NdA : Voici une histoire qui me tient vraiment à cœur ! J'aimerais pouvoir l'illustrer quand j'aurais plus de temps, donc voyez ça comme une sorte de série amusante avec des tas de situations loufoques, émouvantes et complètement insolites. Nous revoilà dans un monde de jeunes, d'enfants même, puisque Sam et Ellie sont au lycée, avec la découverte de ce qu'est le monde réel et adulte. Je sais que le résumé semble banal (un pari, bla bla, le mec populaire et l'intello…), que tout ceci a été vu et revu, mais ne vous y arrêtez pas !
Je suis désolée pour les habitants de Poitiers, j'ai changé un peu votre ville pour la faire correspondre à ce que je veux
PS : Je ne savais pas à quelle personne rédiger alors j'ai choisi la troisième mais à tout moment je change !
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CHAPITRE 01
ou lorsque Samuel écoute aux portes
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Samuel ne savait d'où il tenait sa curiosité : peut-être de sa mère qui déployait toujours son imagination pour savoir ce que son père faisait lorsqu'il n'était pas à sa maison. Ou alors pour savoir si son frère avait – enfin – une petite amie digne de ce nom. Samuel avait observé Victoire Gillet, sa mère, espionne invétérée, alors qu'elle laissait ses oreilles trainer vers la porte de la chambre de son frère, lorsqu'il vivait encore chez eux et traiter l'information en imaginant des scenarii toujours plus étranges les uns que les autres.
Samuel était bien plus intelligent que sa mère. Aussi, lorsqu'il surprit la conversation entre deux de ses camarades, il ne fit qu'entendre ce qu'ils se disaient et ça n'avait besoin d'aucune interprétation : c'était bien assez clair ainsi.
Le jeune homme n'aurait probablement pas écouté si son prénom n'avait pas été prononcé.
— … Samuel Gillet, l'intello de ta classe, pendant trois mois, et je te le donne, disait alors l'une des deux voix.
Samuel s'était figé devant la porte de sa classe, se décalant pour ne pas risquer d'être vu si l'un d'eux décidait de sortir. La voix lui était parfaitement inconnue mais il ne pouvait prétendre s'intéresser à toutes les personnes de son lycée. Il avait une bonne mémoire mais elle restait sélective.
Le lycée Victor Hugo était plutôt grand et avec l'internat proposé aux élèves vivant loin, il n'était pas rare de voir certains d'entre eux encore dans les couloirs même après les cours, surtout lorsqu'ils avaient des cours de soutien ou des clubs de sport.
Samuel restait pour travailler sur le journal de l'école avec ses deux amis, Elise et Raphaël, les salles informatiques bien plus agréables à ses yeux pour ça. Les deux autres étaient partis depuis bien quinze minutes, il était donc seul, mais qui donc pouvait être encore là ?
— T'es vraiment tordu, tu le sais ? Et qu'est-ce qui te fait croire qu'il sera intéressé ? Il est gay au moins ? faisait une voix que Samuel reconnut, cette fois, puisqu'il s'agissait d'un gars de sa classe.
Elliot Barthelemy n'aurait sûrement pas mérité une seconde de son temps et une cellule de son cerveau s'il ne lui arrivait pas – rarement – de le battre en mathématiques. Joueur de l'équipe de basket du lycée depuis qu'il était en seconde, l'un des garçons les plus convoités de la gente féminine de Poitiers et malheureusement déjà célèbre pour sa solidité face à l'alcool, il n'était pas étonnant que Samuel et lui n'ait jamais échangé un seul mot, bien qu'ils soient dans la même classe depuis un peu plus d'un an.
De l'intelligence jetée à la poubelle, à l'avis de Samuel, lorsqu'on voyait avec qui Elliot trainait : Thibault Fernandez n'était pas vraiment une lumière, dans son genre, plus occupé à tester de nouvelles façons de dépenser l'argent de ses parents dans une nouvelle voiture (alors qu'il n'a pas le permis) qu'à se concentrer sur l'entreprise qu'il devrait pourtant reprendre un jour. Et c'était sans parler les quatre ou cinq filles qui les suivaient partout. Elise le taperait sûrement de se montrer misogyne de cette façon mais elles n'avaient sûrement que leurs hormones qui les guidaient, parce que si Elliot et sa bande de basketteurs étaient beaux, c'était tout ce qu'ils avaient pour eux.
— C'est évident qu'il est PD, tu débarques, Ellie… ! T'as vu avec qui il traine ? Et t'façon, c'est ton problème, tu veux le maillot de Kobe, tu chopes Samuel Gillet, faisait la voix de Thibault, de toute évidence. Ça devrait pas être dur, il doit être désespéré, ce type !
« PD », voici une insulte que Samuel pouvait difficilement entendre : il la détestait, la trouvant agressive et douloureuse. Peut-être parce qu'il avait vu ce que ça faisait à Raphaël, lorsqu'on le traitait ainsi, depuis le collège ? Son ami devait blanchir puis rougir, sous sa peau sombre d'Indonésien. Dommage que sa peau ne puisse jamais cacher ses larmes.
Samuel soupira doucement entre ses dents, restreignant au possible sa colère. La vengeance était un plat qui se mangeait froid, après tout, et ce n'était pas dans le basket que ces deux imbéciles allaient faire carrière : il les regarderait de haut plus tard, lorsqu'il aurait réussi sa vie.
—Bon, ça marche… Le donne pas à quelqu'un d'autre, t'as compris, Thib ? J'ai trois mois, fit Elliot avant de se lever de sa chaise, la laissant racler le sol. Aller, bouge, on a entrainement.
C'était le moment pour Samuel de partir, ce qu'il fit en silence, comme l'ombre qu'il était, les doigts crispés sur les lanières de son sac à dos. Il ne se détendit qu'une fois en dehors de l'enceinte de l'école, après avoir salué le concierge à l'accueil, et la rue pavée de Poitiers laissa le vent le balayer et lui rafraichir les idées. Il marcha jusqu'à l'arrêt de bus devant l'école, sortant ses écouteurs pour ne pas avoir à se sentir seul et bizarre et les mit sur ses oreilles, sans rien écouter pourtant : il n'arrivait jamais à choisir et il connaissait les morceaux dans son téléphone par cœur.
« Il a accepté, » finit-il par se dire, observant les portes de son lycée s'ouvrir et reconnaissant malgré la distance les cheveux blonds décolorés d'Elliot et la grande taille de Thibault. Il n'était pas inquiet, ils ne viendraient pas par ici, allant à la gare pour rejoindre le terrain de basket où avait lieu leur entrainement.
« Il a accepté de choper un mec qu'il pense gay, » fut sa deuxième pensée cohérente.
Pourtant, ça n'avait rien de cohérent. Personne de normalement constitué ne ferait ça, si ? « Ce n'est pas de ta faute s'ils ont été fini à la pisse, » se rassura Samuel, étonné lui-même de sa propre vulgarité. Amer, voilà. Il était amer, mais ne s'inquiétait pas : les émotions lui passaient assez rapidement, généralement, et elles seraient remplacées par un plan.
Un plan en béton.
« Rira bien qui rira le dernier, Elliot Barthelemy. »
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Samuel avait décidé de ne pas en parler à ses deux meilleurs amis. Il les aimait beaucoup mais savait qu'ils n'étaient pas très discrets et ne voulait surtout pas qu'on le privât de son petit plaisir. Et au fond il savait très bien comment ils réagiraient et ce ne serait pas beau à voir. Il devait donc rester discret et régler ça seul : Thibault et Elliot non contents de l'insulter lui, avaient également pris le soin de cracher sur ses amis C'était impardonnable.
Il avait donc fait comme s'il était étonné en recevant le « bonjour » accompagné d'un sourire d'Elliot, le lendemain matin. Elise était bien trop surprise, tournant la tête comme une chouette pour suivre le blond alors qu'il s'éloignait pour rejoindre ses amis.
— Je rêve ou Elliot vient de t'adresser la parole ? fit Raphaël, fronçant les sourcils, doutant lui-même de ce qu'il venait de se passer.
Samuel devait juste hausser les épaules, ce qu'il fit :
— Il a dû me confondre avec quelqu'un d'autre. Et qui sait, c'est peut-être à toi qu'il a dit « bonjour », supposa le brun en remontant ses lunettes sur son nez pour cacher son sourire amusé.
Il prit le chemin de leur salle de classe comme si de rien n'était, sous le regard bluffé des deux autres, un peu sceptique, mais ils finirent par lui emboiter le pas et lancer la conversation sur autre chose.
Avec Elise, il y avait toujours mille sujets de conversation possibles : elle avait un avis sur tout et aimait débattre, surtout lorsque ça lui tenait à cœur. Mais qu'est-ce qui ne la préoccupait pas ? Elle avait un pied dans chaque cause au monde qu'elle défendait avec la même hargne : le féminisme, l'environnement, les droits des animaux, la lutte contre l'homophobie, l'égalité raciale, la pauvreté, les espèces en voie de disparition… Tout y passait. Aujourd'hui, c'était impossible d'acheter un paquet de céréales sans qu'elle vous parle de tout ce qu'implique sa fabrication.
C'était sûrement à cause de ce caractère qu'elle n'avait que peu d'amis qui acceptaient de la supporter.
Samuel la voyait juste comme une fille en avance sur son temps, âgée et triste dans sa tête, désabusée, et l'aimait beaucoup, malgré ses travers. Il avait peur du moment où tout le monde se rendrait compte que derrière ses vêtements trop larges et ses grandes lunettes se cachait une femme magnifique se tenait.
Pour le moment, elle avait encore du mal à coiffer ses cheveux bruns toujours indisciplinés.
Ils prirent leurs places habituelles, premiers comme toujours dans la classe, et alors que Elliot entrait dans la classe à son tour, entouré de sa bande, leurs regards se croisèrent : comment allait-il gérer cela ? Il se demandait si Elliot avait un vrai plan pour l'approcher, un plan qui développerait de la finesse, un minimum, pour ne pas qu'il se doute de quelque chose. Ce n'était pas à coup de « bonjour » tous les matins qu'il allait céder, en tout cas, donc il fallait que l'autre parti se donne un peu de mal…
Elliot se figea devant sa table, lui souriant et interrompant ses pensées par la même occasion.
— Je peux m'asseoir ici ?
« Dans quel genre de manga je suis ? » se demanda alors le brun, assis, devant lever la tête pour regarder l'autre.
« Il espère vraiment que je ne me doute de rien avec une approche aussi bidon ? »
Visiblement oui. Le regard devint interrogateur alors que la réponse tardait à venir et Samuel observa Victor, son voisin habituel, qui fronçait les sourcils, ne pouvant passer à cause d'Elliot. Victor n'était pas vraiment son ami, c'était juste un type sérieux qui passait son temps à étudier et à copier sur lui quand l'occasion se présentait.
— Bien sûr, fit Samuel en soupirant, détournant le regard alors qu'il s'installait.
Il ne ruinerait pas ses efforts. Pas tout de suite.
— Il y a un souci avec tes potes ? demanda-t-il alors que le cours avait commencé, étonné par le silence de l'autre qui notait tout précautionneusement.
Ils pouvaient chuchoter, leur professeur de français n'était pas trop sévère et n'entendait pas très bien. Quand une ou deux secondes s'écoulèrent, il regarda son nouveau voisin de table du coin de l'œil, observant son écriture brouillonne. C'était sûrement parce qu'il était gaucher et pressé, deux choses qui allaient parfois très mal ensemble.
— Pas vraiment, finit par dire Elliot, souriant (oui, Elliot souriait souvent), juste envie de changer un peu. Et nous n'avons jamais eu l'occasion de parler, donc… Pourquoi pas ? Ça t'embête ? Par rapport à Victor ?
Ils savaient tous les deux que Victor était un con mais ils firent semblant que c'était un argument valable tout de même.
— Non, ça ne me gêne pas, je suis juste surpris. Mais ce n'est pas désagréable, répondit Samuel tout en se détournant pour écouter le cours.
Et cacher son sourire.
L'heure de cours passa, sans grand mouvement. Le brun attendait le blond, à l'affût du moindre de ses mots, mais il finit par s'en désintéresser, bien trop pris par le cours pour s'occuper encore du jeune homme. Si Elliot ne copiait pas sur lui pendant les devoirs sur table, il pourrait presque le préférer à Victor. Il pourrait presque s'y habituer.
— Je voudrais que vous fassiez un petit travail par groupe de deux. Je vous ai fait une liste de livres et je voudrais que vous en choisissiez un et que vous prépariez une présentation orale...
« Par deux », voilà ce que détestait Samuel, sachant qu'il préférait laisser ses deux amis ensemble. Il n'aimait pas être avec d'autres gens et habituellement, Victor se proposait, parce que ça lui assurait d'avoir une bonne note.
D'ailleurs, Victor tapota le bras d'Elliot pour lui demander d'appeler Samuel qui avait le regard obstinément posé sur la prof, écoutant avec attention les consignes. Ne pouvait-il pas le faire seul ? Ce serait sûrement la meilleure chose à faire, il en avait marre de travailler en groupe, ça le ralentissait.
C'était sans compter sur le Pari, visiblement, puisqu'il entendit distinctement Elliot dire à Victor :
— Je veux aussi me mettre avec Samuel, Victor.
Si on lui avait dit qu'on se battrait un jour pour faire un exposé de français avec lui, il ne l'aurait pas cru... Son regard sombre se posa sur ses deux prétendants, ayant tout le mal du monde à cacher son amusement. Elliot était mauvais en français mais il y avait le Pari, jeu qui intriguait grandement Samuel, et Victor n'était pas très intéressant, il l'avait pratiqué un certain nombre de fois et le connaissait désormais assez bien.
Son choix était donc arrêté.
— Je me mettrais avec Elliot, désolé Victor, dit-il alors que la sonnerie se faisait entendre, Samuel mettant son stylo dans sa trousse. On va dire que ce sera ma bonne action, pour le bulletin de notes d'Elliot, ajouta-t-il, avec l'arrogance qui le caractérisait.
Les deux autres ne pouvaient argumenter : la moyenne de français du blond avait grandement besoin d'un coup de pouce, bien que Samuel savait que ce n'était pas pour cette raison que le basketteur se rapprochait de lui. Et heureusement, c'était presque rassurant.
Samuel sortait ses affaires pour le cours suivant, essayant d'ignorer les regards de ses deux amis, sur la table à côté de lui. Oui, il devait avoir l'air fou, mais Samuel avait toujours été différent, non ? Ils voulaient des explications mais il n'était vraiment pas certain que leur en donner les aiderait à comprendre : qui saisirait l'opportunité qu'on se moque de lui pour s'amuser à son tour ?
Mais derrière son apparence de garçon sage et sans histoire se cachait probablement un vrai sadique. Un sadique en colère.
Cette année promettait d'être divertissante.
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FIN DU CHAPITRE 01