Bonjour !

Ce petit OS est né d'une (formidable) discussion à propos de la qualité des divers mois de l'année et surtout de l'inimitié que s'attire inévitablement Novembre (à mon grand désarroi, car Novembre est pour moi le grand sauveur qui annonce l'arrivée du vin chaud, de la fondue et du ski - bref, un type sympa à mes yeux) ! Bon, libre à vous de ne pas aimer la grisaille, toujours est-il que je me suis retrouvée à écrire ces quelques mots que je vous laisse découvrir.

A Some, Nalou, Maya, Lyra, Roy, Ongi et Lanae - merci pour l'inspiration subite et pour les rires !

Très bonne lecture !

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Novembre s'inspecta encore une fois dans le miroir, et inspira profondément. Tout allait bien se passer. Il avait revêtu son plus beau manteau de pluie, celui dont les gouttes cliquetaient délicatement à chacun de ses mouvements. Il avait arrangé avec soin les nuages qui lui tenaient lieu de chevelure et choisi méticuleusement quelques grêlons scintillants pour se faire une couronne. Tout irait bien. Il était loin d'être ridicule, vraiment. Il n'était peut-être pas très coloré, mais il faisait tout ce qu'il pouvait pour ne pas être trop gris ; ce jour-là, il était presque lumineux, et il était plein d'espoir. Cette fois-ci, il ne pâlirait pas de honte au Grand Bal de l'Année. Peut-être même inviterait-il à Avril à danser. Peut-être même oserait-il adresser la parole au beau Mars, ou au moins échanger un regard avec lui ?

Son courage tremblotant serré à deux mains, Novembre quitta le cocon rassurant de sa chambre et rejoignit ses sœurs Octobre et Décembre dans le hall de la Maison de l'Automne. Presque immédiatement, le bref sentiment de confiance qui l'avait envahi s'évanouit et il poussa un soupir.

La bise glaciale qui s'échappa de ses lèvres éteignit les bougies qui ornaient la couronne de sapin et de houx de Décembre.

« Ah, mais fais attention ! » s'écria-t-elle sèchement, avant de les rallumer d'un geste impatient.

Novembre murmura des excuses, tandis qu'Octobre lui tournait le dos d'un air dédaigneux. Sa cape de feuilles mortes, flamboyante de rouges, d'ors et de bruns bruissa doucement et elle rajusta le béret-citrouille posé artistiquement de travers sur ses cheveux.

« Allons-y, avant que Petit Frère ne déclenche une tempête ! »

Ils se mirent donc en route, et retrouvèrent au bal tous leurs amis des Maisons de l'Hiver, du Printemps et de l'Eté. Octobre et Décembre laissèrent leur frère pour se mêler à l'assemblée, le laissant se tordre les mains près de la porte.

Oh, non, il était ridicule, il n'aurait jamais dû venir. De toute façon, personne n'aurait remarqué son absence… C'était tellement injuste ! Ils étaient tous si colorés, si brillants, si beaux ! Pourquoi n'avait-il le droit qu'au gris et à l'humidité ?

Il aperçut Avril toute vêtue de verdure chatoyante, se pavanant au bras de son frère Juin en tenue de coquelicots et d'épis de blé. Comment avait-il osé imaginer qu'il pourrait danser avec elle ? Jamais elle ne lui jetterait même un regard.

Timidement, il s'approcha de Septembre coiffée de pommes mûres, mais celle-ci l'ignora pour rejoindre son amie Octobre. Non loin, le majestueux Janvier en robe de flocons immaculés se laissait taquiner avec indulgence par Décembre. Elle lui avait passé une de ses guirlandes étincelantes autour du cou comme une écharpe et riait de leur contraste. Lui, blanc comme neige, elle, rouge, verte et or, lui sérieux et elle espiègle… Novembre savait qu'ils s'aimaient profondément, et les admirait avec un brin de désespoir.

A côté d'eux, le petit Février gazouillait dans les bras de la maternelle Mai. Novembre ressentit une pointe de jalousie. Février lui ressemblait : vêtu de pluie et coiffé de nuages, mais avec un éclat supplémentaire, un petit quelque chose qui faisait qu'il inspirait l'espoir, là où Novembre n'inspirait que la déception. Mai, couverte de fleurs et de fruits, opulente, adorait le benjamin de l'Hiver et le gâtait sans vergogne.

Favoritisme, songea tristement Novembre.

Sur la piste de danse, Juillet et Août avaient entamé un rock endiablé. Les jumeaux de l'été, flamboyants, chaleureux, magnifiques, étaient les rois de la fête. Ils invitèrent Septembre et Octobre à les rejoindre, tandis que Janvier et Décembre se contentaient d'une valse plus digne.

Novembre s'installa sur une chaise dans un coin pour continuer à les observer. Puis son cœur se mit à battre un peu plus vite ; Mars, le beau retardataire, venait de faire son entrée. Avril se précipita sur lui pour le saluer, piétinant au passage l'amour-propre de Novembre.

Mars s'inclina galamment devant elle, dit quelque chose qui la fit rire et salua Juin qui les avait rejoints. Puis il entraîna la jeune fleurie sur la piste de danse, et Novembre se recroquevilla sur sa chaise.

Juin s'approcha alors de lui, et lui jeta un regard curieux.

« Bonsoir, Novembre. Tu ne danses pas ? »

Novembre secoua la tête, détachant à grand peine ses yeux de Mars. De grosses perles de pluie menaçaient de s'échapper de ses paupières pâles. Juin était toujours assez sympathique avec lui – il était gentil avec tout le monde, comme Mai – et sa sollicitude réchauffait un peu le cœur meurtri de Novembre.

« Va inviter Mars à danser, continua Juin. Ma sœur s'en passera très bien, ne t'en fais pas. Elle flirte avec tout le monde, mais ce n'est jamais sérieux…

- Mars ne voudra jamais danser avec moi, répliqua doucement Novembre. Je suis tout gris.

- Oh, Novembre ! Si tout le monde était coloré, on ne s'apercevrait plus que c'est beau ! Au contraire, tu es unique en ton genre. Tu n'es pas juste gris, tu es celui qui équilibre tout ce déferlement de couleurs.

- Je suis le moche qui fait que les autres ont l'air beau, c'est ce que tu veux dire ?

Juin rit doucement.

- Mais non ! Tu es aussi beau que les autres. Tu es plus sobre, c'est tout ! Et puis si tu n'apportais pas de pluie, comment les mois de l'Hiver pourraient créer la neige ? Comment les mois du Printemps pourraient-ils se vêtir de tant de fruits et de fleurs ? Tu as ta place parmi nous, Novembre, conclut-il en lui posant une main amicale sur l'épaule.

Novembre hocha la tête lentement.

- Merci, Juin. Tu es très gentil, mais je crois que je vais rentrer. Tout le monde s'amuse très bien sans moi. »

Il se leva et se dirigea vers la sortie, et ne vit pas Juin courir près de Mars pour lui murmurer quelques mots à l'oreille.

Il allait ouvrir la porte quand une voix le retint.

« Novembre, attends !

Il fit volte-face et resta bouche bée.

- …Mars ?

- Juin m'a dit que tu allais partir ! La soirée ne fait que commencer, tu ne peux pas t'en aller si tôt !

Novembre regarda ses pieds.

- Qu'est-ce que ça peut te faire ? Tu dansais avec Avril…

- Elle me l'a demandé, il aurait été malpoli de refuser, répliqua Mars. Viens danser avec moi, Novembre. »

Sidéré, Novembre se laissa entraîner sur la piste, et suivit maladroitement les pas de valse que lui montrait Mars. Il ne parvenait pas à y croire. Il dansait avec Mars ! Pour de vrai ! Il pouvait sentir ses doux iris vert pâle posés sur lui, et la douce odeur qui émanait des fleurs d'amandier tressées dans ses cheveux blonds, et sa main tiède sur sa taille. Oh, comme c'était doux et bon ! Novembre releva timidement ses yeux gris de pluie, et osa un imperceptible sourire. Mars le lui rendit sans retenue.

« Novembre ! Que tu es beau quand tu souris ! Tu deviens tout argenté ! » s'exclama-t-il joyeusement.

D'argenté, Novembre passa au rose pâle, ému par le compliment.

« J'aurais dû t'inviter à danser bien plus tôt, continua Mars en se rapprochant de lui. Je n'ai jamais osé, tu sais, tu avais l'air si sombre ! Je pensais que tu aimais rester seul et je ne voulais pas te déranger ! Heureusement que Juin m'a dit que tu étais timide...

- Tu étais bien trop beau pour moi, murmura Novembre en rosissant plus encore. J'aurais eu peur de te ternir. »

Mars se contenta d'un petit rire et se pencha vers lui. Il déposa un léger baiser au coin de ses lèvres, un baiser au goût de pluie et de fleurs, un baiser doux et frais qui avait l'odeur de l'herbe après une averse, et Novembre ne s'aperçut pas que tout le monde avait arrêté de danser pour les regarder. Il ne s'aperçut pas qu'il brillait de mille feux comme des nuages éclaboussés par un coucher de soleil éblouissant. Il n'y prêta pas attention, car Mars l'aimait gris, et il se sentait heureux comme une de ces belles journées d'automne cachées entre les jours de pluie.

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Me direz-vous ce que vous en avez pensé ? :)