Bonsoir ! Ou bonjour vu l'heure ! Voici ma première participation à la nuit du lemon de la Ficothèque Ardente ! Le thème était le Nouvel An chinois, et la phrase en italique dans le texte est celle que j'ai choisie parmi celles proposées. Je m'excuse d'avance pour les fautes, pour la fin légèrement accélérée, et j'espère que vous apprécierez malgré tout ! Les avis sont bienvenus ! Attention, la guimauve est au rendez-vous.

Bonne lecture !

Le Nouvel An chinois n'avait toujours pour été pour Gabriel qu'un prétexte de plus pour faire la fête et profiter pleinement de sa vie d'étudiant, enchainant les beuveries, les sorties jusqu'à pas d'heure, et les regrets du lendemain lorsqu'il ne parvenait plus à garder les yeux ouverts lors de ses cours de linguistique… Quoiqu'à bien y réfléchir, il n'avait jamais réussi à rester pleinement éveillé durant ce cours laborieusement donné par un vieil homme soporifique. Mais là n'était pas la question.

Cette année, il s'était assagi, ne voulant pas risquer une mauvaise moyenne durant cette dernière année de licence de Lettres Modernes. Il allait sur ses vingt-trois ans, c'en était plutôt bien tiré lors de ses deux années de prépas, puis des deux années de Lettres, il n'avait pas envie de tout foutre en l'air au nom d'une oisiveté qui ne lui plaisait même plus.

Il avait pris des distances avec les amis un peu trop fêtards, peut être lassé de retrouver toujours les mêmes, de débattre des mêmes choses, jusqu'à ce que les conversations ne soient plus si importantes en comparaison de la danse, et des verres d'alcool qu'ils commandaient en trop grand nombre.

Il avait élargi son cercle, s'était décidé à parler un peu plus avec d'autres camarades, essuyant souvent des déconvenues, les groupes s'étant déjà formés depuis bien longtemps. Mais il ne regrettait rien, car si les soirées étaient devenues plus solitaires, parfois fastidieuses car travailler seul ne l'avait jamais vraiment emballé, il avait aussi fait des connaissances qu'il ne regrettait pas, et qui valaient bien quelques coups de cafards dus à l'ennui. Enfin, s'il était honnête avec lui-même, une rencontre en particulier le rendait particulièrement heureux. Et c'est pour cette personne qu'il changeait ses plans en cette journée pluvieuse.

Il avait longtemps hésité à parler avec le jeune homme asiatique toujours assis au fond de l'amphithéâtre dans lequel ils avaient leur cours de stylistique. Il l'avait remarqué à la rentrée, sans savoir s'il venait d'arriver dans leur promo, ou s'il n'avait simplement, une fois de plus, pas fait attention à ceux qui l'entouraient.

Mais alors que l'année passait doucement, il se surprenait de plus en plus à laisser son regard dériver vers le jeune homme quand il allait s'installer à sa place. Puis, Gabriel avait quitté les rangs du milieu pour rejoindre le fond de la salle afin de l'observer également durant le cours, en toute discrétion et sans avoir à se tordre le cou. Cette espèce de fascination était venue naturellement, sans qu'il n'en comprenne la raison, sans qu'il ne parvienne même à lui donner du sens.

Kiu –il avait appris son nom lors de l'appel règlementaire du professeur- était certes plaisant à regarder, avec son visage rond, ses cheveux très épais et très noirs, son air toujours sérieux, mais cela ne justifiait pas l'envie presque viscérale qu'il avait de faire sa connaissance.

Sonia, une adorable Erasmus espagnole, avait finalement remarqué le manège peu discret de son camarade, et, après s'être copieusement moquée de sa timidité, l'avait entrainé avec elle afin de parler à ce mystérieux chinois. Kiu s'était révélé économe en mots comme en sourires, ce qui avait un peu douché leur enthousiasme… Mais il avait pu le voir de plus près, entendre distinctement le son de sa voix, grave, à l'accent étrange et agréable, se rendre compte que ses yeux sérieux étaient d'un marron noisette. Et à force de persévérance, de « bonjours » timides à chaque cours, leur camarade s'était mis à passer du temps avec eux, d'abord pour des révisions, puis pour manger – un sandwich sur le pouce à la cafétéria , dans un petit restaurant pas cher, et enfin, lors d'un vrai diner organisé par Sonia. Il s'était rapproché d'eux, s'ouvrant de plus en plus, parlant de sa vie en France, de son dépaysement. Il ne confiait pas grand-chose, trop fier, mais les sourires qu'il adressait à Gabriel en racontant des anecdotes sur son pays retournaient le ventre de ce dernier, amenant parfois une rougeur qu'il espérait discrète sur ses joues mangées par quelques taches de rousseur.

Mais toutes les bonnes choses avaient une fin, et le premier semestre s'était achevé avec les fêtes de fin d'année. Noël était arrivé trop vite, surtout après les semaines de révisions qui avaient débouché sur les partiels qui les avaient empêchés de profiter les un des autres. Sonia était rentrée chez elle à Barcelone, et ne reviendrait plus. Il n'avait pas pu profiter d'une dernière soirée avec elle, ni même de véritables adieux, et ses yeux l'avaient furieusement piqué lorsqu'il avait fallu la quitter –la poussière, cette saleté-. Si cela n'avait pas échappé à ses deux comparses, ils n'avaient rien dit. L'angoisse avait dévoré le jeune français à l'idée que Kiu puisse lui aussi s'en aller bientôt, mais il avait été soulagé d'apprendre que le taciturne chinois restait durant l'année complète.

Il se souvenait encore de la dernière fois qu'il l'avait vu, un peu morose avait-il eu l'impression –mais il était difficile d'en être certain étant donné que le brun n'était pas des plus expansifs-. Lui-même était obligé de rentrer chez lui pour les fêtes, en Camargue, à une heure environs de Nîmes, aussi n'avait il pu que souhaiter de bonnes fêtes à son obsession avant de partir pour deux semaines, peu emballé.

Ses parents avaient été surpris de le retrouver si sage, si différent du jeune homme qui les avait quittés quelques mois auparavant, mais trop contents de ne plus avoir à se faire du souci, ils n'avaient pas insisté pour connaître les raisons d'un pareil changement.

Sa sœur par contre ne s'était pas privée de lui poser une myriade de questions sur lui, sa vie, ses nouveaux amis. C'était elle qui avait soulevé le problème qui le taraudait depuis une semaine maintenant : si la famille de Kiu était en Chine -il ne savait plus vraiment où, il faudrait qu'il lui demande- et s'il n'avait pas d'autres amis qu'eux, avec qui allait-il passer Noël, et le réveillon de la nouvelle année ?

Il avait compensé son absence auprès du chinois en lui envoyant des messages, via Skype, via SMS, autant qu'il le pouvait sans être pénible. La semaine était passée avec une lenteur frustrante alors que Noël avait été plaisant, le gâtant d'argent et de livres, alors qu'il revoyait pourtant ses amis d'enfance pour le réveillon, retrouvant les rituels qui les avaient accompagnés au fil des années. Mais il aurait voulu que Kiu soit là : il lui manquait alors qu'il ne le connaissait que depuis quelques mois. Cela le poussait à s'interroger sur ses sentiments : il savait bien sûr que ce n'était pas qu'une simple amitié, il n'était pas bête et son comportement n'avait rien eu de rationnel depuis qu'il l'avait vu pour la première fois. Mais pouvait-il parler d'amour ? Envisageait-il plus que ce qu'ils avaient, lui qui s'était contenté de quelques relations, avec quelques femmes, sans entrain. Il ne se sentait pas perturbé par le fait que la personne qui occupait ses pensées fut un homme, pas vraiment… ses parents lui avaient toujours présenté l'amour comme sans frontière, vous tombant dessus sans qu'on ne puisse y faire quoi que ce soit. Mais il ne savait pas pourquoi, il n'avait pas pensé le vivre. Comme si c'était une chose réservée aux autres.

Pourtant, après plusieurs discussions avec sa sœur, de quatre ans sa cadette, il avait réalisé. Il cherchait perpétuellement à faire plaisir à son ami pour voir ce sourire timide et trop rare s'épanouir sur ses lèvres, il voulait le réconforter lorsque son pays et sa famille lui manquaient, lui faire découvrir une multitude de choses qu'il ne connaissait pas… Et la simple idée de l'embrasser lui avait fait monter le rouge aux joues et l'avait laissé rêveur. Il ne pouvait plus se voiler la face, et lorsqu'il rentrerait à la Cité des Papes, il tenterait peut-être de faire comprendre ses sentiments à l'asiatique, s'il en trouvait le courage, et s'il parvenait à faire taire la peur de perdre son amitié en se dévoilant. Mais avant tout, il avait quelque chose à préparer.

Il n'était pas bon cuisinier et avait limité les risques. Il jeta un dernier coup d'œil à ses préparatifs. La soupe pékinoise était prête. Les petits paniers en bambou garnis de dim-sum feraient tout leur effet. Le poulet du général Tao avait belle allure. Plus qu'à dresser sa table en lui donnant un petit air asiatique.

Il s'était donné du mal pour saisir la seconde chance de passer la nouvelle année avec son ami. Les recherches et les heures passées en cuisine vaudraient largement la peine si cela parvenait à sortir Kiu de sa triste mélancolie. Il avait prévenu ce dernier quelque temps à l'avance afin qu'il ne se retrouve pas seul comme un idiot, sans parler du Nouvel An chinois une seule fois, préservant sa surprise.

La supérette asiatique, et le bouiboui chinois du centre-ville où l'on trouvait de tout, de la vaisselle en passant par de l'encens et des robes de soirée de plus ou moins bon goût, avaient été parfaits, et son studio croulait sous les lanternes de papier, alors qu'un poisson doré et écarlate manquait l'éborgner à chaque fois qu'il passait dans le coin-cuisine. Il avait été jusqu'à repousser la banquette qui se transformait en lit –et qui ne cadrait pas du tout avec la nouvelle décoration, il lui fallait bien le reconnaitre- dans un coin, et avait jonché le sol de coussins. Il ne savait pas vraiment s'il était commun de manger par terre en Chine, mais il avait réalisé avec surprise qu'il n'avait qu'une chaise et sa banquette. Il lui faudrait remédier au problème par la suite. La pièce paraissait encore plus petite que d'habitude, avec ses bougies sur chaque meuble, mais l'ambiance qu'elle dégageait était chaleureuse.

La table était dressée, les plats au chaud, les chips aux crevettes attendaient dans un saladier de porcelaine décorée d'un dragon, il n'avait plus qu'à se préparer… La pendule lui indiqua qu'il n'était pas en avance, et son miroir lui renvoya une image de lui qui le fit grimacer.

Gabriel n'avait jamais été du genre à miser sur son physique. S'il faisait vaguement attention à ce qu'il portait –jeans noirs, chemises ou hauts légèrement moulants, chaussures vernies ou tennis citadines de marque-, il n'avait jamais réellement été préoccupé par l'apparence de son corps, de son visage. Et il le regrettait, ce soir. Ses yeux verts étaient un peu trop agrandis par l'excitation et l'anticipation, légèrement cernés, ses cheveux aux affreux reflets roux qui lui avaient valu bien des sobriquets durant son enfance étaient en pétard et auraient eu besoin d'un coup de ciseaux –rien d'inhabituel- et ses joues rougies étaient toujours piquées de tâches de son. Il ne s'était pas attendu à changer du tout au tout, il savait à quoi il ressemblait, mais l'insécurité s'était logée dans son ventre. Et si la soirée ne plaisait pas à Kiu ? Et s'il le trouvait ridicule, dans cette chemise col mao grise qu'il avait achetée pour l'occasion ? Ne jurait-elle pas avec ses cheveux ? N'était-il pas un peu trop grand, sans muscle ? Après tout, l'Asiatique, lui, paraissait musclé…

Grognant de frustration, il envoya paître ses doutes ridicules, et haussa les épaules. La soirée ne visait de toute façon pas à séduire son ami, mais à lui faire plaisir. L'un n'empêchait certes pas l'autre, mais il ne voulait pas que le chinois s'imagine qu'un but égoïste se cachait derrière cette attention. Bon, peut être était-ce un peu le cas, mais il ne voulait pas s'appesantir dessus.

La sonnette, carillon agressif, le tira de ses pensées et le fit sortir pieds nus de la salle de bain, soudainement plus excité qu'il ne l'était auparavant. Il vérifia d'un rapide coup d'œil si tout était en place, manqua trébucher sur un coussin, huma les fragrances émanant des divers plats puis ouvrit, peut être un peu trop brusquement, la porte. Kiu se tenait dans le hall de l'immeuble, le gardien l'ayant sans doute laissé entré, à moins que quelqu'un n'ait pas fermé la porte d'entrée. Il était beau, avec son éternel air grave, ses yeux noisette, plus sombres qu'à l'accoutumée lui semblait-il. Il n'était pas vêtu différemment qu'à l'accoutumée, contrairement à lui, mais sa chemise noire et son jean bleu clair lui allaient comme un gant. Ils lui étaient familiers, et bizarrement, cela le mit en confiance. Il tira son acolyte dans la pièce avec précipitation, inconscient du fait qu'il pouvait l'effrayer légèrement de par son attitude qui n'avait rien de naturelle.

Kiu sembla perdu durant quelques instants, observant les lieux, sa bouche fine et pâle légèrement ouverte, avant de se tourner vers lui, semblant attendre une explication. Un sourire contrit vint étirer celles du français, qui se racla la gorge avec embarras.

- Bon Nouvel An !

Les bras qui l'enserrèrent le surprirent autant qu'ils le ravirent, et c'est avec un soupir de soulagement qu'il passa ses mains dans le dos de l'homme légèrement plus petit que lui pour le réconforter. Un reniflement le surprit, mais il ne dit rien, laissant l'Asiatique se remettre de ses émotions, heureux qu'il ait apprécié, triste qu'il soit si affecté par l'éloignement des siens. Le brun finit par se redresser, dévoilant de nouveau son visage aux traits fins, la mâchoire légèrement trop carrée, toujours aussi sérieux.

Il lui adressa finalement un sourire, l'invitant à s'assoir. Il était vingt heures, et des amuses bouches les attendaient, ainsi qu'une soirée plaisante, espérait il.

Mais si lui entretenait la conversation, babillant plus que d'habitude, Kiu ne paraissait pas décidé à ouvrir la bouche. Il déambula dans le studio, dont il fit vite le tour, observant la banquette, astucieuse et jolie, les bougies omniprésentes, les quelques photos, posters de films ou de peintures qui décoraient la pièce, avant de s'approcher de nouveau de l'hôte, rendu légèrement mal à l'aise par son manège. Une pensée fugace et ridicule lui fit espérer qu'il ait bien rangé tout son linge propre, mais il se rappela à l'ordre, et oublia même toute pensée lorsqu'un sourire éclatant –le premier de ce genre qu'il ne lui ait jamais vu- vint étirer les lèvres de son vis-à-vis, maintenant assis tout près de lui, sur le coussin récalcitrant sur lequel il avait trébuché. Il lui sourit en retour, cessant enfin de babiller, et l'Asiatique prit une inspiration avant de poser sa tête sur son épaule en un abandon touchant.

- Merci. Merci pour ce que tu as fait, pour cette surprise. Je crois que c'est la plus belle chose qu'on ait faite pour moi…

Il ne put répondre, l'émotion serrant sa gorge, mais il glissa une main câline dans les cheveux à la texture épaisse et particulière du brun. Sans y songer, il s'amusa à les découvrir, faisant glisser les mèches entre ses doigts, oubliant le repas, les apéritifs, tout ce qui n'était pas ce corps à l'odeur musquée pressé contre lui, la chevelure aux senteurs de cèdre tout contre son visage. Une main se posant sur sa poitrine, là où son cœur battait brusquement la chamade, le fit presque sursauter alors qu'une autre l'attirait brusquement contre la bouche fraiche de son chinois. Il écarquilla les yeux, ne songeant même pas à les fermer pour apprécier la sensation. Kiu l'embrassait. Incapable de penser, de réagir, il entrouvrit les lèvres à la recherche d'air, incapable de savoir s'il allait paniquer ou s'il voulait parler. Une langue taquine vint mettre fin à ses tourments intérieurs, et il s'abandonna, pressant son corps contre celui de son ami. Oubliées, les incertitudes, oublié, le manque de confiance en soi, plus rien n'avait d'importance hormis cette langue taquine qui découvrait lentement, tranquillement, sa jumelle, tandis que les yeux noisette le fixaient, bien plus brillants que d'ordinaire.

- J'en avais envie depuis l'une de nos premières séances de révision. Chuchota Kiu.

- J'en avais envie depuis la première fois que je t'ai vu dans l'amphithéâtre de l'aile E. Avoua Gabriel.

Le rire de l'Asiatique n'était pas moqueur, mais plutôt attendri. Il s'écarta et piocha une chips dans le saladier sans le lâcher du regard. Son air taciturne et triste avait disparu, sa bouche n'avait plus ce pli amer qui la marquait depuis la fin des partiels, la ride entre ses yeux avait disparu. Sans y penser, le roux l'effleura du bout des doigts avant de se lever pour aller chercher le repas.

Il ne sut pas si ce dernier était bon ou non, trop occupés qu'ils étaient à se dévorer des yeux, à s'observer, ils en oubliaient même de parler. Ils auraient tout le temps de le faire après, mais pour l'heure rien n'importait plus que cette complicité feutrée dans l'intimité que leur offrait ce cocon, ces regards lourds de sens, pleins de promesses, d'envie, et de retenue.

La banquette blanche, disgracieuse au milieu de tout ce rouge et ce doré, les accueillis à la fin du repas, et les lanternes volantes que Gabriel avait réussi à trouver et qu'ils auraient dû lâcher furent oublié. De toute façon, il pleuvait.

Une langueur paresseuse les animait. Ils n'avaient pas envie de précipiter les choses, mais ne supportaient pas de ne pas se toucher, de ne pas se découvrir. Leurs mains, sages pour le moment, parcouraient leur visage, les vêtements, les mains, le moindre centimètre de peau nu. Ils se souriaient, s'embrassaient du bout des lèvres, joueurs. Gabriel n'y tint pourtant plus et initia un baiser plus vorace, se rapprochant toujours plus de l'autre homme jusqu'à ce que ce dernier s'allonge, et qu'il se juche avec un sourire canaille sur lui. Les baisers reprirent, mais leurs mains découvrirent ce qu'elles n'avaient osé explorer jusque-là, passant sous les vêtements pour venir faire frissonner leur peau, leur tirant des soupirs appuyés. Tendre regard marron plongé dans les yeux verts joueurs, ils refusèrent de se détourner, même lorsque Kiu entreprit de défaire les boutons de la chemise grise, tandis que le roux lui rendait la pareille.

L'Asiatique était en effet plus musclé que lui, sa peau était pâle et belle à la lueur des bougies. Gabriel n'eut pas honte lorsqu'à son tour la peau tachetée fut offerte au regard de son amant. Ils reprirent leur découverte de leurs mains, de leur bouche, de leur torse. Gabriel ne put retenir un gémissement lorsqu'une morsure taquine lui fut infligée. Il donna un coup de langue amusé sur un mamelon, mordit, sentit, embrassa cette peau offerte à lui, la paresse laissant peu à peu place à une envie vorace qui fit s'emballer son cœur et son souffle, qui les fit se presser l'un contre l'autre et gémir de concert. Les jeans, gênants et étroits, furent jetés à terre, et les caleçons subirent bien vite le même sort. Ils ne pouvaient plus attendre, et leurs mouvements se firent plus décousus, erratiques et pressants. Le roux se leva, nu et gracieux dans la lueur douce des chandelles, amusé et confiant face au regard plein de désir qui se posait sur lui. Il attira l'homme à lui, pressant sa chair contre la sienne, avant d'ouvrir d'un geste sûr la banquette qui lui servait également de lit. Ils se laissèrent tomber dessus en s'embrassant voracement alors qu'il tentait d'atteindre le tiroir accueillant la chaude couette lorsqu'il n'en avait pas besoin. Sa main renonça et préféra finalement s'égarer au niveau du pubis de l'Asiatique, qui gémit dans sa bouche lorsqu'il enserra son vis, et s'empressa de lui rendre la pareille. Il ne sut si cela était dû à la dextérité de l'homme, ou à l'excitation mordante qu'il ressentait, mais Gabriel gémit sans retenue à son tour, écartant un peu plus les jambes, inconscient des mouvements désordonnés que son corps faisant afin de suivre ces doigts longs qui lui donnaient tant de plaisir. Il parcourut de ses lèvres, de sa langue, la peau découverte, savourant la saveur de celle-ci, découvrant ou redécouvrant, marquant parfois, jusqu'à ce que Riu soit obligé de le lâcher. Il posa une bouche hésitante sur le sexe de l'Asiatique, observant le corps, le visage de l'autre homme qui ne le lâchait pas non plus de ses yeux suppliants. Il ouvrit un peu plus ses lèvres, gouta de la langue, et plongea finalement afin de découvrir ce plaisir qui lui était jusqu'alors inconnu. Le goût le surprit, l'odeur plus musquée, virile, lui arracha un murmure de plaisir qui fit gémir le supplicié qui subissait ses caresses trop lentes, pas assez appuyées, mais il continua à prendre son temps, jouant et expérimentant, guidé par les soupirs, et les mouvements incontrôlés.

Riu semblait au bord de la rupture lorsqu'il cessa de le torturer. Le chinois en profita pour venir à son tour se plaquer contre son corps, l'écrasant légèrement alors qu'il léchait, embrassait paresseusement la bouche humide de l'homme sous lui. Ses mains fortes lui firent écarter les jambes, alors que, la gorge soudainement nouée par l'émotion de ce moment qu'ils partageaient pour la première fois ensemble, il laissait ses mains s'égarer plus bas, murmurant dans sa langue inconnue une suite de paroles douces que le roux ne pouvait comprendre.

Ce dernier se pencha un peu plus pour ouvrir l'un des tiroirs de la banquette, ses contorsions amusant son condisciple, et en sortit un tube de lubrifiant et un préservatif qui arrima aux lèvres de l'Asiatique un sourire malicieux. Encore un qu'il ne connaissait pas.

La suite ne fut que frictions, baisers tendres et murmures dénués de sens alors qu'un doigt venait se glisser doucement dans l'antre chaude et vierge du français, qui s'habitua bien vite à cette sensation nouvelle, en demandant davantage.

Il voulait sentir Riu en lui, le faire se perdre dans les sensations, oublié tout ce qui n'était pas lui, mais c'est finalement lui qui oublia tout lorsqu'un second puis un troisième intrus vinrent l'ouvrir un peu plus, taquinant un point délicieusement sensible qui le fit gémir, haleter, et supplier lorsque son tortionnaire l'enserra de nouveau dans sa main. Il l'implora de mettre fin à ce tourment, il bafouilla une suite de paroles sans sens ne visant qu'à sentir plus de cet homme, à découvrir avec lui la communion de deux corps amoureux. Et le brun céda, ne résistant pas à spectacle de son amour alangui dans les coussins, le corps brillant éclairé par les chandelles, le regard perdu lui murmurant des mots d'amour qu'il ne comprenait pas toujours.

Il glissa le préservatif le long de son membre, gémissant par ce simple touché, et vint à la rencontre du roux, qui s'empressa d'ouvrir ses cuisses pour le sentir contre lui, tout en l'embrassant avidement.

Le gémissement de douleur répondit à son murmure de félicité lorsqu'il s'enfonça lentement entre les chairs chaudes et étroites. Il n'allait pas tenir longtemps, submergé par l'émotion, par les sensations, comme ivre. Il ne pouvait détacher son regard du corps alangui sous le sien, des lèvres carmines ne retenant plus les légers cris et halètements lorsqu'il commença à bouger.

Ce Nouvel An était le meilleur qu'il n'ait jamais vécu, cela ne faisait aucun doute, et il ne laisserait pas le jeune français, à présent incapable de prononcer une parole cohérente. Il profiterait de chaque minute avec lui jusqu'à la fin de l'année scolaire, et même après, il l'espérait. Lui qui avait songé à rentrer en Chine, n'ayant pas l'impression d'avoir d'attaches ici, ni vraiment d'ami, avait finalement trouvé l'amour.

S'arrachant à ses pensées, le brun accéléra ses mouvements, écrasant son torse contre celui de Gabriel pour accéder à sa bouche, tandis qu'il attrapait, dans un mouvement de poignet légèrement douloureux, la virilité de son amant. La jouissance les rattrapa plus vite qu'ils ne l'auraient souhaité, le roux gémissant contre la langue intrusive, se resserrant spasmodiquement autour du membre fiché en lui, qui entraina la délivrance de l'Asiatique. Ils restèrent un moment ainsi, simplement blottis l'un contre l'autre, fatigués et béats.

Gabriel remonta d'une main paresseuse la couette, qu'il jeta comme elle venait sur leurs corps encore brûlants, et soupira d'aise. Oui, il aimait beaucoup le Nouvel An chinois, et il avait hâte de préparer le prochain avec son amant.

Il n'eut que le temps d'entendre murmurer un « je t'aime », et d'y répondre d'une voix plaintive et mourante avant de s'endormir.

Fin!