Le chapitre était ! C'était plutôt rapide, non ? La semaine est passée vite pour moi, j'espère que pour vous aussi. J'aime bien poster le vendredi parce que ça fête un peu le week-end (BIEN MÉRITÉ).
Je me dépêche, je dois aller courir avec une amie dans le froid de l'hiver toulousain !
CHAPITRE 02 : Il rêva de sang
Cette nuit là, Jolt fit un rêve. Il n'avait plus fait de rêve depuis des années.
Il était nu, au milieu d'une forêt sombre et dense. Sa peau couverte de sang. Son nez, sa bouche, comme s'il avait plongé la tête dans une carcasse fraîche. Il le sentait couler sur son menton jusqu'à son cou, il se délectait du goût sur ses lèvres.
Sous lui, un corbeau éventré tressautait encore. Il l'avait tué, il avait bondit alors que l'oiseau prenait son envol, et ses mâchoires s'étaient claquées sur son corps avec une violence qui l'avait fendu en deux. Jolt, à quatre patte par terre, tremblait de tous ses membres. Les pensées se dérobaient à lui dans sa tête. Le choc d'avoir tué l'avait changé en un instant de loup à humain. Le prédateur était piégé dans un corps nu et fragile sans parvenir à s'en rendre compte.
Un crissement lui fit brusquement relever la tête, et son cœur s'arrêta net. Un autre loup était là, l'air strict, parfaitement droit, l'expression invariable. Ses grands yeux noirs le scrutaient sans que la lumière ne s'y reflète. Ce regard glacial percuta Jolt si implacablement qu'il en trembla un peu plus. Soudain, tout son corps fut submergé par une vague brûlante d'adrénaline. Il avait attendu ce moment de toutes ses forces. Ce regard, cette attention. Il avait chassé la plus prestigieuse des proies pour quelques secondes de cet intérêt exigeant. Il avait tué pour que ce loup d'encre pose les yeux sur lui. Et ça avait marché.
Cette mort était une offrande.
Jolt se réveilla brusquement. 8h42. Il se leva et enfila un le premier boxer que son armoire lui tendit. Son cœur battait toujours à cent à l'heure, comme s'il avait vraiment vécu cette scène cauchemardesque. Il n'osa pas aller se regarder dans un miroir, qui savait de quoi aurait été capable son reflet ?
Poussé par un sentiment d'urgence incontrôlable, il déboula dans le salon comme s'il était poursuivit par l'horreur de son rêve. Ses émotions se bousculaient dans sa tête et l'empêchait encore de réfléchir clairement, de savoir ce qu'il faisait, ce qu'il cherchait à faire.
— Russel ! aboya-t-il.
L'une des agentes, grande blonde carrée avec une queue de cheval, lui indiqua une direction du doigt, et Jolt la suivit des yeux. Force Russel était là, en train de se relever d'un petit fauteuil contre le poteau central de l'immense pièce, de poser son journal sur la table basse qui y faisait face. Il reboutonna sa veste de costume, comme l'étiquette le demandait. Ce simple geste fit bouillir le sang de Jolt mais la raison en resterait à jamais un mystère.
Il ne sut pas pourquoi ce regard froid, ces grands yeux noirs exigeants, cette attention tranchante fit encore vibrer celui qu'il avait été en rêve. Il détesta avoir, même quelques minutes après le réveil, un reste de cette satisfaction presque adulatrice qu'il avait dû subir.
Ce loup dans son rêve, c'était lui. C'était Russel.
Force Russel excellait à son travail. Il était de ceux qui mettaient un point d'honneur particulier à le faire correctement, quelque soit la difficulté.
Jolt Curtis, de son côté, qu'il le montre ou non, venait de subir de plein fouet une attaque très violente. Son domicile avait été envahi, des gens armés, cagoulés, avaient tiré des coups de feu. Sur le moment personne n'avait su que les dommages seraient raisonnable, rien n'avait été raisonnable là dedans. Il avait été percuté par tout ça de plein fouet. Personne n'était naturellement préparé à affronter ce genre de choses.
Alors ceci expliquait peut-être cela. Un besoin de décompresser, une prise de risque contrôlée, Force n'était pas à même de dire de quoi il s'agissait. Tout ce qu'il pouvait faire, c'était constater exactement à quel point son client prenait plaisir à rendre son travail compliqué.
Dès le premier jour de la toute première semaine, dès même la première matinée, il avait tenté de s'enfuir trois fois.
Il avait envoyé Force, Force spécifiquement, préparer une voiture pour sortir, chaque fois la berline blindée fournie par Pollux. Et chaque fois, il avait essayé d'accéder à son garage pour partir tout seul au volant d'une décapotable si possible bien voyante.
Chaque fois, Force avait réussi à le retenir ou à le suivre. Un agent, lui ou un autre, restait toujours dans la même pièce que lui, mais l'animal était incroyablement doué pour se faufiler en douce, et même se cacher. Combien de fois, en à peine quelques semaines, avait-il fait retourner toute la maison à l'équipe de jour, simplement pour réapparaître depuis un placard ?
Force espérait sacrément que Curtis s'amusait, parce que lui, pas du tout.
Aujourd'hui, cependant, il n'y avait rien eu à signaler. Ce n'était pas pour autant une bonne nouvelle. Le client avait prévu de retrouver des connaissances au restaurant vers 14h, Force le déposa pour 13h50 exactement. Mais d'une manière ou d'une autre, il pressentait que le cirque n'était pas fini.
Depuis la voiture, en roulant au pas, il resta assez longtemps pour voir où s'installaient Curtis & Co. Quel restaurant – il voulait s'assurer que c'était bien celui que le client lui avait donné – et surtout à quelle table précisément. Une fois Curtis assis en terrasse et seulement à ce moment là, Force alla garer la voiture sur le parking de l'établissement.
Il revint aussi sec. Avec un autre client, d'autres circonstances, il serait resté dans la voiture et aurait pris sa pause déjeuner là. Mais le sentiment que quelqu'avanie stupidement risquée continuait de lui pendre au nez persistait. Comme une dérangeante intuition, le genre qui s'était toujours vérifié jusque là. En revenant au niveau de la terrasse, Force maudit son incroyable sixième sens.
La table était vide. Les chaises encore tirées, deux d'entre elles tombées en arrière.
Putain. Est-ce qu'il venait de perdre son client ? En une fraction de seconde, tous les scénarios se superposèrent dans son esprit : une fuite irresponsable, une nouvelle attaque, un enlèvement. Déjà en train d'estimer les probabilités pour chaque dénouement, en prenant en compte le fait qu'il n'était pas resté éloigné plus de cinq foutues minutes, il sentit le sang se glacer progressivement dans ses veines. Tous ses sens s'aiguisèrent pour capter la moindre information. Il regarda partout autour de lui à la recherche de la moindre trace. Tout indiquait la précipitation mais rien ne laissait vraiment penser qu'il y avait eu lutte.
Finalement, ce fut une gerbe de gloussements idiots qui saisit son attention. De glacé, le sang de Force passa instantanément à l'ébulition. Ces petits cons.
Tout le groupe avait simplement changé de restaurant, et s'était installé à la terrasse voisine.
Quelqu'un semblait en avoir ouvertement après Curtis et tout ce qu'il trouvait d'intelligent à faire, c'était ça...
— Et bah, Russel ? lança-t-il depuis sa nouvelle table et sa petite gueule satisfaite. Faut pas vous affoler comme ça !
Ainsi donc, Force ne le lâcha plus après ça, pas même une seconde. Il resta debout quelques mètres derrière lui tout le repas.
Le soir même, il dut encore conduire tous ces jeunes imbéciles à un club privé qui, ô joie, commençait une soirée mousse à 18h pour ses VIP.
Et, par petite vengeance sournoise assumée, cette fois ce fut Curtis qui ne lâcha plus son agent. Il trouva toutes les occasions de lui étaler de la mousse sur le visage, dans les cheveux, de lui jeter dessus des seaux d'eau moussante, des poignées de paillettes et confettis, des serpentins collants qui se gluèrent à la peau de l'agent de sécurité, qui le repeignirent, et accessoirement ruinèrent son costume impeccable. Parfait ! Jolt détestait le voir tiré à quatre épingles là dedans ! Rien n'était sans défaut, et ni Force Russel, ni son invariable expression de profond sérieux ne faisaient exception.
Quand sonna 21h30, il n'y eut plus de trace de Russel. Quel dommage ; Jolt n'avait pris qu'une dizaine de photos, ce n'était pas assez pour le satisfaire.
Que Force Russel se tienne bien, le jeu commençait à peine.
Et les rêves aussi. Plus Jolt s'en prenait à l'agent, plus ils revenaient le venger. Comme s'il n'y avait aucun échappatoire, que lutter comme Jolt le faisait était seulement vain.
Cette nuit là encore, il rêva de sang. De crocs qui se fermaient sur des torrents de chair.
Il était un loup, cette fois. Un jeune loup brun, à la gorge et au museau écarlate. Le corbeau tressautait sous lui. Et à quelques mètres de lui, surplombant toute la scène depuis le haut d'une faible pente, le petit loup noir l'observait. Il avait cette mystérieuse froideur qui le rendait brûlant. Toute trace de la rage à son égard du Jolt éveillé était évaporée, il était de nouveau subjugué dans son sommeil. Tout ce qu'il ressentait, c'était le désir de lui plaire, la fièvre. Il était extatique. Pour lui il avait attrapé la plus difficile des proies. Il y avait passé des jours, des jours et des jours. Il sautillait presque sur ses pattes écartées, il osait à peine japper de joie. Tout ce qu'il souhaitait, c'était l'impressionner. Rien de plus qu'obtenir son attention. Rien d'autre.
J'espère que ça vous a plu ! On se revoit mardi ?