:
« - J'attends qu'une chanson me plaise.
- Ok. »
David nous sert avec un clin d'œil amusé.
« - Merci, chéri, dis-je en payant mon verre, il me rend un peu plus que nécessaire. Je m'avoue surpris, je le remercie d'un grand sourire.
- Euh… Tu t'appelles comment ?
- Azou et toi ?
- Azou ? Ça vient d'où ? Moi c'est James. »
Je manque de rire et réponds:
« - Azou, du conte pour enfant, le chat qui visite la ville. Il parait que j'ai des yeux de chat. »
C'est l'un de mes premiers clients qui m'a appelé comme ça et j'ai bien aimé. Depuis tout gosse, on dit que j'ai des yeux bizarres. En fait ils sont un peu bridés mais pas beaucoup et j'ai une couleur d'yeux un peu étrange, noire mais qui tire vers l'orange selon la lumière de la pièce. En tout cas, parfois, on trouve que j'ai un regard de félin. Je ne manque pas de le surprendre le premier de classe.
Il a un nom de petit fils de riche mais pas vraiment la carrure et puis je l'imagine pas payer pour du sexe.
Il cherche ses mots.
« - Et t'es du coin ?
- Écoutes James t'es plutôt mignon et t'as l'air sympa mais tu te trompes de mec, je te conseille de retourner avec tes amies et de viser un autre gars. »
Il prend un regard de chien battu. Désolé petit, (oui je sais il a mon âge et est plus grand que moi mais il fait vraiment petit gars d'école), t'as mal choisi et je n'ai pas envie de te faire croire le contraire.
« - On pourrait juste danser, juste une danse. »
Mais c'est qu'il insiste.
Je le regarde droit dans les yeux et lui lance:
« - Tu vois comment je suis habillé. Un pantalon étroit à mes fesses histoire de ressortir mon joli petit cul, mais assez ample pour pouvoir le descendre et remettre rapidement, un haut moulant assez flashy pour qu'on voit mon corps mais pas suffisamment pour ne pas briller dans la nuit et faire peur au client plus âgé. Je suis un prostitué, je vends mon corps et ne suis pas là pour faire la parlotte sans rien en échange. Alors James, je te le répète, t'es plutôt mignon et t'as l'air d'un gentil garçon mais à moins que t'aies une large liasse de billet caché dans ton caleçon t'es pas mon genre. »
Je l'ai cloué le blondinet. Il a rougi, blêmi, de nouveau rougi. Pas mal.
« - Et t'es à combien ? »
J'éclate de rire. Mon petit chien veut jouer les bad guys, non mais on aura tout vu.
« - Comme t'es pas mal, je te fais la pipe à cinquante, et la passe à cent, dans les toilettes.
- Putain ! T'es sérieux ? C'est… Pas croyable. Le premier mec à qui j'ose parler pour le draguer est un prostitué, je…
- T'en fais pas, je le rassure. T'es pas le premier mec à me parler sans s'en douter, mais comme je traîne assez souvent ici les habitués savent bien à quoi s'en tenir.
- Je me sens vraiment bête.
- Moi je suis plutôt flatté, je n'ai pas envie qu'on me prenne pour une pute au premier coup d'œil.
- Mais tu fais ça depuis longtemps ?
- Depuis quelques mois.
- Pourquoi ? »
Je t'en pose de ces questions ? Va voir ailleurs si j'y suis. Je lui signifie que ce n'est pas ses affaires. Il rougit de la tête au pied cette fois-ci, un peu plus et il prendra la couleur des fauteuils. D'ailleurs il n'en reste plus un seul et la boîte commence à bien se remplir. Il ne s'en va toujours pas, je décide de rigoler un peu.
Les yeux à terre, je dis à voix basse:
« - En fait, mon père m'a foutu dehors quand il a appris que j'étais gay. Je me suis dit que je m'en sortirai tout seul en trouvant un boulot à Londres mais le loyer est tellement cher, sans parler de la drogue, alors je vends mon corps…
- …
- Putain, je te ferai gober n'importe quoi ! j'explose de rire. Je te jure, tu devrais voir ta tête ! Ça vaut de l'or ! Je déconne va ! Je vis chez mes parents qui m'adorent, je ne me drogue pas et je me prostitue car je suis un horrible connard qui adore le fric, les beaux vêtements et le sexe !
- Pourquoi tu dis des trucs pareils ?!
- Pour te punir. Est-ce que moi je t'en pose des questions ? De toute façon je te connais déjà par cœur, il suffit de te regarder. T'es sûrement de Londres ouest ou de la province, petit étudiant dans une fac ennuyeuse genre histoire ou littérature, d'un petit lycée de petits bourges moyennement friqués bien coincés qui fait que t'as jamais vraiment assumé ton homosexualité avant d'arriver à la fac, poussé par tes amies à sortir pour une fois avant ton couvre-feu personnel pour finalement te rendre compte que le terrain de chasse est immense. Et pas de chance tu tombes sur moi. Pas vraiment le prototype du copain idéal.
- Newcastle et fac de physiques-chimie, répond-il amèrement. »
Je regarde ma montre : deux heure treize. La musique bat son plein, beaucoup de gens sont arrivés, de tous les styles, quelques-uns plus âgés et plus friqués. Je lui souris:
« - Tu veux une danse ? »
Toujours le même regard de chien étonné. Bien ma veine.
« - Juste une, après je pars en chasse, je précise.
- Oui, je veux bien. dit-il de toute évidence ravi. »
On se faufile au milieu de la piste, on danse. Il ne danse pas trop mal pour quelqu'un qui va rarement en boîte. Moi je m'amuse, je l'allume sur une musique pop à la mode, je me colle à lui, ma main rapproche ses hanches des miennes. J'avoue, il me fait craquer. Ses copines dansent pas loin en nous reluquant comme c'est pas permis, quelles vicieuses. À présent, dos à lui, il colle mes fesses contre ses hanches, se frotte contre moi, je manque de gémir tellement c'est bon et recule ma tête pour lui embrasser le cou. On est loin d'être les seuls dans cet état, la danse échauffe la piste et certains mecs sont torses nus, l'un en face de moi a carrément sa main dans le pantalon de l'autre et le masturbe allègrement alors qu'ils dansent au milieu de tout le monde. Un vigile va bientôt lui dire que pour ce genre de trucs on se fait plus discret.
Une nouvelle danse. Le premier de classe hésite, je lui ai dit juste une mais je suis d'humeur généreuse et puis ça chauffe aussi mes futurs clients après tout, alors je continue à danser avec lui, plus doucement. Il ne s'agit pas non plus de trop lui faire miroiter ce qu'il n'aura pas.
À la fin de la danse, je décide qu'on arrête. Il est déçu mais me dit merci et me fait la bise. Un brave gars quoi, comme je l'ai déjà dit pas le genre mec à pute, inutile de chercher plus loin.
Je continue à danser seul, observe autour de moi, me laisse chauffer par quelques gars à la recherche de la bonne cible. J'en trouve un, une danse mais mauvaise pioche, il me dit qu'il sait que je me vends et qu'il n'est pas intéressé. Bon au moins c'est du temps de gagné. Puis je repère le pigeon idéal. Il est là, assis sur un fauteuil rouge (comment a-t-il réussi à en dégoter un ?) en train de boire un mojito, la bonne trentaine dépassé, vêtements de bonne marque et pas beau. La tête du gars éternel célibataire, qui passe son temps à bosser, histoire d'oublier qu'il n'a pas de vie à côté.
Je passe à l'attaque et vu l'heure, je ne suis pas d'humeur à faire dans la finesse. Ma veste est en train de prendre le large bon sang. À présent torse nu, je me plante devant lui et de ma voix la plus vendeuse je demande :
« - Je peux en boire une goutte, je suis assoiffé. »
Bingo. Il me dévore comme si j'étais la huitième merveille du monde et comble du bonheur il me tend son verre en me disant un « je ne peux rien refuser à un si beau jeune homme ». Ah la la, si c'était toujours aussi facile... Je m'assois sur ses genoux j'avais bien dit qu'à partir d'une certaine heure le seul endroit où pourrait se poser mon derrière ce serait sur une queue, et bois une bonne gorgée de la délicieuse boisson. Grand sourire vendeur en lui rendant son verre. Tout sourire lui aussi, il le récupère, pose ses mains contre mes hanches et me rapproche de son entrejambe. Parfait.
« - Je m'appelle Marc. »
Oui c'est ça, comme tu veux.
« - Azou. Je suis enchanté.
- Tu viens souvent sur les genoux d'inconnus, Azou ? »
Je lui dis à l'oreille:
« - Juste quand j'ai envie de me faire démonter comme une grosse salope. »
Ça n'a pas manqué, je sens son sexe durcir d'un coup contre mes fesses et le rose monté à son cou.
« - T'es cash ! dit-il à peine surpris de mon ton cru.
- Oui c'est le mot. Tu viens danser ?
- Je n'aime pas trop danser. »
… Quel chieur. Bon, comme on semble si bien parti, autant lui proposer direct. J'hésite quand même, il pourrait être un flic. Je m'allonge limite contre lui et je danse contre son corps, il adore. Il passe ses doigts sur mon ventre, commence à titiller mes tétons. Je trouve ça hyper bon et moi-même je durcis comme un malade. Je fais un petit signe à David qui rapplique. Mon petit serveur chéri.
« - Je vous sers quelque chose ?
- Tu m'offres un verre ? je minaude à mon futur micheton tout en lui mordillant l'oreille.
- Mmmh… Je sais pas trop. »
Connard. Je me dégage de lui, il m'attrape le bras:
« - Eh, pas si vite, tu veux quoi ? »
Deux minutes plus tard, David nous ramène deux mojitos. Ça c'est un truc qu'une autre pute m'a appris : dès qu'un mec te paie un verre en se doutant bien que t'es une pute, il se dit qu'il a déjà payé un peu pour toi alors ce n'est pas pour s'arrêter maintenant. Il y a moins de chance qu'il change d'avis en cours de route en se disant que finalement ça fait cher la baise. C'est un peu comme un acompte.
Je bois vite, lui dis des trucs salaces, le chauffe à mort. Il pose sa main sur ma bosse et je lui la retire direct. Ne pas trop en donner. D'ailleurs je m'éloigne un peu, me fais plus distant. Il le sent et ça l'agace. Alors je lui dis que je vais aux toilettes et devant son regard quémandeur j'ajoute:
« - Tu m'accompagnes ? »
Bien. Dans les toilettes, le mec hésite un peu, il marchande le prix. Sale con. Je prends mon air détaché genre j'en ai rien à foutre de ta gueule, si t'as pas les moyens va te branler tout seul. Puis je lâche un peu car je vois bien que c'est son petit jeu masturbatoire, il ne lâchera pas et je n'ai pas que ça à foutre.
Note à dire à David : les toilettes sont vraiment de plus en plus crades. Y a même une seringue pas loin à terre, dégueu. Comme promis, le mec me démonte comme une salope, il y va hyper fort en me préparant à peine. Au début ça me fait assez mal, je ne suis pas si habitué que ça à me prostituer malgré ce que je veux bien en dire, mais après ça passe et ça devient même agréable. Je n'ai pas menti, j'adore le sexe. Certes, le gars n'est pas mignon, mais rien que de sentir son corps m'écraser contre la porte, ses mains, sa bouche sur mon cou, ses coups de rein, je chavire. Je bande à mort et jouis même avant lui, ce qui le surprend mais l'excite encore plus et il jouit lui aussi très vite.
On se rhabille doucement, encore sous le coup de l'orgasme, puis il me tend les billets, aaaah eeenfiiin, en plus y en a assez pour me payer ma veste, c'est trop cool ! Je les range avec soin, lui lance le dernier regard vendeur et me casse sans demander mon reste. Je ne me souviens même plus de son prénom.
Je suis à présent sur un petit nuage. Quand je pense à tous les mecs qui baisent chaque nuit dans ces mêmes toilettes pour rien ! Non mais sérieux, des mecs même pas mignons en plus en général, juste histoire de tirer son coup, de se dire qu'on n'est pas sorti pour rien et calmer la solitude. Je ne suis pas mieux qu'eux mais au moins ça me rapporte.
Et alors là, rien n'aurait pu me faire plus plaisir. Il est trois heure trente et qui je vois débarquer: les VIYR ! À comprendre par-là les Very Important Young and Rich c'est-à-dire les fils de riche ultra riches qui dansent dans le carré VIP juste en haut. Ces gars-là ne jettent même pas un coup d'œil à la populace d'en bas mais j'en ai accroché un y a pas longtemps et avec un peu de chance il fait partie du lot de ce soir. Je vais voir David, oui toujours lui, je n'aime pas trop les deux autres serveurs de ce soir qui me traitent comme une pute (oui…). Bref, je lui demande s'il peut monter en haut et voir s'il y a Miguel. Il refuse catégoriquement. Déjà il n'a pas le droit de monter en haut, ils ont leurs propres serveurs et en plus demander un mec pour un prostitué non, c'est un coup à être viré et en plus grillé de toutes les boîtes.
Pfff. J'ai beau lui faire mon regard le plus craquant, lui promettre monts et merveilles, il me plante. Il n'est pas prêt de me voir boire autre chose que de l'eau avant un bon moment celui-là.
J'abandonne, un peu déprimé, mais un petit tapement sur ma liasse de billet me remonte le moral. Je revois… Comment il s'appelle déjà… Ah oui, James, qui danse toujours avec ses deux amies. Je les rejoins juste comme ça.
« - Resalut ! me lance James. Ça va ?
- Oui. Et toi tu t'amuses bien ?
- Ça va ! Je te présente Maggie et Rachel. »
Je salue les filles qui gloussent et rougissent. Il a dû leur dire que je me vends vu qu'elles n'osent pas me regarder dans les yeux, à moins qu'elles ne soient aussi timides que lui. De toute façon je m'en fous, j'en fais un secret pour personne à part ma famille.
« - T'es pas allé draguer une autre pute ? je plaisante. »
Il rougit, me dit qu'il a dansé avec quelques mecs mais ne se sent pas très à l'aise en boîte face à des inconnus, puis taquin me lance:
« - Et toi ce mec ? Tu te l'es fait ?
- Ouais. je réponds naturellement.
- T'aurais pu trouver mieux.
- C'est une proposition ? »
Il rigole.
« - Non, tu es trop cher pour moi. »
Je pourrai continuer dans ce jeu, mais je n'en ai pas envie. C'est vrai quoi, imagine qu'il tombe accro, car au début on tombe accro à n'importe qui, je suis bien placé pour le savoir. Je suis loin d'être le genre de gars avec qui il faut découvrir les joies des premières fois. Quelques mecs sont montés sur le bar et dansent, ça me donne envie, j'aime m'exhiber. Je dis au revoir aux filles et à James en lui rajoutant un :
« - bonne chance et plein de joie pour ta future vie hyper gay. »
En haut, toujours torse nu, la musique me traverse, berce mes oreilles. Elle ondule contre mon corps ses vibrations délicieuses, bon dieu ce que j'adore danser. Un mec hyper baraqué à côté se met à danser avec moi, c'est le pied. Là, du haut du bar, j'aperçois le carré VIP, les verres de champagne, les tenues de folie, quelques gens hyper saouls et cocaïnés à mort. J'aimerais pouvoir voler, faire un bond immense et me retrouver là parmi cette foule de supers riches, danser là-bas, boire leurs verres (qui eux ne sont pas coupés ! ), parler de mes dernières vacances dans des lieux exotiques. C'est fou quand même de se dire qu'il n'y a que quelques mètres qui séparent en ce moment moi, le gamin de Camden Town ayant arrêté ses études à 16 ans, sans vie et sans avenir, et ses gens qui ont tout, toujours tout eu et à l'avenir lumineux. J'ai l'impression d'être ce petit gars qui regarde l'autre côté de la mer en se disant « là-bas c'est l'Europe, le Paradis, l'Eldorado… ». Foutue connerie. Putain, il me colle sacrément mon voisin, ouais je m'en fous. Il veut me baiser, pourquoi pas. Je danse fougueusement avec lui, me dandine contre lui comme une chatte en chaleur. Puis je le vois, Miguel ! Et le plus beau c'est que lui me voit. Je le regarde avec désir en même temps que l'autre gars limite me baise sur le bar.
Il me fait signe non non je ne rêve pas il me fait vraiment signe. Ni une ni deux, je plante mister baraque pour aller rejoindre le petit escalier qui relie les bas-fonds au carré Wonderland. L'escalier est bien sûr sauvagement gardé par un colosse trois fois plus large que moi.
« - Un mec m'attend en haut. je tonne avec autorité.
- C'est ça. Casse-toi. »
Ça c'est fait. Miguel siffle le vigile qui fait alors une tête déconfite et me laisse passer. Putain ce que j'adorerais pouvoir faire ça, on aurait cru qu'il sifflait son chien en lui disant « tout doux, arrête d'aboyer devant la porte ». La classe.
Arrivé en haut, j'avoue que je ne sais pas trop quoi dire. Merci ? Non, vraiment pas. Je me contente de lui sourire comme une groupie.
« - Faudrait leur dire dans cette boîte que ça manque de salopes là-haut. Alors le jap', on traîne toujours dans le coin à ce que je vois. »
Petite précision, Miguel est un con. On ne peut pas tout avoir, le fric et l'intelligence. Je ne me fatigue même pas à lui faire remarquer que je n'ai aucune origine japonaise, de toute manière je sais bien qu'il s'en fout. Miguel a vingt-un ans, les cheveux bruns en pétard dans une coiffure impossible bourré de gel qui lui donne un air stone (pas que l'air d'ailleurs) et un sourire cynique. À ce que j'ai vu de la dernière fois, il passe son temps à se foutre de la gueule de tout le monde et à faire des vannes pourries qui saoulent son entourage. Mais il paie souvent les boissons et allez savoir pourquoi mais les plus radins sont le carré Wonderland. Bref, ce n'est pas pour sa personnalité que je coucherai avec lui mais bien pour le fric et surtout pour monter ici !
Wow, c'est encore plus beau que dans mes souvenirs. Ici il y a toujours un fauteuil rouge de libre et un canapé qui sont plus grands et plus confortables. Tout est beau, propre. Un verre cassé à terre : un serveur vient immédiatement tout nettoyer à neuf même au milieu de dizaines de danseurs. Le champagne coule à flot. Les mecs sont hyper bien fringués, ils ne sont pas plus mignons qu'en bas mais le simple fait de porter des vêtements sur mesure et bien coiffés, ça leur donne une aura toute particulière je trouve. Je le sais, je pense trop au fric. J'y peux rien, c'est comme ça. Trop vécu sans je pense.
Miguel et moi dansons ensemble, c'est sensuel, on se cherche. Il aime jouer et j'aime bien ça les mecs pas pressés qui aiment juste profiter de la danse sans penser tout de suite à après.
Et d'ailleurs je ne sais pas trop comment il fait car rien qu'à sa tête et à son odeur, je vois bien qu'il est mûr, complètement bourré. Faut dire aussi qu'il est plus de quatre heures du mat'.
Il me conduit auprès de ses potes, grande première. J'ai dit tout à l'heure que j'étais sur un petit nuage, là j'ai atteint le septième ciel et vois des anges.
« - Les gars je vous présente le joli Azou. Dis bonjour. »
Sale con. Je prends sur moi. Petit sourire vendeur. « Salut. » Je vois bien qu'ils se font aucune illusion à mon sujet, j'ai peut-être pas encore la tête de la pute mais j'ai bien celle des bas-fonds. Ô joie. Il me présente chacun avec un petit commentaire délicat :
« - De gauche à droite, Fred, plus coké tu meurs, Agnès la chose invisible, Nathanaël le nouveau riche qui s'y croit, Zéphyr le roi des dépravés, Anislas, encore plus pauvre que toi, Timmy, c'est à se demander s'il a des couilles, et Prisca… La plus belle des cadavres ambulants.
- Je t'emmerde. »
Je suis convaincu que chacun aurait pu la lui sortir mais l'insulte vient de la fille au fond, la dénommée Prisca qui lui fait un beau doigt d'honneur.
Pour le coup je ne le contredirais pas, elle ressemble vraiment à un cadavre: maigrichonne, le teint pâle, les cheveux bouclés emmêlés dans tous les sens (qui devaient ressembler à quelque chose au début de la soirée). On dirait qu'elle vient de vomir ses tripes, les a ravalés puis les a chié, et ses coudes sont remplis de traces de piqûres. Elle est affalée bizarrement, comme si on l'avait jetée dans le canapé et qu'elle n'avait pas eu la force de remettre ses membres normalement. Vraiment flippant.
« - Vous nous faites une petite place. »
Pas une réaction. Puis ils se poussent un peu, laissant à peine assez de place pour une personne, mais ça ne décourage pas mon intrépide Miguel qui s'assoit et… Me fait s'asseoir sur ses genoux… C'est bien ma veine. Y a une dizaine de places assises tout autour de moi et je me retrouve quand même sur la queue d'un gars, je suis maudit.
Deux bonnes âmes se lèvent pour aller danser, la chance tourne de mon côté. Je me retrouve donc entre mon micheton et le mec qui s'appelle Nathanaël, un brun pas mal, mince, avec de larges Ray Ban qui lui donnent un certain charme. Miguel me tripote, Nathanaël me tripote. Tout est normal.
Je cherche des trucs malins à dire ou à faire, quelque chose pour me faire remarquer sans pour autant avoir l'air du roi des cons, c'est horrible mais je ne trouve rien. Je suis là, au sommet où j'ai toujours voulu être et je ne sais pas comment me comporter. La plupart sont à moitié comateux, ça sent la fin de soirée. La fille de gauche, l'invisible, se fait tripoter par son voisin, je crois qu'il va la sauter vu comment ils sont partis. La cadavre dort (peut-être même qu'elle est morte, ça ne me surprendrait pas). Le Timmy timide nous observe avec ses petits yeux de fouine et les deux autres mecs comme je l'ai déjà dit me tripotent tranquillement. Pas loin sur la piste, le beau blond, j'ai nommé mister dépravé (les présentations de Miguel m'ont au moins fait retenir 2-3 trucs) danse chaudement avec le petit brun hyper androgyne. D'ailleurs à la base je croyais que c'était une fille mais là je n'ai aucun doute (faudra choisir un pantalon plus large la prochaine fois petit brun…).
Faut l'avouer, ils sont sacrément bandant tous les deux, ils dansent hyper bien. Ça me fait de l'effet et mes deux voisins ne manquent pas de le remarquer. Mmmmh, oui, là derrière mon oreille, continue à m'embrasser comme ça, j'adore. Ah, pas si vite sur mon entrejambe l'aviateur Ray Ban, c'est que c'est sensible ici et puis même pour le carré Wonderland je le fais pas gratuitement. Il l'a mal pris l'aviateur que je dégage sa main, pourtant je l'ai fait doucement… Pas l'habitude qu'on lui confisque ses jouets celui-là.
« - J'ai envie de danser. je dis histoire de ne pas me faire prendre direct sur le canapé-baisodrome. »
Pas que je n'ai pas envie mais je veux me faire un peu désirer. Nathanaël passe son tour et tente de réveiller la pseudo-morte. Je vais sur la piste avec Miguel.
La musique est entraînante, la musique d'en haut a l'air meilleure qu'en bas, pourtant c'est la même, je suis vraiment grave. Le rythme me prend comme toujours, je l'ai dit j'adore danser, ça me met de bonne humeur et je me sens en confiance.
Je me rapproche de ses deux amis et on danse à quatre, on rigole, se passe les uns les autres. Une pure rêverie. Les chansons s'enchaînent, l'une particulièrement excitante, je me colle contre le petit brun androgyne qui a l'air un peu gêné, il regarde son compagnon comme pour lui demander la permission mais lui au contraire a l'air de beaucoup apprécier le spectacle. Alors on danse, on bouge, on s'effleure, je l'embrasse un peu du bout des lèvres ce qui le fait rougir mais il ne dit pas non, il colle ses fesses contre mon bas ventre et fait des mouvements de vas et viens carrément trop excitant. Son copain se colle devant lui et nous serre contre le petit brun qui gémit. Le blond me susurre de lui embrasser le lobe de l'oreille, ce que j'exécute, il fait de même à l'autre oreille du brun qui gémit très fort et se frottent contre nous deux mimant l'acte sexuel.
Si on était en bas, un vigile serait venu nous dire d'en faire un peu moins mais là non. Je crois que même si on le prenait tous les deux sur la piste ils ne diraient rien… En tout cas, la chanson est passée, le blond me retire de son copain avec un petit sourire qui semble dire « c'était marrant mais je le garde pour moi », je retourne avec Miguel qui s'est contenté de nous mater. Et ça lui a donné chaud.
« - On va quelque part, toi et moi. Où on pourrait s'amuser… »
C'est moi qui dis ça car ce n'est pas tout mais j'aimerais bien un peu de fric en bonus. Il ne s'agirait pas qu'il croit qu'il peut me siffler comme un de ses vulgaires toutous, me chauffer, voire me prendre et tout ça pour rien. Je suis un chat, moi.
Comme la dernière fois il me conduit aux toilettes et là ça n'a rien mais alors RIEN à voir avec les toilettes d'en bas. C'est simple, le sol est plus propre que mon lit. Tout est spacieux. On pourrait baiser au moins à quatre dans les toilettes. Rien n'est cassé. Tous les loquets fonctionnent ! Le nombre de fois où j'ai baisé en bas alors que la porte ne se fermait même pas… Bref, c'est mieux qu'un hôtel.
Bon, j'ai rien dit, il y a aussi des seringues ici mais elles sont sur le lavabo alors je ne risque pas de me prendre les pieds dedans. Miguel me jette dans la première porte et c'est reparti pour un tour. L'argent ne change rien à l'acte, c'est certain. Et Miguel a beau être plus attirant que l'autre con d'en bas, je prends autant mon pied. Il me met à genou et je le suce avec art et application un bon moment, puis il décide qu'il en a assez et me colle le ventre au mur, abaisse mon pantalon et mon caleçon et se frotte contre mes fesses en me disant le même genre de trucs salaces que l'autre, me prépare un peu avec ses doigts, puis sort un préservatif et me prend. Là ça passe tout seul. Sûrement car au final seulement deux heures se sont écoulées depuis la dernière fois. Puis il me met de face et là je prends vraiment un pied d'enfer en le sentant s'enfoncer en moi et m'embrasser partout sur le visage. Je me sers fort contre lui, lui caresse le torse, l'embrasse aussi. Sa bouche délicieuse me mordille les lèvres et m'aspire, mhhh, je pourrais jouir à la seconde. Mais il jouit avant alors je me force à débander en pensant à des trucs à la con genre que demain je devrais faire l'inventaire à la librairie. Il me paie, la même somme que la dernière fois, c'est-à-dire deux fois plus que mon tarif habituel. Ma veste va être assortie d'un joli pantalon.
On retourne dans la salle. Le couple s'est cassé à l'hôtel. Le petit brun somnole sur le blond qui finit les verres, pendant que l'aviateur tente de chauffer la morte qui l'envoie se faire foutre et que le timide dort pour de bon. Moi-même je sens l'appel de mon lit, je suis complètement crevé. Je fais la bise à chacun, le beau blond décide de rentrer lui aussi avec le petit brun. Putain, ce qu'ils sont beaux tous les deux. J'apprendrai plus tard que le petit brun androgyne est mannequin, ça ne me surprendra pas du tout. Il me propose de me ramener en chemin. Alors celle-là je ne m'y attendais pas.
« - Non merci, je réponds très poliment. Puis je me dis que c'est quand même trop con de refuser comme ça. Vous allez où ? Vous pourriez me rapprocher un peu. »
Loupé, ils vont à l'opposé. Bon tant pis. Je remercie de nouveau et redescends tristement dans les bas-fonds récupérer mes affaires avant de m'engouffrer dans un taxi.
ooOoo
Fin.