Bonjour,
Voici un petit cadeau de vacances. J'espère que ce chapitre vous plaira. Bonne lecture !
Chapitre 10 :
« - Je vais te faciliter le choix. Zephyr t'a trompé ce jeudi, dans sa voiture avec une très belle blonde. Tu n'es pas obligé de me croire. Tu peux demander confirmation auprès de son chauffeur, c'est lui qui me l'a dit et a enregistré une partie de leurs ébats, bien suffisamment à ton goût j'imagine. Quand tu auras changé d'avis, tu sais où j'habite. »
Zephyr me rejoint sur le banc en face de la sculpture, il m'embrasse la joue. Je reste de marbre, les yeux perdus dans ce bloc de glace larmoyant, le dos voûté de s'être pris trop de coups. Je me sens vidé. J'aimerais croire, j'aimerais tellement croire que ce n'est qu'une menace en l'air de son père, un coup foireux pour me faire douter.
« - Qu'est-ce qu'il y a, Aquing ? »
Ma bouche s'ouvre puis se referme. Les mots moulinent au fond de ma gorge et se refusent à remonter. Zephyr tente d'attraper ma main qui se dérobe sous ses doigts. Il observe alors la sculpture sans un mot. Sa réaction me fait penser qu'il connaît la raison de ma prise de distance. Je soupire, je ne veux plus perdre mon temps avec un homme qui ne m'aime pas. Je lui pose la question qui me ronge :
« - Qu'est-ce qui s'est passé dans ta voiture ce jeudi soir ? »
Il se détourne et ferme les yeux, niant de la tête. Je suis écœuré.
« - Faut que je demande la vidéo pour savoir ce que t'as fait ? je crache.
- Quelle vidéo ?
- Ton chauffeur t'a filmé ou en tout cas c'est ce que ton père m'a dit.
- Quel sale enfoiré !
- Le seul enfoiré ici c'est toi ! Je n'avais pas demandé grand-chose, Zephyr… »
Ma gorge s'étrangle d'émotion, j'ai peur de pleurer.
« - Je suis désolé.
- J'en ai rien à foutre de tes excuses.
- Je sais. Pardonne-moi. Je t'assure que ça a été la seule fois. Je me sentais tellement déprimé… Je m'en veux …
- Je n'ai pas l'intention de te faire une scène. On n'est pas des ados, je n'ai pas de temps à perdre avec quelqu'un comme toi. C'est fini.
- Aquing, tu ne peux pas me quitter.
- Oui, on ne se fait pas quitter par une pute. Tromper une pute c'est pas vraiment tromper. Devoir être fidèle à une pute, non mais sérieusement ? Merci, je connais par cœur. Tu n'auras qu'à dire à tes amis que c'est toi qui m'as quitté, je m'en fous.
- Ce n'est pas ce que je voulais dire. Ça n'a rien à voir avec toi, c'est moi qui ai un problème, je le sais. Je te promets que ça ne se reproduira pas. Laisse-moi une chance. Une seule !
- Non, y a pas de joker, c'est pas un jeu. Je ne comprends même pas que je sois déçu, je savais que ça allait finir comme ça. En tout cas tu pourras dire à ton père que je ne veux pas de son argent. Comme il l'a dit, j'ai une certaine morale dont tu es dépourvu.
- Tu es injuste, Aquing. Tu me connais, tu sais que j'ai un problème avec le sexe. Je m'en sers comme défouloir quand je ne vais pas bien, j'ai toujours déconné avec ça et avec toi j'ai fait des efforts, tellement d'efforts ! Je crois que tu ne te rends pas compte.
- Oh oui c'est tellement difficile de ne pas me tromper ! Pauvre chéri.
- Ce n'est pas ce que je veux dire.
- Ce que tu veux dire je m'en fous, tes pseudo-excuses encore plus. Le contrat était clair, tu ne l'as pas respecté, il y a donc rupture de contrat. Tu dois comprendre ça monsieur Travail !
- Arrête, c'est pas un contrat.
- Contrat ou non, c'est fini. »
ooOoo
Elsa, la matrone, m'engueule à mon arrivée à l'hôtel. Il faut dire que je ne suis pas très vendeur avec mes yeux bouffis injectés de sang à force de larmes, de drogues et de manque de sommeil. Je peine à masquer mon mal-être. Mes lèvres s'étirent vers le bas, mon dos tombe au sol. La dépression me ronge.
Je ne suis plus qu'un corps vide, je ne suis plus rien.
Affalé au comptoir du bar, Philomène me sert un verre bien corsé que je bois comme du lait. J'en demande un second qu'elle me refuse. Drik me rejoint alors et commande à la fille de me servir. Elle s'y oppose mais sous l'autorité menaçante du brun se ravise.
Mon regard se trouble dans le verre, je ravale mes larmes.
« - Alors comme ça ton sac à frics s'est barré ?
- ...
- Te voir te morfondre comme la dernière des merdes je te jure ce que ça me fait bander.
- … »
Je vide mon verre, les larmes au bord des yeux. Qu'est-ce que je fais là ? Personne ne voudra de moi. Personne ne veut de moi. Personne ne m'aime. Je ne suis qu'un objet dont on se sert et qu'on jette, et même pas efficace avec ça, même pas fichu de satisfaire mon propre mec. Un foutu objet bon pour la casse. Je ne suis personne et personne ne veut de personne. Du rien. Un trou béant à remplir de queues. Ma peau me semble durcie comme du carton.
Drik me lèche l'oreille, me mordille le lobe, d'abord doucement puis plus fort. Je ne ressens rien du tout. Il passe sa main sous mon tee-shirt, attrape un de mes piercings à l'aine et tire fort dessus. Je crie de douleur. Il m'a vraiment fait mal ce con.
« - T'es encore vivant en fait.
- Sale con.
- Me remercie pas surtout. »
J'agrippe sa nuque et le tire jusqu'à ma bouche qu'il dévore. Ses doigts me lacèrent le dos, je bande à mort.
« - Viens, on danse. »
Le brun acquiesce. Nous nous lançons dans une danse endiablée sur la piste. C'est soirée gay. Les quelques clients du club déjà là nous matent allègrement. Mes fesses se tortillent contre son sexe, je monte et descends le long de son corps, il me tambourine, me fesse de puissantes claques qui retentissent à travers la musique, je gémis entre désir et douleur. Il m'arrache mon tee-shirt.
« - Ce tee-shirt m'a coûté plus de quatre cent livres ! je me plains.
- Tu l'as payé cher ta serpillière. »
Putain ce que j'ai envie de lui péter la gueule !
« - Wow. Regarde ça, regarde-toi là, c'est un truc incroyable. Ça fait plus d'une minute que t'as oublié ton ex, c'est fou non ? »
Je ne peux m'empêcher de sourire piteusement, il a raison.
« - Même pas quarante-huit heures que tu l'as quitté et tu l'oublies déjà. T'es un vrai enfoiré comme copain. »
Je me recroqueville sur moi, recule. Je pleure pitoyablement. Je ne peux pas croire qu'il me manque autant.
« - Eh, c'était une blague. me susurre Drik à l'oreille. Viens, je te raccompagne. »
Il m'emmène dans ma petite chambre de bonne. Elsa arrive à son tour, elle fait signe à Drik de retourner bosser puis s'assoit à côté de moi.
« - Désolé. J'ai grave merdé.
- Oui. Heureusement que tu n'étais pas avec un client. Écoute, je comprends que tu ne te sentes pas bien. J'aurais préféré que ça n'arrive pas en plein été alors que l'hôtel est saturé… Mais bon, prends ta soirée, ta semaine s'il le faut, je ne veux pas te voir dans le club ou avec un client dans cet état. Tu te reposes, tu prends du temps pour toi, tu craches sur ce connard friqué et tu nous reviens en forme, d'accord ? »
Je hoche la tête. Je sais qu'elle a raison, je ne suis pas en état et j'ai peur que la drogue me mette en bad trip devant un client. Elle sort, me laissant seul dans cette pièce qui a tout d'un cagibi à mes yeux à l'heure actuelle. Une nouvelle vient me rejoindre, je crois qu'elle m'aime bien. J'ai calmé un client qui la saoulait la dernière fois. Elle me file des somnifères, je les prends sans me faire prier. Je ne veux plus penser à tout ça, plus jamais, juste dormir enfin.
Le lendemain matin je me réveille avec l'étrange sensation d'être reposé physiquement mais pas du tout psychiquement. Une douleur vrille ma tête, je me prends du doliprane puis me laisse tenter par une grosse dose de drogue. Rien à foutre d'être un cadavre, j'en suis déjà un donc autant ne pas en avoir conscience. Speedé par la coke, je saute sur place dans la minuscule chambre, j'ai besoin d'espace, je cours dans la salle commune, sautille, fais du ménage, mon cerveau part en vrille. Je parle ultra vite au concierge qui m'ignore royal. Je finis par sortir dehors, cours dans un parc pour me calmer. Des images de Zephyr volent au-dessus de ma tête et me tapent dessus. Je me demande ce qu'il fait en ce moment. Sans doute réveillé depuis une éternité, lavé, rasé, bien habillé, entrain de bosser dans sa boîte après avoir passé la nuit à baiser une dizaine de salopes à gros seins. Putain, Aquing, arrête de penser à ce connard. Je me demande si je lui manque… Je vais me mettre à pleurer. Mes larmes se fondent avec ma sueur.
De retour à l'hôtel par la porte arrière je regagne ma petite chambre. Drik est assis sur mon lit, sa présence me surprend.
« - T'es venu te moquer de moi ? je lance énervé.
- Pas besoin. Tu te ridiculises très bien tout seul.
- Barre-toi.
- Tu pourrais te montrer plus aimable. Je t'ai évité de te foutre encore plus la honte hier soir.
- Tu veux une médaille ?
- Je me contenterai d'une pipe. »
Sa réflexion m'arrache un sourire. Je me déshabille, rien à foutre de sa présence, et me glisse dans la minuscule douche. L'eau nettoie mes larmes, ma sueur et un peu de mon amertume. Lorsque je sors de là, mon cher confrère est allongé nu sur mon lit, sa queue dressée comme un piquet. Je le mate sans vergogne. D'habitude Drik n'est pas mon genre ; trop sauvage. Son corps musclé à l'excès est maintenant tant couvert de tatouages qu'on a du mal à se rendre compte qu'il est vraiment nu. Avec son arcade fendue, sa mâchoire carrée coupée au couteau et son regard acéré bien à lui, il semble sorti d'un gang. Moi je sais la vérité, c'est un beau petit cul blanc sorti de la bourgeoisie qui s'est fait virer de la maison car il préférait le cul des footballeurs au football.
« - T'as pas dû avoir beaucoup de clients cette nuit pour avoir une trique pareille.
- Je bande comme je veux, où je veux, autant que je veux.
- Pas sur mon lit. Cette merde ne supporterait même pas notre poids.
- Qui te dit que je vais te prendre là-dessus ? »
Il se relève et vient m'embrasser avec violence. Il mord ma lèvre inférieure qui manque de saigner. J'adore ça. J'ai envie qu'il me saute, qu'il me fasse souffrir, qu'il me vide la tête dans mon corps.
Il me lamine pendant plus d'une heure. Mes tétons me font mal, mes fesses sont rougies et couvertes de bleus, je n'en reviens pas qu'il m'ait fisté aussi loin, je ne pense pas pouvoir marcher pour l'instant.
« - File-moi mes trucs, le premier tiroir du haut. je lui balance.
- Je comprends pas que tu continues à sniffer, t'aurais dû passer aux shoots il y a bien longtemps.
- J'aime pas.
- Quel menteur ! Y a personne qui n'aime pas ça. C'est comme préférer se branler à deux doigts plutôt que de baiser.
- Ça me rend K.O, je peux plus rien faire après. Comment t'arrives à bosser ?
- Faut le bon dosage. C'est clair qu'avec ton physique de petite chatte faut pas trop te faire planer ou tu montes au ciel direct.
- De toute manière, je compte pas bosser ce soir. »
Drik, ravi, me ramène son matériel. Je l'observe préparer la dose avec des gestes précis, je me recroqueville dans les draps, angoissé. La dernière fois que j'ai essayé j'ai bien crû que j'allais crever. Je m'étais juré de ne jamais recommencer. Qu'est-ce que je fous ? Je déconne total. Je n'ai même pas la force de faire marche arrière alors que je regrette déjà. Le poison traverse ma peau, s'empare de mes veines, une décharge fulgurante me cloue sur place. C'est… Fantastique.
ooOoo
Le reste de mon séjour à Amsterdam tourne entre drogue, sommeil et Drik. Je me shoote, je dors, je baise et ainsi de suite, et même pas payé pour ça. Ces pensées je ne les ai pas sur le coup. Dans ces moments, je me sens comme un réceptacle à bonheur, l'impression qu'une force extérieure entre en moi et me possède, une illusion merveilleuse de contrôle alors que je me noie dans ma propre merde.
A mon retour à Londres, la honte me frappe de plein fouet. Je porte une longue chemise alors qu'il crève de chaud pour cacher les marques de piqûres. Arrivé à Camden Town, je n'ose pas rentrer, je refuse que mon grand-père me voit dans cet état. Je passe tout le week-end à écumer les back-rooms ouverts h-24, je n'ai aucun souvenir de ce que j'ai fait ni avec combien d'hommes. Le lundi à midi l'établissement ferme. Je me retrouve tout seul à errer dans la rue, pitoyable. Mes larmes sont sèches à force d'avoir pleuré. Bon, soyons sincère, oui le fait que Zephyr m'ait trompé m'a mis à mal, mais c'est surtout que ça a été la putain de goutte d'eau qui a fait déborder le vase. J'en peux plus de ma vie. Je comprends pas ce que je fais là, je me sens seul, je me suis toujours senti seul et abandonné et je ne me supporte plus. Mais rien ne pourra y changer quoique ce soit.
Ce connard me manque…
Je me décide à retourner à la librairie et je prétexte m'être choppé la grippe pour justifier mon état. Mon grand-père semble douter, il va pour me faire une réflexion puis se ravise. Je pense qu'au fond il n'a pas envie de savoir. Il me propose d'aller me reposer en haut dans ma chambre, je refuse. Je ne veux pas passer une minute de plus allongé à me morfondre.
Les habitués sont trop gentils, ils me demandent comment je vais, me proposent aussi d'aller me reposer, le coup de la grippe fonctionne bien. En fin de soirée, le garçon aux cheveux bleus est de retour. Je l'accueille avec un sourire chaleureux ou en tout cas c'est ce à quoi j'espère que ça ressemble.
« - Oh ? Qu'est-ce qui t'est arrivé ?
- Une mauvaise grippe.
- Oh, c'est pour ça que tu n'étais pas là la semaine dernière ? Tu n'as pas de chance, en plein été en plus.
- Ouais c'est pas de chance. Tu as aimé le livre ?
- En fait, moyen. T'avais raison, il est bizarre. Je voulais m'excuser pour la dernière fois, je suis parti rapidement. J'ai été un peu… Surpris. »
Décidément il m'étonne beaucoup ce gamin. Moi qui pensais ne plus jamais le revoir il vient me demander pardon alors que je suis juste un employé.
« - C'est rien, puis c'est ma faute, je n'aurais pas dû embrasser mon mec ici, enfin mon ex, c'était pas très professionnel.
- Vous n'êtes plus ensembles ?
- Non. »
J'emploie un ton assez sec, je ne veux pas continuer la conversation sur ce sujet. Le jeune semble le comprendre car il me demande ce que j'aurais d'autre à lui conseiller comme livre. Je lui conseille un bon vieux classique qui devrait lui plaire. Il le prend, ravi.
« - Un livre par semaine, tu es devenu un grand lecteur. je lui fais remarquer.
- J'essaie. Et toi t'as toujours aimé lire ?
- Pas toujours, j'ai eu des périodes avec et des périodes sans. Quand j'étais petit, je passais des heures ici, assis sur une chaise au fond à observer les gens, à décrypter leurs gestes, leurs mimiques, m'imaginer leur vie et lire beaucoup. Puis fin primaire début collège je me suis enfermé dans la lecture, c'était mon petit jardin secret, je passais mon temps à lire ou devant la télé. Et ensuite j'ai fait une bonne grosse crise d'adolescence où j'envoyais tout valser, je ne lisais plus rien, je ne faisais plus rien d'ailleurs à part traîner avec des cons. Puis j'ai bossé ici et j'ai retrouvé le plaisir de la lecture comme on retrouve un vieil amant. Quand on a aimé lire, ça revient toujours.
- Oui. Faut dire que les livres qu'on nous fait lire à l'école ça ne donne pas vraiment envie.
- C'est sûr, surtout en les décortiquant dans tous les sens mais il faut en passer par là j'imagine.
- Et t'as toujours voulu faire libraire ? Reprendre la boutique de ton grand-père ?
- Moi ? Oh non ! j'éclate de rire. Non, pas du tout. Je n'avais pas vraiment de projet, je voulais juste rien foutre. Mais j'ai trop déconné, j'ai même pas le brevet alors la librairie c'était ma seule option. Bon, maintenant je pourrai arrêter mais j'y ai pris goût et puis mon grand-père a besoin d'aide. »
Je ne sais pas pourquoi je me confie à ce garçon mais ça me fait du bien et puis ça semble lui faire plaisir d'en connaître un peu plus sur moi.
« - Et tes parents ils font quoi ?
- Ils sont morts quand j'étais petit. Un accident de voiture.
- Vraiment ? s'exclame-t-il surpris. Ça n'a pas dû être facile.
- Ce que l'on n'a pas connu ne nous manque pas. Je n'avais que deux ans et mes grands-parents se sont bien occupés de moi.
- J'imagine… Mais ils ne te manquent pas parfois quand même ?
- Si, bien sûr, mais c'est comme ça, on n'y changera rien. Avant ça me déprimait beaucoup mais après on grandit. On fait avec les cartes que l'on a en mains. Et toi, tu as tes parents ?
- Oui, les deux, me répond-il gêné. Ils ne sont pas parfaits mais je n'ai pas vraiment à me plaindre.
- Ils en pensent quoi de ta couleur de cheveux ? je le taquine.
- Aha ils se moquent souvent. Ma mère m'a dit que c'était ok pour le lycée mais à la rentrée pour la fac je dois les remettre noir, ça me saoule.
- J'ai du mal à t'imaginer les cheveux noirs, pour moi tu es le garçon aux cheveux bleus. Tu vas où à la fac ?
- Fac de droit.
- T'es un vrai intello !
- Oh non, pas vraiment. Ca me tente c'est tout. »
J'acquiesce. Il me tend l'ouvrage pour que je l'encaisse, je tape son nom sur l'ordinateur pour sa carte de fidélité :
« - Tu auras une réduc' la semaine prochaine, monsieur Thomas Jenkins. »
Il repart satisfait. Cette journée à la librairie m'a fait du bien, je reprends un peu pied avec la réalité. Je ferme la porte d'entrée à clé, tourne la pancarte ' fermé', puis les larmes me reprennent en traitre. Pourquoi m'a-t-il fait ça ? Pourquoi m'a-t-il trompé ? Pourquoi ne me l'a-t-il pas dit avant ou même après ? M'a-t-il trompé d'autres fois ? M'a-t-il seulement aimé un instant ? Comment quelqu'un pourrait-il m'aimer ? Ou ne serait-ce que rester avec moi ? Je ne suis rien, au mieux du vide, au pire un parasite grouillant détestable…
Je remonte dans l'appartement désespéré. J'évite le regard de mon grand-père, ne fais pas attention l'ombre d'une seconde au bordel des lieux, me contente de chauffer une pizza dans le four et m'enfuis me cacher dans ma chambre. Mon calme au travail n'est plus qu'un lointain souvenir. Je broie les idées noires, je me désole en silence et ressens les picotements du manque. Je ne veux pas me shooter, je ne veux pas franchir ce stade même si j'ai peur que ce soit déjà trop tard, et en plus je ne sais même pas me piquer et n'ai rien pour le faire ici. Je me contente de sniffer et me roule en boule dans mon lit un coussin contre ma bouche pour m'empêcher de hurler face au manque qui augmente de minute en minute. Heureusement les effets de la drogue sont plus lents mais se font ressentir, la pression finit par diminuer doucement jusqu'à un niveau acceptable de manque. Je ne parviens pourtant pas à m'endormir, l'esprit trop éveillé je décide de sortir.
Mes pas me mènent au Unicorn, comme une vieille habitude tenace. Je m'installe nonchalamment sur ma chaise au bar, j'ai l'impression que mes fesses se sont imprimées dessus avec le temps. Je commande un whisky de marque, bien besoin d'un alcool fort. Je tournoie légèrement le verre entre mes doigts tout en observant les mouvements harmonieux du liquide. Il décante, libère son parfum entêtant. S'il y a bien une chose que j'ai apprise en fréquentant le beau monde c'est à savourer un verre dans les règles de l'art.
J'y mouille mes lèvres délicatement quand soudain une silhouette familière vient s'asseoir à mes côtés.
« - Je t'offre un verre ?
- Je commence tout juste celui-ci. »
C'est Miguel. Décidément les fantômes sont de sortie ce soir.
« - J'ai comme un air de déjà-vu. me fait-il la réflexion. Sauf qu'à l'époque t'étais diablement sexy et moi aussi.
- Je suis toujours diablement sexy.
- Après deux verres, peut-être.
- Connard ! je lance avec un grand sourire complice. De toute manière cherche pas, je coucherai pas avec toi. Je suis pas d'humeur, je viens juste me détendre.
- Vraiment ? Pourtant t'es célib' maintenant, tu peux baiser avec qui tu veux.
- Je pouvais déjà coucher avec qui je voulais, je réponds un peu énervé. Ce soir, j'ai juste envie de baiser avec ce verre.
- Zephyr te manque ? »
Mon ventre se tord. Je le foudroie du regard, l'intimant à ne pas jouer sur ce terrain-là avec moi. Il y perdrait plus qu'une baise foireuse. Mais bien sûr, Miguel est Miguel, toujours le même connard qui crache son venin sans réfléchir, imbécile jusqu'au bout.
« - Putain, t'étais vraiment amoureux ! Vous êtes trop cons tous les deux.
- …
- Je connais un club qui vient d'ouvrir. Ils servent la meilleure Tequila du monde, de la bonne musique et on peut pousser la chansonnette. Ça te dit de m'accompagner ?
- Pourquoi tu es venu ici si c'est si bien là-bas ? je demande plus que méfiant.
- Je pensais qu'il y avait une soirée spéciale ici mais je me suis trompé de jour. Je t'invite.
- Je coucherai pas avec toi.
- J'avais déjà compris la première fois le jap'. »
J'ai dit que je le déteste ?
ooOoo
A suivre.