Auteur : Cléa

Disclaimer : je dépose toute l'histoire sous licence CC-BY-NC-SA

Ce qui concrètement veut dire que tout le monde peut l'utiliser et la modifier, tant que je suis citée comme auteur d'origine (avec un lien vers l'endroit où vous avez trouvé l'histoire, de préférence), que ce n'est pas pour une utilisation commerciale et que le partage se fait sous la même licence. Donc si quelqu'un est intéressé, faites-vous plaisir.

Bien sûr, des éléments comme les mechas, les grandes corporations et les systèmes hiérarchiques organisés en grandes tours ne m'appartiennent pas et font parti de la culture générale, tout le monde peut les reprendre comme ça lui chante ^^.

Genre : yaoi sans lemon, plusieurs couples (mais pas d'échanges), science-fiction, mecha. D'une manière générale, colle avec quasiment tous les dessins animés des années 80/90 où des gentils superpuissants pourchassent sans relâche des mechants tout aussi puissants, sans réel contexte géopolitique.

Note : je me suis beaucoup inspirée de mangas, bien sûr, même si les réactions des personnages à l'autorité est souvent bien française (= râleuse). Si vous n'êtes pas trop familiers de cette culture (ou que vous la connaissez mieux que moi ^^) et que vous trouvez que les termes sont mal expliqués, n'hésitez pas à me le dire ! Merci d'avance.

Note 2 : j'avais demandé si le texte manquait de descriptions sur les mechas, et apparemment c'est le cas, je poste donc ici une deuxième version modifiée (en croisant les doigts pour ne pas me mélanger dans les textes). Cette histoire est un travail en cours que je fais de mon mieux pour améliorer au fur et à mesure. Un grand merci donc à ceux qui m'aident !


Briefing d'urgence dans la salle de réunion stratégique, tout au sommet de la Tour. Le capitaine des Forces Terriennes allume l'écran et présente aux pilotes une série de points lumineux indiquant les lieux où une activité suspecte a été repérée, venant de nos ennemis, la redoutable organisation du Soleil Noir.

Immédiatement, nos courageux héros foncent dans leurs mechas respectifs, de puissants robots géants humanoïdes, à la force de frappe colossale et capables de traverser la moitié de la planète en moins d'une heure, ce qui est toujours pratique. Ils vont stopper les plans diaboliques de l'organisation via quelques combats épiques contre des kaijus, ces monstres mutants hauts comme des immeubles que les Soleil Noir fabriquent à la chaîne. Ensuite, après la victoire, tout le monde peut rentrer à la maison et fêter ça avec champagne et petits fours, suivis d'une petite conférence de presse ou deux histoire de rappeler aux spectateurs de cette planète qui c'est les plus forts.

Voilà. C'est notre travail, à l'UFIT (Union des Forces d'Intervention Terriennes, mais on dit souvent les Forces Terriennes ou les Forces, parce que l'acronyme est moche). On ne sauve pas le monde tous les jours, mais c'est quand même assez régulier.

Je me permets de dire "on", même si je ne suis pas un pilote de mecha. Ni un stratège, ni un cadre quelconque de l'institution. Mais j'ai ma place malgré tout. Qu'est-ce que vous croyez, que les petits points s'allument tout seuls sur la carte ?

Si vous saviez le boulot que c'est de trouver où vont frapper ces connards de l'organisation avant qu'ils n'attaquent ! Enfin, je veux bien que l'essentiel, ce soit de les battre une fois qu'on les a repérés, mais merde, on arrive à les traquer depuis les profondeurs de la jungle jusqu'aux glaces de l'Arctique, dans les villes et dans les déserts, on retrouve leurs contacts avec les mafias et les dictateurs en guerre, on suit la piste de leurs comptes bancaires cachés et de leurs messages codés, ce n'est quand même pas rien ! Il y a des milliers d'espions, sur cette planète, qui bossent pour les Forces. Tous les mouvements de cargo suspects, toutes les fausses identités, tous les achats qui semblent ne pas correspondre aux besoins connus... Tout remonte jusqu'à nous.

Parce que bien sûr, l'organisation mène toujours plusieurs plans en parallèle. Pendant qu'on envoie les mechas faire disparaitre un lance-missile chargé aux bombes bactériologiques, on est déjà en train de calculer la voie qu'ils utilisent pour leur trafic d'armes et dans quel casino ils blanchissent leur argent. Et dès qu'on a le temps, on rebosse sur l'éternel mystère — mon Graal personnel — de l'endroit où ils ont bien pu planquer leur foutu laboratoire de création de kaijus.

Ça me rend dingue qu'ils nous sortent ces monstres de leur poche à chaque fois. Non, parce qu'on parle de monstres géants, mais il y a monstre géant et monstre géant, et là, ces reptiloïdes qui font entre 20 et 40 mètres de haut, ça ne devrait même pas être capables de bouger, et ne parlons pas d'arriver à parcourir de grandes distances depuis ce labo mystère. Nos pilotes parviennent toujours à les tuer, heureusement — ce qui reste un bel exploit : leurs mechas font peut-être trois mètres de haut, mais comparés aux kaijus, on dirait des mouches. Ce sont des combats difficiles et extrêmement risqués. Sans oublier que même vaincus les kaijus ont fait le job : les ennemis en profitent pour s'enfuir. À chaque putain de fois. Saloperie.

Oui, je sais que je ne fais pas dans la bataille héroïque. Je ne suis qu'un opérateur de suivi, un parmi la centaine que compte la Tour — le QG de l'UFIT — et mon boulot est de trier et de coordonner des milliers d'informations pour décider si, oui ou non, j'allume une petite lumière sur l'écran de la salle de stratégie.

Mais même si c'est peu, même si je suis facilement remplaçable, j'aimerais parfois un peu de reconnaissance pour ce travail.

oOo

Tout ça, je ne le dis plus autour de moi. Pourquoi faire ? Mes collègues le savent tout aussi bien que moi. Et les autres... les autres me fatiguent.

Lorsque j'ai été sélectionné pour entrer à l'UFIT, j'ai été très fier. J'avais le petit badge et je le laissais trainer négligemment, pour que les gens le voient et me posent des questions dessus. Ou je mettais carrément le blouson de la boite.

Et puis j'ai arrêté. C'était ridicule.

À l'extérieur, les autres ne comprennent pas. Ils pensent qu'on est toujours au contact du danger, toujours dans l'adrénaline, comme ce qu'ils voient à la télé dans les reportages et les films "inspirés de faits réels" qui retracent les plus beaux combats. Ils n'imaginent pas qu'on est traités comme des ersatz de logiciels qui avalent des données et recrachent des conclusions. Qu'on fait notre taf, nos horaires, et qu'on passe la main à l'équipe suivante. Et que pourtant, on est indispensables à toutes ces opérations héroïques qui les fascinent tant.

J'en ai eu marre de les décevoir, j'en ai eu marre d'être déçu de leur déception, maintenant je fais mon travail et quand j'ai du temps libre, je vais m'amuser, et si on me demande dans quoi je bosse, je réponds juste "opérateur", et ça va bien comme ça. Ras le cul.

Là, je suis dans un bar que j'aime bien, qui garde un minimum d'ambiance même les soirs de semaine, sans pour autant vous arracher les tympans. J'observe un peu les gens. Je ne sais pas vraiment ce que je suis venu chercher ce soir, à part un peu d'air, loin de la Tour, des collègues et de l'éternelle cafétéria qui ne sert pas d'alcool ni quoi que ce soit qui ne serait pas parfaitement sain. Le seul endroit au monde dont les recommandations santé m'ont donné envie de me mettre à fumer.

Bref, je regarde autour de moi en faisant durer ma bière, histoire de trouver quelqu'un avec qui j'aimerais entamer la conversation. Ou plus si affinité, je ne serais pas contre l'idée. Physiquement, je sais que je peux plaire. Je suis un grand brun aux yeux verts d'à peine vingt-cinq ans. Quand je la joue un peu ténébreux, avec un petit sourire mystérieux, ça marche plutôt bien. Non, c'est dès que je commence à râler sur tout ce qui me tape sur le système dans ce bas monde que je fais fuir mes crushs à tous les coups. Donc j'enlève les premiers boutons de ma chemise avant de venir, je sors mon plus beau sourire et je les laisse faire le premier pas, au final c'est à la fois plus efficace et moins fatigant. Mais pour ça, il faut que je cible quelqu'un d'un minimum attirant. Quand c'est juste pour un soir, j'assume totalement d'avoir des critères superficiels.

oOo

C'est parce que je suis attentif que j'ai été le premier à repérer le gamin. Il a tenté de cacher un peu son visage sous la visière d'une casquette et garde la tête plutôt baissée, mais en entrant il a fait un tour d'horizon machinal. Il porte des lunettes de soleil. En pleine nuit. Un déguisement qui hurle à la face du monde : Je suis connu ! Jouez tous au grand jeu "trouvez qui est ce type qui rentre dans un endroit où il ne veut pas qu'on le reconnaisse" !

C'est Copper, un pilote de mecha. Heureusement que je l'ai vu avant que d'autres ne le repèrent. Si quelqu'un le chope ici... il va au-devant de gros, très gros ennuis. L'UFIT ne plaisante pas avec l'image de marque de ses pilotes : pas d'alcool, pas de jeu d'argent, pas de scandale sexuel — de préférence, pas de partenaire sexuel du tout avant le mariage, et encore, la sélection est drastique — et pas de sortie en solitaire, n'importe où, sans garde rapprochée. On ne les laisse pas parler au premier clampin venu. On ne sait jamais, ils pourraient divulguer des informations top secrètes, se faire aborder ou assassiner par des espions de l'organisation, voir même émettre des opinions. Et ça, dans les Forces, ça ne se fait pas.

Pendant deux secondes, j'envisage de faire comme si je n'avais rien vu. Après tout, si Copper veut s'encanailler, ce n'est pas mon problème, et ici il ne risque rien de plus grave que de vomir parce qu'il ne tient pas l'alcool. Mais s'il se fait prendre — et il va se faire prendre — je serais jugé responsable. La santé et la sécurité de nos pilotes est notre priorité number one, et face à l'un d'eux risquant un problème, on est censé tout laisser tomber pour le secourir à l'instant. Ce qui, ici, implique de le dénoncer immédiatement à la Tour.

Fais chier.

Je l'intercepte, encore à l'entrée du bar, avant qu'il n'ait eu le temps de trop s'avancer. Quelques regards curieux se sont déjà levés vers lui mais je suis légèrement plus grand et je n'ai pas trop de mal à cacher son visage. Il me dévisage, un peu décontenancé, comme s'il ne savait pas s'il devait protester ou non. Je l'accueille d'un «Salut, mec !» très chaleureux, comme si on se connaissait depuis longtemps, et lui murmure :

«Je suis de la Tour, Copper. Baisse la tête et suis-moi, d'accord ?»

Il ne montre aucune surprise et, à mon grand soulagement, m'obéit sans faire d'histoire.