Deux corps, un cœur

Une petite histoire qui me trottait dans la tête. Elle ne fera sans doute pas plus de trois ou quatre chapitres. Dites-moi ce que vous en pensez ! Je vous invite aussi, si le cœur vous en dit, à aller lire l'autre histoire que j'ai en cours, que vous trouverez sur mon profil (si si. C'est fou hein ?)

Je me souviens de toutes les premières fois. Toutes, sans exception, du moment que c'était avec lui. Ce n'est sûrement pas son cas, et ça me fait chier. Ca me fait chier de me dire que je n'ai pas compté dans sa vie autant que lui a compté dans la mienne.

Ce que je ressens pour lui, c'est tellement plus que de l'amour. C'est un mélange de fascination, de joie et de souffrance, qui me prend aux tripes dès que j'y pense. De peur aussi. D'excitation.

De désir.

La première fois que je me suis trouvé dans la même pièce que lui, j'étais pourtant à des kilomètres de me douter de l'effet qu'il me ferait un jour. J'étais le nouveau de la classe de première S. J'avais débarqué à la rentrée des vacances d'avril. Ma peau noire et moi, on détonnait un peu dans cette classe de petits blancs d'un minuscule lycée de campagne, mais je m'en fichais. Le racisme ne me faisait pas peur et je n'avais jamais eu de mal à me faire des amis. La preuve, en dix minutes dans la cour de récré, j'avais déjà amassé autour de moi une petite bande de mecs et de nanas qui avaient, volontairement ou non, flatté mon égocentrisme en demandant à tout savoir de moi.

Y'avait pas grand-chose à dire, hein. Deux parents, trois sœurs toutes plus âgées. Un déménagement suite à la mutation de ma mère. Pas d'histoires, pas d'embrouilles. Rien.

C'était avant lui.

On est rentrés en classe, nous tous, et on s'est assis comme on voulait. Je me suis mis plutôt dans le fond, mais pas tout à fait, à côté de Bruno, qui allait devenir mon super pote de geekage intensif. C'était un cours de français, avec une petite vieille toute gentille, mais qui aurait du mal à m'intéresser à sa matière. Je ne faisais pas S pour rien.

Je roupillais donc joyeusement quand il est entré, après un toc discret à la porte. Il s'est assis derrière moi direct, sans même un mot d'excuse. Le cours avait commencé depuis vingt minutes.

« Alexis... » a gémi la prof, l'air désespérée.

Il a haussé les épaules et le reste de la classe a rigolé.

Moi ? Bah je n'y ai pas fait attention plus que ça.

Pourtant on le remarquait. Clairement il détonnait dans le décor. Il y a des mecs dont on dirait qu'ils ont trente ans depuis qu'ils en ont treize, à cause de leur carrure. Alexis était comme ça. Il était grand. Ok, j'étais du genre nabot, mais il me dépassait de deux bonnes têtes. Et ça se voyait, à la manière dont les muscles de ses bras bougeaient sous son sweat, qu'il était sportif. Il était plus baraqué que la totalité des mecs du bahut, profs compris. Bien sûr, je n'ai pas fait attention à ces détails tout de suite. Le désir, qui m'a poussé à détailler chaque centimètre carré de son corps, à tel point qu'il a fini par me griller, est venu plus tard.

Difficile par contre de ne pas remarquer ses cheveux ras quand tout le monde, moi y compris, les avait longs et savamment coiffés, de ne pas voir ses yeux verts sous des sourcils fins comme des lames, froncés, touche de maussaderie supplémentaire dans son visage renfrogné. Un visage aux traits réguliers, pas vraiment beau, mais... élégant. Charismatique. Classe, quoi.

Ma première impression sur lui ? Le mec cool du bahut. Assez beau gosse, qui s'enchaînait les filles comme d'autres les chewing gums, hyper populaire, toujours au centre de l'attention. Toujours pardonné pour tout, avant même que la faute ait eu lieu.

Franchement, les jours suivants ont plutôt eu tendance à confirmer cette opinion. Il était en retard plus d'une fois sur deux et personne ne lui disait jamais rien. Ni les profs ni le reste de la classe ne s'en formalisaient. Ils avaient plutôt tendance à le prendre avec le sourire. Il n'en foutait pas une dans son groupe de TPE, mais ses potes laissaient pisser. Pourtant il n'était pas con. Il avait même de bons résultats. Il était souvent impoli, pas dans le genre vulgaire ou grossier, mais il était apparemment incapable de dire « bonjour », « au revoir », « s'il te plait » ou « merci », sans que ça semble gêner personne. Je ne compte plus le nombre de fois où il a étiré son grand corps jusqu'à ma table pour me chiper un crayon ou même la trousse entière. Sans me demander, évidemment.

On le traitait bien. Les autres élèves parlaient avec lui, riaient avec lui, sortaient fumer ou boire avec lui, parfois. Ouais, il était populaire. Dans le top trois des mecs que les filles rêvaient de s'envoyer. (Bruno et moi on avait chouré la liste un jour. J'étais septième. Sur une trentaine de mecs ce n'était pas si mal.)

Mais il y avait des fausses notes. Ses retards à répétition. Sa disparition, souvent, pendant les récréations, quand d'autres en profitaient pour sociabiliser. La manière dont il parlait aux autres, dont il riait à leurs blagues, comme s'il n'était pas vraiment intéressé. Son côté renfermé, distant.

La manière dont les autres réagissaient à ses absences aussi. Parfois, il ne venait pas pendant des jours entiers, et je ne l'avais jamais vu à un seul cours de sport, mais personne ne s'en formalisait. Personne ne semblait le remarquer.

Il était dans la classe avec nous, mais il ne semblait pas vraiment en faire partie.

Cette conclusion, j'y étais arrivé après plusieurs mois d'observation intensive. Quand je dis ça, ne vous méprenez pas : je ne passais pas mes journées à le zieuter en bavant. D'abord, j'aurais eu du mal. Il était presque tout le temps fourré au bureau derrière moi, seul en général. C'est juste que dès qu'il entrait dans mon champ de vision, je ne pouvais pas m'empêcher de le mater. Il m'intéressait. Il était bizarre, présent et absent à la fois. Insondable. J'aurais voulu savoir ce qu'il avait dans le crâne.

Et puis il y a eu les vacances d'été. Deux mois sans le voir. J'avais déjà remarqué que j'étais d'humeur plus maussade les jours où il était absent. Mais là ? Ca a été du grand n'importe quoi. J'étais irritable, colérique même, je ne m'intéressais plus à rien. Je pensais à lui tout le temps.

J'étais en manque de lui.

Je ne l'avais pas vue venir celle-là. J'ai eu la révélation au bout de la troisième semaine. Je pensais à lui, encore, en mangeant une glace au chocolat, sous la chaleur insupportable du soleil d'été, et là, paf, ça m'est tombé dessus. Un grand éclair de compréhension.

J'étais amoureux. Amoureux de ses mystères, de ses secrets, de ses vérités à demi-dévoilées, de toutes ces choses que je ne voyais pas encore en lui. On peut bien précommander un article sur Amazon ou n'importe où avant qu'il soit sorti. Moi c'était pareil. Je l'aimais avant de savoir.

Ca m'a remué sur le coup, parce que putain, c'était quand même un mec, et moi, j'aimais les nanas, les petites nénettes craquantes avec leurs courbes et leurs lèvres douces. Les lèvres d'Alexis, ces deux lignes fines, pâles, rêches, ça ne me faisait pas triper du tout. Et pourtant, le simple fait d'imaginer les embrasser, ça me donnait des suées, et pas d'angoisse. Le désir, le vrai, le dur, il est venu après, mais dites-vous bien que pour lui, ça a été physique tout de suite, autant qu'émotionnel.

J'ai passé le reste des vacances à me refaire tout le film dans ma tête. Toutes les fois où je l'avais vu, où on avait parlé, et où je n'avais rien appris de lui. Il y avait plein de choses que je n'avais jamais faites. M'asseoir à côté de lui. Manger avec lui. Bosser avec lui. Elles sont devenues mes projets pour l'année à venir.

Je n'avais même jamais interrogé les autres sur lui, et pourtant, ils en savaient évidemment plus que moi. Des rumeurs circulaient, auxquelles je ne prêtais pas l'oreille. Dès qu'il était question de lui, je me fermais comme une huître, moi qui adorais les ragots. Qu'est-ce qui me retenait ? La trouille qu'il me flanquait ?

Parce que oui, je le craignais. Il y avait du danger derrière ses paupières mi-closes et ses allures nonchalantes. Je l'avais plus d'une fois vu traîner avec des gars plus âgés aux mines louches. Il y avait le risque, qui me frôlait par ses bras, chaque fois qu'il les tendait pour chiper un truc sur mon bureau. J'étais une crevette à côté de lui, et ne rien savoir de lui, c'était aussi ignorer quand moi et ma grande gueule on risquait de passer la limite. Il aurait pu me démolir en deux secondes.

Et je savais qu'il ne fallait pas le faire chier. Il y avait eu deux ou trois querelles de cour de récré, et il n'en était pas ressorti perdant.

Pourtant, ce n'était pas ça qui m'avait retenu de me renseigner sur lui. La vraie raison était beaucoup plus idiote : ce qu'il y avait à apprendre, je voulais qu'il me le dise lui-même. Par confiance, sinon par affection. Je voulais être spécial à ses yeux.

C'est ancré dans ces nouvelles certitudes que je suis retourné au lycée à la rentrée, la joie chevillée au cœur et au corps. Un, j'allais le revoir. Deux, on se retrouvait dans la même classe. Trois, Tim, un super pote de Bruno, et un bon copain à moi du coup, y était aussi, et Bruno s'est assis à côté de lui, à l'avant-dernier rang, comme d'habitude, sans trop y penser. Il ne voulait pas me vexer, et il a d'ailleurs passé le premier cours à se retourner vers moi pour me parler.

Sur le coup, j'ai fait semblant de m'en ficher, et je me suis mis derrière eux. Avec lui. Mon cœur dansait tellement fort que je jure que je tremblais à chaque battement. Je lui ai dit bonjour en souriant, parce que j'en avais envie, et aussi pour le sonder, pour voir si ça le dérangeait, ou pas, que j'envahisse son espace vital comme ça. Il m'a adressé un signe de tête, sans sourire ni rien, il n'était pas dans un jour où il avait envie de faire semblant. Ca m'était égal. Il aurait dit non, s'il n'avait pas voulu de moi.

J'ai gardé cette place, sans trop demander, ni à lui ni à personne. Ca ne semblait pas le rendre heureux, mais pas non plus le foutre en rogne. C'était un entre-deux, le plus heureux de ma vie. J'évitais de trop le regarder, pendant qu'il prenait des notes, lisait ou s'ennuyait, les yeux tournés vers la fenêtre, parce que je ne voulais pas le gêner, mais je sentais sa présence, son odeur, sa chaleur près de moi, et je m'en gorgeais. Il continuait à me piquer tout le temps mes affaires et je le charriais, mais j'aurais tué n'importe qui d'autre qui lui aurait prêté quoi que ce soit. C'était mon privilège.

Je vivais presque avec lui : il était tout le temps là, la journée et la nuit, peuplant mes rêves. Je m'imaginais l'embrasser, le toucher, faire l'amour avec lui. Je m'étais même renseigné sur des sites spécialisés, pour alimenter mes fantasmes. Mais ce n'étaient encore que de timides et trop brèves montées d'excitation.

La première fois que je l'ai désiré, le vrai désir, charnel, avec le ventre qui se liquéfie et une trique dure à en crever, c'était pendant un cours de philo en novembre. Il faisait beau, de ce soleil d'hiver jaune pâle aux rayons agressifs. C'était un jeudi, en début d'après-midi. J'ai tourné les yeux vers lui, juste pour quelques secondes, pour me repaître de son image, comme je le faisais parfois. Il avait appuyé sa tête sur son poing, les paupières closes, sa grande taille repliée. Les rayons du soleil soulignaient toutes les arrêtes de son visage, ombraient les creux. Il était beau, magnifique même, et ça m'a pris comme ça, une envie urgente de le toucher, de passer ma langue partout sur son visage, sur lui tout entier, de me fondre en lui, le respirer, le dévorer jusqu'à l'intoxication.

Je me suis mis à bander comme jamais, et putain, ça faisait mal. J'ai dû faire du bruit, je ne sais pas, parce que je l'ai senti bouger et me regarder. J'avais déjà détourné les yeux à ce moment-là, mais je savais qu'il me regardait. Je priais tout ce que je pouvais pour qu'il n'ait rien remarqué, et tout autant pour qu'il se soit rendu compte de ce qu'il m'inspirait.

S'il m'avait touché à ce moment-là, ou même parlé, je crois que le choc aurait été tel que j'aurais pu en jouir.

Mais il ne l'a pas fait. Pas à ce moment-là.

C'est venu plus tard. Mais pas trop. A la fin de la journée, de cette journée. Je marchais dans la rue pour rentre chez moi, et j'ai entendu un « Mo ! » qui venait de derrière. Parce que je m'appelle Mohammed au fait. Mo, quoi.

C'était lui. Et c'était la première fois qu'il me parlait en-dehors du lycée. Il ne m'a pas fallu plus pour sentir l'excitation revenir. Je m'étais soulagé aux toilettes à la récré pourtant, mais que pouvais-je y faire ? J'étais jeune et je l'avais dans la peau.

Il m'a rejoint, en trois pas, de ces solides enjambées de sportif, lui qui séchait tous les cours d'EPS. Sa parka était ouverte alors que la mienne était boutonnée jusqu'au col. Dans l'air qui s'assombrissait, son ombre menaçait de m'engloutir tout entier.

« Ca va mieux ? m'a-t-il demandé. T'avais une sacrée gaule tout à l'heure. »

Entendre ça de sa bouche, bordel, c'était le meilleur et le pire truc qui soit. J'étais tellement retourné que j'étais incapable de lui répondre, moi qui étais réputé pour avoir la répartie facile. Mais il se chargea de la suite pour moi.

« C'est Doignet qui t'a fait cet effet ? Faut dire qu'elle est bonne. »

Ouais, elle était sexy notre prof de philo. Petite et mince, lumineuse et fragile. Mais moi, depuis plusieurs mois, je les aimais grands et forts, sombres et taciturnes.

« Ou alors, a-t-il murmuré en se penchant vers moi, c'est moi qui t'excite ? »

Ca m'a coupé le souffle de l'entendre me susurrer cette vérité que je pensais avoir cachée à tous, et surtout à lui. Mais visiblement, il lisait en moi bien plus que je n'avais jamais pu lire en lui.

« Ouais, a-t-il poursuivi, la voix toujours basse, après m'avoir dévisagé cinq secondes. Ouais, c'était moi. Faut pas être gêné, tu sais ? »

Devant mon air perplexe, il a ajouté, avec un de ces sourires qui ne lui montaient jamais aux yeux :

« Ben quoi ? Tu pensais pas être le seul à préférer les mecs, si ?

- Euh, je, ben...

- C'est bon, franchement ça fait des semaines que je t'ai cramé. T'es pas discret quand tu me mates, Mo.

- Ouais bah désolé hein ? me suis-je vexé. »

Il a ri de ma déconvenue, un vrai rire cette fois, même s'il a cessé très vite.

« Je te plais ? »

J'ai hoché la tête. Je n'en revenais pas de ma chance. Oh oui il me plaisait, et bien plus encore.

« Cool. T'es pas dégueu Mo tu sais ? Et on vit pas dans un grand patelin non plus, c'est pas comme si on avait beaucoup de choix toi et moi. Depuis que mon grand-père est mort, sa maison est vide. Elle tombe en ruines mais y'a tout ce qu'il faut. »

Comprenant que je ne suivais pas du tout, il a poussé un gros soupir.

« Un pieu, Mo. Un lit quoi. Pas le plus confortable du monde mais bon... Et ma provision de lubrifiant. Ca fait longtemps que j'ai eu personne et je parie que toi aussi. T'es en manque hein ? Ben on est deux. Alors, ça te dit ?

- De quoi tu parles ? ai-je répliqué en essayant d'avoir l'air cool, alors qu'en vrai je suffoquais sous la peur et l'excitation.

- De baise, a-t-il répondu crûment. Je te propose qu'on baise ensemble. J'ai des capotes, la maison n'est pas loin. Alors ? »

Comme si j'avais eu le choix ! Des mois que j'étais obsédé par lui, que j'avais envie de lui sans me l'avouer, et cette proposition qu'il me faisait ! Jamais je n'aurais pu la refuser.

Je l'ai suivi en tremblant de tout mon être. La maison n'était pas loin, c'était vrai, et c'était bien une ruine peu engageante au premier abord. En chemin, j'ai envoyé un texto à mes parents pour leur dire que je restais un peu avec un copain. Je savais que ça ne les dérangeait pas, ils étaient beaucoup plus permissifs depuis qu'on avait quitté Paris pour la Bourgogne profonde. La campagne les angoissait moins que la ville, faut croire.

Alexis n'a pas traîné. Je n'ai même pas eu le temps d'admirer le décor avant qu'il se désape, m'enjoignant à faire de même. J'ai obéi, je ne réfléchissais plus. J'avais cessé de réfléchir quand il était dans les parages depuis un certain temps déjà. Je bandais allègrement, pas lui. Il était encore plus viril que tout ce que j'avais imaginé. Difficile de croire, en voyant son corps bien dessiné et fort, qu'on était dans la même classe.

« T'as quel âge ?

- Vingt-et un. » Il a ricané devant mon air ébahi. « J'ai beaucoup redoublé. »

J'avais dix-sept ans. Sur le coup, cette différence d'âge n'a fait qu'accentuer mon envie et mon impatience.

Il savait ce qu'il voulait, et il n'a pas tardé à me faire basculer sur le lit, à genoux, en me caressant et en m'embrassant. J'ai gémi mon approbation, sans pouvoir m'arrêter, appréciant tout : sa langue qui envahissait ma bouche, par à-coups, ses mains partout sur moi, pressantes, les miennes, avides, parcourant sa peau. J'étais comme possédé et j'ondulais contre lui de manière ininterrompue, pris dans l'urgence de mon désir. Il a cassé le baiser, le souffle court.

« Putain, t'es chaud comme la braise toi... »

Et à cet instant-là, c'était le plus beau des compliments. Il m'a fait basculer sur le dos.

« On s'occupera des préliminaires une autre fois mec, tu m'as trop allumé là. »

Effectivement, il bandait lui aussi à présent, son sexe dressé à l'image du reste de son corps : vigoureux, immense et sublime. J'ai gémi mon envie tandis qu'il y déroulait un préservatif et qu'il s'enduisait les doigts de lubrifiant : effectivement il était prêt pour toute éventualité qui se présentait. Mon avidité l'a fait rire, a assombri le vert de ses yeux, qu'il promenait avec ardeur sur mon corps, alors qu'il se masturbait.

Il a recommencé à m'embrasser, caressant ma langue de la sienne avec une rapidité experte qui m'a laissé impuissant. Il était trop pour moi, trop intense, trop adulte, trop près, trop loin aussi. Trop tout. Il a glissé un doigt en moi et je me suis crispé sous la douleur.

« Détends-toi, a-t-il chuchoté en parsemant ma gorge de baisers aériens qui m'ont donné la fièvre. Ca fait si longtemps que ça ? Ou alors tu ne l'as jamais fait de ce côté ? Tu vas voir, c'est bon aussi de se faire prendre. Je vais bien m'occuper de toi. »

C'était la première fois tout court, mais je n'avais pas assez confiance en moi pour le lui dire. Pas assez confiance en lui.

« Je vais te relaxer un peu »

Sa main s'est emparée de mon érection tandis que son doigt quittait mon anus. Je me suis mis à geindre, incontrôlable. Il me masturbait avec la même efficacité impersonnelle dont il faisait preuve depuis le début, mais c'était la meilleure sensation que j'avais jamais éprouvée. Le frottement de sa paume calleuse contre celle plus douce de mon sexe, le passage nonchalant de son pouce sur mon gland, répété encore et encore, jusqu'à me faire crier de plaisir. Mes rêves humides, conscients ou non, ne lui avaient pas rendu justice.

Il a ri de me voir me tordre sous lui, un rire excité et impatient, et je me suis à peine rendu compte, alors que je jouissais en m'arquant comme jamais, qu'il avait à nouveau glissé un doigt en moi, accompagné d'un autre.

Il a profité de ma torpeur pour les faire travailler, m'assouplissant, m'élargissant, me préparant à le recevoir. J'ai repris conscience lentement, sous la brûlure désagréable que cela me provoquait.

Même s'il ne s'inquiétait pas pour moi outre mesure, il s'est montré clément, recommençant à me masturber, à m'embrasser pour me distraire. Puis ses doigts ont touché quelque chose qui m'a arraché une bruyante approbation, étouffée dans sa bouche, et il a ricané, les poussant encore plus en moi, harcelant d'attention cette partie de mon corps qui me provoquait tant de choses contradictoires. J'étais en sueur et tremblant. Lui aussi. Il a retiré ses doigts et m'a tourné sur le ventre après m'avoir surélevé le bassin avec deux coussins.

Je l'ai senti se positionner, et j'en avais peur, et j'en avais envie à en exploser. Son sexe, ce n'était pas la même chose que ses doigts. Ca faisait bien plus mal. Il y est allé doucement, autant pour moi que pour lui.

« Merde, t'es étroit » a-t-il gémi.

A cet instant là, mon seul regret a été de ne pas voir son visage, et ça a balayé tout le reste.

« Tu aimes ? » ai-je demandé.

Il a ri et il m'a mordu la nuque, m'envoyant des décharges de plaisir dans tout le corps.

« Oh oui.

- Alors bouge. »

Il m'a obéi. Ca faisait un mal de chien, mais de savoir ce qui était en train de se passer, ça a aussi allumé un brasier dans le creux de mon ventre, qui a vite gagné tout le reste. Il a bougé de plus en plus vite tandis que je geignais, sans force, balloté par ses coups de trique, secs et amples, qui semblaient le faire plonger toujours plus loin en moi. Et c'était bon, putain, tellement bon. J'ai joui en très peu de temps et je l'ai laissé faire de moi ce qu'il voulait pendant de longues minutes après ça, jusqu'à ce qu'il se vide en grognant dans le préservatif.

Il s'est retiré, retombant à côté de moi en haletant. Sa main a caressé mes fesses douloureuses.

« Putain Mo, faudra remettre ça. T'es un sacré bon coup, même si tu dures pas longtemps. »

Il m'a adressé un léger clin d'œil pour tempérer le côté désagréable de cette remarque.

« Je t'entraînerai. »

J'ai éclaté de rire.

Ouais, je sais. J'étais niais, stupide. Amoureux et shooté aux endorphines. Pourtant, il avait été très clair.

C'était de la baise, rien de plus. Moi ou un autre, ça n'aurait fait aucune différence. Il y avait peut-être deux corps dans l'affaire, mais le seul cœur était le mien.

Il m'a mis dehors assez vite après ça, sans être méchant mais sans prendre de gants non plus, dans cet entre-deux qui le caractérisait. Et il ne m'est plus resté qu'une douleur désagréable au cul et la sensation d'avoir été utilisé.

Et je m'en fichais.