Chapitre un : La classe II
Les quatre garçons étaient en chemin vers l'amphithéâtre, discutant de tout et de rien même si Zeki restait volontairement en retrait. L'académie avait ouvert ses portes, dévoilant un corps principal colossal de six étages. Plusieurs bâtiments sur les pôles même si pour l'instant leur direction les menait vers une sorte de salle de spectacle.
Ils entrèrent, découvrant un amphithéâtre plein à craquer. Le groupe suivit la ligne des premières années jusqu'à atteindre la classe II. Raki était présent, en pleine discussion avec une jeune fille blonde. Une brune typée d'orient et une autre pâle au regard doux discutaient dans leur coin.
Le quatuor s'installa sur les fauteuils confortables, la lumière était volontairement tamisée pour laisser une estrade claire et concise.
-Je suis pressé de voir la directrice ! Piaffa William joyeusement.
-Pourquoi ? questionna Zeki.
-Elle est connue pour être la première femme à avoir atteint le grade de générale dans l'armée. C'est un peu une progressiste et une pionnière pour avoir ouvert son académie aux jeunes filles, rétorqua-t-il.
Intéressant, songea le jeune en observant avec davantage d'attention le futur discours.
« Jeunes filles et jeunes hommes, merci de couper vos téléphones éthérés, vos baladeurs et tout objet capable de bloquer votre esprit durant le discours. »
Plusieurs personnes pestèrent tout en s'exécutant, les dernières lumières moururent, les plongeant dans le noir le plus complet. Un coulissement fit descendre une sorte d'écran blanc comme la craie. Un second son survint, faisant apparaître une image d'une femme d'un certain âge, les traits durs et la crinière salée.
-Chers élèves de Damibura, je suis Cassil Damibura, directrice de cet établissement. Ma présence est néanmoins requise pour vous présenter différents éléments primordiaux de la vie en communauté, dit-elle en commençant à marcher.
Zeki reconnut cet endroit, c'était le quartier commerçant ! Elle utilisait une caméra ?
-L'école commence à sept heures jusqu'à quinze avec deux heures prévues pour les activités extrascolaires. En dehors de ces horaires, vous pourrez découvrir les environs et notamment le quartier commerçant qui est gratuit pour chacun de nos élèves.
Elle parcourut une certaine portion, jusqu'aux bâtiments résidentiels.
-Vous avez chacun une chambre, douche collective et toilettes. Les seules règles à respecter sont de ne pas rester durant le couvre-feu dans le bâtiment du sexe opposé ni même de dormir en dehors de votre lit. Tout manquement à cette règle se verra transcrire par une punition exemplaire.
Zeki déglutit, ce n'était pas son genre de bafouer une loi, mais l'idée de la punition lui faisait plus que peur.
Cassil gagna l'académie, pointant grâce à son cameraman le bâtiment.
-Les cours débuteront dès aujourd'hui avec une activité toute particulière à Damibura. Le DAE, chacun se verra assigner un dispositif qui se compose d'une simple pièce que voici.
Sur ces mots elle pointa une montre qu'elle retira, montrant une sorte de pièce de métal soudé à son poignet qui servait à tenir le mécanisme.
-Cette pièce se nomme le « Carti », rassurez-vous ce n'est qu'un dispositif spécial qui ne vous sera pas imposé. En revanche il améliore grandement l'éther en échange d'une petite opération que nous sommes à même de vous proposer. Sinon le DAE n'est qu'une simple montre qui vous causera des maux divers vous plaçant sous surveillance.
-Super, siffla Sacha.
Elle continua jusqu'à montrer les salles de classe des premières années situées au rez-de-chaussée. Puis le gymnase et des endroits divers, le terrain d'entraînement adjacent à une forêt dense et une large zone de terre pour l'utilisation de tanks et d'écuries.
-Bien, à partir de maintenant vous connaissez l'établissement. Que chacun suive son professeur référent jusqu'à la salle de classe. Une dernière chose, j'aimerais que vous respectiez les élèves roturiers. Chaque ségrégation se verra régler par ma personne donc j'invite les deux partis à venir me voir en cas de souci, rompez !
Sur ces mots la lumière revint, éblouissant les élèves par la même occasion. Daniel Vimo installé en fond de salle s'approcha de sa classe, cigarette au bec.
-Si ces jeunes gens veulent bien me suivre, dit-il en ouvrant la marche.
Il fut rapidement suivi par la classe II, ce dernier les guida dans le corps principal au carrelage gris et aux murs blancs. Des plantes et sofas étaient installés comme une invitation à la détente. Le professeur les mena dans une salle marquée du signe de leur unité, Zeki compta dix pupitres et comme pour ne pas se perdre s'installa à côté de Kusha.
-Bien toussa Daniel. Mon devoir est de vous poser des DAE, mais avant cela. Certains seraient intéressés par une opération de Carti ? C'est irréversible, mais après tout ce n'est qu'esthétique.
Plusieurs mains se levèrent, Kusha, William, Raki, la fille typée et son ami la pâle.
-Donc cinq ? Du coup vous n'aurez votre modèle que sous peu, deux secondes, soupira-t-il en passant sur un petit ordinateur de poche. D'ici une demi-heure, pour l'instant je vais installer les modèles sur les volontaires pour la normalité.
Il saisit trois montres, deux noires et une blanche. Il proposa les noires à Sacha et Zeki et la blanche à la jeune fille blonde.
Le contact du métal lui piqua la peau avant de l'engourdir légèrement. Comme une aiguille tentant d'épouser sa chair.
-Donc … avec ça on devrait être malade ? questionna la blonde en observant le fameux objet.
-Pas de suite, mais d'ici une heure où deux vous serez affecté en effet. Le premier mois à Damibura est relativement calme pour gérer les problèmes de Grippe DAE comme nous l'appelons. Du coup nous allons commencer par les présentations en attendant, ça vous semble bon ?
Personne ne répondit, comme-ci la question leur était égale.
-Du coup, honneur aux dames, dit-il en observant le duo féminin situer tout à droite.
-Iris Matis, mon père est un baron et Sophia mon amie, voilà, commença la typée.
Son amie sourit tout en prenant la parole.
-Sophia Fiko, fille du seigneur Fiko du nord et amie d'Iris, dit-elle timidement.
Zeki tilta à ce nom, une partie de son pays était régie par un seigneur Fiko. Pas son village étrangement.
-Hélène Madria, fille du seigneur Madria de Lucia, enchantée, dit la blonde d'un ton honnête.
-Les garçons maintenant, ne vous pressez pas il nous reste du temps, ricana Daniel.
-Raki Zaleo, quatrième fils de la famille Zaleo, lança sobrement le péteux.
-Sacha Perol, abrégea le serpent.
-William Berger, je suis un roturier donc soyez cool, sourit le rouquin.
L'ambiance changea légèrement comme si le jeune homme possédait une bonne humeur communicative.
-Kusha Briegan, enchanté.
-Zeki Baragan, je suis également roturier, enchanté, dit-il timidement.
Un bruit sourd surpris les élèves, Daniel venait de couper les présentations en claquant des mains.
-Bon, ça suffira pour le moment. Alors, maintenant votre emploi du temps, le mardi est réservé à l'entraînement physique et le jeudi à la manipulation d'éther. Le reste du temps, nous explorerons ensemble le divin monde de l'enseignement militaire, railla le professeur.
-Nous commencerons quand le véritable cours ? Dès demain ? lança Raki.
-Quand chacun aura son DAE, pour le moment nous tuons simplement le temps.
-Et quand pourrais-je lancer des boules de feu ? Dès maintenant ? questionna Sacha.
Un rire prit le professeur.
-Si tu arrives à user ne serait-ce que d'une partie de ton éther je veux bien t'appeler maître. Il faut des milliers d'exercices de respiration pour au bout de la première année réussir à concentrer son éther, dit-il d'un ton dur.
C'était si compliqué d'user de l'éther ? songea Zeki
-Du coup les boules de feu, c'est pour quand ? grogna le noble.
-Si tu avais un Carti tu prendrais bien moins de temps, ce mécanisme améliore grandement les performances.
Perol souffla, perdant son regard dans le néant.
-Il est trop tard pour refuser ?
-Non, sourit Daniel en s'approchant du terminal. Quelqu'un d'autre veut tenter ?
Hélène replia ses doigts, peu assurés.
-Le modèle est affreux, ça me rendrait moche, dit-elle d'une petite voix.
Sur ces mots le professeur retira sa montre, montrant sa peau presque identique à la réelle.
-Le modèle de la directrice est très laid, mais celui que j'ai est le basique, c'est une peau artificielle et les performances sont assurées, dit-il en s'approchant de la noble.
Cette dernière toucha le poignet du professeur tout en hoquetant de surprise.
-C'est dur en effet, pouvez-vous compter une autre opération ?
-Très bien, Zeki, tu ne veux pas de cette opération ? C'est gratuit donc sers-toi, dit-il d'un air amical.
-Je suis très bien comme cela, merci, professeur.
Un coup de coude le força à observer Kusha, visiblement perdu.
-Tu n'as rien à perdre, dit-il amicalement.
-J'ai mes raisons, répondit Zeki.
-Si c'est l'opération qui t'inquiète … elle est sans douleur, continua monsieur Vimo.
-Mon corps ne regarde que moi, gronda le jeune.
L'incompréhension se lut chez ses camarades, mais il ne pouvait leur expliquer la raison. Ce serait trop compliqué. Et, Zeki n'aimait pas causer d'histoires.
–
La demi-heure passa et comme prévu les sept candidats partirent pour se faire greffer la puce laissant Daniel et Zeki dans la salle de classe en duo.
-Tu es vraiment étrange, refusez un tel cadeau, souffla le professeur.
-J'ai mes raisons, grogna le garçon.
-J'imagine, enfin, je crois que tu as quelques lacunes dans les matières, non ?
Un voile passa chez l'étudiant.
-Un peu, mais …
-Sors ton cahier, on va bosser, sourit Daniel en prenant une craie.
Ils travaillèrent deux bonnes heures à réviser les classiques, étrangement son professeur avait une manière calme et ironique qui lui plaisait bien. Ils révisèrent les bases de la politique militaire et quelques questions posées à l'examen d'entrée.
Étrangement aucun élève ne revint ce qui inquiéta le jeune homme.
-Ils ne reviennent pas ?
-La file d'attente doit-être longue, il faut compter vingt minutes par élèves et avec douze classes ça fait un sacré paquet pour seulement trois médecins.
Zeki garda pour lui ses questions, préférant se concentrer sur les études. Deux heures suivirent et finalement ils revinrent, proche de la clôture des cours. Chacun portait une peau légèrement brillante sur le poignet droit qui intrigua le jeune homme.
-Bien ! lança Daniel joyeusement. Prenez vos montres, noirs pour les garçons et blancs pour les filles. Vous pouvez disposer, j'ai besoin d'une clope.
Zeki s'approcha de Kusha, apparemment fatigué.
-Ça va ? dit-il amicalement.
-Ouais, épuisant d'attendre dans un couloir, mais suffisant, sourit-il.
-Tu as eu mal ?
-Un peu, à vrai dire ils te posent juste une sorte de plaque de métal couverte de câble qu'ils recouvrent d'un camouflage naturel. La peau est néanmoins chauffée et je crois avoir perdu un peu de ma pilosité, rit-il.
-Bien ! lança Daniel en s'adressant à ses élèves. La journée est terminée, à demain vers sept heures, rompez !
Les élèves filèrent en dehors, étrangement William suivit Sacha comme s'il venait de se produire une querelle.
-Un souci ? lança Zeki.
Kusha de son côté soupira lourdement.
-Juste un caprice, car j'ai eu un modèle plus puissant que prévu à cause de la taille de mon poignet. Du coup Sacha crie à l'injustice et son copain William le suit dans son délire.
C'était stupide, songea l'écureuil.
-Ils se braquent pour quelque chose de si risible ?
-Bien souvent les nobles aboient plus qu'ils ne mordent même si pour ce gars c'est son ego qui en a pris un coup. On a eu une querelle verbale sur le sujet et ça s'est légèrement envenimé, dit-il d'un ton amer.
-Du genre ?
-Il a traité ma famille de grossiste consanguin, je l'ai insulté de sale couillon et la première querelle est née, aussi simplement que cela.
-Consanguin ? releva Zeki.
Ils sortirent à l'air frais, essayant de se frayer un chemin à travers la masse compacte. La lourde main du géant l'agrippa au poignet pour le guider sur un côté de route afin de laisser passer le troupeau.
-Ma mère a épousé son cousin germain, c'est une pratique courante chez les nobles afin de garder un sang pur, mais pour de simples riches ça nous fait juste mousser.
-Il n'y a pas de danger … pour toi ? s'inquiéta Zeki.
-Non, après j'aurais pu avoir de graves soucis. Bien souvent les rois décadents sont nés de cette propension à valoir le sang « pur », mais les petits nobles aiment piquer les zones sensibles. Surtout quand on ne possède pas de couronnes où de titre, dit-il en croisant les bras comme une colère silencieuse.
-Vous vous énervez pour un rien, souffla le jeune.
-Crois-moi j'aurais préféré éviter une scène de ménage, d'autant que ça me met bien devant les autres classes. Saloperie de Perol, jura le brun.
-Du coup William est plus à l'aise avec Sacha qu'avec toi ? C'est étrange.
-J'en sais rien, il semble plus foufou que prévu, mais peut-être a-t-il mal digéré lui aussi que j'ai un modèle supérieur.
-Raki a dû avoir un modèle supérieur également ?
-Ouais, ronchonna Kusha. Son poignet est de la même taille que le mien et d'ailleurs Perol lui a fait une petite scène également sauf que Zaleo a plus de répondant que moi.
Le début d'année débutait bien, songea Zeki.
-Il lui a rétorqué quoi ?
- « Un bâtard n'a pas le droit de prétendre être un noble et agir comme tel, reste dans la basse-cour, roturier », cita Kusha.
-Plutôt corrosif, déclara simplement l'étudiant.
-En effet, mais ça a eu le bénéfice de lui couper la chique.
-J'ai l'impression que l'année risque d'être compliquée, gémit le jeune.
Kusha darda un œil sur la foule avant de le reposer sur son complice.
-Si tu comptes les querelles politiques entre la famille Madria et Matis et tu obtiens un cocktail de clan et de non-dit.
Zeki réfléchit avant de tilter, Hélène et Iris étaient en conflits ? Décidément.
-J'espère ne pas être impliqué dans une querelle, je ne sais même pas si je pourrais observer la personne en face. C'est délicat.
Kusha camoufla un rire par sa main.
-Désolé, mais je pense que c'est difficile de t'imaginer haï par qui que ce soit. Tu as vraiment une tête de gars honnête et te voir en commère où marionnettiste est franchement compliqué, ricana le riche.
-Je ne suis pas un labrador ! pesta Zeki.
-Enfin, tu veux rentrer ? La foule semble se dilater, dit-il en partant le premier.
Le « labrador » suivi malgré lui, quelque peu vexé d'être prit pour une brave bête. Il avait un caractère, ce n'était pas qu'une boule de gentillesse et de naïveté. Il n'allait pas se laisser traiter ainsi, même par un garçon mille fois plus riche que lui !
–-
Une lourde cloche résonna comme un coup de tonnerre dans l'allée, Zeki en sursauta, coupant son rêve délicieux pour la dure réalité.
-Déjà ? Bâilla-t-il.
Soudain la révélation survint, ils étaient mardi ce qui signifiait sport toute la journée. Le sort s'acharnait sur lui décidément.
Il enfila sa combinaison de sport pour supporter la lourde journée. En sortant il croisa Kusha, fraîchement lavé et en tenue tout comme lui.
-Tu n'as pas pris de douche ? s'étonna-t-il.
-Je me suis lavé hier soir, après trois heures de train j'en avais besoin.
Un sourire lui répondit.
-Du coup tu vas devoir en prendre une autre, ricana-t-il en descendant l'escalier lentement.
Les effets de la montre semblaient les couvrir de cernes et d'une pâleur étrange, pourtant Zeki se sentait bien, sans aucune douleur. Il suivit tout en grommelant de ce sport si inutile à son planning. Ils gagnèrent le gymnase ou monsieur Vimo patientait avec une collègue à l'air sévère.
Un air de jeunette et un corps sculpté pour le combat, un vétéran de l'armée, songea-t-il. Les autres élèves étaient déjà présents et moulés dans la tenue de sport réglementaire. Zeki put observer correctement les jeunes filles de sa classe. Iris était une beauté aux longs cheveux bruns et au teint buriné par un soleil de plomb.
Elle ne devait pas sourire souvent, mais une aura de noblesse détendue semblait joindre son corps. Sophia quant à elle était une ravissante fille du nord comme il en connaissait des dizaines à la différence qu'elle affichait une timidité tendre et un sourire chaleureux.
Hélène finalement était une belle blonde plantureuse semblant respectueuse, mais hautaine. Un curieux mélange.
-Bien ! lança Daniel en réveillant ses élèves de son claquement de main. Je vous laisse avec mademoiselle Perote, soyez gentil, hein ?
Sur ces mots il fila, pressé de sans doute fumer une cigarette. La professeure sourit tout en ouvrant le passage pour la salle de sport. Des tatamis avaient été installés au sol avec une sorte de parcours militaire en mousse.
Un sifflet retentit, coupant les idées au clair.
-Bien, nous allons nous échauffer par groupe de deux. Sachez que vous garderez votre partenaire durant toute l'année, car d'une c'est un moyen de se faire mutuellement confiance et de deux, car vos compétences et gabarits sont de même taille. Les groupes sont les suivants, Raki et Kusha, Sacha et William, Hélène et Iris, Sophia et Zeki, des questions ? dit-elle en dardant son regard sur l'assemblée.
La bronzer fut la première à réagir.
-Pourquoi un garçon avec Sophia ? ! Je fais très bien l'affaire ! tonna-t-elle.
-Car, tous deux font près d'un mètre soixante-sept et idem au niveau du poids. Iris, tu es plus petite et corresponds plus au gabarit d'Hélène, après si tu souhaites tant changer de partenaire tu n'as qu'à grandir, rétorqua calmement Perote.
-Mais ! Encore que je ne sois pas avec Sophia peut aller, mais me coller avec une Madria ? !
-Je suis d'accord, devoir supporter Matis est trop demandé, continua sa camarade.
Perote ne répondit rien, préférant scruter une fiche complexe.
-Malheureusement, si vous avez des réclamations vous pouvez vous adresser à la Générale Cassil. Nous sommes en académie militaire les filles, pas dans un salon de thé. Vous vous êtes engagé pour en chier et pas pour vous vernir les ongles où prendre le dernier parfum à la mode. Une autre réflexion et vous quittez le cours, suis-je clair ? !
La réprimande eut l'effet d'un coup de fouet, contrairement à monsieur Vimo cette dame semblait bien moins calme et détendu. Autant dire que Zeki allait doublement haïr le sport.
–
Après un footing interminable, les élèves se réunirent pour la suite. Zeki était déjà fatigué d'avoir couru une simple heure. Son physique n'était pas vraiment son point fort.
-Baragan, si tu comptes mourir sur place fais-le dans un coin pour ne pas dégueulasser mes tatamis, cingla Perote.
-Pardon, bégaya-t-il.
-Bien, nous allons passer à l'entraînement au corps à corps. Vous devez savoir qu'en cas de contacts le meilleur moyen de se défendre est une arme à blanc. Du coup je vais avoir besoin d'un partenaire. Zeki, nous faisons la même taille donc ce sera une sorte de punition, dit-elle avec un rictus mauvais.
Le jeune homme approcha, peu rassuré. De sa poche la gradée saisit une véritable lame qu'elle tendit à l'élève.
-Je … dois la prendre ? dit-il perdu.
-Prends-la et essaie de me poignarder, rassure-toi tu n'y arriveras pas.
C'est avec tension qu'il saisit la lame, tremblant comme une feuille, sans réfléchir il fondit, pointant l'arme sur son professeur. À sa grande surprise, elle n'esquiva pas, l'encaissant dans la poitrine sans pour autant rentrer dans sa peau.
D'un geste rapide, la supérieure le désarma et récupéra sa lame.
-Bien, première règle que vous apprendrez en cours de manipulation d'éther. Si vous ressentez un danger sur une partie de votre corps, vous devez concentrer votre énergie dans cette zone. Cela rendra votre peau aussi résistant qu'un bouclier, dit-elle en tentant de s'ouvrir les veines causant un chuintement de métal.
Elle rangea son arme dans son étui, soulageant le jeune homme.
-Zeki, essaie de me faire tomber, ordonna-t-elle.
Une nouvelle façon de se faire mousser. Obéissant il approcha tout en tentant de bouger la balance de ce professeur sans y arriver.
-C'est bon, dit-elle en l'invitant à reprendre sa place. La deuxième règle est de toujours avoir vos deux pieds à terre et de maintenir une balance à toute épreuve. Un tir d'obus où une lame qui vous frôle peut vous perturber et ainsi vous rendre incapable de réagir. Avec une bonne balance, vous y arriverez convenablement. Entraînez-vous une bonne heure sur l'équilibre. Baragan tu me suis dans mon bureau.
Sur ces mots elle partit dans une petite annexe qui terrifia le garçon, allait-elle l'engueuler ? C'est la boule au ventre qu'il entra dans la pièce où mademoiselle Perote patientait dans une étrange pharmacie.
-Ton corps est peu entraîné. Tu ne tiendras jamais le rythme sans sculpter ton physique. Tu me prendras ces pilules pour accélérer la croissance musculaire et tu feras également cent abdominaux le soir avant de te coucher, et ce pendant une semaine. Mardi prochain je testerai ton endurance et s'il n'y a pas le moindre progrès je sévirais, sommes-nous clairs ?
Zeki observa le sol comme pour s'y loger.
-Je ne suis pas comme Kusha où Raki je n'ai pas le physique, dit-il amèrement.
-En tout cas tu as bien la connerie, cingla la dame de fer. Chaque être humain peut devenir un champion en sport, il suffit d'entraînement et d'obéir à son professeur, les pilules sont à prendre pendant les repas donc n'oublie pas. Compris ?
-Compris, dit-il faiblement.
La journée continua sur le même schéma, une heure de footing, une heure d'entraînement et une autre de repos. Au déjeuner Zeki prit les cachets prescrits tout en pestant contre ce programme infernal. Le reste s'écoula sans problème même si la sortie causa des courbatures infernales au garçon.
Tout son corps hurlait douleur et c'est à peine s'il pouvait marcher sans une crampe.
-Tu veux que je t'emmène à l'infirmerie ? proposa Kusha qui semblait en forme.
-Je ne veux pas causer de problèmes, je vais endurer, dit-il d'une voix peinée.
Le géant souffla et d'un geste ample le saisit pour le porter sur son dos.
-On va voir l'infirmière, t'es définitivement pas en état.
Zeki n'avait même pas la force de protester, Kusha l'emmena à travers le bâtiment et jusqu'à une salle sentant le désinfectant et divers alcools. Un homme aux lunettes rondes et l'air chaleureux les accueillirent.
-Qui est le malade ?
-Moi, lança Zeki en approchant d'un tabouret.
-Dans ce cas, peux-tu nous laisser ? dit-il à l'attention de Kusha.
Ce dernier pesta, mais quitta l'entrée pour attendre dans le couloir.
-Tu as eu sport ? Ton nom et prénom.
-Zeki Baragan, première année en classe II.
Le médecin nota plusieurs informations sur un carnet avant de se tourner vers le jeune homme.
-Tu as mal où ? De simples courbatures ?
-Je crois.
Pour s'assurer de son état, il prit sa tension, son pouls et examina ses muscles sans rien trouver d'anormal.
-Tu as juste eu une grosse journée, sourit le médecin. Tu prends des compléments prescrits par Perote ?
-Je les ai pris ce midi, ils marchent vraiment ?
-Avec un bon entraînement seulement, ta condition physique me semble faible, voire inexistante. Je vais glisser un mot à ma collègue pour te ménager le temps de te construire, tu vas quand même me prendre un léger antidouleur pour aujourd'hui.
Zeki accepta tout en songeant à la colère possible de la professeure en apprenant son état. Ses notes physiques et le reste n'allaient pas être joyeux. S'il pouvait rester un mois de plus pour assurer cent Limu à sa famille.
–
Comme prévu Zeki ne comprit rien au cours suivant le lendemain, la politique, la géographie, l'histoire, les sciences et l'éther lui étaient inconnus au possible. Pourtant il tentait de suivre, mais avec autant de retard c'était peine perdue. La journée s'acheva lui fracassant le moral. Kusha ne savait que dire pour l'aider à remonter la pente.
Il ne pouvait pas le rendre plus intelligent ni plus puissant, ce n'était pas un Dieu, juste un homme comme un autre.
Tout ce qu'il pouvait faire était de tendre l'oreille et de réconforter de son mieux.
–
La manipulation d'éther, un des cours les plus importants avec le sport. Une once d'espoir avait rené dans le cœur du jeune homme en pensant à cette unique chose qu'il semblait maîtriser. La salle se trouvait au sous-sol du gymnase, dans une vaste pièce aux relents d'encens et de bougies parfumées.
La professeure se nommait madame Cochil, une vieille dame d'apparence acariâtre à l'air de sorcière. Cette dernière avait installé la classe II en cercle et allumé son gramophone pour passer une musique classique.
-Bien, l'éther est une énergie volatile et difficilement compréhensible. Heureusement le DAE offre ce que nous appelons « l'éveil », faisant sauter le verrou normalement placé même si nous sommes toujours bridés. Chaque humain possède une dose d'éther plus ou moins importante et c'est ce que nous allons vérifier, dit-elle en s'approchant avec une sorte de balle de plastique.
Elle la déposa dans les mains de Sophia situées tout à gauche qui ne fit rien de plus que rester stoïque.
-Faites passer, cela m'étonnerait que nous ayons une réaction avec ce matériau, ricana la vieille femme.
La balle passa de main en main, Kusha la prit avant de souffler, l'offrant à son comparse. Au contact du plastique rien ne se produisit, il n'était pas assez spécial pour son éther ? Le chagrin reprit Zeki au galop, le frappant au visage comme un coup de réalité.
Que devait-il faire ? Prier pour que son pouvoir lui offre une vie de convenance ? Tout cela, car ce maudit général avait repéré un étrange éther en lui, prétextant un « don ». C'était ridicule, insensé.
Une balle de papier passa près de lui, c'est avec dégoût qu'il la saisit, se brûlant les doigts sur le matériau. Ce dernier commença à se consumer, devenant rapidement cendres.
-Ah ? releva la vieille femme souriante. Nous avons un garçon plus dégourdi que les autres. Il nous reste encore plusieurs balles plus faibles à tester, mais tu peux déjà te rendre dans la salle suivante, dit-elle en ouvrant la porte voisine.
Zeki déglutit, observant les regards étonnés de ses camarades. Il prit son courage et gagna la pièce avant de défaillir. C'était une simple chambre sans fenêtre avec un immense miroir. Renvoyant un reflet de lui-même.
-Concentre-toi et essaie de voir ta propre énergie, enfin débrouille-toi gamin, lança Cochil dans l'autre pièce.
Se concentrer ? pensa Zeki. C'était facile à dire.
Son miroir ne reflétait que son reflet, rien de plus. Le jeune homme posa sa main sur le métal comme pour en sortir son don. Sans résultat.
-Si … tu existes, montre-toi. J'ai besoin de ton aide, dit-il en fixant son image un long moment.
-Tu es en moi, non ? Montre-toi.
Aucune réponse, il était définitivement seul, perdu dans la salle miroir il ne pouvait qu'observer son reflet et ne put constater qu'une chose. Il n'avait pas sa place à Damibura.