Synopsis:
Elle se débat avec son passé, il tente de l'en extirper. Ensemble ils résoudront le mystère qui entache et endeuille la communauté surnaturelle.
Anastasia, jeune sorcière de vingt et un ans, vit tranquille auprès d'une meute de métamorphes au fin fond de l'Alaska, quand un massacre endeuille la communauté surnaturelle mais également plus particulièrement sa meute, sa famille de cœur.
Quand sa famille de sang reprend contact soudainement avec elle, cela sent le soufre à plein nez, cependant par fidélité filiale elle se doit de leur faire confiance et de faire de son mieux pour les pardonner.
Un groupe de sorciers puissants est chargé de faire la part des choses et de découvrir au plus vite l'identité de l'assassin.
Tout le monde semble suspect et personne réellement coupable...
De son frère semi-démon qui a en apparence tout d'un humain innocent même si elle semble être la seule à le penser, en passant par son beau-frère de cœur qui lui semble le parfait suspect, malgré son amour incommensurable pour la principale victime du carnage.
Au cour de cette enquête à haut risque, son passé semble resurgir trop intempestivement pour que cela soit innocent.
Pour faire condamner le coupable et arracher Ana à son passé de sorciers supra-puissants, une demi-douzaines de loups et quelques alliés aux dents longues entre autres ne seront pas de trop.
Il ne sait pas ce qu'elle représente pour lui, mais ce fait n'est pas pour lui un obstacle. Elle ne sait que trop bien qui il est pour elle, mais ne sait pas combien de temps elle résistera la tentation.
Chapitre 1,
le savant mélange d'un alpha un peu trop curieux et d'une vision.
« Règle 3, ne jamais révéler à quiconque non-concerné le contenu exact d'une vision, même en étant victime de quelconques coercitions. »
Règlement à l'adresse des voyantes et prophètes de tout pays, de tout univers et de toute espèce.
Alaska, 30 janvier 2030.
Tobias entra dans une pièce qui sentait la lavande de façon entêtante et dont émanait de la fumée à outrance. Au milieu de la pièce se trouvait un chaudron d'une taille impressionnante et une mixture à la couleur violine y débordait presque de son contenant, de la fumée en sortait pour envelopper le plafond d'un nuage cotonneux. Près de la fenêtre, qui comme pour quasiment toutes les pièces de la maisonnée donnait sur la forêt enneigée, étaient disposées sur un établi de marbre blanc de nombreuses espèces hétéroclites de fleurs. Le loup referma précipitamment la porte derrière lui pour éviter de laisser quoi que ce soit s'échapper de l'espace clos.
De sa voix rauque, il appela.
- Anastasia ! Et le sort de Stase c'est pour les louveteaux ?
Il entendit le bruit d'objets se brisant au contact du sol, des injures vaguement marmonnées, puis des pas se précipitant dans sa direction.
- Merde, le sort de Stabilisation !
La petite sorcière se précipita sur son chaudron, se baissa dessus et renifla avec attention, jura encore une fois et se redressa en marmonnant. Elle effectua un geste millénaire d'agacement et lança :
- Nihilo ! Tout mon travail de la journée fichu en l'air ! grogna-t-elle du haut de son respectable mètre soixante-dix, alors que d'un geste et d'un mot de pouvoir elle faisait disparaître la mixture étrange.
Elle secoua ensuite la tête et se passa une main lasse sur le visage.
- Tu ne peux t'en prendre qu'à ta légendaire inattention, s'amusa-t-il, pour interrompre dans l'œuf la morosité qu'il sentait pointer chez la jeune femme.
- Ma mère a maudit notre Coven en donnant naissance à une sorcière incapable d'achever une potion basique, vociféra la jeune femme, passant en quelques secondes de la tristesse à la colère.
La colère était toujours mieux que les pleures constata silencieusement Tobias en haussant discrètement les épaules. Comme n'importe quel homme sain d'esprit, il se retrouvait proprement démuni devant la peine de ses enfants. Et si cette magnifique jeune femme ne portait pas son nom, elle n'en était pas moins sa fille.
- Ton problème fait aussi de toi une parfaite voyante, tenta-t-il de l'apaiser, en levant la main pour la poser sur son épaule.
La jeune femme pourtant ignora son geste ou ne l'aperçue pas, car elle tourna les talons en soufflant d'exaspération. Elle faisait à présent les cent pas dans la pièce plutôt exiguë, en grommelant.
- Tu parles, une madame Irma que je suis devenue, conseillère en amour. Je suis la risée du monde sorcier ! Protesta-t-elle en secouant les mains d'une façon plutôt caustique aux yeux de Tobias.
- Vois les choses du bon côté, tu sèmes le bonheur derrière toi, là où certaines ne laissent que cadavres et terres stériles sur leur passage, insinua le loup en souriant à belles dents.
Pour lui, cette petite sorcière qu'il avait vu devenir adulte, était une des plus belles choses qu'Épiméthée[1] ai jamais créé et c'était peu dire quand on en savait un peu sur ce dernier.
Ce titan qui ne réfléchissait à ses actes qu'après coup, avait négligé maladroitement les hommes dans la répartition des qualités et dons à attribuer à chacun, donnant au préalable bien trop de choses aux animaux. Par bonheur, il n'avait pas ignoré tous les humains, il avait donné de grands pouvoirs à certains d'entre eux, pour compenser certainement ses manquements. Ainsi avait-il ''créé '' les sorciers, les démons, les elfes, les métamorphes, etc. Du moins selon les légendes métamorphes… les sorciers ou les anges ne seraient certainement pas d'accord avec lui. Les Métamorphes pour leur part étaient plus bêtes, qu'hommes. Ainsi Epiméthée les avaient-ils mis plus haut que les animaux sur l'échelle de l'humanité, mais leur avait donné la protection et la force cédées aux animaux.
C'est pourquoi Tobias ne condamnait pas vraiment Epiméthée pour ses méfaits, mais peut-être les humains n'en feraient-ils pas autant, s'ils croyaient davantage au polythéisme qu'à ce Monothéisme que lui-même snobait.
Tobias secoua la tête en revenant au présent. Il avait simplement du mal à croire que cette petite sorcière se pense si faible et désavantagée par la nature.
- Mais, je devais devenir potionniste, ma mère était... commença-t-elle, pour justifier ses paroles si dénuées de sens aux yeux de l'alpha.
- Quand va-t-on cesser d'avoir cette discussion Anna ?! Ton père était un démon de Luxure, tu es le meilleur mélange qu'ils n'auraient jamais pu produire ! De plus tu devrais commencer à penser à toi comme à une personne indépendante, tu n'as pas à ressembler à quiconque, tu peux être toi. L'interrompit-il avec ardeur et véhémence.
C'était assez vrai, démons et sorciers ne faisaient pas vraiment bon ménage en ce qui concerne la génétique, elle n'était pas malchanceuse et avait reçu bien peu de choses de son père à sa naissance.
- Je maudis mon père..., grommela-t-elle.
Tobias sourit, amusé. Il savait qu'elle n'en pensait rien. Elle avait un cœur d'or. En vérité, elle n'était pas parvenue à en vouloir à ses parents, pas vraiment, du moins à partir du moment où elle avait appris que leur amour avait été inaliénable et qu'ils ne l'avaient abandonné que parce qu'ils pensaient faire pour le mieux. Que leurs intentions avaient été pures et dénuées d'une quelconque malice.
C'est pourquoi il rit doucement et l'enserra dans ses bras, passant ses doigts dans les longs cheveux d'ébène de la jeune femme.
Anastasia était d'une beauté ensorcelante, elle l'était déjà alors qu'elle n'était qu'une enfant esseulée, perdue dans un cirque itinérant, même si cette beauté avait été alors entachée par les circonstances.
Quand il l'avait rencontré pour la première fois, elle n'était âgée que de seize ans et elle avait été abandonné par sa seule famille. Famille qui l'avait au mieux ignoré. Elle avait la fragilité de l'enfance, mais également déjà la force qui était à présent inhérente à son caractère. Ses yeux étaient alors trop grands dans son visage en cœur, ses cheveux d'un noir d'encre affichaient un trop franc contraste avec sa peau qui avait à cette époque la pâleur de sa tristesse. Ses lèvres étaient exsangues à force d'être pincées ou mordues et ses extraordinaires iris étaient rougies par le malheur. Elle n'était alors qu'un fantôme, l'ombre d'elle-même.
Maintenant son corps rayonnait de santé et de vie, tout simplement. Ses yeux scintillaient de magie et son sourire y transparaissait, ses lèvres avaient la carnation des plus belles roses, sa peau était de porcelaine et son corps avait mûri.
Il l'avait amené avec lui quant elle avait eu une vision de son âme-sœur, mais son déménagement n'était pas seulement dû à ce fait. Il s'était senti responsable de cette adolescente, seule et émaciée. Il n'avait depuis jamais regretté son choix, cette jeune sorcière avait fait sa place dans sa meute et dans son cœur.
- Ma puce, ton père l'est déjà du fait de sa nature, tenta-t-il de plaisanter, après avoir retracé le fil de leur conversation.
Si sa nature démoniaque n'avait pas suffi, aux yeux de Tobias le fait d'être capable d'abandonner sa fille unique à des sorciers qui l'avaient repoussés à cause de sa nature ne faisait que rajouter à ses griefs. Cela saurait peser au moment du jugement dernier, Tobias en était intimement convaincu.
- Je le sais... admit-elle comme à contre-cœur.
- Alors pourquoi continues-tu à vociférer ? La questionna-t-il doucement, en continuant de la serrer contre lui.
Il sentait contre sa peau son cœur battre à tout rompre, cela lui faisait toujours un coup au cœur de la voir si malheureuse quand elle pensait à son passé.
Après un long silence, elle finit par se détendre et répondit plus calmement.
- Je ne sais pas trop, ma nature me déplaît. Mais me plaindre ainsi, est tellement vain !
Tobias faillit rire à ces paroles, il se retint cependant et se contenta de lui répondre.
- Comme tu le dis si bien, c'est inutile. Moi je te trouve parfaite, fit-il en la retournant dans ses bras.
Il savait que ce genre de mots ne raisonnaient guère dans le cœur de la jeune femme, qui s'était blindée après ses péripéties familiales. Elle ne savait pas recevoir les compliments à leurs justes valeurs. En devenant imperméable aux insultes, elle s'était également immunisée contre les mots tendres. Ces années passées auprès de la meute l'avait un peu réconcilié avec la tendresse et l'amour, mais le travail était loin d'être achevé. Il avait beau savoir qu'elle l'aimait comme s'il avait été son père, elle restait cependant toujours réservée avec lui. Comme si malgré les années, elle avait encore peur d'être déçue ou abandonnée. Il n'y avait guère que Isaak, le frère de Tobias, pour la dérider et la faire sortir de sa coquille. Il avait ce talent ci, sa bonhomie, sa joie de vivre était contagieuse même chez les plus impassibles.
Elle ricana et finit par s'échapper de son étreinte paternelle.
- Arrête de raconter n'importe quoi.
Elle avait été élevée à coup de remarques sarcastiques, moqueuses et méprisantes. Elle n'était pas appréciée à sa juste valeur. Maltraitée psychologiquement, bien qu'ils n'aient jamais touché à elle physiquement c'était tout comme. Chaque remarque avait dû être comme un nouveau coup de couteau dans son ventre, dans son cœur. Elle avait subi abandon sur abandons. C'était donc logique qu'elle n'attende que cela de ceux qui étaient susceptibles de s'occuper d'elle, auxquels elle était susceptible de s'attacher.
Le regard de la jeune femme se voila et passa à l'anthracite. Elle se tourna vers sa table de travail, pour broyer le reste de ses plantes mécaniquement.
Le vieux loup s'approcha et posa une lourde main sur une de ses délicates épaules.
Cette dernière sursauta et se retourna.
Son regard resta sans reconnaissance sur lui, puis s'éclaircit à nouveau. Pas physiquement, car ses yeux restèrent d'un anthracite opaque, mais elle sembla revenir à elle.
Il saisit l'instrument qu'elle tenait encore en main et le reposa sur l'établi. Il avait deviné qu'elle venait d'avoir une vision, tous les signes étaient là. Chez les voyantes, peu importait leur catégorie, les yeux devenaient d'un noir d'encre, sans pupilles lorsque qu'elles avaient une vision.
Cependant cette dernière devait avoir été brève, certainement juste une image, quasiment insaisissable.
Cela arrivait parfois, mais souvent c'était quelque chose d'important, qui n'était en fait qu'une réminiscence d'une vision plus longue.
- Tu as fini ta potion Anastasia, se contenta-t-il pourtant de dire, car elle venait de vouloir reprendre l'instrument qu'il lui avait enlevé des mains.
- Je sais, mais cela me détend, confessa-t-elle avec un sourire penaud.
Le loup fronça les sourcils et demanda.
- Qu'as-tu vu ?
- Rien qui ne te concerne, répliqua-t-elle, sur la défensive.
Le loup fronça les sourcils et ses muscles se crispèrent alors que ses pupilles se dilataient. Il était à nouveau en colère.
Anastasia leva les mains en soupirant.
- Tobias ! Ce n'est pas un défi. Cette vision ne te concernait pas, ni même ta sorcière insaisissable, ni même aucun de tes loups.
Le loup se détendit légèrement mais resta à l'affût.
La jeune femme leva les bras à nouveau en soufflant.
- Tu m'agaces, cette vision ne concernait que moi, personne d'autre. Alors calme ta bête ou je la caresse à rebrousse-poil, fit la jeune sorcière en riant pour détendre l'atmosphère, qui était devenue lourde malgré l'odeur fleurie et légère de plantes qui envahissait l'air.
- Tout ce qui te concerne me concerne, répliqua Tobias imperturbable.
- Tu n'as pas d'autres personnes à aller embêter ? s'esquiva-t-elle.
- Rien de pressé, répliqua-t-il en secouant la main négligemment.
Voyant qu'il restait immobile, ses grands yeux bleu impénétrables dans les siens. Anastasia se détourna pour ne pas flancher devant la puissance de son regard.
- Ce sont mes affaires, poursuivit-elle, alors qu'il restait silencieux.
- Je suis certes membre de ta meute, mais dis-moi ? Tes loups n'ont-ils pas leurs jardins secrets ? argumenta-t-elle, en tentant de détourner son attention, de détourner d'elle ses yeux scrutateurs.
- Oui, mais tu es comme ma fille. Je veux tout savoir. Maintenant, fit-il impérieux.
Anastasia ne trembla pas devant l'ordre de l'alpha, elle ne cligna même pas des paupières à vrai dire.
Qu'elle ne flanche pas n'étonna pas vraiment Tobias, mais il avait tout de même tenté de le faire. Sa meute était sa famille, jamais il n'allait jusqu'à les contraindre à quoi que ce soit par la puissance de son aura.
- Tu es resté discret à propos de tes enfants, je leur ai parlé personnellement des visions que j'ai eu à leur propos. Pourquoi en serait-il autrement pour moi ? fit-elle acide.
Cette situation avait au moins pour intérêt, qu'elle avouait qu'elle était comme sa fille et donc qu'elle méritait le même traitement que Sofia et Katya, les grandes blondes jumelles de Tobias.
Tobias grimaça cependant.
Il ressentait le profond besoin de la protéger, envers et contre tous, alors même qu'il connaissait peu de personnes aussi fortes que cette jeune femme, pleine de ressources. Comme tous, elle revendiquait un jardin secret, face aux loups envahissants qui peuplaient cette meute, et il n'y avait pas plus envahissant que Tobias en tant que père protecteur. Même si son loup le poussait à insister pour connaitre la vision qui semblait tant la perturber, il le mit en veilleuse et abandonna, parce qu'il savait qu'elle avait raison.
- Je sais bien, répliqua-t-il, sans véhémence aucune.
Il comptait bien en revanche sur le fait qu'elle finirait bien par se confier à lui. Ou même à Isaak s'il le fallait.
Il la contourna pour la regarder en face et leva lentement la main, caressant avec tendresse sa joue, puis se détourna et quitta la pièce, sans un mot de plus.
Quand la porte fut fermée et qu'elle n'entendit plus un bruit, Anastasia s'affaissa contre le mur le plus proche.
L'image qui lui était apparu était la plus magnifique mais également la plus effrayante auquel elle eut jamais à faire face.