Et voici la suite, cette fois-ci plus centré sur les personnages de la classe II. Même si comme d'habitude le couple principal reste Zeki et Gilko, bonne lecture !


Chapitre dix-huit : Ressac

Au sein des laboratoires de Delpi s'affiliaient une troupe des plus étranges. Debem, général de génie était aux prises avec différents scientifiques dans une salle scellée de la garnison mère. Ces derniers avaient installé au centre de la pièce un alambic relié à diverses machines plus complexes les unes que les autres. Ils s'apprêtaient à relancer l'expérience, dans un coin de la pièce patientait un esprit des plus sceptiques.

Dag avait décidé d'aider son amour de jeunesse et s'était dirigé vers la plus grande menace à ses yeux. Même s'il ne pouvait pas supporter Zeki, il devait le faire pour faire survivre Gilko. Tout ce qu'il espérait était de la reconnaissance ou un mot attentionné. Le chien savait également qu'il avait pris sous son aile un esprit des rues. Un chat qui pouvait profiter de sa jeunesse auprès du plus grand, du plus puissant esprit du moins pour Dag.

Le craquement retentit et en peu de temps le tonnerre des machines recommença. Le courant passa à travers les diverses fils reliés à l'alambic. Ce dernier crissa tout en laissant s'écouler quelques gouttes d'un mélange mercurien. Une coupure de courant coupa l'expérience, les plongeant dans le noir le plus complet. Un grognement de frustration feula chez Debem mais en peu de temps la lumière revint. Il s'approcha de l'expérience et observa le fond à peine plus rempli qu'un cul de bouteille.

-Combien de temps encore ?

-Quatre à cinq ans, si la qualité reste de cet acabit tout du moins, répondit le chef de projet.

Le blond grinça.

-Trois ans, dernier délai, ordonna l'homme d'un ton sec. Interdiction d'en parler à Bakar, vous restez sous ma tutelle, compris ? !

Le scientifique ne répondit rien, après-tout répondre ne ferait qu'aggraver la situation. D'un pas impérieux le blond sortit, laissant la troupe continuer à produire cet étrange mercure. Le chien quant à lui restait perplexe, il ne sentait aucun éther venant de ce produit. Ce qui était d'autant plus étrange, chaque chose possédait une dose d'éther. L'eau, l'air, ne pas en voir était mystérieux et dangereux à la fois.

Car, la seule chose permettant de ne rien construire, de ne rien posséder était d'user de l'art interdit.

Le don du néant.

Sur le chemin menant à l'école Zeki se confronta à un problème inédit. Il tenait la lettre de Catherine pour son fils mais ce dernier d'un geste vif la déchira en mille morceaux faisant voler des bris de papiers. Le si composé Kusha s'était mué en géant colérique et énervé. Il n'ajouta rien et continua vers la salle de classe. Les riches pouvaient êtres bornés pour d'obscures raisons, même s'il savait que l'orgueil y était pour beaucoup.

-Tu es sûr de ne pas vouloir parler à ta mère ? s'inquiéta Zeki à son ami.

Le géant grogna tout en reprenant une part de curry.

-Cela ne regarde que moi, si elle te demande des nouvelles, dis-lui que je vais bien et que l'école se passe correctement.

-Tu sais qu'elle a mit un espion sur moi ? Gémis le garçon.

Il reçut un haussement d'épaules.

-Depuis qu'on sait que t'es un médium, tu as eu plus d'un espion à te suivre. Je parierais ma chemise que Perol, Zaleo, Fiko t'ont déjà suivis pour savoir comment te « maîtriser » où « acheter ». Ma mère n'est que la première à te l'avoir avouée, dit-il avec un calme désarmant.

Il bafouilla quelques instants, se rappelant les moments qu'il avait exposés au public depuis ce début d'année.

-Je suis suivi chaque jour ? Chaque soir ?

-Tout le temps, un suivi par un pro ne coûte pas si cher. Certains ont même des appareils photos et un suivi complet pour tes journées.

Il continuait de s'enfoncer, les nobles étaient définitivement sans pitié. Le jeune s'apprêta à reprendre son repas mais une odeur lui chatouilla les narines. Un parfum fruité et d'agrumes qui semblait être féminin. Des mains se posèrent sur ses yeux d'une manière malicieuse tout en écoutant un rictus malicieux.

-Qui suis-je ? Demanda une voix amusée.

Au rythme chanteur et à l'odeur si féminine il ne pensait qu'à une seule femme.

-Sophia ?

Il eut pour réponse un couinement affirmatif avant qu'elle ne le laisse sa prison de doigts. En se retournant il put voir la noble en tenue d'école l'observer avec malice.

-Je peux te parler deux minutes ?

Cela n'augurait rien de bon, Zeki déglutit avant de suivre son amie en dehors du restaurant. Ils s'installèrent près du parc, l'endroit couvrant les alentours des dortoirs. La nordiste planta son regard perçant dans celui plus perplexe du garçon.

-Tu sais que nous sommes en milieu d'année ?

Où voulait-elle en venir ?

-Et donc ?

Elle sourit malicieusement.

-Cela veut dire que nous allons devoir choisir un partenaire pour le grand bal qui se déroulera en fin d'année. Chaque femme doit trouver un parti de renom pour se pavaner dans cette fête ouverte aux grands généraux.

Il y avait un événement de ce genre ?

-Tu veux donc profiter de mon statut de médium pour briller face aux autres filles, j'ai tort ?

Un sourire brillant lui répondit.

-Perspicace, tu es médium mais paysan, je suis noble et inutile. Autant joindre nos forces pour briller ensemble que séparément ?

Elle marquait un point.

-Tu m'offres le soutien de ta famille ?

-Tu veux faire une alliance avec les Fikos ? Dit-elle d'une manière amusée. Mon père serait ravi de pouvoir compter sur l'aval d'un des rares médiums de Ruthen. Même si en échange tu seras notre allié et donc prompt à prendre notre parti.

-Cela change quoi à mon quotidien à Damibura ? s'intrigua Zeki.

Sophia sortit un carnet de son sac à main et feuilleta quelques pages.

-Pour l'école rien ne change, mise à part les prises de positions. En bref, tu suivras la ligne de conduite des Fikos. Donc, réfléchis-bien à tes alliances avant de t'engager, ce n'est pas un choix facile. On discutera de nouveau du bal, ne t'inquiète pas.

Que risquait-il à devenir un vassal d'une famille noble ? Gilko détenait sans doute la réponse à ses hésitations. Alors, il continua la discussion tout en gardant une pensée à ce jeu d'alliance qui allait débuter.

Gil était crispé, bras clos et regard tendu. Couché au pied du lit dormait Oka, Mingo quant à lui prenait la fenêtre, sachant qu'il ne pouvait être chassé sans risques.

-Je suis contre une alliance aussi tôt, on doit pouvoir avoir un droit d'action avant d'être pris sous le cachet des nobles, dit-il finalement.

-Mais, techniquement on est allié avec les Briegans.

Il souffla.

-Les Briegans ne sont pas nobles mais riches.

-Cela change quoi ? Ronchonna Zeki.

-Les nobles ont un siège, un nom et du pouvoir sur les votes. Un noble Ramizelien est forcément lié au conseil de son pays. Alors qu'un Limu n'a pas d'odeur, tu peux payer autant à Delpi qu'à Lucia sans craindre pour tes affiliations.

C'était logique, songea le garçon.

-Donc, je fais comment ? Si Sacha ou Iris décide de me faire la guerre je dois jouer avant eux et avoir mes alliés. Une fois en conflit je ne pourrais pas compter sur un joker.

Gilko songea quelques instants, pesant le pour et le contre.

-Zeki, si jamais tu devais choisir un pays à servir, ce serait lequel ? Dit-il soudainement.

Il n'y avait pas vraiment pensé, même si cette question devait lui venir en tête plus souvent vu son importance.

-Pas Lucia ni Delpi, dit-il rapidement. J'hésite entre Ramizel et Belcassime.

-Tu ne connais que le côté postier de Belcassime. Au fil des années tu verras d'autres facettes des différentes citées. Lucia n'est pas qu'un enfer de paperasserie, tout comme Delpi n'est pas qu'une cité corrompue. Tout n'est qu'une question de vision et tu verras bientôt les différences, du moins je l'espère.

Il avait compris, le temps se devait de le préparer à faire face au choix le plus crucial. Quel pays servir ?

La matinée arriva pour un cours de politique qui enchantait Zeki au plus haut point. Il entra dans la salle de classe mais dut faire face à un Daniel Vimo et une madame Perote dans une classe chargée de différents prospectus. Le médium arrivait généralement en milieu de parcours, la première étant Sophia et Iris, suivi par Raki, Sacha, Zeki, William, Hélène et Kusha terminant le parcours en arrivant à chaque fois sur le gong.

Le jeune s'installa à sa place et observa les différents papiers sur l'orientation sexuelle et se cacha d'un fard en voyant les phrases imprimées.

« La jeunesse doit être préparée »

« Tenir face à son adolescence »

« Faire face à ses envies »

En réfléchissant il parvint à une réponse simple, c'était un débauché. Alors que la classe devait apprendre le principe de sexe et de pulsion il dévorait le corps de Gilko avec appétit.

La classe rentra pour clôturer ce qui s'annonçait être un moment gênant sur chaque point pour le jeune débridé.

Zeki avait pris soin de répondre le plus vaguement possible aux questions. Il apprit par ailleurs qu'aucun de la classe II n'avait perdu son pucelage excepté le médium. Heureusement il s'était joint à la masse pour ne pas paraître suspect même s'il connaissait la réponse à plusieurs questions. Le cours s'acheva et pour la première fois le jeune décida de rejoindre Gilko pour s'assurer d'une chose qui lui tiraillait l'esprit.

Il trouva ses deux esprits dans sa chambre, lové l'un contre l'autre comme d'ordinaire. L'absence de Mingo l'inquiéta même s'il ne devait pas être bien loin.

-Un problème ? Devina l'ancien

-Gil, je suis dépravé ?

La question était posée et n'eut pour seule réponse qu'un sourire des plus hilares.

-Disons que tu es loin du petit jeune et prude craignant pour sa première fois, rit-il.

Zeki encaissa son innocence brisée avec peine.

-Je suis à ce point corrompu ?

-Ne t'inquiète pas pour ces détails, ricana le cerf. Après-tout peu de garçons de ton âge sont aussi précoces que sa majesté.

Un juron feula la gorge du garçon, d'un geste rageur et humilié il quitta les dortoirs pour manger seul au restaurant local. Brouiller sa jeunesse échaudée dans des plats copieux. Il devait supporter la seconde partie de ce cours infernal qui ne faisait que jouer face à sa propre dépravation. Il maudit Gilko sans le vouloir avant de terminer son repas, sachant qu'il lui devait de beaux moments malgré tout.

Chaque matin les délégués des classes devaient vérifier le casier de leur classe. Ainsi, en cette matinée il trouva une missive signée de Damibura. Il l'ouvrit pour découvrir une convocation pour le moins singulière.

« Entraînement en milieu réel, première phase »

Ils devaient tous se rendre sur le terrain d'entraînement pour une journée de sport ? Que préparait Damibura ?

Une fois Sophia prévenue les autres arrivèrent aisément, le terrain de sable avait été recouvert d'un parcours complexe et d'une multitude d'éléments qui tiquèrent sa vue. Des sacs formant des bunkers. Des arbres pour s'y suspendre. Perote se tenait au centre accompagné de Vimo qui tentait de garder son flegme habituel.

-Bien, lança le paresseux. Nous allons commencer le premier entraînement de l'année pour la classe II. En premier, chaque délégué va former une équipe de quatre, honneur aux femmes si j'ose dire.

Sophia percuta à cette mention et s'avança.

-Iris.

La métisse piaffa tout en gagnant les rangs de son amie. Zeki s'avança de son côté et fixa ses possibles alliés.

-Kusha

Le géant s'avança avec plaisir.

-Raki.

Cela perturbait Zeki de perdre le Lucien, depuis leur entraînement mutuel il avait forgé des liens plus forts. Le savoir contre lui mettait une pression supplémentaire, notamment du fait de son nombre de victoires proches de zéros.

-Hélène.

La jeune noble souffla de soulagement, éviter Iris était son objectif, même si cela l'opposait à Raki.

-Sacha.

Ce qui ne laissait que William qui venait se greffer à leur groupe comme une sangsue.

-Bien, lança Daniel en claquant des mains comme à son habitude. Allez prendre des tabards à votre couleur et adaptez-vous à cette équipe, car vous la garderez pour le reste de l'année.

Perote venait d'apporter des sacs contenants des tabliers rouges et bleus. Zeki devint rouge et Sophia bleue. Ainsi s'opposait la classe II pour la première fois. Quel fruit naîtrait d'un conflit entre nobles ? Un vin mauvais, pensait Zeki intérieurement.

Ils avaient chacun une partie du terrain et plusieurs armes à leur actif. Un pistolet tirant des balles de peintures, un couteau en plastique, un bâton et une épée de bois. Kusha prit l'épée, Hélène le pistolet, William la dague et finalement le bâton revint au chef d'équipe. La question était de savoir quelles armes avaient pris l'équipe adverse. Le but était simple, un coup signifiait la mort et donc l'élimination du jeu. La surveillance et le jugement laissés aux professeurs.

Le premier jeu allait débuter sous peu, l'équipe rouge s'était fixé le but d'attendre l'équipe adverses pour plus aisément les éliminer. Perote siffla une première fois, chacun se plaça à diverses endroits. Zeki se positionna derrière un arbre de carton, prêt à user de l'éther de Gilko pour maîtriser ses camarades.

Un nouveau sifflet retentit et en peu de temps le silence tomba. Curieux de voir leur déplacement il ferma les yeux et perçut leur éther naissant. Ils se déplaçaient chacun de leur côté et un des assaillants s'approchait de son côté. Il réfléchit à un moyen de le désarmer, tout dépendait de l'arme. Un pistolet pourrait tirer rapidement, le prenant par surprise. Les autres cas de figure semblaient moins dangereux au vu de la distance.

Il sortit de sa zone de confort et fit face à Iris tenant l'épée. Un sourire barbare la prit en bondissant vers sa proie.

« Glisse » ordonna t-il.

L'éther fut consommé mais l'équilibre de la sudiste se perdit en un instant. Elle tomba au sol gauchement avant qu'un bâton ne lui touche la tête pour signaler sa défaite. Un juron gonfla sa gorge mais d'autres suivirent.

Il crut entendre Sophia, William et Hélène, ce qui ne laissait que lui et Kusha.

Leur éther se trouvait au centre de la mêlée, il devait donc attaquer pour mieux défendre. Zeki gagna alors l'œil de la tempête où Kusha venait de perdre face à Sacha muni du pistolet. Raki portait le bâton et se présentait face à lui en colosse humain.

Le serpent tentait de le viser mais d'un ordre il la fit tressaillir de sa poigne, tombant au sol mollement. Le temps de réaction jouait pour lui, il s'avança vers Raki et connaissant sa prise au sol incroyable chercha à le perturber. Il ordonna à son tabard de se replier, ce qu'il fit, bloquant sa vue pour quelques instants.

De la pointe de l'arme il élimina Raki avant de faire face au Perol qui venait de reprendre son arme. Son air venimeux était remplacé par une figure sérieuse, comme s'il le prenait pour une menace pour la première fois. Il tira de son arme forçant Zeki à réfléchir bien trop vite. Son esprit tenta de paralyser la boule de peinture mais celle-ci le toucha à l'épaule avant qu'il ne puisse terminer son ordre.

Un juron filtra sa gorge avant qu'il ne gagne le coin des vaincus. Les huit élèves restaient silencieux, avant qu'Iris ne perce le silence de sa voix énervée.

-Baragan triche !

L'équipe bleue opina à cette idée au grand damne de Sophia.

-Le tabard de Raki s'est retourné, mon arme s'est envolé d'elle-même. C'est un entraînement militaire ou un jeu de passe-passe ? ! gronda Sacha.

-C'est de l'éther, répondit Perote simplement. Le but d'un entraînement est d'user chaque élément comme un véritable champ de bataille. User de son don fait partie d'une tactique gagnante. Maintenant, nous allons jouer les autres manches. Pensez à votre nouvelle stratégie et préparez-vous à la bataille.

La classe obéit tout en réfléchissant à un moyen d'user ou de contrer cet élément perturbateur. Hélène s'approcha néanmoins du chef d'équipe, le pistolet dans les mains.

-Si j'ai bien compris tu peux faire des choses à distances ? Ce serait mieux d'avoir cette arme, dit-elle en lui tendant le modèle à peinture.

Que pouvait-il faire avec une telle arme ? Une idée germa dans son esprit, étrange mais culottée.

La bataille venait de débuter mais cette fois-ci il resta les yeux clos. Il tira une première fois tout en ordonnant à la balle de suivre l'éther d'un de ses ennemis. Un cri de surprise prit Sophia camouflé derrière un sac. Il continua son jeu et élimina les trois autres avec autant de facilité. La deuxième manche se termina si rapidement qu'aucun challenge n'avait été de rigueur. Il fut ainsi instauré que Zeki Baragan ne prendrait plus le pistolet, afin de ne pas avantager une équipe dans les entraînements militaires.

La journée s'acheva par une douche bien méritée, la peinture ayant tâché la peau des garçons de la classe II. Kusha et Zeki avaient pris un coin libre, Sacha s'était isolé dans son coin, tout comme Raki qui essayait d'ignorer un William insistant.

-Donc, comme ça Baragan est utile ? Lança le serpent. Il lui a fallu du temps pour se sortir les doigts.

Le concerné ne répondit pas, se contentant de finir sa toilette pour ne pas reproduire l'épisode des douches.

-C'est le fait d'avoir perdu autant de fois qui te frustre Perol ? Il faut dire qu'être éternel second suffit à ta famille, tailla Kusha d'un air amusé.

La pique eut l'effet escompté, le serpent quitta son coin pour venir au centre de l'arène improvisée.

-Et alors ? Tu as bien de l'ADN de cancéreux, cela explique tes compétences médiocres, Briegan.

La flamme de la guerre était allumée, le géant brun s'approcha de son adversaire plus frêle, le dévisageant d'une tête de plus.

-C'est bien toi le fils bâtard des Perol ? Si mon père était malade, le tien s'est juste tapé une pute des bas-fonds !

Un poing fusa, tapant droit dans la mâchoire du géant. Ce dernier s'essuya gauchement avant de répliquer. Il saisit le poignet du brun avant de le tourner et le projeter contre le mur. Un impact brut suivit, sonnant le serpent pour quelques secondes.

-Arrêtez ! Tonna Raki. Cela ne rime à rien de se laisser aller à la violence gratuite !

Le serpent siffla tout en se tournant vers son « alliée ».

-C'est ce cher Zaleo qui tente de faire la police ? Si je suis un bâtard, Kusha un malade, tu es quoi ? Un monstre, ce n'est pas toi qui bandais en me voyant sous la douche ? Qui s'est mis à pleurer en me suppliant de ne rien dire ? Qui imaginerait le viril et puissant Raki Zaleo être intéressé par les culs de ses comparses ?

La carapace du blond se brisa en un instant, sa force et puissance s'étant dissipé en une fraction de secondes. Il commença à haleter avant de filer à toute vitesse vers les vestiaires. Un silence pesant couvrit le reste de cette révélation. Kusha retourna à son poste, étrangement perplexe. Zeki finit sa toilette tout en gardant des mauvaises pensées pour son compère vipère.

Quel intérêt avait-il à révéler des secrets personnels ? L'humain était-il fait uniquement pour blesser son prochain ?

Zeki mangea sur le pouce tout en découvrant l'absence de Raki au repas du soir. Lui qui d'ordinaire mangeait avec envie pour ne pas dépérir. Pensait-il à son altercation avec Perol ? Sans doute, le médium avait envie de lui parler, de lui expliquer que lui aussi avait ce genre d'attirance. Comment le prendrait-il ? Devait-il demander à Gilko ? Pour une fois il allait prendre une décision seule, il gagna le quatrième étage et toqua à la porte de Raki.

Il n'eut aucune réponse, pourtant son éther était bel et bien présent.

-Raki ? Je sais que tu es là, dit-il calmement.

Un grondement rauque lui répondit.

-Ce n'est pas fermé, marmonna t-il.

Il entra alors dans l'antre de l'héritier qui patientait sur son lit, les mains jointes et le regard vague.

-Tu es venu te foutre de moi ? William a dû faire circuler la rumeur désormais.

-Pas vraiment, corrigea Zeki. Je suis plutôt venu te soutenir, cela ne doit pas être facile mais après-tout Lina est tolérante sur ce sujet.

Un soupir prit le blond.

-Tu dois me trouver ridicule, un homme comme moi qui craque sur d'autres hommes. Je pensais que partir à l'armée me rendrait plus viril, c'est une foutue guigne !

Zeki tenta de comprendre tout en raccordant les morceaux.

-C'est ainsi, l'important est d'être heureux avec la personne qu'on aime, non ?

Il soupira davantage.

-C'est facile à dire quand tu es « normal », ton couple avec Sophia est parfait. Moi, j'ai quoi dans le tas ? Le bal de fin d'année est mixte, pas unisexe et pour ma carrière je ne peux pas m'afficher avec un autre homme !

Zeki cligna une fois, puis deux, avait-il bien entendu ? Sophia et lui étaient un couple ?

-Comment ça ? Couple avec Sophia ? Répéta t-il.

-C'est limpide comme de l'eau claire. Vous êtes tout le temps ensemble, vous dansez ensemble, tout le monde dans la classe II connaît vos liens.

Il tombait des nues.

-Et Sophia n'a pas démenti ? !

-Pourquoi ? s'étonna Raki. C'est faux ?

-Évidemment ! J'aime beaucoup Sophia, mais ce n'est pas mon amoureuse !

La nouvelle sembla surprendre le géant.

-Bizarre, toute la classe croyait cette histoire. Du moins elle semblait réaliste.

-C'est faux, soupira Zeki. Qui a lancé cette rumeur ?

Le géant rétorqua d'une poker face avant de l'inciter à partir, voulant rester seul un moment. Il redescendit d'un étage avant d'être harponné par un Kusha à travers l'entrebâillement de sa porte.

-Tu veux quoi ? Se questionna le médium.

-Entre.

En quelques secondes il pénétra dans l'antre de son ami. Ce dernier se tenait contre son armoire, un sabre d'entraînement dans les mains.

-Tu es allé voir Raki ?

Il répondit affirmativement, lui valant un soupir appuyé.

-Tu veux savoir pourquoi je ne suis pas resté chez ma mère pour prendre la succession ? Dit-il subitement.

C'était le jour des révélations, songea Zeki en se demandant quels secrets cachaient Kusha.

-Pour dire vrai … je voulais fuir la mort de mon père. Me retrouver dans l'armée et reprendre confiance en moi. Cependant … je suis faible, dit-il en cachant de lourdes larmes.

Faible ? Pensa Zeki qui ne comprenait pas toute la situation.

-Pourquoi cela ?

-J'ai toujours pensé être meilleur, supérieur aux autres. La première fois que je t'ai vu je me suis dit « un mec de la plèbe, il n'a rien de si spécial ». Je me suis mis sur un piédestal en me pensant intouchable et pourtant tout le monde me dépasse. Même un noble comme Raki peut affronter ses peurs face au public alors que … je fuis, dit-il la gorge lourde.

-Tu fuis quoi ? Demanda le médium.

Il fixa le large tout en posant son sabre sur son socle.

-Qu'est-ce que tu vois actuellement ?

Son ton était grave, lourd de propos.

-Un ami, répondit honnêtement Zeki.

Kusha se retourna pour faire face à son camarade. L'air interdit et le museau bas.

-Je suis jaloux, de toi, avoua t-il finalement. Tu as un esprit, une progression incroyable et tu maîtrises déjà l'éther. On a débuté ensemble et tu as deux tours de plus que moi sur la piste, comment veux-tu que je tienne la distance si tu ne fais que t'éloigner ?

Il ne savait quoi répondre. Alors, il se tut, ne laissant qu'un silence résoudre cette question impossible.

-Zeki ? J'ai constamment peur d'être abandonné, je sais que ça peut paraître égoïste mais … tu veux bien être mon pilier ? Pour que je me raccroche à toi si je m'apprête à tomber ?

-Kusha ? Répondit le garçon la voix lourde. Tu peux compter sur moi, même si je ne suis pas aussi fort que ce que tu crois. J'ai eu de nombreuses aides et tu en fais partie, donc ne demande pas à devenir mon pilier si tu es l'un des miens. L'amitié sert à cela, non ?

Un rire honnête prit le géant tandis qu'il s'approcha pour étreindre son ami. Un geste qui avait toute sa saveur. Une déclaration d'amitié après cinq mois passés ensemble. Ils n'étaient pas du même monde, ni du même univers mais c'était un réconfort mutuel de se sentir épaulé dans la jungle de Damibura.

Un merveilleux soutien.

Le lendemain arriva et dès les premières heures de cours l'ambiance se posa. Hélène déboula en trombe vers Raki, ce dernier tentant de se faire petit avec les événements de la veille.

-Zaleo, c'est vrai que tu es … déviant ? ! dit-elle devant toute la classe.

Perol sourit de son côté, les autres se contentèrent d'observer sans rien dire. Seul Zeki se sentait concerné par l'état de son ami.

-Je suis déviant, en effet, confirma Raki d'un ton las.

Un cri d'horreur cueillit la noble.

-Très bien … j'imagine que nos danses ne voulaient rien dire ?

-J'ai apprécié les danses, je t'aime bien Hélène, c'est juste que …

Elle prit un masque sombre.

-J'ai compris, dit-elle d'un ton résigné. Sache que mes sentiments étaient réels, mais je ne peux pas modifier la nature ? Pas vrai ?

Des larmes avaient fuité vers la fin, rendant la scène lourde et éprouvante. Zeki pensait à Raki, comment allait-il supporter les rumeurs, cœurs brisés et autres désillusions ? Daniel coupa cependant les questions en entrant dans la salle. Il semblait ailleurs et déposa son sac d'un mouvement las et ennuyé.

-On commence le cours, gagnez vos sièges et ouvrez les oreilles, dit-il en commençant le programme de la journée.

Trois semaines suivirent, Raki tint le coup, la rumeur diminuant petit à petit. Zeki réussit à faire comprendre qu'il n'était pas en couple avec Sophia. Cette dernière n'ayant pas cherché à démentir ni à confirmer. Vint l'heure du sixième stage et cette fois-ci son partenaire lui laissa un sourire pincé pour toute l'heure restante.

« Zeki Baragan et Sacha Perol pour Balbuto »

Balbuto était considéré par beaucoup comme une île paradisiaque lorgnant Delpi et Belcassime. Reliée par la mer du sud par des ferrys de croisière elle était alimentée d'une pierre précieuse unique et riche appelée la Balbu. Cette dernière était à la mode dans toutes les grandes bijouteries du monde et cette petite ville avait dû renforcer sa sécurité autour des mines et diverses magasins pour limiter les larcins.

C'était son deuxième voyage vers la cité du sud et pourtant sa compagnie lui semblait loin d'être agréable. Perol avait choisi une autre rame, heureusement pour Zeki qui pouvait souffler de ce tyran. Ils devaient prendre un ferry sur les coups de quatorze heures pour gagner l'île sur les dix-huit.

La mer n'eut pas le même effet que la première fois, malgré sa beauté l'hiver la rendait plus froide que d'ordinaire. Les lourds nuages gris renforçant ce côté malsain. Les parfums de la rame titillaient ses narines tout en ne laissant qu'un mal de tête sourd.

Que ce stage se finisse vite, supplia le nordiste.

Ils avaient gagné le port de Belcassime, l'un des plus grands de Ruthen. Plusieurs milliers de navires mouillaient dans l'eau claire de la cité pieuse. Ils avaient repéré leur quai et purent grimper sur une énorme frégate qui impressionna le jeune homme de par sa coque et ce sentiment de liberté qu'il en exhumait.

Malgré le gris du ciel les voiles se levèrent et à l'heure du départ il put sentir la houle pousser le navire vers un nouvel horizon. Le sentiment de découverte le reprit, chassant la présence de Sacha de son cerveau le temps de la chevauchée. Après-tout il n'allait pas ruiner tout ce qu'il touchait, du moins pas cette sensation de bonheur pure.

La frégate longea les coteaux rocheux du sud-est de Belcassime pendant plusieurs heures. La nuit vint à tomber avant d'accoster à un port en contrebas d'une immense station aménagé autour d'une des parois. Une grande partie de la ville s'étendait sur une surface formée par l'homme, des magasins, bâtiments et autres merveilles se joignaient à des petits canoës permettant la circulation à travers les différents îlots. À leur arrivé ils furent alpagués par une vieille femme en tenue de vacances, crinière hirsute et pipe à tabac.

-Zeki Baragan et Sacha Perol, j'suis Tata par ici et vous êtes mes poulains pour ce coup. Va direct commencer par la répartition des tâches, dit-elle en tendant ses deux poings vers les élèves. Droite ou gauche, un choix chacun.

Zeki choisit la gauche par pur hasard. Une bille noire sortit ce qui lui valut un regard en coin de la part de Tata.

-Mon pauvre pt'it. T'es à la mine. Vu qu'on n'a pas assez de travail pour chaque élève d'école on fout un des gars au caillassage. Le brun tu files à la bijouterie qu'on t'explique comment ça fonctionne. Je m'occupe du petiot.

Perol lui renvoya un air satisfait avant de disparaître à travers le sol de bois flottant. La vieille femme se tourna alors vers Zeki et l'invita à la suivre.

-Les deux gusses sont avec toi ?

-Ce sont mes esprits, affirma le jeune.

Un sifflement harmonieux fila dans la nuit.

-Un médium ? On avait des gars comme ça à l'époque sur les îles de cendres. Ils pouvaient lire l'avenir dans les pierres, sentir la marée et prévenir les mauvaises récoltes. J'me suis toujours demandé comment ils faisaient, dit-elle en continuant le chemin.

Ils passèrent du bois à un chemin en métal menant vers le sommet du pic.

-Ce doit être une communion avec les esprits des roches, c'était un des moyens de communiquer avec les nôtres, répondit Gilko.

-Pt'et, m'enfin, ça m'enlève pas le fait qu'avec ma peau de singe je puisse prévenir les tempêtes. Un coup de bambou se ressent dans les courbatures, et au moins c'est du sûr !

-Vous avez quel âge ? Demanda innocemment Oka.

Un rire puissant lui répondit.

-Suffisamment pour avoir des petits-enfants, dit-elle en gagnant le sommet du pic.

Une double porte fut ouverte, taillée à même la roche. Ils gagnèrent un intérieur incroyable, pulsant d'une lueur violette où diverses lampes permettaient d'y voir clair.

-Tu vas dormir avec les mineurs, ils commenceront demain vers cinq heures donc en attendant tu peux aller grailler un bout.

Elle lui pointa une salle couverte de lits superposés s'alignant sur plusieurs rangées. Puis une taverne où une bonne odeur de bouillabaisse vint lui piquer le museau. La lumière était suffisante pour voir dans le noir même si c'était grandement amoindri par le fait d'être sous-terre.

-Pour ce genre de stage je dis à Damibura d'enlever le F obligatoire. J'peux pas noter un mec qui se la coule douce à la bijouterie et un autre qui trime à récolter du Balbu. Jusqu'à maintenant elle acceptait mes règles, pt'et qu'à ma fin elle changera sa veste, rit Tata en repartant de son côté.

Il devait faire le travail d'un mineur ? En quoi consistait-il ?

Il fut attribué à un rôle bien particulier, celui de poseur de lampes pour les nouvelles galeries. Il devait suivre un groupe d'hommes tout en aidant à la pose et au maintien de la structure. Le travail semblait simple mais le manque d'air commençait à lui piquer les poumons. Il fut néanmoins avec et continua ce job éprouvant malgré lui.

Le matin du quatrième jour il fut réveillé par Gilko. Au vu des ronflements il était tôt, mais ce dernier lui fit signe de le suivre sans rien dire. Zeki obéit et ensemble filèrent à l'air libre, le soleil n'était pas levé et pourtant la nuit étoilé rendait le parcours aussi évident qu'une lumière réelle.

C'était comme voir un dédale imprimé par la lueur nocturne. Gilko le mena avec un canoë vers un rocher isolé du reste du monde. Il entama son escalade tout en aidant Zeki à suivre le rythme grâce à ses ordres et maintien. Ils arrivèrent au sommet en peu de temps, les plaçant face à l'immensité de la mer et un horizon qui commençait à se découvrir. Un croissant lumineux pointa doucement, irradiant le paysage de sa beauté spectaculaire. Installé l'un sur l'autre, au milieu d'une mer d'huile. Dans un spectacle digne des plus belles aquarelles fit craquer le cœur du jeune Zeki. Il hoqueta de plaisir, de bonheur tout en étant consolé par un esprit attentionné.

-Gil ? Bafouilla t-il.

-Ça ne te plaît pas ? Ricana l'ancien.

Il lui répondit d'un baiser ferme et puissant, imposant sa marque à ce maudit cerf. Il ne pouvait pas dire ces mots, pas qu'il ne les pensait pas. Des mots que chacun aimerait entendre pour calmer un cœur affamé de douceur. Il choisit alors une autre façon de l'exprimer, plus à leur manière.

-Merci d'être rentré dans ma vie.

La phrase fit sourire bêtement l'ancien qui semblait ému pour une rare fois. Il embrassa la tête châtaine avant d'entamer le chemin inverse. Sachant qu'il avait réussit à rendre ce stage inoubliable.


Réponse aux reviews :

yume resonnance : Merci pour ton commentaire ^^. alors, pour le langage cru durant les scènes de sexe c'est un choix, même si je la réécrirais peut-être à la fin. Pour les phrases coupées et compagnie je n'ai pas fais attention, sans doute une erreur de cerveau, à corriger ^^. Pour le reste je suis content d'avoir réussi le personnage de Catherine, si elle ne t'inspire rien de bon c'est que j'ai gagné mon pari. en espérant te voir pour ce chapitre ! bye