ÉTEINS LA LUMIÈRE

ÉPILOGUE MAXIME/FLORIAN

PARTIE 2

Je dédie cette fin à Politicodramatique, qui m'a accompagnée ces derniers mois de sa gentillesse et sa sagesse, qui est un magnifique auteur (découvrez sa fic "Dans ton costume" sur AO3). Merci ma belle, sans toi cette fin n'aurait pas été la même... Un grand merci à ma bêta historique, Nicolina, elle aussi un très grand auteur.

Je tiens à remercier ceux qui ont lu et reviewé cette fic, dont Yume Resonance et Guest dans le dernier chapitre. Merci à vous d'avoir été fidèles tout au long de ces semaines, vous étiez plusieurs centaines à suivre cette fic, c'était très important pour moi.

Et un grand merci à Teli qui a illuminé cette fic de ses illustrations sur AO3... mille mercis ma belle.

J'ai essayé dans cette fin de répondre aux attentes des lecteurs, donc c'est un chapitre Maxime, le premier, j'espère qu'il vous plaira. Il y a aussi un petit clin d'œil à la fin, que j'ai écrit moi-même, et qui rappellera peut-être quelque chose aux plus anciennes...

Bonne lecture !

MAXIME

2026

Ça fait longtemps que je le regarde de loin, maintenant, et je n'ose pas avancer. Il est sur sa terrasse, à l'abri du vent fort qui souffle sur la côte normande, il écrit. Bien sûr. Ça me trouble et m'émeut de le voir ainsi, calme, concentré. J'ai presque envie de ne pas le déranger, de repartir sur la pointe des pieds, le long de la plage. Mes pas s'enfoncent un peu dans le sable, le vent souffle fort, je suis immobile sous ce ponton, comme un espion à la petite semaine. Je serre mon livre fort dans ma main, jusqu'à me faire mal, presque. Quand je sens des fourmis dans mes jambes je fais un pas, enfin. Vers lui. Puis un autre. Et encore un autre.

Soudain il tourne la tête, m'aperçoit. Cille et pâlit. Je lui fais un petit geste et monte les escaliers en bois jusqu'à sa terrasse, il ne me quitte pas des yeux.

- Qu'est-ce que tu fais là ?

- Quel accueil ! Je suis venu rendre visite à des gens que j'aime, en France. J'ai pas le droit ?

- Tes enfants ? En Normandie ?

- Pas seulement, non, fais-je en souriant.

- Comment tu m'as trouvé ? dit-il avec méfiance.

- Avec Internet on trouve les journalistes ou écrivains assez facilement, actuellement. Je n'ai pas eu à chercher beaucoup.

- Et Barcelone ?

- J'y vis toujours mais… je crois que je ne me représenterai pas. J'en ai un peu marre de tout ça, la politique, etc… J'arrive à un âge où je veux vivre pour moi, dis-je en m'installant sur une chaise à côté de lui.

- Parfait. Mais je ne comprends toujours pas ta présence, fait-il en se raidissant.

- Je sais. Je ne voulais pas te déranger, excuse-moi. Je voulais juste te parler. Te montrer ça… dis-je en lui tendant mon journal intime, mal à l'aise.

- C'est quoi ? dit-il sans le prendre.

- Tu ne le reconnais pas ? Mon journal. Je voudrais juste que tu lises une page. Qui te concerne.

- Comme ça ? De but en blanc ? Tu as fait tout ce voyage pour ça ?

- Non, mais c'était l'occasion. Ou un prétexte, je ne sais pas. Je vois bien que je t'embête, alors je ne resterai pas. Lis juste cette page, s'il te plait.

Il le saisit du bout des doigts, réticent, et commence à lire. Dans ma tête j'imagine sa lecture, je connais ce passage par cœur.

« Je ne dors pas. Il est là, dans la maison. Il s'est endormi tout à l'heure, la tête sur mon épaule, devant la télé. Mon cœur battait sourdement, je n'osais pas bouger. Je sentais son souffle dans mon cou et son odeur de vanille, celle du gel douche. Cette fois il est si prêt qu'il suffirait que je tende la main pour le toucher. Cette fois c'est le moment, et je n'ose pas. Je ne suis pas sûr de lui, de moi. Tant de risques. Tant de désirs aussi. Refrénés depuis si longtemps. J'aimerais tendre la main et le toucher, légèrement, puis plus intimement. J'aimerais sentir sa… »

Les yeux de Florian se brouillent, il referme rapidement le journal, blême.

- Pourquoi tu me donnes ça ?

- Parce que ça te concerne, je te l'ai dit. Parce que moi aussi, j'ai écrit sur toi, sans ton autorisation. Parce que je voulais t'expliquer…

- Pas la peine de m'expliquer, Maxime , fait-il en secouant la tête. Je ne veux pas lire tes souvenirs, même si j'en fais partie. C'est le passé, maintenant. Un passé lointain. Je suis bien ici, moi. Tranquille. Seul mais tranquille. Je ne veux plus revivre la passion, la folie, le danger. Tout ça c'est fini, pour moi. J'aimerais l'oublier. J'aimerais t'oublier.

Il regarde au loin, l'air amer, je trouve qu'il semble avoir vieilli, un peu. Ou alors c'est juste la fatigue. La solitude.

- Pourquoi ?

- Tu ne crois pas que c'est trop tard ? Qu'on a passé l'âge ? Une rencontre tous les cinq ans c'est trop peu, non ?

Je le fixe, je le plains. Il a les épaules basses et sa main tremble un peu, même si son visage est toujours beau, d'une pureté presque effrayante. Un instant je me demande si j'ai bien fait de venir, s'il n'est pas trop tard. C'était une possibilité, je le savais.

- Je comprends. Mais moi je n'arrive pas à t'oublier, Florian. Pas depuis New York. Pas depuis Paris. Pas depuis la Provence. Depuis jamais, en fait.

- C'est quoi ces conneries, Maxime ?

- Ces conneries, c'est l'histoire d'un homme qui a toujours fait passer sa vie publique avant sa vie privée. L'histoire d'une revanche sur la vie. Prouver à tout prix que je méritais d'être Français, en étant meilleur que les autres. Meilleur que les Français de souche. Arriver aux plus hautes fonctions, moi qui n'ai été naturalisé qu'à 20 ans. Devenir PM et péter les plombs, quand tout a été fini. Redevenir Espagnol et maire de Barcelone, pour prouver cette fois que je pouvais être le meilleur des Espagnols, aussi. Une quête insensée et infinie, que j'ai menée jusqu'au bout. Pour être heureux.

- Et ?

- Et j'ai tout réussi et je ne suis toujours pas heureux. Le mieux serait de m'y faire, de l'accepter. Je sais. Je n'y arrive pas. Quand je fais le point sur ma vie il n'y a qu'une chose que je n'ai pas réussie : ma vie privée. Et je ne veux pas mourir seul.

Je le vois froncer les sourcils, comme s'il redoutait la suite. Le vent souffle fort, sur la terrasse, je frissonne.

- Très touchant. Et alors ?

- Ne fais pas l'imbécile, Florian. Tu sais très bien où je veux en venir, tu sais très bien que tu as la possibilité de dire non. De me faire souffrir. De te venger.

- Non à quoi ? demande-t-il en cillant. Tu me proposes quoi, exactement ?

- Ah, tu veux jouer, hein ? C'est de bonne guerre. Soit. Dire non à ma proposition de vivre avec moi. Où tu veux. En France, en Espagne, aux Bahamas. Où tu veux.

Florian siffle longuement, abasourdi, je retiens un sourire.

- Et ça t'a pris comme ça, d'un coup ?

- Non. Ça fait longtemps que j'y pense. Je… je vais me séparer de ma compagne parce que… ça ne rime plus à rien, entre nous. Je te l'ai dit, j'arrive à un âge où je veux être heureux. J'ai encore de belles années devant moi. Peut-être 20 ans. Toi tu en as plus, beaucoup plus. Je comprendrais que tu ne veuilles pas les passer avec moi, remarque, avec tout ce qu'on a vécu, dis-je avec une petite grimace. Je suppose que je te dois des excuses…

- Tu te rends compte que tu as gâché ma vie, Maxime ?

- Oui.

- Que tu m'as obligé à fuir, à divorcer ?

- Oui.

- Que j'ai souffert des années à cause de toi ?

- Oui. Pardon. Je n'étais pas dans mon état normal, à ce moment-là. Trop de stress, de pression. Est-ce que tu me pardonnes ? dis-je en le regardant longuement.

Je pourrais lui faire remarquer qu'il n'a pas été malheureux tout le temps, qu'il a vécu de belles années avec son Clément mais je préfère me taire, prudemment.

- Qui me dit que ce n'est pas une passade de plus ? Que tu ne vas pas me jeter dans un an ou deux, quand tu auras trouvé mieux, Maxime ?

- Mieux ?

- Oui. Plus jeune. Plus vivant. Plus obéissant.

Il jette un coup d'œil à mon journal et je comprends.

- Ah, je vois. Tu as peur d'être un parmi cent ? Ce n'est pas le cas. Crois-le ou non, ce que je raconte dans ce journal ce ne sont que des fantasmes. Je sais, c'est difficile à accepter, comme idée. Mais ma priorité, c'était le pouvoir. Je ne voulais pas prendre de risques. J'avais beaucoup de désirs mais pas le courage de les réaliser. Comment faire taire tous ces hommes, si tout cela avait été vrai ? Alors je les ai écrits, ces désirs, faute de les vivre. Tu n'es pas obligé de me croire, mais je te donne ma parole. Crois-le ou non, il n'y a jamais eu que toi. Tu es le seul passage réel de ce journal intime.

- Quoi ?

- En partenaire masculin, il n'y a eu que toi. Jusque là je n'avais jamais vécu mes fantasmes, j'étais marié, j'avais une vie rangée. Et puis je t'ai rencontré… dès le début j'ai flashé sur toi, Florian, je ne sais pas pourquoi. C'était intellectuel, c'était physique, je ne sais pas. C'est moi qui ai demandé à ce que ce soit toi qui m'interviewes sur le Charles de Gaulle, à l'époque. Je t'avais repéré au journal télévisé, je te trouvais très… attirant. Sophie l'a compris, tout de suite. J'ai fait semblant de vouloir te fuir mais j'étais déjà obsédé par toi, dès le début. Et ça m'agaçait. Je n'ai pas tenu très longtemps, d'ailleurs. Les moments qu'on a passés ensemble sont les plus forts de ma vie, sache-le.

- Vraiment ?

- Oui, vraiment. C'était si fort que je suis devenu fou. Tu m'as envouté, littéralement. Alors j'ai été trop loin, j'ai voulu te détruire, à un moment, c'est vrai. Si tu n'étais pas à moi tu ne devais être à personne d'autre. Tu étais ma perte potentielle, le scandale assuré. C'était intolérable. Je suis devenu fou…

Je me tais un instant, la voix brisée, plus ému que je ne le voudrais. Il ne me regarde toujours pas mais ses jambes tremblent, comme ses mains. Le vent souffle de plus en plus fort, me faisant frissonner. Je devine que si je n'ouvre pas mon cœur maintenant je n'aurai pas d'autre occasion de le faire.

- Je ne t'ai jamais oublié, tu sais, Florian. Jamais. J'ai pensé à toi chaque jour de chaque année, c'est ce qui me faisait tenir. L'espoir de te revoir me faisait me lever, chaque matin. Tu sais, c'est pas un hasard si on s'est retrouvés aux Bahamas. J'avais vu un article sur la location de yachts dans les Caraïbes dans un magazine et j'avais reconnu ton chéri sur une photo. A partir de là il n'a pas été difficile de convaincre ma compagne d'un louer un à Freeport.

- Quoi ?

- Désolé. Je voulais savoir comment tu allais. Si par hasard tu étais disponible… mais non, visiblement. Tu m'as dit que tu étais heureux avec lui, alors j'ai laissé tomber.

- Et NY ?

- Là, c'était un hasard, un vrai. Une seconde chance. Un moment inoubliable…

Les souvenirs flottent entre nous, merveilleux, dangereux. Il ne me regarde pas, les yeux perdus au loin, vers l'horizon. Je regrette presque d'être venu mais en même temps c'est un soulagement de tout avouer, enfin.

- Et tu m'as demandé quand finissait mon mandat, alors petit à petit je me suis dit que… peut-être… tu m'attendrais. Peut-être.

Il me semble qu'il tremble de plus en plus fort, imperceptiblement, alors je pose ma main sur son genou, avec tendresse. Il ne bouge pas, immobile.

- Je suis désolé de te bouleverser comme ça, Florian. Mais c'est ma dernière chance, je le sais. La vie ne repasse pas les plats. Pas indéfiniment. Je sais que tu vis seul. Je t'aime.

- Ne dis pas ça.

- Si. Je veux passer le reste de ma vie avec toi. Fini la politique. Il n'y aura que toi. Et moi.

- Des menaces ? lance-t-il avec un petit sourire, pour cacher sa détresse.

- Très drôle. Tu ne crois pas qu'on pourrait être heureux, tous les deux ?

Il secoue la tête, impuissant, et regarde toujours la mer au loin, je ne bouge pas. Je sais que je dois me taire maintenant, le laisser réfléchir. Le temps passe, il attend peut-être que je parte, je ne le ferai pas. J'attends sa réponse, quelle qu'elle soit.

- Tu es insupportable, Maxime, soupire-t-il enfin en me regardant.

- Je ne le suis plus. Plus trop. Je ferai ce que tu voudras, Florian.

- Des promesses.

- Oui. Regarde-moi. On vivra comme tu voudras, où tu voudras.

Il me lance un regard indéfini, méfiant et ironique à la fois.

- Sans blague ? Et on s'aimera encore lorsque l'amour sera mort, comme dans la chanson ? Tu te moques de moi ?

- Non, dis-je simplement.

Le bruit de la mer s'amplifie, il me semble que de fines gouttes de pluie tombent sur nous, ou ce sont des embruns, je ne sais pas. Je frissonne longuement, mes lèvres ont un goût de sel, le vent s'accroît encore.

- Je ne veux rien de définitif entre nous, murmure-t-il enfin.

- Oui.

- Je veux rester libre.

- Oui.

- J'écrirai ce que je voudrai.

- Oui.

- On ne se mariera pas.

- Non.

- On ne se pacsera pas.

- Non.

- On ne s'affichera pas ensemble, Maxime. Jamais.

- Jamais. OK. Tu feras ce que tu veux de tes journées, Florian, je veux juste toutes tes nuits, dis-je ne me penchant vers lui, cœur battant.

- Rien que ça ?

- Oui. Tu ne seras pas déçu.

- Prétentieux. Je ne porte plus de cravate.

- Moi non plus. Plus besoin de ça. Je voulais t'impressionner et me protéger pour ne pas tomber amoureux, en mettant des objets entre nous, mais on n'a pas besoin de tout ça. On peut s'aimer comme un couple normal.

- On ne sera jamais un couple normal, Maxime, soupire-t-il.

- Si. La nuit, quand on éteindra la lumière…

Il sourit enfin, ma main remonte de son genou à son cou, mon cœur bat à toute allure, et quand nos lèvres se rejoignent je sais que le bonheur est là, enfin.

Dix-huit mois plus tard – Extrait du journal intime de MV

A la frontière de l'Italie, le temps s'écoule au ralenti. Il y a tant de douceur de vivre ici qu'on ne peut qu'y être heureux. D'ailleurs nous y sommes heureux, depuis plus d'un an, déjà.

Quand on a déniché cette vieille bâtisse, j'ai cru changer de siècle. Mais il n'y a pas de siècle pour être heureux, et maintenant j'ai l'impression d'y vivre depuis toujours. D'éternelles vacances, avec un puits au milieu du jardin.

L'impression d'avoir toujours entendu les oiseaux, à mon réveil, d'avoir toujours vécu sous ce doux soleil, cette brume rosée matinale, d'avoir toujours pris mon petit déjeuner sous les glycines. J'aime les bruits du matin, quand l'air est pur et un peu piquant. J'aime te faire un café, Florian, j'aime ton air un peu absent, les traces de l'oreiller sur ta joue.

J'aime le moment où tu retournes dans ton bureau, au-dessus de la vieille grange, et où les grillons commencent leur chant obsédant. C'est le moment où je me penche sur les mails et sur les propositions des éditeurs ou journalistes. J'ai abandonné la politique sans trop de regret. Mon seul projet maintenant c'est le bonheur. A quoi il tient ?

A cette maison où on s'est cachés, au soleil, à nos longues conversations, à tes jambes sur mes épaules ? A ces voyages qu'on accomplit parfois tous les deux, de ville en ville, selon le rythme des salons du livre ?

Il est dix heures. J'entends un clocher au loin, le chat Léo vient se glisser contre moi en ronronnant. Je me lève et je regarde par delà les orangers et les cyprès, la campagne lombarde.

De l'autre côté de la maison j'entends un bruit inhabituel et il me faut quelques secondes pour me rappeler que la maison est remplie, aujourd'hui. Les cris des enfants et le bruit caractéristique des plongeons me font sourire. C'est la première fois que toute la famille est réunie chez nous. Mes enfants et tes petits-enfants, presque tous.

Il est dix heures et tu m'appelles, depuis le lit :

- Maxime, viens.

- Maintenant ? Mais tout le monde est levé. Il faut qu'on aille les rejoindre.

- Viens, mon amour. S'il te plaît.

Une petite sensation du côté du cœur. Je souris et me glisse dans ces draps déjà froissés, dans tes bras tendus vers moi. Tu es nu, comme toutes les nuits. Je retrouve avec bonheur cette odeur, dans ton cou. Nos lèvres s'unissent, comme souvent le matin, et mes jambes s'emmêlent aux tiennes. Tes lèvres sont tendres, avides.

Tu te dégages doucement, et tu me regardes, étendu contre toi. Chaque matin tu vérifies que l'étincelle est toujours là, dans mes yeux. Parce que la nuit est faite pour les menteurs. Parce que la nuit l'obscurité travestit tous les sentiments. Mais au matin, dans la clarté aveuglante, on ne peut rien se cacher.

Je n'ai pas peur. Tu peux me regarder autant que tu veux, tu trouveras toujours mon amour pour toi, dans mes prunelles.

Avec tendresse, ta bouche redessine mon corps, délicatement. Ma main se perd dans tes cheveux et mes soupirs te guident, dans ce chemin que tu connais si bien, quelques soient les tendres détours. Le chemin qui mène ta bouche sur ma bouche, tes doigts dans mes doigts, et, inexorablement, ta chair dans ma chair, ou le contraire. Encore et encore. Avec douceur ou avec violence. Avec des mots d'amour ou dans le silence.

Les mêmes gestes, chaque jour, chaque nuit, et un amour sans cesse réinventé. Un amour toujours neuf, brûlant, intense. Un amour qu'on cache, qu'on préserve, farouchement.

Un amour qui nous fait vivre, qui nous fait dormir, apaisés, ta main sur mon ventre.

Notre amour, qui chasse les fantômes du passé.

Onze heures. Je descends dans la cuisine, dévorer un reste de brioche et refaire du café. Le bouquet fane doucement. Tout à l'heure j'irai cueillir d'autres fleurs dans la serre et dans les champs, avec les petits.

Il y a une lettre pour toi sur le buffet, que j'ouvre. C'est une demande d'entretien, de la part de journalistes anglais. Tu refuseras, et je te convaincrai d'accepter.

Ils viendront ici, dans notre maison, s'extasier de la décoration et de la lumière naturelle. Ils te poseront les mêmes questions que les autres, tous les curieux qui s'intéressent à toi.

Pourquoi, comment, et depuis quand tu écris ?

Je sais qu'à la fin de l'entretien, pour être polis, ils feindront d'enfin s'intéresser à moi. Ils me demanderont une anecdote, un souvenir. Mais les gens heureux n'ont pas d'histoire, c'est bien connu. Je leur sourirai gentiment. Peut-être même qu'ils me demanderont qui je suis, feignant de l'ignorer.

Qui je suis ?

Je leur dirai que je m'appelle Maxime et que dans une autre vie j'étais Premier ministre en France, mais que ça, c'est une autre histoire…

FIN