ANNONCE :

Bonjour à tous et toutes,

Fiction retirée, mais pas disparue ! Vous pourrez la retrouvé courant 2019 dans le catalogue MxM bookmark.

Je laisse ce premier chapitre si certaines personnes veulent y jeter un œil avant de l'acheter !

A très vite

Auteur : Yomika

Béta sens : Enais66, Beta relecture & orthographe : Kamiyu1408

Résumé : Trois ans que le monde des hommes est tombé pour laisser la place aux morts. Un virus, une contamination et plus de civilisation. Trois ans également que Julian, Reed et Heath voyagent ensemble. Mais lorsque la fin du monde réunit un Sicario, un Seal et un petit génie, le chemin de la survie n'est pas de tout repos. Romance, M/M/M, Horreur, Post-apo.

Warning : Bonjour à tous et toutes ! Un petit mot rapide pour prévenir que même si j'aime mon histoire, il m'a été plus difficile de trouver ma narration sur ce récit. Il y a donc quelques maladresses d'écriture par-ci, par-là. Bonne lecture à tous !

Sans frontières

Chapitre 01

Heath —

Mais ils vont la fermer !

Quarante minutes que ça dure ! Quarante minutes que je n'arrive pas à m'endormir, leurs chuchotements aussi efficaces qu'une douzaine de cafés. Les yeux grands ouverts, les oreilles bourdonnantes de leurs continuelles disputes, je fixe la toile de parachute tendue en tente de fortune sur laquelle se dessine l'ombre du feuillage.

Dans le silence de la nuit, je n'entends qu'eux ! Pour la discrétion, il y a mieux !

— Sérieusement, trois minutes ? Tu es sûr d'avoir terminé le Basis underwear demolition ?

Julian a osé… Je retiens un gémissement. S'il y a une règle à suivre avec Reed, c'est ne jamais toucher à l'honneur des SEAL. C'est au-delà de toutes sacro-saintes choses ! Même sa mère ou la vénérable, et regrettée, Amérique des États-Unis est moins inviolable.

Ça va dégénérer. Ça dégénère toujours…

— J'ai du mal entendre, le sicario, gronda Reed de sa voix grave dangereusement basse.

Celle qu'il prend avant de planter quelqu'un ou de lui tirer dessus.

Si je ne me lève pas dans les trois minutes qui vont suivre, je suis bon pour en rafistoler un, voir les deux. Ces idiots sont tout à fait capables de s'entre-tuer pour une débile histoire de temps nécessaire à un homme pour se vider de son sang. En plus, ils ont tous les deux faux. Ce qui rend le tout encore plus stupide.

— Surement mon anglais, parfois je me trompe.

Sous le fort accent hispanique, il y a tant de condescende et d'ironie que Julian aurait tout aussi bien pu insulter Reed. À l'épais silence qui s'abat lourdement sur notre camp de fortune, je juge qu'il me reste moins de trente secondes pour sortir de la tente et intervenir, après quoi… Il me faudra surement du désinfectant et du fil. Ou peut-être une pelle.

Or, on a presque plus d'antiseptique, pas de pelle et l'idée de creuser une tombe pour enterrer l'un d'eux à mains nues suffit pour me motiver à me lever ! J'ai toujours eu horreur des travaux de force.

Enfilant la chemise de Julian qui me sert d'oreiller, accroupi, pestant autant contre les cailloux qui me rentre dans la plante de pied que contre ces deux idiots, je sors de la tente. Enfin, sortir est la version optimiste, chuter serait plus exacte. Mes pieds s'emmêlent au surplus de la toile de parachute, pourtant impeccablement pliée par Reed, et mes genoux et mes paumes rejoignent le sol de façon un peu trop brutale à mon goût.

— Heath ? m'appellent Reed et Julian simultanément.

— Ça va. Je vais bien, je leur réponds sèchement en me relevant sans aucune grâce.

Ça m'arrive trop souvent pour que je m'en formalise ! Au moins, maintenant, j'ai attiré leur attention sur autre chose que leur envies mutuelle, et perpétuelle, de s'étriper. Prévoyant une hypothétique autre chute, je retrousse les manches de la chemise bien trop grande pour moi, prêt à me réceptionner.

La lune éclaire sommairement le campement, juste assez pour que j'arrive à les rejoindre sans me tromper de direction ou me prendre les pieds dans un des pièges installés par Reed. Il y en a partout ! Au bout de deux ans, bien qu'il les installe tous les soirs sans exception, j'arrive encore à oublier l'emplacement de certains. Au moins, Reed a arrêté d'en mettre des mortels à l'intérieur du camp, se contentant de les disposer à bonne distance de ma personne. Je suis presque fier de moi quand je les rejoins sans avoir déclenché une nouvelle catastrophe.

Debout, appuyé nonchalamment contre un arbre, Reed joue avec son stiletto. Il le lance et le rattrape par le tranchant. À chaque envol, le métal prend les teintes du feu et s'anime d'un éclat rouge sang en accord avec l'humeur dangereuse de l'ancien SEAL. Face à lui, assis à côté du feu Dakota, Julian fait… Je ne sais trop quoi. Son colt posé négligemment à côté de lui ne parait pas moins menaçant que le poignard de Reed. Ses doigts, provocateurs, tapotent paresseusement la crosse en une mise en garde manifeste.

— Je croyais que tu étais fatigué, lâche Reed tendu.

Le regard fixé sur moi, il est surement en train d'évaluer le temps nécessaire pour me rejoindre si je décide une nouvelle fois que l'attraction de la terre est plus forte que la solidité de mes jambes.

— Je le suis toujours.

— Tu n'arrives pas à dormir mi cielo ? me demande Julian avec son accent chantant, tournant la tête vers moi.

— On m'empêche de dormir, je précise en arrivant sain et sauf jusqu'à lui tout en finissant de boutonner sa chemise qui m'arrive presque à mi-cuisse.

— On se demande à qui la faute, commence Reed avant que je le coupe.

— À vous deux et ça suffit !

Avec un soupir déçu, Reed arrête enfin de jouer avec son couteau pointu et le range dans son étui. M'accroupissant, je pose ma main sur celle de Julian maintenant serrée sur son flingue. Clairement, il ne manque pas grand-chose pour qu'il le braque vers Reed. Chose qu'il vaut vraiment mieux éviter. L'ancien SEAL est susceptible face aux menaces et y réagit généralement assez mal et violemment.

Me laissant tomber dans l'herbe sèche à côté de Julian, je ne lui lâche le poignet qu'une fois son arme rangée dans la ceinture de son jean. Maintenant que la situation de crise est sous contrôle, il ne reste plus qu'à espérer qu'ils tiennent quelques heures avant que l'envie de s'entretuer les reprenne. Je suis vraiment fatigué et si je ne dors pas bientôt, c'est moi qui vais leur régler définitivement leurs comptes.

— Et pour info, une artère type fémorale ou carotide sectionnée, c'est moins d'une minute pour mourir et 3 minutes pour être vidé ! Par contre si c'est les veines, c'est plus long. Dans un premier temps, les mécanismes d'adaptation sympathiques pourront compenser la perte volémique et éviter un retentissement hémodynamique. C'est possible jusqu'à une perte d'environ vingt à trente pour cent du volume sanguin total. Ensuite, à défaut de prise en charge et de compensation de la perte volémique, le patient sera en choc hémorragique et donc ses différents organes vitaux commenceront à souffrir. Puis si ça continue, il perd la moitié de sa masse sanguine et après cela, il risque de mourir très rapidement. Soit un peu plus d'une heure pour un jeune homme de poids et taille moyenne avec une blessure profonde perdant environ 50 ml de sang par...

Mais j'oublie totalement ma tirade quand je sens le merveilleux fumé qui s'élève de la casserole cabossée suspendue au-dessus du feu.

— Dis-moi que tu es en train de préparer du café.

— Je suis en train de préparer du café, acquiesce Julian en touillant la délicieuse eau noire.

— Attend… Tu préparais du café alors que tu pensais que je dormais ? je l'accuse outré.

J'adore le café. Et c'est un plaisir bien trop rare pour que ce soit autre chose qu'un crime d'en préparer sans que je sois là pour en profiter !

Julian m'attire à lui et, riant doucement, m'embrasse le front.

— Tu n'aurais plus eu qu'à le réchauffer demain matin.

— Il n'y en aurait plus eu demain matin.

— Je n'aurais pas pris ce risque, se moque-t-il en détachant d'un de nos sacs à dos les timbales en fer.

Bien sûr qu'il aurait pris ce risque ! Il y a peu de choses qui inquiètent Julian et certainement pas moi.

— Menteur.

— Au pire je t'en aurais retrouvé, m'assure-t-il en me caressant distraitement le mollet avant de servir deux tasses de café et de m'en tendre une.

— Tu as oublié Reed.

— Reed à deux mains, il peut se servir tout seul, grogne Julian sans aucun semblant de remords.

Me retenant de lui dire que moi aussi j'ai deux mains et qu'il m'a pourtant servi, je me penche au-dessus de lui pour attraper le troisième gobelet. Furtivement, je sens sa main passer sous ma chemise et me caresser le dos avant de ressortir tout aussi vite pour m'attraper le menton et m'embrasser chastement les lèvres alors que je me redresse.

— J'adore quand tu te penches sur moi, chuchote-t-il sensuellement à mon oreille. Ça me donne des idées…

J'aime généralement ses idées. Mais avant que j'aie pu acquiescer, Reed nous rejoint et me prend la tasse des mains pour la remplir.

— Je t'aurais servi, tu sais.

— Sans aucun doute, acquiesce-t-il en passant affectueusement la main dans mes cheveux, mais il y avait une chance sur deux pour que tu te brules. C'est moins risqué comme ça.

— Je ne suis pas maladroit à ce point-là !

— Heath, quand il s'agit de médecine, tu es l'homme le plus habile que je connaisse. Pour le reste, il faut se rendre à l'évidence, tu as deux mains gauches, me contredit Reed en reprenant sa place contre l'arbre.

— Il n'a pas tort, le soutient traitreusement Julian en ajoutant à l'humiliation un rire chaud.

Julian et Reed n'ont que deux choses en communs, leur prédisposition à régler leur problème par la violence et moi.

Ça fait maintenant trois ans que je voyage avec Reed et un peu plus d'un avec Julian. Et aussi étrange que ce soit, malgré leur mésentente persistante, notre petit groupe fonctionne bien.

Reed et son escouade de Seal étaient venus me chercher à Veracruz au Mexique où je tentais d'aider la population touchée de plein fouet par la pandémie Z. Quelques heures avant que la ville ne tombe, ils m'avaient sorti de force d'un des nombreux hôpitaux de fortunes pour m'évacuer par le golfe du Mexique dans le but de me ramener au gouvernement américain. Celui-ci rapatriait ces cerveaux dans l'espoir de trouver rapidement une solution pour endiguer la maladie.

Mais il était déjà trop tard, la peste zombie s'était répartie dans le monde avant même que quiconque sache qu'elle existe. Supérieur à 4, le taux de reproduction du virus Z n'avait cessé de croitre avant de muter et de transformer les porteurs morts en zombi. La quarantaine agressive et les mesures désespérées des politiques n'avaient rien changé. Abattre les individus et les zones infectés n'avait fait qu'accélérer la destruction de l'économie en paralysant un peu plus les infrastructures et les chaines d'approvisionnement. Après cela, il ne restait plus grand-chose à sauver. Les frontières étaient tombées les unes après les autres ne laissant plus qu'un immense territoire mangé par les zombis.

Quand on avait enfin réussi à atteindre, après de nombreuses pertes, le laboratoire P4 de l'OMS prêt d'Atlanta, il ne restait du centre opérationnel que des morts affamés. Seuls moi et Reed nous en étions sortis.

Sans lui, je serais mort à Veracruz ou dans le laboratoire. Et de nombreuses fois au cours de notre trajet. Je ne sais pas exactement par quel miracle il me maintient en vie, mais Reed nous sort systématiquement des situations les plus périlleuses.

D'Atlanta nous avions traversé le pays pour rejoindre une petite ville proche de Tucson en Arizona où les parents de Reed tenaient un ranch. Mais là-bas non plus il n'y avait plus rien. À défaut de trouver la famille de Reed, nous étions tombés sur Julian à moitié mort au fond de la cuisine. Blessé par des cow-boys alors qu'il traversait la frontière, il s'était réfugié dans l'habitation.

Le sauver m'avait pris beaucoup de temps et empêcher Reed de l'achever beaucoup de diplomatie. Mais ça avait valu le coup. Nous étions restés quelque mois au ranch jusqu'à ce qu'un groupuscule radical religieux augmente dangereusement en nombre et incendie la ferme au nom d'un misérable Dieu intolérant à toutes différences. De là, nous avions entendu dans une radio l'existence d'un hypothétique camp de réfugiés dans le Connecticut et nous avions fait le chemin jusqu'à Peekskill où nous sommes actuellement. Ou du moins plus très loin. Reed estime la ville à quelques heures de marche de notre campement.

Sirotant mon café, me retenant de l'avaler d'une traite tellement ça me manque, je fixe leurs silhouettes sombres à peine éclairées par le quart de lune. Tout les oppose, de ce qu'il se passe dans leur tête à leurs physiques. S'ils sont tous les deux plus grands que moi, Julian dépasse néanmoins Reed de quelques centimètres. Le Seal compense largement cette différence de taille par une masse musculaire surdéveloppée. Les épaules et les bras deux fois plus large que Julian et trois fois plus large que moi, Reed est un surhomme capable de tenir une semaine éveillé et alerte.

Julian, c'est une autre histoire. Ancien assassin du cartel de Juarez, il est élancé et finement musclé. Ses cheveux foncés s'opposent au blond cendré de Reed et seules leurs peaux dorées, tannées par le soleil les rapprochent un tant soit peu.

Ils sont beaux tous les deux.

— Demain, à Peeksill, il faudrait trouver de l'antiseptique et des bandages ou des Stéristrips, je lance en entourant mes jambes de mes bras, refroidi par la fraicheur de la nuit.

Le mois d'aout touche à sa fin et le soir, on avoisine à peine les vingt degrés. Avec de la chance, il nous reste deux petits mois de beau temps avant que les températures chutent drastiquement. Si on ne trouve pas le camp de réfugiés, il faut avoir dégagé de la région avant.

— Nous n'aurions pas ce problème si tu n'avais pas soigné ce putain de mec, me reproche Reed dans un grognement.

— Le putain de mec était un gamin d'à peine seize ans ! je m'énerve à mon tour en le fusillant inutilement des yeux dans le noir.

Peut-être même quatorze. Dans ce monde, il est dur de donner un âge. La saleté et la peur vieillissent prématurément les Hommes. Les enfants ont le regard d'adulte et les adultes ceux de vieillard.

— Aucune différence, insiste Reed le visage dur dénué de compassion. Il était un danger inutile.

Toujours la même rengaine. Tout le monde est un danger, tout le monde est mauvais.

Reed et Julian ne croient plus en l'humanité ou s'ils y croient elle se résume à notre trio. Ils disent souvent : tue avant d'être tué. Comme si les zombis, en plus de manger les hommes, ont dévoré tout le bon en eux. Mais tant que le mal existe, c'est qu'il peut être comparé au bien. L'un ne va pas sans l'autre, mais Reed et Julian semblent déterminer à ne pas l'entendre.

Tout a déjà presque disparu. Et tout disparait encore. La fin du monde n'est pas terminée, mais ça, le bien, ne peut disparaitre. Je refuse de croire en un monde foncièrement mauvais et je refuse de laisser mourir ce qui peut être sauvé. Les morts sont déjà bien trop nombreux.

La veille, alors que nous traversions une route encombrée de carcasse de voitures, on était tombé sur un adolescent terrifié recroquevillé derrière l'énorme pneu d'un 4x4 gris de poussière. Il nous avait regardés comme si nous étions le diable. Et c'était surement l'impression que Reed et Julian, armes aux poings et prêts à descendre tout ce qui bougeait, avaient dû donner. Avant que l'adolescent plaque son bras contre sa poitrine en un geste de défense instinctif, j'avais vu l'importante coupure infectée qui barrait son avant-bras.

Enlever les chairs mortes, désinfecter la plaie, appliquer un antibiotique et poser les Stéristrip m'avaient pris en tout et pour tout cinq minutes. Cinq minutes pendant lesquels Julian avait visé la tête du gamin avec son arme alors que Reed s'était embusqué, façon sniper, prêt à arrêter toute hypothétique et improbable menace.

Le gamin n'était qu'un gamin, pas une grenade déguisée !

Il n'avait sur lui que des fringues rigides de crasse et une boite conserve qu'il avait tenté de cacher. Pas un mot ne s'était échappé de sa bouche, pas même lorsque Julian l'avait interrogé sur où il vivait et comment il survivait. Il était resté immobile, figé dans sa crainte et sa détresse, nous fixant de ce regard spécifique aux Hommes pas fait pour le monde d'Après. L'adolescent avait survécu trois ans, mais je doutais qu'il renouvèle l'exploit. Il était trop fin, trop fragile et il avait trop peur. La peur assassinait plus vite que les zombis.

— Le soigner était un risque inutile, réplique froidement Reed.

— Il était terrifié et désarmé ! Il n'était pas un danger.

— Mi cielo, l'homme est un loup pour l'homme, soupire Julian en secouant la tête.

Lupus est homo homini, non homo, quom qualis sit non novit, je le corrige en reprenant la citation exacte. Quand on ne le connaît pas, l'homme est un loup pour l'homme. Et à la base, Plaute évoquait la peur de l'inconnu et non la violence humaine.

— Après tes magnifiques fesses, Heath, je crois que c'est ta naïveté qui me plait le plus, murmure chaudement Julian en prenant une de mes mains pour embrasser doucement mes doigts.

— Ce n'est plus être naïf à ce niveau-là, crache durement Reed en saisissant son M14 posé à côté de lui contre le tronc d'arbre, c'est frôler l'idiotie.

Julian —

À côté de moi, Heath se tend. Il déteste se disputer et particulièrement avec Reed. Ses mots durs le touchent toujours, il apporte à ses paroles une attention que l'homme ne mérite pas. Mais pour une fois, lecabrón n'a pas tort, Heath croit trop en l'humanité pour son propre bien. Malgré toutes les horreurs que nous avons vues, et que Reed et moi sommes, sa foi en l'altruisme et la bonté est restée miraculeusement intacte. Ça a quelque chose de fascinant et en même temps de dangereux.

Comme avec moi, Heath est prêt à aider et ramasser le premier homme errant. Malheureusement, beaucoup n'ont plus grand-chose d'humain, si tant est qu'ils l'aient déjà eu.

Heath apprend de toutes ses erreurs sauf de celle-là. L'énervement de Reed n'est que le reflet de son angoisse, de sa peur de ne pas être présent le jour où Heath aidera la personne à ne pas aider.

Silencieusement, passant la sangle de son fusil autour de son épaule, Reed resserre ses bottes de combats avant de se tourner vers la forêt. Comme à son habitude, il fuit sa colère et franchement, ça vaut mieux pour chacun de nous. Pour l'unique fois où je l'ai vu y céder, je n'ai aucune envie d'y assister de nouveau. Même pour moi, il y a un degré de violence difficile à regarder.

— Fais chier, soupire Heath en commençant à se lever pour le suivre.

Attrapant fermement son bras, je le retiens assis à côté de moi, le décourageant d'un mouvement de tête de rejoindre le militaire qui a besoin d'espace. Il vaut mieux laisser Reed avec sa colère et ses fantômes. Parfois, même Heath ne peut pas éloigner leurs murmures accusateurs.

— Où est-ce que tu vas ? ne peut s'empêcher de demander Heath.

— Vérifier qu'aucun innocent n'a envie de nous tirer dessus, grommèle Reed en se fondant dans les bois.

Les jambes remontées contre sa poitrine, le menton sur ses genoux, les mains sur ses chevilles, Heath fixe un long moment l'espace où a disparu Reed. Je peux presque sentir les pensées se bousculer dans sa tête.

Heath cogite à longueur de journée, mais quand il s'immobilise ainsi pour réfléchir c'est que ses réflexions sont plus complexes ou affectées. Autant dire, pour nous, inatteignables.

C'est un petit Einstein. D'après ce que m'a raconté Reed, Heath a terminé ses études secondaires avec plus de quatre ans d'avance pour enchainer directement en médecine. À vingt-quatre ans, il était chirurgien et à vingt-six, il partait dans les pays défavorisés pour aider les populations en difficulté. Heath veut sauver le monde. Mais aujourd'hui, il ne lui reste plus grand-chose à sauver.

Si ses capacités se révèlent essentielles dans cet après apocalyptique, elles sont aussi autodestructrices. Il faut se méfier de ses bugs et de sa mémoire photographique surdéveloppée. J'ai rapidement appris à ne jamais le laisser seul dans une zone infectée avec des livres. Que ce soit un magazine publicitaire ou un essai philosophique, il ne peut pas s'empêcher de feuilleter le premier papier qui lui tombe sous la main en dépit de sa sécurité.

— Heath ? je l'appelle doucement sachant qu'il peut rester prostré dans ses réflexions pendant des heures.

Il me répond par un vague marmonnement à mi-chemin entre un oui et un bruit de gorge.

— Tu portes quelques choses sous ma chemise ?

En plus d'être vraiment intéressé par la réponse, poser une question concrète basée sur le présent permet de le sortir de ses pensées sans avoir à le secouer. C'est une astuce de Reed, plus on laisse Heath s'enfoncer dans cet état méditatif plus il est difficile de l'en sortir. On peut le perdre pour de nombreuses heures, voire quelques jours si la question qu'il se pose est très importante pour lui. Hors Reed est important pour Heath.

— Un boxer, finit-il par répondre après presque une minute de silence.

— À moi aussi ?

— Non.

— Dommage, je lui murmure en l'attirant doucement à moi.

L'embrassant, je l'empêche de repartir dans sa tête. Heath se laisse faire ouvrant la bouche pour permettre à ma langue de rejoindre la sienne.

Ses baisers ont quelque chose d'addictif, on commence par un puis on enchaine sur les autres parce qu'il est très difficile de s'arrêter. Surtout quand, comme maintenant, il laisse trainer le bout de sa langue sur le contour de mes lèvres.

Un an auparavant, dès que je l'avais vu penché au-dessus de moi, et bien que ses mains soient plongées dans mes entrailles, j'avais compris qu'il serait mon destin. Il ne pouvait être qu'une apparition de l'au-delà et l'on ne rejette pas ce que Dieu vous envoie. Je ne sais pas pourquoi là-haut il m'a choisi, mais je me suis juré de protéger sa création.

Tout est blanc chez Heath, son âme, ses cheveux, sa peau et même ses yeux sont d'un bleu délavé. Il est trop proche de la description des anges pour en être éloigné. Il a quelque chose d'irréel que ce soit dans son physique ou sa façon d'être. Il incarne le bon, un bon qui tranche avec la noirceur humaine que Reed et moi portons. C'était peut-être ça qui nous attire autant chez lui, cette part d'humanité qu'on a perdue bien avant que le monde touche à sa fin.

Au début de l'Apocalypse Z, les hommes de foi étaient sortis en criant que Dieu nous punissait, qu'il mettait ce monde et notre foi à l'épreuve. Mais ils se trompaient. L'Homme avait depuis longtemps échoué aux épreuves du Seigneur des cieux. L'Après n'est pas pire que l'Avant. L'Homme est toujours Homme. Sa même violence. Sa même cupidité. L'apocalypse n'avait pas changé ce que nous étions, elle avait simplement fait tomber les barrières morales.

Tous des tueurs. En dehors d'Heath, personne n'est innocent.

— À quoi tu penses ? me demande-t-il soudainement en suivant de sa bouche la ligne de ma mâchoire avant de reprendre mes lèvres.

Sans se lever ni lâcher le baiser, Heath se tourne pour s'assoir face à moi, ses jambes passant sous les miennes pour être au plus proche. J'adore sa façon de bouger la tête en même temps que sa langue. De manière générale, tout ce que fait Heath a un côté érotique.

Quand j'avais commencé à le convoiter, je m'étais posé la question sur la volonté de Dieu. Mais les désirs d'Heath avaient tranché. Si lui m'autorise à l'aimer alors, ni Dieu, ni Homme ne peuvent m'en empêcher. Quel que soit le destin que le créateur a tracé pour lui, il devra faire avec le vice qu'Heath fait naître dans mon ventre. Un pêché de plus ne changera pas ma destination finale.

— Qui te dit que je pense ?

— Je le sens dans ton baiser… souffle Heath, ses lèvres à quelques millimètres des miennes.

Accrochant sa nuque de mes deux mains, je l'embrasse profondément. Alors que je descends sur son cou, Heath en profite pour déposer de petits baisers le long de ma tempe, ses mains me massant doucement le crâne.

— Qu'est-ce que tu fais ? demande-t-il avec le sourire lorsque je commence à détacher un à un les boutons de sa chemise.

— Je récupère ce qui est à moi.

— J'ai le droit de te déshabiller aussi ?

Sa question n'est pas vraiment une question vu que ses doigts, joueurs, commencent déjà à faire rouler vers le haut l'ourlet de ma propre chemise.

— Et si je dis non ?

— Tu pourras récupérer la chemise, mais pas le boxer, me murmure-t-il en m'obligeant à le lâcher, lui et son vêtement, pour lui permettre de me retirer mon haut.

Par expérience, avant qu'il balance mon vêtement par erreur dans le feu, je le récupère pour le poser à côté de nous. Une fois, mais pas deux.

Doucement, reprenant là où je me suis arrêté, laissant les doigts d'Heath errer sur mes épaules nues, je peux enfin écarter les pans de sa chemise et révéler sa poitrine. Sa peau est lisse et quasiment imberbe, seul un très fin duvet descend de son nombril à son pubis. J'adore son corps. Il a quelque chose de androgyne et de fragile particulièrement excitant.

Heath est aussi beau à l'intérieur qu'à l'extérieur. Il se situe quelque part entre l'éphèbe et un portrait de la renaissance. Le pire est qu'il n'en a aucune conscience. La seule fois où nous avions évoqué avec Reed le problème que ça pouvait être dans le monde d'aujourd'hui, il avait secoué la tête aussi convaincu par notre avertissement que si nous lui avions affirmé que Dieu avait bien créé la terre six mille ans auparavant. Il ne voit pas les regards que les autres portent sur lui. C'est dangereux. Hors tout ce quiest dangereux pour Heath doit être éliminé.

— Mi cielo…

Laissant mes doigts se perdre dans ses cheveux, je lui retire l'élastique qui les retient en un vague chignon informe sur le sommet de sa tête. Fins, malgré un dégradé qui lui arrive pratiquement aux épaules, je n'ai jamais vu un seul nœud dans la masse souple et lisse.

Ses lèvres de nouveau sur les miennes, je fais glisser la chemise le long de ses bras, mes mains, incapables de rester en place, remontant ensuite jusqu'à sa nuque.

Quittant mes lèvres, Heath embrasse mon cou, puis mes épaules, le pli de mes aisselles et enfin ma poitrine m'obligeant à me pencher en arrière. À genoux entre mes cuisses, une main sur mon érection encore coincée dans mon pantalon, l'autre caressant mon ventre, je ressens son infime ronronnement de contentement contre mon téton qu'il tiraille de ses dents.

À ce Nouveau Monde, ce qui manque le plus est la lumière. S'il y a bien une chose encore plus excitante que les caresses d'Heath, c'est le regarder procurer ses caresses.

— Tu sais ce qui me manque ? me demande-t-il subitement en se redressant et tirant mes jambes l'une après l'autre pour les allonger elles puis moi.

— Le lubrifiant ?

Alors qu'un rire chaud s'échappe de ses lèvres, Heath secoue la tête en faisant sauter la boucle de ma ceinture. Avec une lenteur désagréable, dont il a totalement conscience, il défait le bouton de mon pantalon puis descend centimètre par centimètre la fermeture à glissière.

— Aussi… commence-t-il avant de s'arrêter et de glisser la main dans mon caleçon.

Il me fixe plusieurs secondes, les doigts immobiles autour de mon sexe, avant d'ajouter :

— La lumière. Ça me manque de ne te pas te voir.

L'attirant brutalement à moi, inversant nos positions pour me retrouver en appui sur les bras au-dessus de lui, je m'empare de ses lèvres avec force.

— Heath —

Le souffle coupé par le baiser, rien ne s'arrange quand Julian se laisse tomber de tout son poids sur moi. Plaqué au sol, je ne peux plus bouger. Je ne veux plus bouger. J'aime sentir son bassin peser sur mon sexe gonflé. Son avant-bras passé en travers de ma poitrine et ses genoux de chaque côté de mes jambes m'immobilisent aussi redoutablement que sa bouche plaquer sur la mienne. Quand il m'embrasse ainsi, j'arrête de réfléchir.

Julian court-circuite mes pensées en s'imposant à elles. Il n'y a plus rien dans ma tête, que lui. Que nos corps excités. Je ne pense plus qu'à la future jouissance.

Dans mon dos, le froid de l'herbe humide s'oppose à la chaleur de son torse, à ma propre chaleur qui ne cesse de grimper alors que Julian fait rouler sensuellement son érection contre la mienne. Remuant assez pour libérer mes bras, je les passe autour de son dos avec le besoin irrépressible de le caresser. Il me faut toujours un peu plus de peau contre peau.

— Tu aimes me regarder ? me demande Julian en lâchant enfin mes lèvres pour tout de suite s'attaquer au chemin dessiné par mes clavicules saillantes.

Qui n'aimerait pas le regarder ?

— Tu es beau. La beauté se regarde.

Du moins, c'est ce que j'ai voulu dire ! Mais quand ses lèvres s'attaquent à un point particulièrement sensible, je rejette brutalement la tête en arrière, la moitié de mes mots avalés par mon gémissement.

— Chut, souffle-t-il en retenant mon bassin qui se soulève inconsciemment.

— Julian…

— Mi cielo, me répond-il en descendant ses baisers le long de mon ventre jusqu'à mon sexe qu'il embrasse par-dessus mon sous-vêtement.

Julian a l'art de l'amour. Il sait quoi et où toucher pour moduler le plaisir. Déjà la première fois, il avait pris le temps d'explorer mon corps à la recherche des clefs de mon excitation. Et ils les avaient toutes trouvées. Il connait les leviers physiques, mais aussi mentaux de mon plaisir.

Tirant sèchement sur mon boxer, empressé, Julian le fait rouler le long de mes jambes avant de le jeter quelque part dans le noir.

— Il ne m'en reste pas des masses, je grogne en lui tirant les cheveux, ça serait bien si on pouvait éviter de perdre le peu encore en bon état.

— Tu es bien mieux nu.

— Je peux me balader nu l'été, mais l'hiver ça va être compliqué. Ou il faudrait…

— Ferme la Heath ! grogne-t-il en m'avalant subitement ce qui, en effet, me coupe efficacement la parole.

Pliant une de mes jambes contre mon ventre pour caler son épaule dessus, il me suce doucement sur un rythme qu'il sait me plaire. Il passe de mon sexe à mes testicules puis à mon aine qu'il mordille doucement avant de revenir aux lentes sussions.

— Heath, je vais te doigter, m'informe-t-il quand sa main libre s'égara de plus en plus près de mon intimité.

Julian sait que j'ai en horreur d'être pris par surprise. Ne pas savoir quand un doigt va s'enfoncer en moi me stresse. Pas que je n'aime pas ça, mais je déteste attendre l'intrusion. Je ne me focalise plus que sur ça et l'appréhension noie tout plaisir.

Du majeur, toujours de ce doigt là avec Julian, sans forcer, tout en continuant ses autres caresses, il pousse doucement sur mon entrée jusqu'à ce que je me décontracte assez pour insérer une phalange. Il ne va pas plus loin se contentant de léger va-et-vient jusqu'à ce que je me détende suffisamment pour pousser plus au fond.

— Tu as raison. Demain, il faudra aussi trouver du lubrifiant, je soupire en dessinant le contour de son oreille du bout de mes doigts.

— Si tu penses, c'est que je fais mal mon travail, grogne Julian en relevant la tête.

Remontant sur mon torse, ses lèvres justes au-dessus des miennes sans les toucher, il continue de plier et déplier son doigt.

— Non, c'est…

Mais mes protestations s'étouffent d'elles-mêmes quand son index frôle la petite bosse gonflée et sensible sur la paroi de mon rectum.

— Trouvé), se moque-t-il gentiment en bâillonnant ma plainte de sa bouche et de son rire. Replie un peu tes genoux, mi cielo.

Redescendant sa bouche au niveau de mon sexe, Julian masse doucement la petite protubérance, ses dents occupées à mordiller la peau souple juste en dessous de mes testicules. Sensible, il n'y a pas besoin de beaucoup d'intensité pour que la chaleur au milieu de mon bassin gonfle rapidement et avec, mes soupirs de plus en plus bruyants.

Retirant son doigt pour passer ses mains sous mes genoux et soulever un peu plus mes hanches, je pousse un gémissement contrarié jusqu'à ce que sa langue prenne le relais. Elle taquine mon ouverture sensible, jusqu'à se montrer plus entreprenante et s'aventurer doucement à l'intérieur.

— Oh mon dieu…

— Je pensais que tu ne croyais pas en Dieu, Heath. Est-ce que ma langue te ferait revenir sur tes croyances ?

Tant qu'il n'arrête pas, je crois en ce qu'il veut. La seule chose qui compte est le membre souple et humide qui harcèle mon intimité. De baisers lascifs, sa bouche passe de mes fesses à mes testicules et mon anus. Quand sa langue pousse contre celui-ci vite rejoint par un doigt, plus rien d'autre n'eut d'importance. Pas quand dans mon ventre, la chaleur enfle, écarte tout pour s'étaler et changer mon corps en un incandescent désir.

— Tu te sens prêt ? me demande-t-il essoufflé en revenant vers mes lèvres.

Noyé par le baiser, je mets un temps à comprendre sa question jusqu'à ce que je le voie se masturber. Le pantalon et le caleçon sous les fesses, à genoux entre mes cuisses offertes, je discerne les mouvements rapides de sa main et son souffle qui s'accélère. C'est un spectacle excitant, mais pas suffisant.

— Essaye, on verra bien si ça passe.

Il étire une dernière fois mes fesses avec un puis deux doigts avant de positionner sa verge devant mon entrée. Doucement, ses mains massant l'intérieur de mes cuisses, le gland passe puis Julian enfonce graduellement le reste de sa verge au plus profond. Une de ses mains vient chercher la mienne et il attend que mes doigts crispés par la douleur se relâchent avant de ressortir pour s'enfoncer plus franchement.

— Mi cielo… grogne-t-il le souffle haché en se penchant au-dessus de moi.

Soulevant un peu le bassin, Julian me laisse m'ajuster autour de lui avant de reprendre son invasion. Et si la première pénétration a fait reculer le plaisir, il regagne rapidement du terrain.

La main sur mon sexe me branlant au rythme du claquement de nos bassins, j'essaye d'endurer l'insupportable proximité avec la jouissance encore inatteignable. Je veux que l'orgasme explose, mais ça monte toujours un peu plus vite, un peu plus fort. Allant là où je ne pensais pas pouvoir aller.

Quand Julian s'allonge sur moi et qu'il me noie sous son poids et son odeur, l'inaccessible jouissance devient intolérable. J'ai trop chaud et trop d'envies. La chaleur de mon ventre brûle tout, mes pieds et mes jambes, ma poitrine et ma tête.

— Ju…

Mais les mots, eux aussi, son dévorés par le feu.

Julian grogne contre mon oreille et chacun de ses coups de plus en plus agressifs se répercutent en mille échos à l'intérieur de mon crâne. Et comme si mon enveloppe et mon moi intérieur ne brûlaient pas assez, il dépose des baisers corrosifs partout sur mon visage et mon crâne. Ma peau n'est plus de la peau, mais un tissu de chair enflammée ! Ses mains agrippées violemment à mes hanches malmènent mon corps sensible. Julian m'accule dans mon désir, toujours un peu plus proche d'une délivrance qui ne vient pas.

C'est assez, c'est trop.

Mais pas encore pour Julian.

Passant ses mains dans mon dos, il me tire à lui pour m'assoir sur ses genoux, le frottement de son pantalon me brulant un peu plus la peau.

Sa queue est en moi. Entièrement. Mon intimité étirée et maintenant douloureuse semble vouloir l'aspirer toujours plus loin. L'enfermer dans mon corps parce qu'il y a sa place.

— Julian…

Ma plainte m'arrive comme lointaine, étouffée par nos gémissements réunis.

Joder mi cielo… On y est presque, me promet-il en guidant mon corps tendu au-dessus de lui.

Je vais me briser.

Il m'oblige à descendre et à monter, forçant l'action des muscles cotonneux de mes jambes. Et au moment où les pénétrations sèches deviennent véritablement douloureuses, les mains sur mes fesses, Julian s'empare du rythme ! Il n'y en a plus pour longtemps. Sa queue gonflée se contracte en même temps que mes parois se resserrent sous la jouissance.

Mon cri n'est pas vraiment un cri, mais plus la plainte d'un animal blessé. Ça sort de moi aussi à vif que le plaisir. Il jouit dans le creux de mon corps tandis que je jouis entre nous, mouillant nos ventres déjà collants de nos sueurs.

L'orgasme pourtant si attendu me prend par surprise me coupant le souffle et la force. Il balaye mon corps et mes pensées. Balaye la fin du monde et toutes ses choses qui ne comptent plus dans le blanc oblitérant de la jouissance.

Il ne reste que le souffle de l'homme serré dans mes bras, le goût salé de sa peau sur ma langue et la sueur qui refroidissant lie nos corps encore plus intimement.

Je me vide de tout. De mes forces, de mes sentiments, de ma raison.

— Heath, m'appelle doucement Julian en nous rallongeant dans l'herbe à présent gelée.

Il chatouille mon cou de ses lèvres, retrace tous les traits de mon visage avec ses doigts.

— Mi cielo…

Mais je n'ai pas envie de parler. Me pelotonnant contre lui et les restes soporifiques de l'orgasme, je laisse ma réponse au silence.

Demain je parlerai, quand le monde sera redevenu le monde et que les mots y auront retrouvé leurs places.

Me tirant à lui, échangeant nos positions pour que le froid du sol cesse de me harceler, Julian me laisse rester un long moment comme ça jusqu'à ce que des bruits de pas le sortent de son état de veille. Sous moi, je le sens se tendre, sa main glissant jusqu'à son arme qu'il a juste poussé sur le côté. Son bras est passé sur mon dos prêt à me renverser s'il se présente la moindre menace.

Mais il n'y rien à craindre, je reconnais ses pas, comme je reconnais ceux de Julian.

— C'est Reed, je marmonne ensommeillé

Embrassant sa poitrine, je me réinstalle plus confortablement passant une de mes jambes entre les siennes. Mais Julian ne relâche pas pour autant sa vigilance jusqu'à ce que les pas soient à côté de nous lui confirmant l'identité du SEAL.

— Rien à signaler, chuchote Reed le plus bas possible à Julian.

À moitié endormi, je suis son parcours quasi imperceptible jusqu'à la tente. Revenant, Reed lâche sur mon dos le drap qui nous sert de couverture lors des chaudes saisons avant de s'assoir en tailleurs juste à côté de nous. Je l'entends raviver le feu et remettre de l'eau à bouillir.

Poussant ma main, à l'aveugle, je trouve un bout de son corps et m'y accroche. Je déteste être en froid avec lui et supporte mal sa colère. Incompréhensiblement, elle me fait mal. Tous les autres peuvent me haïr sans que ça me dérange, mais avec lui et Julian… C'est différent. Ils comptent. Ils sont les premiers à éveiller ça en moi. Un truc irrationnel que je n'arrive pas expliquer et qui me dérange. Ça touche des choses que je n'aime pas qu'on touche. Des sensations bien trop proches des sentiments. J'ai toujours tout maitrisé dans ma vie. Mais ça, les sentiments, ça prend le pas sur la raison. Ça prend un contrôle que je ne veux pas donner.

Il n'y a pas de réponse pendant plusieurs secondes jusqu'à ce que Reed me prenne doucement la main et la pose sur son genou.

Julian—

Le matin est le plus dur. Proche des six heures et demie, la nuit commence à céder au jour. Il ne me reste pas longtemps avant de devoir me lever. Cet enfoiré de Seal ne rigole pas avec les horaires. On pose le camp à la nuit tombée et on le démonte dès celle-ci partie.

Nous avons échangé deux fois nos tours de garde. Quand je me suis rendormi une heure plus tôt, Heath, enroulé dans le drap, s'était de nouveau collé à moi. Mais le manque de chaleur dans mon dos m'indique qu'il n'y est plus.

Les yeux toujours fermés dans l'espoir de me rendormir les quelques minutes qu'il me reste, je prends enfin conscience des chuchotements qui m'ont sans doute réveillé.

À une trentaine de pas, au grognement de Reed répond un sifflement irrité d'Heath. C'est un bruit de bouche inconscient qu'il laisse échapper à chaque fois qu'il est exaspéré.

— J'ai trouvé ton tee-shirt, Reed.

— Je ne le cachais pas.

— Montre-moi.

— Je ne suis pas blessé.

— Je veux voir !

— Je n'ai pas était mordu. Ce n'est pas mon sang.

Au bruit sourd et faible, je comprends qu'Heath vient sans doute de frapper Reed à la poitrine.

Quand Heath en vient aux mains, ce n'est jamais bon. Il faut le pousser loin pour arriver à cette extrémité. Mieux vaut continuer à faire semblant de dormir et laisser Reed se débrouiller. Quoi qu'il ait fait, c'est de sa faute.

— Tu n'es pas simplement allé patrouiller hier, tu as été tuer des morts !

— Ils étaient sur mon chemin.

— Tu mens, crache Heath. Ils n'étaient pas sur ton chemin.

— Et alors ?

— Et alors ? répéte Heath la voix tremblante. Un jour, tu ne reviendras pas d'une de tes foutues guérillas et je ne…

Mais Heath s'arrête au milieu de sa phrase et un long silence suit.

Quand j'ouvre un œil et tourne la tête pour voir où ils en sont, la bouche de Reed est plaquée contre celle d'Heath, lui-même plaqué contre un arbre. Reed le dévore et il ne met pas longtemps à retourner Heath contre le tronc et à baisser son pantalon sous ses fesses.

Me recouchant, habitué à ses scènes, j'entends le Seal se branler rapidement et le gémissement de Heath quand il le pénètre brutalement.

Heath dit que Reed fait l'amour comme il a fait la guerre. Sans subtilité et mécaniquement.

Ça ne dure jamais longtemps. C'est brutal, un pic d'adrénaline et d'endorphine rapide et dévastateur autant que le vide qui suit. Tout comme Heath cherche le silence de ses pensées dans la jouissance, Reed y cherche le silence de ses morts.

— Plus fort, gronde Heath qui halète déjà une main sur le tronc au niveau de sa tête, l'autre en arrière agrippée à une fesse de Reed.

Un grognement presque animal et des claquements plus rapides répondent à sa demande.

Ça ne me dérange plus. Avec Reed, nous avons passé un accord. Comme aucun de nous n'est prêt à renoncer à Heath, nous avons accepté qu'il soit autant à l'un qu'à l'autre. Il n'y a jamais eu de mots posés sur ce que nous partageons. Ça s'est fait, comme ça. Heath couchait avec Reed bien avant de me rencontrer et j'ai séduit Heath dès le départ.

Mais je ne suis pas sûr qu'Heath ait vraiment conscience du lien qui nous unit à lui. Parce que s'il y a bien une chose qu'Heath fuie, c'est les sentiments. Pour moi et pour Reed. Car ça, malgré tout son savoir et son génie, il ne peut pas les maitriser. La seule fois où j'ai évoqué le sujet, il s'est absenté dans sa tête presque une semaine et il a fallu le double de temps pour qu'il nous laisse de nouveau le toucher.

Ça viendra. Mais je le laisse libre du jour de sa prise de conscience.

oOo

À suivre

Bonjour à toutes et tous !

J'espère que ce premier chapitre vous a plu et vous aura donné envie de découvrir la suite (que j'ai hâte de vous faire découvrir) ! Pour info, cette histoire se découpe en 2 parties ! La première est terminée et se constitue de 5 chapitres. Normalement si mon calendrier se goupille bien avec celui Kamiyu (qui a la gentillesse de chasser mes fautes et de vous offrir un récit plus agréable à la lecture, mille mercis à elle), la publication devrait être hebdomadaire ! Des bises à tout le monde !

Et n'hésitez pas à rejoindre ma page facebook Camille Dit Yomika (un peu d'actu, mes avancées et mes lectures).

A très vite !

Camille Dit Yomika

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